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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 19:06

Robert-Charvin_19_avril_2013.jpgLe 21 mars 2013, une résolution du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies créait une commission chargée d'enquêter sur les droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Largement inspirée par les « travaux » d'officines néo-conservatrices américaines, cette commission a opportunément rendu son rapport le 17 février 2014, avec un mois d'avance sur le calendrier prévu, soit au moment d'une relative détente dans la péninsule coréenne et à la veille d'exercices militaires américano-sud-coréens controversés. Dans ces conditions, les conclusions du rapport sont forcément accablantes pour la RPDC. Voici l'analyse qu'en fait Robert Charvin, professeur émérite de droit (spécialisé dans les relations internationales) à l'Université de Nice Sophia-Antipolis et vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne.

Ayant participé en tant que juriste et professeur de droit international à diverses commissions d'enquête (en Angola, en Palestine, en Côte d'Ivoire et en Corée notamment), je crois connaître les difficultés extrêmes qu'il faut surmonter pour approcher une réalité toujours complexe et contradictoire.

Mais les gouvernements n'apprécient ni la complexité ni la contradiction. Ils ne recherchent pas les causes des phénomènes constatés. Les responsabilités incombent toujours aux « autres ». Les résultats des soi-disant « expertises » sont guidés par des objectifs stratégiques et non par une recherche « désintéressée » et « humanitaire ». Les organismes des Nations Unies n'échappent évidemment pas aux volontés étatiques : ils en sont le reflet. C'est flagrant pour le Conseil de sécurité, qui se comporte souvent comme un instrument de conflit et non de maintien de la paix.

C'est un fait aussi pour la plupart des autres organes qui tendent à s'incliner devant la volonté des puissances : à quoi a servi, par exemple, le rapport (modéré) Goldstone sur la question palestinienne ?

Aussi longtemps que l'ONU ne connaîtra pas une profonde démocratisation de ses structures et un véritable respect des dispositions de la Charte (notamment celles interdisant les ingérences et affirmant le respect de « l'égale souveraineté des États »), elle ne sera qu'un instrument plus ou moins « utile » aux grandes puissances, sachant que des organisations comme l'OTAN la contournent lorsqu'elle est « paralysée » par des oppositions entre grandes puissances.

Les rapports publiés par les Nations Unies sont donc inévitablement affectés par des arrières-pensées politiques : ils sont toujours « nuancés » lorsque des Puissances ou leurs alliés sont concernés (par exemple, Israël) ; ils sont sans réserve lorsque le pays mis en cause est petit et fait l'objet d'un consensus hostile plus ou moins large, ce qui est le cas de la RPDC, en raison d'une très longue résistance aux États-Unis et au Japon dans un espace jugé « vital » (de plus en plus) pour les intérêts américains. Imagine-t-on un rapport de même nature sur les libertés et les droits en Arabie Saoudite, au Qatar ou ….. au Texas ?

Cette facilité à accuser la RPDC sans la moindre preuve et la moindre retenue se vérifie à la lecture de tous les médias occidentaux qui, évidemment, ne connaissent rien du pays et de son histoire, mais écrivent sur lui sans complexe ni scrupule.

Il suffirait que le marché nord-coréen s'ouvre aux multinationales pour que le pays se retrouve dans « le meilleur des mondes ». L'Occident qui exerce encore une hégémonie (de plus en plus provisoire) sur le monde n'a aucun complexe : en pleine crise sociale, économique, politique et morale, il continue à donner des leçons à la planète entière (mais avec prudence lorsque ses adversaires sont de bons clients) et à intervenir avec son argent et ses soldats, dès lors que les rapports de force lui paraissent favorables.

Les États occidentaux qui pèsent sur les Nations Unies sont parfaitement indifférents aux droits de l'Homme dans le monde : ils instrumentalisent la question lorsqu'ils y trouvent intérêt. Le traitement des Palestiniens, victimes reconnues depuis plus d'un demi siècle, est significatif.

Le rapport des Nations Unies sur la RPDC ne fait que reprendre les analyses de quelques faux experts américains et européens, dont le travail n'a jamais suivi la moindre méthode scientifique et dont les financements sont en général très « particuliers ». Les rédacteurs auraient pu par exemple adopter la méthode élémentaire pour toute enquête du « contradictoire », consulter des ONG connaissant le terrain, (par exemple Caritas), interroger quelques personnalités qui ont visité le pays et qui se sont attachées à comprendre ce qu'elles ont vu et à remarquer ce qu'elles n'ont pas vu, etc...

En tout état de cause, se limiter à utiliser les analyses d'organisations qui inscrivent leur ligne d'action dans la stratégie occidentale et à ne rapporter que le témoignage de réfugiés nord-coréens dont le statut est incertain et donc leur sincérité limitée, porte atteinte au sérieux du rapport des Nations Unies.

La question fondamentale qui se pose aussi est de savoir quel est l'objectif poursuivi au moment même où le dialogue coréen nord-sud a repris. A l'évidence, il ne s'agit pas de favoriser l'amélioration de la situation du peuple coréen, avide de rapprochement et d'une future réunification.

Il ne s'agit pas non plus d'aider à la levée de l'embargo que subit la RPDC, origine essentielle de ses difficultés de développement, donc à l'ensemble des droits économiques et sociaux et par conséquences aux droits civils et politiques.

L'objectif n'est pas non plus de connaître la « vérité » par volonté d'un savoir qui ne préoccupe pas les États qui préfèrent ne pas savoir ce qui dérange !

Il était connu par avance que la population de la RPDC a connu et connaît encore des problèmes sérieux depuis la guerre dévastatrice de 1950-1953 qui a placé le pays en état de belligérance chronique jusqu'à nos jours (aucun traité de paix n'a été signé depuis 1953, malgré les demandes réitérées de Pyongyang). Il n'est pas besoin d'une Commission d'enquête pour savoir que l'inévitable militarisation d'une société placée sur une position de légitime défense (qui double l'absence de devises) n'est pas favorable au progrès des libertés.

Le rapport des Nations Unies conforte la stratégie de combat et d'isolement menée par les États-Unis et leurs alliés, y compris la France, depuis des décennies, quel qu'en soit le coût pour le peuple coréen.

Est-ce là la fonction d'une organisation chargée en principe du maintien de la paix et de la coopération pour le développement ?

