Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 octobre 2016 2 11 /10 /octobre /2016 19:19

Depuis le 18 juin et jusqu'au 17 octobre 2016, le Musée national Adrien Dubouché à Limoges présente l'exposition Corée, 1886. Roman d'un voyageur, à partir de la figure centrale de Victor Collin de Plancy (1853-1922), qui a été le premier représentant officiel de la France en Corée entre 1888 et 1906. Cette exposition, très pédagogique, avait auparavant été présentée à la Manufacture de Sèvres (Cité de la Céramique), du 20 janvier au 20 juillet 2015 -  parallèlement à la présentation des œuvres de deux artistes coréens contemporains, Kim Yik-yung Kim et Kim Yeun-kyung, sous le titre colectif Corée mania. Nous revenons ci-après sur le rôle joué par le diplomate français, érudit et collectionneur, dans la constitution des collections de céramiques coréennes en France, à partir du catalogue de l'exposition.

Phénix dans un paysage fantastique (Musée Guimet)

Phénix dans un paysage fantastique (Musée Guimet)

Soucieux de faire connaître la culture coréenne en France, ayant favorisé les voyages en Corée de voyageurs (comme Charles Varat, à l'origine des collections coréennes du Musée Guimet), ethnographes et photographes, Victor Collin de Plancy joua un rôle fondamental dans la constitution des collections de céramiques coréennes en France en s'employant à regrouper des collections diverses, et l'exposition Roman d'un voyageur rend compte de ces échanges et de la découverte d'une culture alors inconnue des Français à partir, notamment, d'un riche fonds iconographique de photos.
 

Depuis sa fondation en 1806, le Musée des arts céramiques de la Manufacture de Sèvres avait bénéficié de dons et d'envois de collectionneurs, marins, diplomates ou voyageurs, et Victor Collin de Plancy s'inscrit dans cette tradition, avec l'envoi de 260 pièces de céramique coréenne lors de son premier séjour en Corée (1888-1891), inventoriées seulement en 1894, alors que les collections coréennes du Musée de Sèvres étaient très récentes - les deux premières pièces ayant été données en 1851 par le diplomate Charles de Montigny, qui avait fait naufrage sur les côtes coréennes alors qu'il était en poste à Shanghaï. Collin de Plancy reçu l'appui d'un autre érudit, basé à Pékin où il occupait une chaire de chimie, Anatole Adrien Billequin.

Les collections ont pris leur essor suite à un échange de dons : après que le Président de la République Sadi Carnot eut remis en 1889 un vase de Salamine et deux vases Clodion au roi de Corée, deux bols en céladon de l'époque Koryo (918-1392) ont été offerts en remerciement par le souverain coréen, et conservés dans les collections muséales françaises par un don du Président Sadi Carnot.

Collectionneur avisé, Victor Collin de Plancy a voulu que la politique d'acquisition de Sèvres reflète la diversité et la richesse des créations coréennes. En 1900, des pièces de la collection personnelle du diplomate français avaient été prêtées pour le pavillon coréen de l'exposition universelle. Sa collection personnelle fut dispersée en 1911.

D'autres pièces données ont en revanche mystérieusement disparu, comme celles données par Charles Varat après son voyage en Corée... Les carences de l'inventaire ont rajouté aux interrogations sur le devenir de ces pièces, et le fortuné Parisien ne figure pas dans la liste des donateurs du Musée de Sèvres.

Source : http://www.bulac.fr/conferences-rencontres/archives/cycle-dautres-regards-sur-le-monde-2014-2015/a-la-decouverte-de-la-coree/

Source : http://www.bulac.fr/conferences-rencontres/archives/cycle-dautres-regards-sur-le-monde-2014-2015/a-la-decouverte-de-la-coree/

Source : Roman d'un voyageur. Victor Collin de Plancy, l'histoire des collections coréennes en France, Sèvres, Musée de la Céramique, éditions Loubatières, 2015.

Partager cet article
Repost0
5 juin 2016 7 05 /06 /juin /2016 12:12

Il y a bien deux France et deux Corée (du Sud) qui se sont retrouvées face à face ces derniers jours. Côté cour, du 1er au 4 juin 2016, Mme Park Geun-hye a effectué une visite d'Etat en France - et a été reçue avec tous les honneurs dus à son rang par le Président François Hollance. Côté rue, une manifestation a été organisée place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin, par le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), en présence de représentants d'organisations sud-coréennes frappées par la répression à Séoul : l'Alliance coréenne et "Jeunes de gauche". L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), qui a soutenu la manifestation du CILD, revient sur cette dichotomie qui révèle deux conceptions différentes de la diplomatie française et des droits de l'homme. 

Deux France et deux Corée s'opposent lors de la visite de Mme Park Geun-hye en France

Au plan protocolaire, rien n'a manqué à la visite d'Etat en France de la Président sud-coréenne Mme Park Geun-hye : réception à l'Elysée, dîner d'Etat (et toast porté en son honneur), conférence de presse conjointe avec le Président François Hollande, et pour finir un tour rapide à Grenoble, où elle avait étudié six mois en 1974 - occasionnant accessoirement quelques embouteillages, les mêmes embouteillages qui - ironie du sort - servent de prétexte à restreindre la liberté de manifestation en Corée du Sud.

Mais de quoi ont bien pu parler M. Hollande et Mme Park ? De la situation politique en Corée du Sud, où Mme Park Geun-hye refuse de reconnaître sa défaite aux élections législatives du 13 avril 2016, en changeant de gouvernement et - accessoirement, si l'on peut dire - de ligne politique ? De juteux contrats économiques ? De coopérations culturelles, sportives, artistiques, dans le prolongement de l'année croisée France-Corée du Sud, qui coïncide avec le 130e anniversaire de l'établissement en 1886 des relations diplomatiques (qui, soit dit en passant, ont surtout été une ouverture forcée de la Corée sous l'effet de la politique de la canonnière) ? Il y a certes eu quelques contrats signés (notamment dans le domaine des nouvelles technologies, où les Sud-Coréens excellent), mais l'essentiel était ailleurs, si l'on s'en tient du moins aux thèmes abordés lors de la conférence de presse conjointe de François Hollande et Park Geun-hye : les deux chefs d'Etat ont surtout parlé d'un pays tiers, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Selon l'éclairant communiqué de l'agence de presse officielle sud-coréenne Yonhap,

La Corée du Nord est soumise aujourd’hui aux plus lourdes sanctions onusiennes pour son quatrième essai nucléaire et son lancement de fusée à longue portée du début de l'année. Elle continue toutefois à rejeter l’appel de la communauté internationale pour l'abandon de son programme nucléaire qu'elle considère comme un moyen de dissuasion contre la soi-disant politique hostile de Washington à son encontre.

En outre, Park et Hollande ont déclaré qu'ils mettront en œuvre de façon exhaustive les sanctions onusiennes contre le Nord et prendront des mesures additionnelles, si nécessaire, pour s'assurer que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire et s'engage sur la voie d'un changement véritable, selon le communiqué conjoint publié après le sommet.

Les deux pays ont enjoint la Corée du Nord d'améliorer la situation des droits de l'Homme en son sein et se sont dit inquiets de cette dernière.

http://french.yonhapnews.co.kr/national/2016/06/04/0300000000AFR20160604000200884.HTML

Des tensions dans la péninsule coréenne ? Selon ce communiqué, elles sont entièrement imputables à la Corée du Nord et il n'y aurait pas de politique hostile de Washington à l'encontre de Pyongyang. Si c'est réellement ce qui a été dit, rarement la France se sera alignée aussi étroitement sur les positions des néoconservateurs américains et sud-coréens en matière de politique étrangère. Ou M. Hollande se serait-il converti aux délires néoconservateurs va-t-en-guerre de ceux qui, hier, lançaient la guerre d'Irak en 2003, avec ces centaines de milliers de morts, ce qui a créé le terreau fertile où a ensuite prospéré le radicalisme islamiste djihadiste ?