Professeur Robert Charvin

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 00:33

Flag_of_the_United_Nations.svg.pngToute personne s'intéressant à la péninsule coréenne et suivant un peu les médias occidentaux a forcément entendu parler ces derniers jours de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), créée par une résolution du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en date du 21 mars 2013. Rendues publiques le 17 février 2014, les conclusions de la commission sont accablantes pour la RPD de Corée, puisque le rapport appelle à la comparution des dirigeants nord-coréens devant la Cour pénale internationale (CPI) - une hypothèse toutefois hautement improbable au regard de l'opposition de la Chine, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dès lors, quelle est la finalité réelle de ce rapport qui - comme souvent lorsqu'il s'agit de droits de l'homme en Corée du Nord - est publié opportunément à une période de relative détente dans la péninsule, et avec plus d'un mois d'avance sur le calendrier initialement prévu ? En fait, les travaux de la Commission d'enquête sont très largement la décalque de ceux menés par un collectif d'une quarantaine d'associations, au premier rang desquelles le Comité pour les Droits de l'homme en Corée du Nord (en anglais, Committee for Human Rights in North Korea, HRNK). Les "enquêtes" du HRNK sont largement controversées pour leur manque de fiabilité, le HRNK n'étant pas un organisme juridique présentant les garanties de sérieux et d'indépendance attendues d'un tribunal (même privé), mais bien l'une des multiples émanations de la sphère néo-conservatrice américaine qui, dans la foulée du discours de George W. Bush sur "l'axe du mal", cherche inlassablement l'effondrement des régimes jugés ennemis des Etats-Unis. Ayant travaillé main dans la main avec le HRNK, la Commission d'enquête des Nations Unies en a logiquement épousé les conclusions écrites d'avance, et qui ne nécessitaient donc ni de mener des auditions en face-à-face avec les personnes se disant victimes d'actes commis par les autorités nord-coréennes, ni de  conduire une enquête contradictoire avec les autorités nord-coréennes mises en cause - comme l'aurait pourtant fait un organisme juridique incontestable.

Il y a des reconnaissances en paternité qui peuvent être douloureuses. La bruyante satisfaction du HRNK - une association américaine autoproclamée de défense des droits de l'homme en Corée du Nord, en fait un lobby néo-conservateur - de retrouver dans le rapport de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPDC ses travaux et ses conclusions est un aveu accablant que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies est, comme son prédécesseur, un instrument du jeu des Etats et des lobbies. Le Conseil s'affirme comme un outil de la puissance américaine, pour justifier dans le cas nord-coréen un régime de sanctions dont les populations sont les premières, sinon les seules, victimes. Car l'argument des droits de l'homme ne sert que dans un seul sens : justifier le recours à tous les moyens, légaux comme illégaux, contre certains Etats dont le principal tort est de ne pas se plier à la volonté américaine, quand d'autres pays - l'Arabie Saoudite, ou hier le Chili de Pinochet - sont opportunément exempts de critiques par les mêmes défenseurs des droits de l'homme. Si le procédé est vieux comme la diplomatie, il est curieux de voir un média tel que le quotidien communiste français L'Humanité faire ainsi la promotion des néo-conservateurs américains sans le moindre travail d'analyse critique de la fiabilité des sources.

Ayant pleinement atteint ses objectifs, le HRNK n'a plus à cacher l'efficacité de son lobbying. Rappelons que l'un des fondateurs du HRNK, en 2001, est Nicholas Eberstadt de l'American Enterprise Institute, le think tank néo-conservateur qui avait inventé la notion d'axe du mal chère à George W. Bush. HRNK est co-dirigé par Suzanne Scholte, nostalgique de Ronald Reagan, membre de plusieurs organisations néo-conservatrices et fondatrice de la Fondation pour le forum de la défense, "ONG" financée jusqu'en 2001 par Donald Rumsfeld. Le premier rapporteur spécial pour la Corée du Nord nommé par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (prédécesseur du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies), désigné en 2004, Vittit Muntarbhorn, est ensuite devenu un membre éminent de HRNK. Et c'est HNRK qui a plaidé pendant des années pour que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies crée la Commission d'enquête pour les droits de l'homme des Nations Unies, dont il a fourni une bonne partie des matériaux ainsi recyclés sans le moindre examen contradictoire de leur valeur probatoire. Le nom même de la commission est quasi-identique à celui de l'ONG, introduisant une confusion intentionnelle sur le caractère officiel que veut se donner ladite ONG.

HNRK est le pivot d'une quarantaine d'associations regroupées dans la Coalition internationale pour stopper les crimes contre l'humanité en Corée du Nord (International Coalition to Stop Crimes against Humanity in North Korea, ICNK). ICNK est très active pour publier de nouvelles "révélations" sur les droits de l'homme en Corée du Nord dès lors qu'un possible dialogue avec la RPD de Corée pourrait conduire à la sortir de son isolement, ce qui est inacceptable pour les militants néo-conservateurs d'ICNK qui ont fait leur le credo de l'axe du mal de George W. Bush. Une des opérations d'ICNK a ainsi eu lieu au printemps 2012, lors de l'alternance politique en France : ICNK a rencontré le Président François Hollande et les responsables socialistes, ainsi que les diplomates proches du Parti socialiste au Quai d'Orsay, tout en publiant à la hâte deux livres chocs sur les droits de l'homme en Corée du Nord dont la promotion a été particulièrement appuyée dans notre pays : Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté et Corée du Nord : neuf ans pour fuir l'enfer. L'objectif était de faire oublier le succès d'image pour la RPD de Corée qu'avait été la représentation de l'orchestre Unhasu en France, et aussi de prévenir toute éventuelle sympathie du Gouvernement socialiste pour la Corée du Nord après le changement de cap en 1981, au lendemain de l'élection de François Mitterrand, comme le Gouvernement sud-coréen en avait exprimé la crainte.