Que M. Hollande s'inquiète des droits de l'homme au Nord est son libre choix, mais a-t-il eu au moins un mot pour les prisonniers politiques sud-coréens, dont l'un d'eux, Mme Kim Hye-young, est en train de mourir après avoir engagé une grève de la faim car elle ne reçoit pas de traitement approprié en prison ? Rien ne permet de penser que M. Hollande ait eu le moindre mot sur les atteintes gravissimes aux libertés démocratiques en Corée du Sud, alors que la lettre que lui a adressé Jean Salem, président du CILD, sur la libération des prisonniers politiques en Corée du Sud n'a même pas reçu un accusé de réception. Parler du Nord tout en fermant les yeux sur ce qui se passe au Sud, c'est adopter le point de vue des réactionnaires sud-coréens qui, hier tuaient des milliers d'opposants, aujourd'hui les emprisonnent et les torturent (avant de les tuer à nouveau ?) en arguant de la menace nord-coréenne et de la situation des droits de l'homme dans le Nord de la péninsule.

De la même façon qu'il honorait le ministre de l'Intérieur saoudien de la légion d'honneur, M. François Hollande a tenu à distinguer Mme Park Geun-hye : pour la première fois, un chef d'Etat étranger a été honoré du titre de doctor honoris causa par l'Université de médecine Pierre et Marie Curie, pour sa contribution (on ne rit pas) au développement, entre autres, de l'économie créative. Ceci n'a aucun rapport avec la médecine ? Ce n'est pas grave : il faut bien satisfaire les caprices de Mme Park, qui aurait tant aimé poursuivre des études en France.

Mais il y a une autre France, et une autre Corée du Sud : une France et une Corée du Sud qui, elles, se situent résolument du côté de la défense de la paix en Corée en favorisant le dialogue et pas la guerre, et de la libération des prisonniers politiques et de la fin de la répression contre les militants politiques et syndicaux.

La France et la Corée du Sud qui résistent à la guerre et refusent le fascisme manifestaient le soir du vendredi 3 juin 2016, à la fontaine Saint-Michel dans le sixième arrondissement de Paris, à l'appel du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, qui a établi un compte rendu détaillé. Ils n'étaient pas seuls, l'appel à manifester ayant été reproduit sur la page Facebook du Mouvement de la paix, et sur d'autres sites (notamment Mouvement communiste) tandis qu'un article de Lina Sankari dans L'Humanité, intitulé "A Paris, Séoul vend son capitalisme autoritaire", a repris les analyses du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), explicitement cité, sans malheureusement rappeler la date et le lieu de la manifestation, ni indiquer le site du CILD (l'article sur Internet n'étant lui qu'en version payante). Pour défendre les libertés démocratiques en Corée du Sud et stopper une dérive libérale (en économie) - autoritaire (en politique), l'AAFC appelle plus que jamais à rejoindre le CILD, face à une situation dont l'urgence est chaque jour plus avérée.

Autre source que celles citées dans l'article :

Partager cet article
Repost0
19 mai 2016 4 19 /05 /mai /2016 23:23

C'est une histoire aussi sinistre que rocambolesque qui a eu lieu en France et a impliqué les services de renseignement sud-coréens : en octobre 1979, l'ancien chef de l'Agence centrale de renseignement de Corée (du sud), la KCIA – prédécesseur de l'actuel Service national de renseignement (NIS)-, fut enlevé à Paris et éliminé par des agents aux ordres du régime sud-coréen de l'époque. Depuis 1979, malgré la mise en place d'une commission d'enquête en 2004, le mystère demeure sur les circonstances précises de cette affaire. Celle-ci est autant l'affaire d'une élimination, dans des conditions que certains qualifieront de « mafieuses », d'un ancien ami devenu gênant que l'affaire des différentes versions savamment distillées pour semer la confusion dans le public. Mais, malgré le brouillard volontairement entretenu, les services de renseignement sud-coréens apparaissent comme une organisation agissant selon le bon vouloir d'un régime alors dictatorial plutôt que selon la loi, en cumulant de manière exceptionnelle les compétences de la CIA et du FBI américains. Ainsi, en 1979, pour répondre aux besoins du régime sud-coréen aux abois, la KCIA a agi au mépris de la souveraineté d'un pays étranger – en l'occurrence la France – et même de la réputation internationale et de l'intérêt national de la République de Corée (du Sud).

L'ancien directeur de la KCIA, Kim Hyung-wook, lors de sa déposition devant la Chambre des représentants des Etats-Unis, en juin 1977

L'ancien directeur de la KCIA, Kim Hyung-wook, lors de sa déposition devant la Chambre des représentants des Etats-Unis, en juin 1977

Né en 1925, Kim Hyung-wook dirigea de 1963 à 1969 l'Agence centrale de renseignement de Corée (Korea Central Intelligence Agency, ou KCIA, nom de l'agence sud-coréenne de renseignement entre 1961 et 1981), se montrant d'une fidélité sans bornes à l'égard du général Park Chung-hee, à la tête de la Corée du Sud de 1961 à 1979 et père de l'actuelle présidente sud-coréenne Park Geun-hye. En particulier, Kim Hyung-wook pilota en 1967 l'enlèvement de 17 citoyens sud-coréens résidant en Allemagne de l'Ouest d'où ils furent rapatriés à Séoul pour y être torturés sur des accusations de violation de la loi de sécurité nationale sud-coréenne et d'activités pro-Corée du Nord. Cet enlèvement faillit provoquer la rupture des relations diplomatique entre la République fédérale d'Allemagne et la Corée du Sud.

Puis Kim Hyung-wook tomba en disgrâce, prit ses distances avec le régime de Park Chung-hee, et, finalement, se réfugia aux Etats-Unis en 1973. Pendant son exil américain, il se montra un farouche opposant au régime Park, révélant la corruption et l'oppression de ce dernier. En juin 1977, il témoigna devant la Sous-commission sur les organisations internationales de la Commission sur les relations internationales de la Chambre des représentants (Commission Fraser), enquêtant sur les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Là, l'ancien directeur de la KCIA dévoila notamment la corruption de membres du Congrès américain achetés par Park Chung-hee. En 1979, les mémoires de Kim Hyung-wook furent publiés au Japon, malgré les tentatives du régime Park de les bloquer.

Puis, en octobre 1979, Kim Hyung-wook se rendit en France, à Paris, où il disparut... quelques jours avant l'assassinat de Park Chung-hee par son propre chef des services de renseignement !

Depuis leur création, les services secrets sud-coréens – qu'il s'agisse de l'Agence centrale de renseignement, de l'Agence de planification de la sécurité nationale ou du Service national de renseignement – ont rarement hésité sur les moyens à employer, en Corée et à l'étranger. Ainsi, la KCIA aux ordres du général Park Chung-hee eut souvent recours à l'enlèvement et au meurtre vis-à-vis de ses opposants – dont l'enlèvement du futur président Kim Dae-jung, alors dissident, en 1973. Mais la disparition en 1979, à Paris, d'un ancien chef des services secrets sud-coréens devenu un farouche opposant au régime Park est sans doute l'énigme qui a suscité les hypothèses les plus folles.