Revenant sur les graves lacunes scientifiques des conditions dans lesquelles a été menée l'enquête, et notamment sur le témoignage douteux de Shin Dong-hyuk dans Rescapé du camp 14 que la commission onusienne s'est contenté de reprendre tel quel dans la droite ligne des militants de ICNK et de HNRK, Konstantin Asmolov, chercheur russe au Centre d'études coréennes à l'Institut des études d'Extrême-Orient, formule les observations suivantes :

"Comment la commission travaille-t-elle ? Les Nord-Coréens ne l'ont pas laissé entrer. Quand elle s'est rendue en Corée du Sud, au lieu de conversations en face-à-face avec les témoins, elle a organisé des auditions publiques. A ces auditions publiques il y avait 30 personnes qui ont raconté toutes sortes d'histoires horribles. Il y avait Shin Dong-hyuk qui ne parle pas avec un accent nord-coréen, et dont les mains sont celles d'un intellectuel plutôt que d'une personne qui aurait vécu dans un camp toute sa vie. La commission n'a pas procédé à un nombre suffisant d'entretiens privés pour pouvoir accuser le gouvernement [nord-coréen] de crimes de guerre et de famines, c'était un show."

Dans un entretien donné au quotidien La Croix, Jean-Vincent Brisset, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), souligne également les graves lacunes scientifiques du rapport publié par la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPD de Corée :

"Ce rapport pose de sérieuses questions sur le plan scientifique. Il a été rédigé sans aller en Corée du Nord, et uniquement sur la base de témoignages de gens qui disent avoir été victimes du régime. C’est une instruction strictement à charge. [...]

Par exemple, concernant les images satellites censées prouver l’existence des camps, je me souviens avoir vu, il y a quelques années, un certain nombre d’autres images satellites qui tendaient à prouver que la Corée du Nord avait fait un essai nucléaire et qui étaient des faux, ou qui étaient interprétées de manière fausse. [...]

Attention : ce que dit le rapport de l’ONU est assez vrai en ce qui concerne les exactions qui sont commises. Mais ne présenter que ce côté-là sans le replacer dans un contexte plus global démolit la validité de l’ensemble. Il aurait fallu parler de la manière dont les Etats-Unis ont géré le problème de la Corée du Nord, comment ils ont utilisé la Corée du Nord comme un repoussoir, ont empêché un certain nombre de réalisations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud… C’est un historique de trente ans !

Il y a une pensée unique autour de la Corée du Nord, et le rapport s’inscrit dans la continuité de cette pensée. Ce genre de rapport, quand il est fait de manière très sérieuse, peut être intéressant car il permet de solidifier des choses qui sont de l’ordre de la rumeur. Mais celui-ci est plutôt un rapport 'd’humeur', qui est fait en n’interviewant qu’une partie des intervenants
."

Nous partageons en effet pleinement le constat selon lequel le rapport n'est pas le fruit d'une démarche visant à des évolutions sur la question des droits de l'homme, puisque l'efficacité aurait alors commandé d'identifier des points de discussion avec les autorités nord-coréennes sur des sujets précis où un dialogue constructif peut s'engager. C'est par exemple ce que fait - partout dans le monde, mais pas en Corée du Nord - l'ambassadeur français chargé des droits de l'homme, conscient qu'aucun gouvernement au monde n'obtempère aux leçons de morale que peut lui administrer une puissance étrangère, dût-elle agir sous le couvert des Nations Unies. C'est aussi la démarche adoptée par le gouvernement britannique, quand il a soutenu la participation pour la première fois d'un athlète nord-coréen aux Jeux paralympiques - avec des résultats tangibles : la RPD de Corée communique aujourd'hui plus activement sur ses actions pour lutter contre le handicap sous ses différentes formes. En matière de droits de l'homme comme de diplomatie, l'Association d'amitié franco-coréenne considère qu'il est temps de ne plus pratiquer une politique discriminatoire du "deux poids, deux mesures" à l'encontre de la RPD de Corée et des populations nord-coréennes, prises en otage par le lobbying d'ONG qui sont le faux-nez d'organisations néo-conservatrices. Les activités de ces pseudo-humanitaires (car ont-elles jamais aidé les moindres populations en RPD de Corée ?) ont pour seul objectif de renforcer le plus sévère régime d'embargo au monde - avec toutes les conséquences néfastes qu'il entraîne sur le bien-être des populations, à commencer par le droit à la sécurité alimentaire.

Sources : AAFC, HRNK, La Croix
, Pravda. 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 17:00

300px-MitrokhinkgbLe contenu des archives Mitrokhine, du nom d'un archiviste du KGB (Vassili Mitrokhine) passé à l'Ouest, a donné lieu à diverses publications par l'intéressé, notamment un ouvrage publié avec Christopher Andrew et intitulé Le KGB à l'assaut du Tiers Monde. Si, comme souvent pour des ouvrages publiés par des agents (ou anciens agents) de services de renseignement, le parti pris de l'auteur doit inciter à une certaine prudence dans l'interprétation des sources (en l'occurrence, Mitrokhine a clairement comme objectif de critiquer le KGB), il n'y a apparemment guère de doute sur la réalité, en 1978, d'une opération de désinformation menée par le KGB à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). En l'occurrence, un faux document pakistanais remis à l'ambassade nord-coréenne à Islamabad prétendait que la Chine admettait la présence de troupes américaines en Corée du Sud. Si aujourd'hui une telle "intox" peut sembler maladroite (la présence de GIs américains au Sud de la péninsule, et peut-être demain jusque dans l'île de Jeju, vise en réalité autant la République populaire de Chine que la RPDC), le faux document pouvait avoir une certaine résonance dans le contexte, à cette époque, d'un rapprochement entre la Chine et les Etats-Unis. L'opération avait pour but d'éloigner  la Corée du Nord de la Chine et de permettre un retour de l'Union soviétique dans le jeu diplomatique et stratégique de la RPDC, notamment en matière de vente d'armes. Toutefois, comme Christopher Andrew et Vassili Mitrokhine le reconnaissent, d'autres facteurs plaidaient aussi pour un resserrement des liens entre Pyongyang et Moscou à la fin des années 1970 et au début des années 1980 - alors que la RPDC a poursuivi une politique d'équilibre dans ses relations avec la Chine et l'URSS pendant la Guerre froide, ce qui lui a permis d'assurer son indépendance vis-à-vis des grandes puissances. Nous reproduisons ci-après les extraits de l'ouvrage de Christopher Andrew et Vassili Mitrokhine sur cette opération de désinformation du KGB contre Pyongyang, et qui rappelle que de tout temps chaque pays a joué sa propre partition dans le monde du renseignement, en n'hésitant pas à surveiller et manipuler ses propres alliés.


"Le Service A tenta également de semer la discorde entre la Chine et la Corée du Nord. En 1978, lors de la visite du président pakistanais, le général Zia ul-Haq, à Pékin, l'ambassade nord-coréenne à Islamabad reçut un faux document pakistanais produit par le Service A, rapportant que les responsables chinois avaient informé le secrétaire d'Etat américain, Cyrus Vance, qu'ils admettaient la nécessité pour les troupes américaines de rester en Corée du Sud. Ainsi que l'avait escompté le Centre, les relations entre la Chine et la Corée du Nord se détériorèrent brutalement à la fin de la décennie. Les raisons en étaient toutefois beaucoup moins imputables aux opérations du KGB qu'à la méfiance des Nord-Coréens par rapport au rapprochement sino-américain. Le 1er janvier 1979, les Etats-Unis et la République populaire de Chine établirent des relations diplomatiques complètes. En février, les forces chinoises envahissaient le Vietnam, allié de l'Union soviétique, et, le mois suivant, on vit planer la menace de la première guerre entre Etats 'socialistes' Les fournitures militaires soviétiques à la Corée du Nord, qui avaient été suspendues en 1973, reprirent en 1979. En février 1980, le jour de la fête de l'Armée rouge, Pyongyang encensa de nouveau l' "amitié militantes" entre les forces militaires d'Union soviétique et celles de la Corée du Nord."

Source : Christopher Andrew et Vassili Mitrokhine, Le KGB à l'assaut du Tiers-Monde, Fayard, 2008 (version originale en anglais : 2005). Citations pp. 269-270.

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17 janvier 2014 5 17 /01 /janvier /2014 23:59

Le 15 janvier 2014, la Chambre des représentants des Etats-Unis a inscrit dans la loi l'obligation pour le Département d'Etat américain de mettre en application une résolution de 2007, tendant à faire pression sur le gouvernement japonais pour qu'il reconnaisse le crime constitué par l'esclavage sexuel de milliers de femmes asiatiques - dites "de réconfort" - dans les bordels de l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. Solidaire du combat des "femmes de réconfort", notamment lors de la visite de Mme Kim Bok-dong en France en septembre 2013, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) se félicite du vote de la Chambre des représentants, en appelant à ce que plus jamais les femmes ne soient des armes de guerre.

C'est un vote historique qu'a émis la Chambre des représentants du Congrès américain, le 15 janvier 2014, en inscrivant pour la première fois dans la loi un document annexé appelant le Département d'Etat américain à faire pression sur le gouvernement japonais pour qu'il prenne en compte les questions soulevées dans la résolution de la Chambre des représentants de 2007 sur les "femmes de réconfort" (H. Res. 121).

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Issue d'une action portée par le Conseil des électeurs américains (Korean American Voters’ Council, KAVC), la résolution de 2007 a été le fruit du combat mené par le député démocrate Mike Honda, d'origine japonaise, avec le soutien de son collègue - également démocrate - Steve Israel. Elle appelle le gouvernement japonais à reconnaître sa responsabilité dans les crimes de guerre qui ont été commis, à présenter des excuses officielles et à se conformer aux recommandations de la communauté internationale sur la nécessité d'éduquer et de sensibiliser sur ces questions la génération née après-guerre.

Le vote a une portée directe pour le gouvernement américain : le secrétaire d'Etat John Kerry et le Président Barack Obama sont tenus de mettre en oeuvre la résolution de 2007 dans les relations diplomatiques avec le Japon, au moment où une visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire Yasukuni, où sont honorés des criminels de guerre japonais, soulevait une tempête de protestations en Asie de l'Est et dans le monde. Il est plus que temps que le Japon reconnaisse ses erreurs du passé en se conformant aux standards démocratiques du droit international,  au regard des souffrances indélébiles endurées par les "femmes de réconfort".

Sources : AAFC, Hankyoreh (dont photo).

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 22:01

Une délégation du Parti du travail de Corée (PTC) a participé à la 15ème rencontre internationale des partis communistes et ouvriers, qui s'est tenue au Portugal à l'invitation du Parti communiste portugais (PCP). Une déclaration de soutien à la lutte du peuple coréen a été adoptée par les participants à la conférence le 10 novembre 2013. Auparavant, la délégation du PTC conduite par M. Ri Yong-chol, directeur adjoint de département au Comité central (CC) du PTC, a visité la France, où elle a notamment rencontré une délégation du bureau de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) (photo ci-dessous), les représentants à l'international de plusieurs partis politiques, ainsi que des parlementaires.

dejeuner_delegation_Parti-du-travail-de-Coree_Ri-yong-c.png
Après la disparition de l'Union soviétique et des démocraties populaires à l'Est de l'Europe, le Parti du travail de Corée (PTC) - au pouvoir en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - a repris le flambeau de la solidarité internationale au sein du mouvement communiste. En avril 1992, la déclaration de Pyongyang a été adoptée lors d'une conférence qui s'est tenue dans la capitale de la RPD de Corée. Les délégués de 70 partis - dont 48 chefs de parti - ont réaffirmé leur conviction dans l'idéal socialiste et l'émancipation des masses populaires, en estimant que "l'échec de l'édification du socialisme dans certains pays tenait d'abord à leur structure sociale qui ne convenait pas aux exigences fondamentales des masses populaires, et à la méconnaissance des exigences de la théorie du socialisme scientifique" (source : La Corée du XXe siècle en points, éditions en langues étrangères, Pyongyang, 2002, p. 151).

Dans le contexte nouveau de l'après guerre-froide, la RPD de Corée a aussi eu à faire face à des difficultés économiques engendrées par la disparition de l'URSS, et à un environnement international dominé par la superpuissance américaine. Ces données sont de nature à expliquer la priorité accordée à l'édification d'une puissance économique et à l'élévation du niveau de vie de la population, ainsi qu'à la recherche d'alliés face à la politique hostile des Etats-Unis vis-à-vis de la RPDC et de son système socialiste. Ces deux aspects figurent dans la déclaration adoptée par les participants à la 15ème rencontre internationale des partis communistes et ouvriers, au Portugal, le 10 novembre 2013, dont une délégation du PTC conduite par M. Ri Yong-chol, directeur adjoint du département international du Comité central du PTC.

Auparavant, la délégation avait visité la France, où elle a rencontré les représentants à l'international de plusieurs partis politiques ainsi que des parlementaires. Un déjeuner a été offert en l'honneur de la délégation par le bureau national de l'AAFC.