Le 15 janvier 1981, parut dans le quotidien français Le Monde un article intitulé « Corée du Sud : un ancien chef des services secrets aurait été enlevé, à Paris, en octobre 1979 puis exécuté par Park-Chung-hee », présentant une version spectaculaire de la disparition de l'ancien chef de la KCIA, soufflée par de mystérieux « opposants sud-coréens » :

M. Kim Hyung-wook se serait mis à fréquenter les maisons de jeux, à Paris, en compagnie de M. Lee Sang-ryul, qui avait gagné sa confiance. Selon les opposants sud-coréens, celui-ci 'administra, alors, un anesthésique à M. Kim, en fit un colis qui passa sans problème à la douane et l'embarqua sur un avion cargo de la KAL (la compagnie aérienne sud-coréenne)', le 7 octobre [1979]. 'Le 16 octobre, poursuivent les opposants, alors qu'éclataient les émeutes de Pusan, M. Kim Hyung-wook, encadré d'agents de la KCIA, était introduit dans une pièce située au sous-sol de la Maison Bleue (la résidence du président)', où l'attendait Park Chung-hee, alors chef de l'Etat, qui devait être assassiné à son tour dix jours plus tard. Après un échange d'invectives 'le président Park exécuta lui-même M. Kim Hyung-wook, tirant à deux reprises sur lui, pratiquement à bout portant, tout en vociférant'. 

MBC, reportage du 28 novembre 1999 (à 9mn 45s)

Dans un reportage diffusé par la chaîne sud-coréenne MBC le 28 novembre 1999, Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde de 1996 à 2004, dit ne pas en savoir plus sur les sources de l'article du 15 janvier 1981 :

Comment cela a-t-il été écrit à l'époque ? Ceux qui traitaient ces sujets-là sont partis à la retraite ou ont quitté le journal. Donc le chef du service international de l'époque n'est plus au Monde, le responsable du desk Asie - ceux qui traitent les informations à Paris-même - n'est plus là. […] Je pense que c'était un des journalistes du service international, qui était en relation, ici, avec des opposants sud-coréens, qui a recueilli leurs témoignages et qui a donné cette information.

MBC, reportage du 28 novembre 1999 (à 10mn 15s)

Il fallut attendre 2005, soit 26 ans après les faits, pour qu'émerge une version officielle de la disparition de l'ancien chef de la KCIA. Sans lever toutes les interrogations, loin de là.

En Corée du Sud, pendant la présidence démocrate de l'ancien opposant Roh Moo-hyun, une Commission pour la vérité du Service national de renseignement fut créée, en novembre 2004, dans le but de conduire « des activités de recherche de la vérité concernant l'exercice illégal de la puissance publique par le NIS dans le passé, lequel a contribué à des abus en matière de droits de l'homme et à d'autres activités illégales ». Cette Commission pour la vérité était composée de membres de l'agence de renseignement et d'experts civils. En particulier, il était demandé au NIS de faire « tous les efforts pour gagner la confiance du public et empêcher de tels méfaits de se reproduire ».

Parmi les affaires troubles sur lesquelles devait se pencher la Commission pour la vérité figuraient, entre autres, l'enlèvement de citoyens sud-coréens en Allemagne en 1967, l'enlèvement de l'opposant Kim Dae-jung en 1973, la destruction en vol d'un avion de la compagnie sud-coréenne Korean Air en 1987 et, bien sûr, la disparition de Kim Hyung-wook.

Concernant la disparition de l'ancien directeur de l'agence de renseignement, la presse sud-coréenne se fit largement l'écho de l'enquête avant et après la publication du rapport de la Commission. La perspective d'une élucidation de cette affaire, après tant d'années de supputations diverses, fut perçue par les plus optimistes comme l'occasion de renforcer la démocratie et les droits de l'homme en Corée du Sud. Comme l'écrivait le journal sud-coréen de gauche Hankyoreh dans un éditorial du 19 février 2005 :

L'affaire montre la vérité hideuse et nue d'une dictature qui a utilisé un montant important de fonds publics pour tenter de calmer quelqu'un divulguant ses aberrations et allant finalement jusqu'à l'assassiner pour le faire taire à jamais. Le pays et le peuple étaient tenus à l'écart par une agence de renseignement qui était le fidèle serviteur d'un homme au pouvoir absolu. C'est la confirmation que le pouvoir absolu corrompt absolument.

"The Park Chung Hee Regime's Contract Murder", The Hankyoreh, 19 février 2005 (traduction : AAFC)

Toutefois, à mesure qu'approchait la fin de l'enquête de la Commission pour la vérité, les versions de la disparition de Kim Hyung-wook, parfois incohérentes, se multiplièrent dans les médias sud-coréens.

Le 18 février 2005, quelques semaines avant la publication du rapport officiel de la Commission pour la vérité, le supplément mensuel du quotidien sud-coréen conservateur Chosun Ilbo distillait l'information d'un meurtre perpétré par des criminels opérant pour le compte d'agents de la KCIA, suivant une version qu'on peut penser être de nature à plutôt disculper la KCIA (compte tenu de la proximité du quotidien avec les services de renseignement) tout en donnant corps à des rumeurs salissant l'ancien maître espion devenu opposant accusé à demi-mots de vénalité :

L'ancien directeur de la KCIA qui a disparu, Kim Hyung-wook, a été assassiné à Paris en 1979 par une organisation criminelle locale aux ordres d'un agent de la KCIA, rapporte le Monthly Chosun. Il est dit que la KCIA a attiré Kim dans la capitale française où le gang s'est débarrassé de son corps, un service pour lequel il a été payé par l'agent.
La dernière édition du magazine publiée vendredi cite le témoignage de plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA et de l'ancien député du Parti démocrate du millénaire Kim Gyeong-je, lequel fut le nègre de l'ancien directeur de la KCIA pour la rédaction de ses mémoires.
Mais l'agent désigné par les anciens responsables de la KCIA comme le cerveau de cette opération des services de renseignement à Paris a refusé de confirmer ces affirmations lors d'une rencontre avec le magazine.
Le magazine a rapporté qu'une actrice a été utilisée pour attirer Kim de son domicile dans le New Jersey à Paris,et que l'agent, se faisant passer pour un étudiant étranger, a guidé Kim dans la capitale française et l'a remis au gang parisien.
Dans un entretien accordé au Monthly Chosun, Kim Gyeong-je a dit que l'ancien chef de la KCIA lui a montré des 'lettres d'amour' envoyées par l'actrice d'origine coréenne juste avant qu'il disparaisse. L'ancien député a déclaré que Kim Hyung-wook est allé à Paris pour la rencontrer.
Plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA ont affirmé que l'agent de renseignement est revenu en Corée deux jours après le meurtre. Ils ont dit que les services de renseignement français ne faisaient que suspecter ce qui était arrivé mais ne disposaient pas d'assez d'éléments pour mener une enquête active. Les anciens responsables ont attesté que les services de renseignement sud-coréens, ayant tiré les leçons de l'enlèvement bâclé du dissident Kim Dae-jung [qui sera élu président de la Corée du Sud en 1997], n'étaient pas impliqués eux-mêmes dans l'élimination de Kim. A la place, ils ont embauché un gang français local pour faire le boulot.
Pendant ce temps, Yun Il-gyun, qui était à l'époque le vice-directeur des opérations extérieures de la KCIA, a dit au Monthly Chosun qu'il s'est rendu au domicile de Kim dans le New Jersey en novembre 1978, et, après trois jours de négociations, a obtenu le manuscrit original des mémoires de l'ancien maître espion en échange de 500 000 dollars.
Mais Kim est revenu sur l'accord et a publié ses mémoires au Japon en avril 1979, date à laquelle les opérations ponctuelles destinées à empêcher leur publication ont cessé, a affirmé Yun. Son témoignage met fin à la croyance répandue que la KCIA avait offert à Kim 1,5 million de dollars pour arrêter la publication de ses mémoires, et que Kim est allé à Paris pour récupérer le million de dollars qu'il n'avait pas encore reçu.