Des échanges qu'a eus la délégation en France est ressortie la volonté de réduire les tensions en Corée, par la voie du dialogue et de la négociation, en construisant la paix et la sécurité en Asie du Nord-Est. Un environnement pacifié est également propice à une présence accrue des investisseurs étrangers en RPD de Corée, alors que les autorités nord-coréennes ont annoncé la construction de zones économiques spéciales dans chacune des provinces.

L'AAFC soutient les efforts pour la reprise des pourparlers bilatéraux et multilatéraux, afin de permettre l'avènement d'une ère de paix et de prospérité dans l'ensemble de la péninsule coréenne.

Sources : AAFC, KCNA. Photo Alain Noguès     

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 00:56

Du 28 au 31 octobre 2013, le président mongol Tsakhiagiin Elbegdorj a effectué une visite d'Etat en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), à l'invitation de son homologue, le Président Kim Yong-nam, Président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême. La visite a permis de resserrer les relations d'amitié traditionnelles entre les deux pays, en mettant notamment l'accent sur les coopérations économiques - chacun des deux Etats cherchant à diversifier ses échanges, tant en ce qui concerne la RPD de Corée, dont la Chine est le principal allié et de loin le premier partenaire économique, que la Mongolie, qui a développé le concept de "troisièmes voisins", c'est-à-dire les pays tiers par rapport à la Chine et à la Russie.
    
Tsakhiagiin-Elbegdorj_Kim-Yong-nam_octobre-2013.jpg
La visite d'Etat du Président Tsakhiagiin Elbegdorj coïncidait avec le 65ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la RPD de Corée et la République de Mongolie, ainsi qu'avec le 25ème anniversaire de la seconde visite effectuée en Mongolie par le Président Kim Il-sung. La délégation mongole comprenait également Luvsanvandan Bold, ministre des Affaires étrangères et du commerce, Khaltmaa Battulga,  ministre de l'Industrie et de l'agriculture, Tsagaandari Enkhtuvshin, secretaire général du Conseil de sécurité nationale, Tseministerrendejid Byambajav, commandant en chef des forces armées, témoignant de la diversité des domaines de coopération - tant diplomatiques que stratégiques, culturels et économiques. Des accords bilatéraux sectoriels ont été signés lors de la visite, notamment pour renforcer les échanges économiques et stratégiques.

Outre le Président Kim Yong-nam, qui a offert un banquet au nom du praesidium de l'Assemblée populaire suprême, le chef de l'Etat mongol a rencontré le Premier ministre Pak Pong-ju et Choe Thae-bok, Président de l'Assemblée populaire suprême.

Lors du banquet, le Président Kim Yong-nam a rappelé que les relations traditionnelles d'amitié et de coopération entre les deux pays s'étaient fondées sur des échanges entre leurs dirigeants au plus haut niveau. Il a loué le niveau de développement économique et social atteint par la Mongolie et salué la volonté d'Oulan-Bator de développer une politique étrangère indépendante, basée sur la diversification des partenariats. Le Président Tsakhiagiin Elbegdorj s'est félicité du renforcement de l'amitié historique nouée entre la Mongolie et la République populaire démocratique de Corée, en soulignant qu'un consensus avait été atteint sur l'ensemble des sujets en discussion. Il a souhaité plein succès à la RPD de Corée sous la direction du Maréchal Kim Jong-un dans la construction d'un pays prospère, pour la paix et la réunification de la péninsule.

Le programme de visite comportait également un spectacle donné par la troupe Mansudae en l'honneur de la délégation, un match conjoint de jeunes Coréens et Mongols, des déplacements à Panmunjom et à l'Université Kim Il-sung, ainsi qu'une visite du Palais mémorial Kumsusan. Le Président Tsakhiagiin Elbegdorj a déposé une gerbe aux monuments des martyrs révolutionnaires, rendant ainsi hommage à la guérilla antijaponaise. Une rencontre a eu lieu à l'hôtel Yanggakdo devant des hommes d'affaires mongols et des responsables de l'économie nord-coréenne.

La Mongolie a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de participer  pleinement à la sécurité collective en Asie du Nord-Est, pouvant jouer un rôle de bons offices, ce qu'a implicitement rappelé le Président Tsakhiagiin Elbegdorj pendant sa visite par ses références à la paix et à la stabilité régionales. En outre, le port nord-coréen de Rason pourrait offrir un débouché maritime à l'économie mongole aujourd'hui en pleine expansion, qui bénéficie d'une exploitation accrue de son important potentiel minier. La RPD de Corée apparaît particulièrement intéressée par des échanges d'expériences avec la Mongolie dans l'élevage, domaine traditionnellement peu développé dans la péninsule coréenne. Elle a également bénéficié d'actions de solidarité du gouvernement mongol suite aux catastrophes naturelles ayant affecté ses récoltes.

Sources : AAFC, KCNA (dont photo).

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 23:05

2108dai_634495603100260000.jpgEgalement situé aux portes de la Chine, ayant dû subir une division nationale dans le contexte de la guerre froide, le Vietnam, comme la Corée, a dû affronter à la fois une période de domination coloniale puis s'engager dans une guerre où l'ennemi principal était américain. Dès lors, il était attendu que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), qui partage avec la République socialiste du Vietnam un système politique de démocratie populaire, salue la mémoire du général Vo Nguyen Giap, vainqueur par deux fois dans la lutte de libération nationale du Vietnam, contre les Français puis les Américains. Nous reproduisons ci-après, traduit de l'anglais, le communiqué de l'agence nord-coréenne KCNA, en date du 11 octobre 2013, rendant compte du message de condoléances des autorités de la RPD de Corée, adressé par le Président Kim Yong-nam, qui a rang de chef d'Etat, et qui souligne également le rôle joué par le général Giap dans le développement des relations d'amitié entre le Vietnam et la RPD de Corée.

"Kim Yong-nam, président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême de la RPDC, a envoyé vendredi [11 octobre 2013] un message de condoléances à la Commission d'Etat vietnamienne pour les funérailles de Vo Nguyen Giap, ancien membre du bureau politique du Comité central du Parti communiste vietnamien, ancien ministre de la Défense et ancien commandant en chef de l'Armée populaire vietnamienne.