"Former Spy Master Was Murdered by Paris Gang: Monthly Chosun", Chosun Ilbo, 18 février 2005 (traduction : AAFC)

Le 11 avril 2005, le magazine sud-coréen Sisa Journal, réputé pour le sérieux de ses analyses, sortit un scoop dans lequel un ancien agent de la KCIA, répondant au nom de Lee, avouait avoir enlevé et assassiné Kim Hyung-wook à Paris dans des conditions particulièrement sordides :

Nous avons enlevé l'ancien chef de la KCIA Kim Hyung-wook à Paris le 7 octobre 1979 dans un restaurant proche d'un casino. Nous surveillions l'entrée du restaurant où Kim avait prévu de rencontrer une actrice coréenne, et nous l'avons enlevé en prétendant être envoyés par l'actrice. Nous avons anesthésié Kim dans une Cadillac, nous l'avons emmené la nuit suivante dans un élevage de poulets situé à quatre kilomètres au nord-ouest de Paris, et nous l'avons jeté dans un broyeur pour en faire de l'aliment pour les volailles.

Cité dans "The assassination of Kim Hyung-wook", Antti Leppänen's notes on Korea, 12 avril 2005 (traduction : AAFC)

Au Sisa Journal, l'ancien agent livra aussi des détails sur la préparation et les suites de la mission : en 1978, M. Lee et les autres membres de l'équipe furent envoyés en Israël pour y être entraînés par le Mossad (le service de renseignement extérieur israélien). L'équipe chargée de l'assassinat quitta Israël dans un avion cargo et arriva en Belgique où les attendait une voiture pour les conduire à Paris. Ils restèrent à Paris seulement deux jours et, une fois leur mission accomplie, allèrent vers le sud, traversèrent la frontière espagnole comme de simples randonneurs et gagnèrent Gibraltar pour revenir en Israël toujours par avion cargo. Enfin, ils rentrèrent en Corée du Sud en passant par le Japon.

Mais Lee refusa de révéler si Park Chung-hee avait donné l'ordre d'éliminer Kim Hyung-wook. Ce détail avait son importance : une implication directe du président Park Chung-hee dans l'assassinat de son ancien chef des services secrets, en territoire étranger de surcroît, auraient pu ruiner les ambitions politiques de sa fille, alors à la tête du parti conservateur d'opposition en Corée du Sud. Comme l'écrivait le quotidien sud-coréen Dong-A Ilbo le 4 février 2005 :

S'il est avéré que l'ancien président Park a directement ordonné d'enlever et d'assassiner Kim Hyung-wook, cela pourrait porter un coup fatal à la fille de l'ancien président et actuelle dirigeante du Grand Parti national, Park Geun-hye, laquelle a repris l'actif et le passif de son père.

"A Statement about the Case of Missing Kim Hyeong-wook", The Dong-A Ilbo, 4 février 2005 (traduction : AAFC)

Bien sûr, les aveux de l'agent Lee au Sisa Journal firent réagir le NIS et la Commission pour la vérité. Le 26 avril 2005, un article du site sud-coréen Ohmynews cita une source du NIS participant à la Commission et selon laquelle les personnes impliquées dans l'affaire Kim Hyung-wook étaient prêtes à livrer leur « confession de conscience ». En revanche, toujours selon cette source, le NIS ne disposait d'aucun élément démontrant que la personne ayant parlé au Sisa Journal était bien un agent de la KCIA. Un autre élément particulièrement macabre du récit de M. Lee était pointé pour son incohérence par le chef de la Commission lui-même, le pasteur Oh Chung-il : comment transformer un corps humain en aliments pour volailles alors que ce type d'aliment est composé de matières sèches ?

Le 3 mai 2005, un autre article du site Ohmynews fit état de l'enquête menée par des journalistes de la chaîne MBC venus en France pour y vérifier les déclarations faites par M. Lee au Sisa Journal. En France, les journalistes de MBC découvrirent que le type de broyeur d'aliments pour volailles dans lequel Kim Hyung-wook était censé avoir été tué n'était pas en usage dans les années 1970. Quant à l'actrice qui, selon M. Lee, avait servi d'appât pour attirer Kim Hyung-wook à Paris, elle niait catégoriquement s'être trouvée dans cette partie du monde à l'époque.

Pressée par ces révélations multiples, la Commission pour la vérité du Service national de renseignement publia un rapport intermédiaire sur l'affaire Kim Hyung-wook le 25 mai 2005 (le rapport final de la Commission, rassemblant toutes les affaires étudiées, ne sera publié qu'en 2007).

La version contenue dans ce rapport était quelque peu différente des versions avancées précédemment : d'après la Commission, Kim Hyung-wook avait été liquidé à Paris le 7 octobre 1979 par des agents de la KCIA et des hommes de main embauchés pour accomplir la sale besogne, et son cadavre abandonné dans une forêt. Dans son compte rendu du rapport de la Commission pour la vérité, le quotidien sud-coréen JoongAng Ilbo écrivait le 26 mai 2005 :

Selon le rapport du service de renseignement, Kim Jae-kyu, qui dirigeait l'agence entre 1976 et 1979, ordonna aux responsables de l'agence en France de tuer l'ancien chef espion 'renégat'
Le rapport présente en détail comment Kim Jae-kyu demanda en septembre 1979 à Lee Sang-yul, alors principal agent de la KCIA à Paris, d'organiser l'assassinat. Le rapport dit que M. Lee fit appel à deux fonctionnaires de l'agence à Paris ainsi qu'à deux Européens de l'Est pour accomplir le meurtre.
Le 7 octobre 1979, Kim Hyung-wook appela M. Lee pour emprunter de l'argent, affirme le rapport. Monsieur Lee fit venir l'ancien chef espion aux Champs-Elysées en lui disant qu'il lui présenterait des prêteurs.
Les fonctionnaires de l'agence et les Européens de l'Est enlevèrent M. Kim en utilisant la voiture officielle de M. Lee. Les deux Européens de l'Est possédaient un pistolet fourni par les membres de l'agence d'espionnage [sud-]coréenne. Le rapport affirme qu'ils ont tué M. Kim de sept balles dans une petite forêt à l'extérieur de Paris. Puis ils ont recouvert son corps de feuilles avant de quitter les lieux. Les agents coréens ont refusé de révéler où ils avaient abandonné le cadavre de M. Kim, a déclaré le service.
Le service de renseignement a dit que la description des événements était basée sur les déclarations des fonctionnaires coréens de l'agence et sur des documents internes du service de l'époque. Il a dit que M. Lee, figure clé de l'affaire, a refusé de faire la moindre déclaration. Les journalistes ont tenté en vain de contacter M. Lee.
Kim Jae-kyu a été exécuté en 1980 pour avoir assassiné Park Chung-hee. Un responsable du renseignement a déclaré hier : 'Il n'a pas été établi que le Président Park a demandé à Kim Jae-kyu de tuer Kim Hyung-wook. Nous avons besoin d'informations supplémentaires.'