Le message a souligné que Vo était un militant politique et un homme d'Etat de premier plan, ayant consacré toute sa vie à la lutte de libération nationale et à la cause du socialisme au Vietnam, depuis sa jeunesse, conformément aux intentions du Président Ho Chi Minh. Proche ami du peuple vietnamien, il a contribué aux relations amicales et de coopération entre la RPDC et le Vietnam.

Il a relevé que les nobles exploits accomplis par Vo pour son pays et son peuple resteront gravés dans le coeur du peuple vietnamien et des peuples progressistes du monde".

Source : KCNA (traduction de l'anglais AAFC). Image : blog Ilove-vietnam.blogspot.
 

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 23:29

Alors que la réouverture de la zone industrielle de Kaesong ouvrait l'espoir d'un cours nouveau dans la péninsule coréenne, le récent regain de tensions atteste que les conditions d'une restauration de la confiance, préalable à la reprise du dialogue entre les principaux acteurs impliqués (principalement, les deux Corée, les Etats-Unis et la Chine), ne sont toujours pas réunies. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) analyse les tenants et les aboutissants de la situation actuelle, dommageable aux intérêts de l'ensemble des parties. 

USS_George_Washington_-CVN-73-_F.jpgLes tensions actuelles ont un air de déjà vu. Des exercices militaires conjoints (dénommés SAREX) ont été lancés ce jeudi 10 octobre 2013 entre les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon, impliquant le porte-avions George Washington, (photo à gauche) qui peut transporter environ 70 aéronefs (avion de chasse, hélicoptères anti-sous-marins et avions d'alerte précoce). De vives protestations ont été émises par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) qui a mis ses troupes en état d'alerte et déclaré qu'elle répondrait à l'attaque par l'attaque, la notion fondamentale de riposte à ce qui serait une attaque en premier des Etats-Unis étant une fois encore absente de la plupart des articles de presse publiés en Occident. Le comité pour la réunification pacifique de la Corée, basé à Pyongyang, a en effet déclaré qu'en cas d' "attaque nucléaire", les ennemis s'exposeraient à une violente contre-attaque.

Des dénégations ont été présentées par les Etats-Unis sur le caractère prétendument pacifique de ces exercices, allant même cette fois-ci - probablement en raison de l'implication peu habituelle du Japon, que sa Constitution pacifiste interdit de s'engager ouvertement sur des théâtres d'opérations extérieures - jusqu'à les qualifier d' opérations "humanitaires" pour récupérer des épaves. Ce serait alors probablement la plus grande chasse au trésor - pardon, récupération d'épave - de l'histoire de l'humanité.  Enfin, en réponse, dans l'enchaînement h'abituel de mesures et contre-mesures, une tournée d'inspection  a été effectuée par le Maréchal Kim Jong-un de la RPDC. Selon KCNA, il a conduit personnellement les manoeuvres de nouveaux bâtiments militaires, lesquelles ont donc été quasi-simultanées aux exercices des Etats-Unis et de leurs alliés qui entraînent toujours des répliques de Pyongyang, de plus ou moins forte intensité, ainsi qu'un gel temporaire du dialogue ou des propositions de dialogue.

Pour comprendre le regain actuel des tensions, on peut certes mentionner la signature, lors d'une réunion annuelle le 2 octobre dernier, d'une "stratégie de dissuasion adaptée" par le ministre sud-coréen de la Défense Kim Kwan-jin et son homologue américain Chuck Hagel. Cette stratégie implique la possibilité de frappes "préventives" contre la RPD de Corée en cas d'attaque nucléaire.

Une interprétation erronnée consisterait à ne resituer l'épisode actuel que dans l'alternance de phases de dialogue et de tensions en Asie du Nord-Est. Car il y a bien eu un changement de ton et de calendrier : les exercices SAREX n'ont rien d'opérations qui seraient menées habituellement chaque année, et la réunion annuelle entre les ministres de la Défense américain et sud-coréen n'avait pas comme conséquence nécessaire la réaffirmation du principe d'une frappe préventive, c'est-à-dire d'une attaque laissée à la libre appréciation des Etats-Unis dès lors qu'ils estiment une menace avérée.

Certains observateurs ont prétendu que Pyongyang avait laissé jusqu'à fin septembre un délai à Washington pour revenir à la table des négociations. La vérité est que les Etats-Unis n'ont fait aucune proposition nouvelle - malgré les pressions en ce sens de Pékin - et ont choisi de montrer leurs muscles, au moment où le revirement du Président Obama sur le dossier syrien l'expose à des critiques en interne sur sa faiblesse supposée vis-à-vis des régimes qui ne sont pas les amis des Etats-Unis. Les déclarations récentes et les exercices militaires conjoints ne coûtent pas cher pour donner l'apparence de la fermeté à une puissance en réalité sur la défensive. Si le gouvernement américains a pu envisager un assouplissement de son refus de principe de reprise sans conditions du dialogue avec Pyongyang, comme auraient pu le permettre les avancées dans les relations intercoréennes, les réflexes conservateurs de l'appareil d'Etat ont en tout cas eu raison de ces velléités.

Selon nous, le principal facteur d'évolution se trouve en réalité à Séoul. Par le passé, Pyongyang a toujours adopté une position binaire : dialogue avec les gouvernements sud-coréens qui acceptent les échanges, confrontation et gel des relations dans l'hypothèse inverse. Le gouvernement de Mme Park Geun-hye est confronté à ce dilemme, pris entre des feux contradictoires dont a témoigné récemment une étrange cacophonie : alors que le chef des services de renseignement (NIS), auditionné par le Parlement sud-coréen, a affirmé le 8 octobre que la RPD de Corée avait repris ses activités d'enrichissement sur le site nucléaire de Yongbyon, le ministère de la Défense a démenti ces affirmations comme non confirmées. Un tel couac est très préoccupant : soit les services secrets sud-coréens ont échappé au contrôle gouvernemental et se permettent de prendre des initiatives propres, ce qui est contraire au devoir de loyauté de n'importe quel service de renseignement dans tout pays au monde ; soit le responsable du NIS, empêtré dans les scandales, lance des "ballons d'essai" pour sauver son administration - et son poste - avec l'accord tacite du gouvernement sud-coréen en grossissant la prétendue menace nord-coréenne. Selon le professeur Choi Jong-kun de l'Université Yonsei, en Corée du Sud, interrogé par le quotidien Hankyoreh, "le service national de renseignement se comporte actuellement comme l'organisation politique suprême (...) Le chef d'une agence de renseignement ne peut pas agir comme cela de manière autonome, sans l'accord explicite ou tacite du Président".

En tout état de cause, des contradictions internes traversent le camp conservateur sur la position à avoir vis-à-vis de la RPD de Corée (le NIS n'étant qu'un des porte-voix et soutiens habituels des faucons, sans disposer en dernier ressort du pouvoir décisionnel). C'est en ce sens qu'on peut interpréter les formules vis-à-vis de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye récemment employées par Pyongyang, et jugées irrespectueuses au Sud du 38ème parallèle (le même argument du respect n'étant d'ailleurs pas appliqué au Sud vis-à-vis des dirigeants nord-coréens...). C'est à la chef de l'Etat de faire usage de son autorité pour faire émerger une ligne politique claire, à moins qu'elle ne préfère rester dans l'ambiguïté comme l'avait fait son prédecesseur Lee Myung-bak - ce qui, au final, avait conduit les relations intercoréennes dans le mur. La Corée se trouve bien à un tournant décisif.

Sources : AFP, Hankyoreh (article en date du 10 octobre), KCNA, Xinhua (dépêches du 2 octobre et du 10 octobre)

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 21:30

Il y a dix ans se sont ouverts les pourparlers à six (réunissant les deux Corée, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon) qui, sous l'égide de la Chine, visent à la dénucléarisation de l'ensemble de la péninsule coréenne. Après la suspension du dialogue en 2009, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et la République populaire de Chine ont appelé à plusieurs reprises à la réouverture des discussions multilatérales, afin de trouver une réponse diplomatique à la question nucléaire. Cet engagement a été réaffirmé par les deux pays à l'occasion du dixième anniversaire de l'engagement des pourparlers à six, alors que certains chercheurs affirment que l'activité aurait repris sur le site du réacteur nucléaire de Yongbyon - une information restant toutefois à confirmer, auquel cas elle pourrait également s'interpréter comme un mouvement de Pyongyang pour inciter les Etats-Unis et leurs alliés à revenir à la table des négociations, conformément au principe de la diplomatie nord-coréenne qu'on ne négocie qu'en position de force. 

photo_1379516300484_1_0-193jke6.jpgLe 17 septembre 2013, à l'issue d'une rencontre entre Kim Kye-gwan, vice-ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée et principal négociateur sur la question nucléaire (photo à droite), et Wang Yi, ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, le ministère chinois des Affaires étrangères a rendu compte de la position nord-coréenne - partagée par la Chine - en faveur d'une reprise sans conditions des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la Corée ("nous sommes prêts à entrer dans les discussions à six sans conditions préalables") "afin d'assurer la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne". Cette nouvelle offre de dialogue multilatéral intervient dans un contexte de réchauffement des relations intercoréennes.

Le négociateur nord-coréen aux pourparlers à six a rappelé que la dénucléarisation de l'ensemble de la péninsule coréenne constituait le voeu du Président Kim Il-sung et un objectif politique de la RPD de Corée.

Kim Kye-gwan a ajouté que poser des préconditions serait l'expression d'une méfiance, et contraire à l'esprit de la déclaration du 19 septembre 2005 sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, adoptée dans le cadre des pourparlers à six.

Le 10 septembre 2013, Glyn Davies, représentant des Etats-Unis pour la Corée du Nord, avait rejeté le principe d'une reprise à court terme des pourparlers à six, sauf si la RPDC manifestait déjà sa volonté de revenir sur son programme nucléaire. S'il s'agissait de la réaffirmation de la position traditionnelle des Etats-Unis, il ne faut pas exclure que la Chine puisse peser efficacement sur les Etats-Unis pour explorer les voies d'une possible reprise des pourparlers à six, seul cadre viable pour une résolution négociée, par des moyens diplomatiques, de la question nucléaire dans la péninsule coréenne.

Sources : AAFC, AFP (dont photo), Bloomberg, Time.

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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 11:55

Dans un communiqué publié le 24 août 2013, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a cité l'Association des skieurs de la RPDC dénonçant l'application de la politique d'embargo des Nations Unies à l'encontre de la RPD de Corée pour empêcher l'achat d'équipements destinés à une station de sports d'hiver, dont la construction est en voie d'achèvement après avoir reçu à plusieurs reprises la visite du maréchal Kim Jong-un, au col Masik (photos ci-dessous, source Rodong Sinmun). Un exemple supplémentaire qui montre les incohérences et le ridicule de la politique de sanctions appliquée vis-à-vis de la RPD de Corée, où n'importe quel produit peut être interdit de vente sous le prétexte que le consommateur final pourrait appartenir à la direction du pays. L'AAFC décrypte le vrai enjeu des politiques d'embargo : étrangler économiquement les Etats qui ne veulent pas se soumettre au bon vouloir de l'hyperpuissance américaine.

 

Kim-Jong-Un station-de-ski Masik Corée-du-Nord

 

Initialement, la politique d'embargo à l'encontre de la RPD de Corée visait les équipements militaires et les technologies de pointe - ce qui n'a pourtant pas empêché le pays de se doter de l'arme nucléaire ni de capacités balistiques parmi les plus avancées au monde. Non contents d'imposer par ailleurs un embargo sur les opérations financières avec la Corée du Nord, les Etats-Unis et leurs affidés ont alors décidé d'élargir le champ des sanctions : sous leur impulsion, en 2009, après le second essai nucléaire de la RPDC, le Conseil de sécurité des Nation Unies a inclus tous les produits dits "de luxe", sans bien sûr en donner de définition. Ainsi, les bouteilles d'Evian et les balles de golf sont aujourd'hui interdites d'importation en RPD de Corée... en effet, n'était-il pas connu que le dirigeant Kim Jong-il jouait au golf ? Dans leur délire obsessionnel de prétendument viser la direction de la RPDC, ceux qui décident, seuls, du champ des sanctions se fichent sans doute pas mal de savoir s'il n'existe d'autres joueurs de golf en RPDC, ou s'il est normal d'interdire à un Pyongyangais de boire des eaux minérales importées d'Europe.