"Spy agency exposes 1979 murder of head of KCIA", JoongAng Ilbo, 26 mai 2005 (traduction : AAFC)

Le rapport de la Commission offrait donc une nouvelle version de l'histoire (la troisième) et était loin de répondre à toutes les questions : Lee Sang-yul, si prolixe avec le Sisa Journal un mois plus tôt, était soudain devenu muet. Quant à l'absence d'« informations supplémentaires » permettant, notamment, d'établir l'existence d'un ordre direct de Park Chung-hee d'éliminer son ancien homme de confiance, l'opinion y était préparée dès le mois de mars 2005 quand on apprit que des documents utiles à la manifestation de la vérité avaient mystérieusement disparu, probablement détruits par les services de renseignement eux-mêmes :

On a appris […] que des documents importants relatifs à la disparition de l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA), Kim Hyung-wook et à l'enlèvement de l'ancien président, alors dissident, Kim Dae-jung, ne sont plus en possession du Service national de renseignement (NIS), amenant certains à penser qu'ils ont été détruits. La Commission pour la vérité enquêtant sur des incidents suspects du passé de l'agence nationale de renseignement a déclaré avoir obtenu des documents du renseignement au sujet du directeur de la KCIA qui a disparu, lequel avait fui aux Etats-Unis en 1973 et menait des activités en opposition au président de l'époque, Park Chung-hee, mais qu'il n'existe aucun rapport sur les mouvements de Kim à partir de la veille de son arrivée à Paris le 1er octobre 1979. Kim a disparu quelques jours plus tard, le 7 octobre. La Commission enquête sur la possibilité que ces documents aient été intentionnellement détruits. Elle a appelé à témoigner plusieurs personnes liées à l'affaire, dont Lee Sang-yul, un ancien agent de renseignement qui opérait alors en France sous couverture d'un fonctionnaire de l'ambassade [de Corée du Sud], mais elle affirme qu'elles ne se montrent pas coopératives.

"Missing Intelligence Files Threaten to Scupper Probe", The Chosun Ilbo, 17 mars 2005 (traduction : AAFC)

L'absence de preuves démontrant un ordre direct de Park Chung-hee déçut les défenseurs de la démocratie en Corée du Sud, comme le journal Hankyoreh qui écrivait dans un éditorial du 27 mai 2005 :

On ne peut pas dire que l'affaire Kim Hyung-wook a été révélée dans sa totalité. Il est difficile de croire l'explication selon laquelle la KCIA a fait seule ce qu'elle a fait, juste pour se protéger elle-même. La KCIA était une organisation subordonnée à Park, les événements menant directement à ce qui est arrivé concernaient la publication par Kim de mémoires traitant de détails intimes du régime et son témoignage à leur sujet devant une commission de la Chambre des représentants des Etats-Unis, et, de plus, Park montra en plusieurs occasions sa rage et son sentiment de trahison. Il y a besoin d'une clarification sur l'existence ou non d'un ordre de Park [pour éliminer Kim Hyung-wook]. Il y a eu tant de controverse quant à savoir si la KCIA avait entrepris d'elle-même d'enlever Kim Dae-jung en 1973, que ce serait beaucoup de penser qu'elle aurait pu fait une telle chose de sa propre initiative plus tard.

"Would Kim Jae Kyu Alone Have Kim Hyung Wook Killed?", The Hankyoreh, 27 mai 2005 (traduction : AAFC)

De leur côté, le Grand Parti national et les médias conservateurs sud-coréens, opposés au Président Roh Moo-hyun et méprisant la Commission pour la vérité du Service national de renseignement, n'avaient de cesse de mettre en doute la crédibilité de cette dernière. Ainsi, deux jours après la sortie du rapport de la Commission, le Chosun Ilbo, principal organe conservateur en Corée du Sud, publia un article critiquant un rapport « plein d'angles morts » et appelant à « enquêter sur la Commission » :

Une Commission pour la vérité du Service national de renseignement (NIS) sondant des épisodes troubles du passé du service a décidé de mettre fin, pour ainsi dire, à un mystère qui ne veut pas partir, à savoir ce qui est arrivé à l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA) Kim Hyung-wook. Tout ce que nous savons avec certitude est qu'il a disparu pendant la présidence de Park Chung-hee.
La Commission pour la vérité a publié un rapport intermédiaire dans lequel nous apprenons que des agents de la KCIA basés à Paris, sur les ordres du successeur de Kim à la tête de la KCIA, et un duo de gangsters d'Europe de l'Est qu'ils ont embauchés pour 100 000 dollars, ont emmené l'ancien maître espion dans une forêt à l'extérieur de Paris et l'ont abattu avec un pistolet à silencieux.
Il est dit que les témoignages en ce sens proviennent de l'homme de la KCIA à Paris à l'époque, Shin Hyeon-jin, qui a pris part à l'opération. Mais le rapport est plein d'angles morts.
Pour commencer, il est écrit dans le rapport que les tueurs ont recouvert le corps de Kim avec des feuilles mortes avant de quitter les lieux. Il a été dit que ces bois où Kim a été assassiné étaient situés à 50 mètres d'une route de banlieue. Il est donc difficile d'avaler que personne ne soit venu à cet endroit en 26 ans. Où sont passés les restes de Kim ? Shin, en tout cas, n'a pas pu se rappeler où se trouvent les bois, révèle la Commission. La cible du meurtre qu'il a commis était l'ancien chef de son organisation, mais Shin ne peut pas se rappeler où il l'a fait. Cela n'a aucun sens.
La Commission n'a pas non plus été en mesure de fournir des preuves matérielles parce que les tueurs ont égaré le pistolet à silencieux.
Parmi les dix membres civils de la Commision, aucun n'a rencontré Shin, apparemment. Les membres civils sont placés là pour surveiller la Commission afin que le NIS, qui est après tout la partie probablement coupable dans ces épisodes troubles, ne puisse pas fabriquer les résultats de l'enquête qui lui conviennent. Et ces membres civils ont simplement entériné ce que les responsables du NIS leur ont dit de leur enquête sur leurs anciens collègues et n'ont demandé aucune autre preuve.
Pourquoi cette hâte ? Quelle urgence a incité la Commission à rendre publics les résultats de cette enquête bâclée ? Si les questions sur le passé sombre de l'agence finissent par donner naissance à davantage de soupçons et de théories du complot, nous devrons mettre en place une autre commission pour la vérité afin d'enquêter sur la Commission pour la vérité.

"Whom Is the NIS Trying to Fool?", The Chosun Ilbo, 27 mai 2005 (traduction : AAFC)

Il est vrai que les conclusions de l'enquête de la Commission pour la vérité étaient loin d'être satisfaisantes. Mais, à la décharge de la Commission, les conservateurs sud-coréens, par l'intermédiaire de leurs médias, quand ce ne sont pas les services de renseignement eux-mêmes, ont bien contribué à embrouiller les choses et à lui mettre des battons dans les roues, y compris en répandant des rumeurs et en dissimulant des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité.