En réalité, derrière l'absurdité apparente des sanctions transparaît une logique implacable : mettre à genoux la RPDC en édictant des principes suffisamment flous pour être applicables à tout et n'importe quoi, en visant en fait tout équipement susceptible de contribuer à la modernisation économique du pays. Il suffira ensuite de faire accepter cet état de fait à l'opinion publique et à la presse occidentales en récitant la fable des sanctions ciblées contre les seuls dirigeants. Car, en matière d'embargo, la capacité des opinions publiques d'Europe et d'Amérique du Nord à accepter les sanctions les plus injustifiables est éprouvée. Les Etats-Unis n'ont-ils pas réussi naguère l'exploit d'affamer la population irakienne, alors que l'Irak est un des pays disposant des plus importantes réserves de pétrole au monde ? L'Irak était alors interdite d'exporter du pétrole, ou plutôt devait quémander des autorisations dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture" qui était une négation de ses droits élémentaires d'Etat souverain. Cette pratique d'embargo était par ailleurs mise en oeuvre pour le plus grand profit des autres pays producteurs de pétrole de l'OPEP, qui voyaient disparaître un sérieux concurrent, sans que les Etats-Unis et leurs acolytes ne trouvent à redire sur les droits de l'homme dans ces Etats qui sont leurs alliés. Le seul tort de l'Irak était bien de refuser de se soumettre aux diktats américains. Il en va aujourd'hui de même pour la RPD de Corée

 

N'importe qui ayant un peu visité la RPD de Corée s'apercevra que les pratiques sportives, culturelles et de loisir en RPDC sont très développées, proposées à un prix symbolique. Elles sont favorisées dès le plus jeune âge dans les palais des enfants qui, à travers tout le pays, accueillent les élèves les plus doués, et bien sûr quelle que soit leur appartenance sociale. Suivant la logique absurde des représentants des pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, interdira-t-on demain d'importer des violons ou des pinceaux en Corée du Nord ? Il est vrai que lesdits représentants n'ayant, pour la plupart, jamais mis les pieds en RPDC se contenteront certainement de rediffuser en boucle les légendes qui circulent sur le pays, notamment sur Internet, savamment distillées par les services secrets sud-coréens et leurs complaisants relais médiatiques, avides de scoops et d'histoires extraordinaires. Ces mêmes services n'ont-ils pas à deux reprises répandu la rumeur que l'équipe nord-coréenne de football avait fini en camp de rééducation, après ses qualifications en coupe du monde en 1966 et 2010 ? Pour l'équipe de 1966, un réalisateur britannique, Daniel Gordon, a tordu le coup à cette rumeur en réalisant un film sur l'épopée des joueurs coréens, retrouvés une génération plus tard. S'agissant des footballeurs de 2010, ils sont également réapparus dans d'autres compétitions internationales, révélant le peu de sérieux des informations pourtant distillées à grand bruit par certains titres de presse qui avaient cru  - consciemment ou non - à la fable des joueurs emprisonnés dans les pires conditions.

 

S'agissant des équipements pour la station de ski du col Masik, si l'agence KCNA ne cite pas le pays exportateur, selon l'agence Reuters la RPDC aurait passé commande à des sociétés suisses pour des télésièges et d'autres télécabines d'une valeur de sept millions de francs suisses (5,7 millions d'euros). Pour sa part, l'Association des skieurs de la RPDC citée par KCNA a dénoncé les pressions exercées par les Etats-Unis et une politique d'embargo qui vise les populations, en violation de la Charte des Nations Unies.

 

col_masik_pass_coree-du-nord_north-korea.jpg

 

Peu soucieux de recouper leurs informations, la plupart des médias occidentaux reprennent mot à mot les éléments de langage du gouvernement américain : la station de ski ne bénéficierait qu'à "l'élite" de la RPDC et les équipements incriminés sont donc des produits de luxe relevant de l'embargo...  Sidérant raisonnement qui qualifie un produit en fonction de ses consommateurs finaux ! Les Américains, les Français ou les Suisses utilisant les télécabines des stations de ski sont donc tous d'infâmes privilégiés, consommant des produits de luxe ? Il est vrai que tout consommateur d'une bouteille d'Evian a lui aussi accès à un luxe tapageur et inacceptable, si l'on suit la fine analyse du comité des Nations Unies chargé de la mise en oeuvre de l'embargo contre la RPDC...

Comme pour les millions de Coréens qui ont assisté aux spectacles de gymnastique de masse Arirang, ceux qui pratiqueront le ski à la station du col Masik ne seront évidemment pas des privilégiés. On retrouvera, parmi eux, des citoyens récompensés pour leur contribution au développement du pays, des habitants de la région - un peu comme si, en France, un habitant des Alpes fréquentait la station de sport d'hiver située près de son domicile, à cette différence fondamentale que, en RPDC, les loisirs sont quasi gratuits - ou encore des élèves sélectionnés pour leurs aptitudes sportives, la RPDC participant déjà régulièrement aux Jeux olympiques d'hiver, dont l'édition de 2018 se tiendra au Sud de la péninsule. Des voix se sont d'ailleurs élevées, de chaque côté de la péninsule, pour associer les deux Corée à cet événement. La construction de la station Masik ne doit-elle pas aussi être resituée dans ce contexte ?

 

Ceux qui, croisés de l'anticommunisme, néoconservateurs affolés par la réalité d'une RPDC dotée de l'arme nucléaire et devenue une puissance spatiale, sont les plus ardents défenseurs de l'embargo contre la RPD de Corée ont évidemment d'autres objectifs moins avouables : non seulement ruiner la Corée du Nord, mais aussi la frapper au moment le plus opportun. La station de Masik est presque terminée. En empêcher l'achèvement en frappant d'embargo des télésièges et des télécabines, c'est caresser le secret espoir qu'elle ne verra jamais le jour. On peut aussi imaginer leur jubilation à l'idée que les Nord-Coréens soient dans l'incapacité d'accueillir une partie des Jeux olympiques de 2018 comme l'idée en circule au Nord et au Sud de la péninsule coréenne, tout en entravant la possibilité pour les sportifs de la RPDC de s'entraîner dans des conditions satisfaisantes.

 

Il est désormais temps que la raison l'emporte, et que l'absurde politique d'embargo qui frappe d'abord - sinon exclusivement - les seules populations nord-coréennes soit enfin levée.

 

Sources : AAFC, KCNA (dépêche du 24 août 2013), Reuters (cité par  Les Echos).

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