Ainsi, quelques jours avant la publication du rapport de la Commission pour la vérité, la presse sud-coréenne fit état d'une nouvelle version (la quatrième, au moins) de la disparition de Kim Hyung-wook, à partir d'un « document déclassifié » américain contredisant l'hypothèse d'un assassinat à Paris. Le 20 mai 2005, il était écrit dans le Chosun Ilbo :

Un document déclassifié du département d'Etat américain contredit l'histoire selon laquelle l'ancien directeur de la KCIA Kim Hyung-wook a été attiré à Paris et assassiné dans des circonstances tout droit sorties d'un thriller d'espionnage, donnant une nouvelle vie à un mystère qui refuse de partir. Le document indique aussi que Kim s'est évaporé le 9 octobre 1979, deux jours après ce qu'on pensait.
L'édition de New York du Hankuk Ilbo a rapporté qu'un 'Rapport hebdomadaire sur la situation en Corée' adressé par le département d'Etat à l'ambassade des Etats-Unis en Corée [du Sud] le 29 février 1980 a affirmé être certain que Kim avait quitté Paris le 9 octobre avec un autre Coréen et s'était rendu à Dhahran en Arabie Saoudite en passant par Zurich en Suisse. C'est là qu'on perd sa trace.
Le rapport a dit que l'ambassade du Japon à Washington avait donné au département d'Etat les résultats des investigations menées en continu par Tokyo avec la police de Paris [sic] concernant la disparition de Kim. Il a ajouté que la police française n'avait pas eu d'autre choix que de clore son enquête après la confirmation que Kim était parti pour l'Arabie Saoudite.

"Ex-KCIA Chief 'Not Murdered in Paris'", The Chosun Ilbo, 20 mai 2005 (traduction : AAFC)

Malgré le brouillage volontaire des pistes, toutes les versions - ou presque - de l'affaire Kim Hyung-wook s'accordent sur un point : des agents sud-coréens en poste à Paris ont joué un rôle dans la disparition de l'ancien chef de la KCIA, suivie de son meurtre probable. Plongés dans la tourmente de révélations sur un passé peu glorieux, les services de renseignement sud-coréens ont plus tard su se montrer reconnaissants pour le soutien apporté par la fille du général Park et ses amis conservateurs. Le retour d'ascenseur a pris la forme d'une élection présidentielle manipulée en 2012... La fille du général Park Chung-hee est désormais au pouvoir en Corée du Sud et les services de renseignement sud-coréens, rebaptisés NIS en 1999, peuvent à nouveau se comporter en dignes héritiers de la KCIA de la « grande époque ». En Corée comme à l'étranger.

 

Sources :

Partager cet article
Repost0
2 avril 2016 6 02 /04 /avril /2016 11:31

Le 16 avril 2014, le naufrage du ferry Sewol a causé la mort de 304 passagers, pour la plupart des lycéens en voyage scolaire. La gestion calamiteuse de la catastrophe et les manoeuvres des conservateurs pour empêcher toute enquête indépendante ont soulevé la colère des familles des victimes et de l’opinion publique. Le film The Truth Shall Not Sink with Sewol (« La vérité ne doit pas couler avec le Sewol »), co-réalisé par le journaliste Lee Sang-ho et le documentariste Ahn Hae-ryong, a révélé ces démarches des autorités sud-coréennes qui ont réagi par la pratique de la censure : elles ont d'abord tout fait pour déprogrammer la projection du film lors du prestigieux Festival international du film de Pusan, et comme les organisateurs du festival refusaient de céder, elles ont pratiqué l'intimidation et les rétorsions financières, ainsi que l'a détaillé un article du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud. A l'occasion du deuxième anniversaire de la tragédie, deux projections exceptionnelles du film ont cependant lieu à Paris, les 15 et 16 avril 2016 : des projections-débats exceptionnelles en France, auxquelles il faut assister pour comprendre et montrer que la liberté doit l'emporter sur les manoeuvres et les intimidations d'un pouvoir autoritaire.

"La vérité ne doit pas couler avec le Sewol" : projections exceptionnelles à Paris du film que les autorités sud-coréennes veulent censurer

Première projection-débat : vendredi 15 avril 2016 (18h-21h), EHESS (105 boulevard Raspail, 75006 Paris), amphithéâtre François Furet

Entrée libre dans la limite des 300 places disponibles.

17.00 : accueil des intervenants par le collectif organisateur.
18.00 : projection documentaire en VOST français (accueil du public, présentation & projection).
19.30 : débat à l'issue de la projection (fin à 21.00).

 

Deuxième projection-débat : samedi 16 avril 2016 (19h-22h), Inalco - Langues' O (65 rue des Grands Moulins, 75013 Paris), grand amphithéâtre

Entrée libre dans la limite des 400 places disponibles.

18.00 : accueil des intervenants par le collectif organisateur.
19.00 : projection documentaire en VOST français (accueil du public, présentation & projection).
20.30 : débat à l'issue de la projection (fin à 22.00)

Plus d'informations sur les deux événements sur Facebook :

Partager cet article
Repost0
23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 18:26

En août 2015, dix étudiants en coréen de l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) ont effectué un séjour d'études d'une quarantaine de jours à l'Université Kim Il-sung, la plus prestigieuse université de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est revenue sur cet échange, mis en place par le Professeur Patrick Maurus de l'INALCO, lors d'une conférence qui s'est tenue à Paris, le 21 mars 2016, avec cinq des étudiants français ayant participé à ce programme.

Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO

Etudier le coréen se résume bien trop souvent, dans les pays occidentaux, à ne connaître que la partie Sud de la péninsule coréenne - tant il est vrai que les ambassades sud-coréennes dans le monde s'emploient à ce que la Corée soit abordée de leur seul point de vue. Cette hémiplégie n'est pas propre aux études universitaires, les années croisées France-Corée, aujourd'hui comme il y a dix ans, ayant par exemple soigneusement évité le moindre contact avec toute institution du Nord.

Tel n'est cependant pas le cas à l'INALCO où le Professeur Patrick Maurus, jeune retraité, s'est employé à nouer des échanges avec ses homologues non seulement en RPD de Corée, mais aussi dans la province coréenne autonome de Yanbian, dans le Nord-Est de la Chine, ayant par ailleurs invité comme conférenciers des membres de l'AAFC pour évoquer des questions propres au Nord de la péninsule mais aussi, plus largement, la diplomatie des deux Etats coréens.

Dans ce contexte, la présentation le 21 mars 2016 à l'initiative de l'AAFC, par cinq des dix étudiants en coréen de l'INALCO, de leur séjour d'études à l'Université Kim Il-sung de Pyongyang a permis de revenir sur un échange universitaire qui constituait une première pour l'INALCO - et qui devrait se prolonger par d'autres séjours linguistiques en préparation dans le cadre de la revue Tangun.

Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO
Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO

Lors de leur séjour en RPDC, les étudiants français de l'INALCO étaient, à cette date, les seuls Occidentaux dans le dortoir réservé aux étudiants étrangers - où dominaient les Chinois, à côté de Russes et de Laotiens.

La journée alternait entre des cours le matin et des visites l'après-midi, avec leurs accompagnateurs coréens, parfaitement francophones, qui se sont adaptés à leurs souhaits et leur ont permis de visiter d'autres villes que Pyongyang, ainsi que de répondre aux demandes spécifiques des étudiants français au regard, notamment, de leurs thèmes de spécialisation. En particulier, les échanges ont été très fructueux dans le domaine du bouddhisme (vu en RPDC comme partie intégrante de la culture nationale), avec des moines qui n'avaient rien des figurants que se plaisent à camper des journalistes en manque de sensations. Les étudiants ont pu parcourir toutes les stations de métro - démentant là encore les rumeurs selon lesquelles seules deux stations seraient ouvertes au public - en constatant l'extraordinaire similitude des comportements et des habitudes culturelles entre le Nord et le Sud de la péninsule, exception faite des nuances linguistiques sur lesquelles les ont repris leurs interlocuteurs. Le coréen standard de Pyongyang n'est pas celui de Séoul.

Les cours, adaptés aux différents niveaux de maîtrise de la langue coréenne par les étudiants, étaient adaptables - à l'image du programme : le lever à 6h30 était suivi d'une séance de sport... auxquels les Français ont été les seuls à participer, le premier jour, pendant que leurs camarades étrangers continuaient de dormir.

Les témoignages apportés ont aussi été riches d'enseignements sur les conditions de vie quotidiennes que ne peuvent pas appréhender les touristes, logés dans des hôtels de standing élevé. On s'habitue aux douches froides et aux différences de taux de change pratiqués, notamment, avec les étrangers. Les conditions matérielles ne sont évidemment pas celles de la Suisse ou du Canada.

Les échanges ont aussi été l'occasion de mieux comprendre le point de vue du Nord, notamment sur le Sud vu de manière positive comme la moitié d'un pays partageant fondamentalement une histoire, une langue et une civilisation communes.

Au regard de l'enthousiasme communicatif des étudiants français de l'INALCO qui ont été en échange à Pyongyang on découvre tout l'intérêt de sortir des clichés et du prêt à penser sur la Corée du Nord, en favorisant les échanges et le dialogue interculturel. C'est ce que s'efforce aussi de faire l'AAFC, à son niveau et avec les moyens dont elle dispose.

Photos : AAFC.

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 19:52

L'une des plus grandes agences de presse au monde, avec 200 bureaux dans 150 pays, l'Agence France Presse (AFP) va ouvrir un bureau à Pyongyang, en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), au premier semestre de cette année. Cette décision résulte d'un accord annoncé par l'AFP le mardi 26 janvier 2016, conclu à Paris entre Emmanuel Hoog, PDG de l'AFP, et Rim Ho-ryong, vice-président de l'Agence centrale coréenne de presse (Korean Central News Agency, KCNA), à l'occasion d'un déplacement en France de la délégation de KCNA.

Rim Ho-ryong et Emmanuel Hoog

Rim Ho-ryong et Emmanuel Hoog

Après l'agence américaine Associated Press (AP), l'AFP est la deuxième grande agence de presse occidentale à ouvrir un bureau permanent à Pyongyang, ce qui permettra à l'AFP de renforcer son réseau dans un pays souvent au coeur de l'actualité. Selon Emmanuel Hoog,

L'implantation prochaine d'un bureau à Pyongyang participe au renforcement du réseau international de l'agence. L'AFP a vocation à être présente partout dans le monde afin d'assurer sa mission d'information de manière la plus complète possible, notamment par l'image.

L'AFP est particulièrement désireuse de disposer directement d'images de la RPD de Corée. Son bureau à Pyongyang comprendra en permanence un photographe et un vidéaste nord-coréens, sous la supervision de la direction régionale de l’AFP en Asie.

Aux termes de l’accord, les autres journalistes de l’AFP disposeront de facilités d’accès et de visa pour venir en RPD de Corée - tous les mois pendant 10 jours, au sein d'équipes multimédia (texte, photo, vidéo). Leurs photos et vidéos seront montées au bureau de l'AFP à Pyongyang.

Philippe Massonnet, directeur du bureau de l'AFP en Asie, a observé qu'il n'y aura pas de contrôle par les autorités nord-coréennes des images tournées dans leur pays.

Outre AP, les agences japonaise Kyodo News et chinoise Chine Nouvelle (Xinhua) disposent déjà également d'un bureau à Pyongyang.

Sources :

Partager cet article
Repost0
16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 21:50

Le 5 octobre 2015, Bernard Ferrand, professeur honoraire de l'Université d'Evry, et par ailleurs vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) chargé des relations avec les organisations politiques françaises, a écrit en son nom propre à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur l'absence de relations diplomatiques complètes entre la France et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en observant que cette position n'était pas conforme à la tradition diplomatique française de reconnaissance des Etats et non des régimes, et préjudiciable à nos intérêts dans cette partie du monde. Il a ajouté que l'année croisée France-Corée (du Sud) offrait un cadre favorable au franchissement d'une nouvelle étape dans les relations diplomatiques entre Paris et Pyongyang. Chargé par Laurent Fabius de lui répondre, Emmanuel Lenain, directeur d'Asie et d'Océanie du ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAE), a très classiquement rappelé les conditions mises par la diplomatie française à l'établissement de relations diplomatiques complètes (les relations intercoréennes, la question nucléaire et les droits de l'homme), dans un courrier en date du 10 novembre 2015, tout en prenant par ailleurs acte que la RPDC n'avait pas procédé à un "essai balistique" en octobre (NDLR : contrairement aux prédictions, une nouvelle fois démenties, des conservateurs sud-coréens). Il mentionne seulement brièvement les relations Nord-Sud et insiste sur les questions internationales, notamment les programmes nucléaire et balistique qui apparaissent ainsi comme la préoccupation majeure des autorités françaises. Par ailleurs, il est regrettable que son courrier n'ait pas apporté de réponses quant aux nouvelles actions bilatérales de coopération suggérées par Bernard Ferrand. Nous reproduisons ci-après les courriers de Bernard Ferrand à Laurent Fabius, et la réponse d'Emmanuel Lenain à Bernard Ferrand.

Courrier de Bernard Ferrand, vice-président de l'AAFC, ancien conseiller régional, ancien membre du Conseil économique et social, 
à Laurent Fabius, envoyé de Rodez le 5 octobre 2015

Monsieur le Ministre, Cher Laurent,

Permets-moi de t'écrire à propos d'un sujet sur lequel j'ai quelque expérience personnelle (vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne), et avec le désintéressement du citoyen qui n'a plus de prétention politique ou universitaire : l'absence de relations diplomatiques complètes entre la France et la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord).

Je ne te ferai pas le sempiternel exposé des conditions mises par la France à l'établissement de telles relations - la question des droits de l'homme, le nucléaire nord-coréen et les relations Nord-Sud - car tes collaborateurs le feront avec plus de brio que je ne saurais jamais le faire.

En revanche, ce que m'ont appris mes échanges avec des Coréens, du Nord et du Sud, c'est que cette exception française (dans l'Union européenne, seule l'Estonie n'a pas de relations diplomatiques complètes avec Pyongyang) ne favorise pas nos intérêts nationaux, qu'il s'agisse d'échanges commerciaux ou culturels, ou de la capacité de la France à peser sur la résolution de la question coréenne dans les enceintes internationales.

Alors que notre pays, par ton expérience, a joué tout son rôle pour parvenir à un accord exigeant avec l'Iran sur la question nucléaire, je pense que l'établissement aujourd'hui de relations diplomatiques complètes entre Paris et Pyongyang nous permettrait de revenir dans le jeu diplomatique dans cette partie du monde.

Le moment est opportun : l'année croisée France-Corée permettrait à une initiative française en ce sens de ne pas compromettre nos relations avec Séoul, tandis que le retour au dialogue dans la péninsule coréenne (des réunions de familles coréennes séparées auront lieu à la fin du mois d'octobre) ouvre une phase de détente, certes toujours fragile, dans laquelle une telle décision de la France apparaîtrait comme un soutien au dialogue et à l'ouverture. Pour bien montrer qu'il s'agit d'une question qui doit dépasser les clivages partisans en Corée du Sud, au-delà du chantage des conservateurs sud-coréens qui ont gardé une mentalité de guerre froide, je pense d'ailleurs que profiter d'une des multiples manifestations de l'année croisée France-Corée permettrait de rebondir sur les propositions constantes de l'opposition démocrate sud-coréenne en faveur de la reprise du dialogue avec Pyongyang. A sa façon l'Allemagne qui sait ce que sont les processus de réunification - les festivités du 25ème anniversaire de la réunification en présence notamment du ministre sud-coréen de la réunification en témoignent - devrait inspirer notre propre attitude.

Il serait donc possible d'annoncer dans le cadre des manifestations de l'année croisée France-Corée qu'il a été décidé de mettre fin à l'exception française du non-établissement de relations diplomatiques complètes entre Paris et Pyongyang, conformément à la tradition diplomatique française de reconnaissance des Etats et non des régimes, pour favoriser le dialogue, la paix et les droits de l'homme en Corée du Nord.

Depuis l'ouverture d'un bureau français de coopération à Pyongyang (en septembre 2011), suite à l'action de Jack Lang, les possibles contreparties nord-coréennes ne manquent pas : soutien à l'apprentissage du français en Corée du Nord, soutien nord-coréen à notre position en faveur de la lutte contre le changement climatique, ratification de la convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (une délégation d'handicapés nord-coréens a visité la France en février 2015), engagement plus largement d'un dialogue sur les droits de l'homme comme l'ont proposé les diplomates nord-coréens en France à tes services, possibilité de retenir une offre française dans un grand projet de construction en Corée du Nord - notre pays formant des grands architectes nord-coréens depuis 2002 - ou de remise en état des réseaux du pays (eau, gaz, électricité, ou réseau ferroviaire)...

Cette démarche, bien que connue de mon association, est toute personnelle.

J'espère qu'elle pourra être prise en considération, ce qui aidera notre pays dans son ambition à faire évoluer les droits de l'Homme en Corée du Nord, Etat qui, à cet égard, comme en matière économique, a un grand besoin d'assistance.

Je te prie de croire, Monsieur le Ministre, Cher Laurent, en ma très haute considération et mon indéfectible amitié.

Réponse d'Emmanuel Lenain, directeur d'Asie et d'Océanie,
en date du 10 novembre 2015

Monsieur le Vice-Président,

Le Ministre vous remercie de votre courrier en date du 5 octobre et m'a chargé de vous répondre.

Ainsi que vous le rappelez, la France n'entretient pas de relations diplomatiques avec la Corée du Nord. Toute évolution de nos relations est soumise à des progrès de la part de la Corée du Nord sur les dossiers nucléaire et balistique, la situation des droits de l'homme et l'état des relations intercoréennes.

Nous avons pris note du fait que la Corée du Nord n'avait pas procédé à un essai balistique lors des cérémonies du 70e anniversaire du parti des travailleurs de Corée. La Corée du Nord a toutefois procédé dans le passé récent à trois essais nucléaires et à de nombreux tirs balistiques, en violation de ses obligations internationales. Elle a été condamnée à ce titre par la communauté internationale (résolutions 1718, 1874, 2087 et 2094 du Conseil de sécurité des Nations Unies) et est à cet égard soumise aux sanctions afférentes des Nations Unies ainsi qu'à celles prises de manière unilatérale (Etats-Unis, Union Européenne et Japon notamment).

Une reprise du dialogue avec la communauté internationale ou dans le cadre des Pourparlers à six impliquerait un geste concret et sincère de la part de la Corée du Nord en vue de son désarmement nucléaire complet, vérifiable et irréversible ainsi que l'abandon de son programme balistique.

En outre, les derniers rapports des Nations Unies sur la situation des droits de l'Homme, sujet qui comme vous le soulignez nous est cher, ne font état d'aucune amélioration tangible dans ce pays.

La France entend toutefois poursuivre son dialogue avec les autorités et ses actions de coopération en faveur du peuple nord-coréen. Elle a ainsi, comme vous le mentionnez, ouvert un Bureau de coopération à Pyongyang en octobre 2011 afin d'améliorer, par un soutien humanitaire, les conditions de vie de la population nord-coréenne, mais aussi pour mener avec elle des projets de coopération linguistique, culturelle et universitaire.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Vice-Président, mes salutations distinguées.

Partager cet article
Repost0
5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 22:07

Du 16 octobre 2015 au 7 février 2016, le Musée Cernuschi organise une rétrospective exceptionnelle des artistes coréens en France, intitulée "Séoul - Paris - Séoul. Artistes coréens en France - figurations coréennes", qui montre le rôle constant joué par Paris dans la formation et l'expression d'artistes coréens, depuis l'entre-deux-guerres, jusqu'à des oeuvres parmi les plus récentes exceptionnellement mises en valeur.

Le tableau "Aube" de Bang Hae-ja, artiste abstraite coréenne vivant en France depuis 1961, illustre l'exposition du Musée Cernuschi

Le tableau "Aube" de Bang Hae-ja, artiste abstraite coréenne vivant en France depuis 1961, illustre l'exposition du Musée Cernuschi

Témoigner de la place de la scène parisienne dans la création artistique coréenne contemporaine est un défi qu'ont su relever avec brio les organisateurs des expositions du Musée Cernuschi et de la mairie du 8e arrondissement, en réunissant un vaste échantillon d'oeuvres conservées en France. Commissaire de l'exposition du Musée des Arts de l'Asie de la Ville de Paris, Mael Bellec, conservateur du Patrimoine davantage spécialiste de la Chine, a réalisé un travail de recherche et d'analyse considérable dont, plus que l'exposition elle-même, rend compte l'excellent catalogue de l'exposition, qui comble utilement une lacune dans les relations franco-coréennes. En effet, Paris a été de longue date une destination privilégiée des artistes coréens, mais sans que l'on dispose d'une vue d'ensemble présentant également les figures majeures de la scène artistique coréenne à Paris. Avec la levée en 1989 des autorisations préalables imposées jusqu'alors aux Sud-Coréens pour voyager, la capitale française accueille par ailleurs un nombre important d'étudiants sud-coréens dans les disciplines artistiques et littéraires, et tout d'abord en beaux-arts. Tout juste pourrait-on regretter une translittération aléatoire, et parfois clairement erronée, des noms des artistes coréens en France - même si un index final avec les noms en écriture coréenne permet de combler en partie cette lacune. Par ailleurs, si la scène artistique coréenne à Paris a été essentiellement progressiste, il n'eût pas été inutile de faire aussi ressortir les influences du réalisme américain, mises en avant dans la tradition figurative des artistes officiels encouragés par les régimes conservateurs autoritaires sud-coréens.

Bien que d'abord dédié aux arts chinois (auxquels sont intimement liés les arts coréens traditionnels), le Musée Cernuschi a également acquis des oeuvres d'artistes contemporains coréens, japonais et vietnamiens. Le Musée Cernuschi a en outre occupé une place privilégiée dans les échanges culturels franco-coréens : en 1964, avec le soutien de critiques d'art et d'artistes de l'Ecole de Paris (dont Pierre Soulages et Hans Hartung), Lee Ungno (1904-1989) a créé l'Académie de peinture orientale de Paris. C'est avec le soutien du directeur du Musée Cernuschi Vadime Elisseeff que Lee Ungno a donné des cours de l'Académie au Musée Cernuschi, de 1971 jusqu'à sa mort en 1989. Cette tradition d'enseignement dans les murs mêmes du musée a été reprise par l'épouse de Lee Ungno, l'artiste Park In-kyung (née en 1926), et leur fils Lee Young-sé (né en 1956), tandis que Lee Ungno et Park In-kyung ont procédé à des donations d'oeuvres, et été exposés au Musée en 1971 et 1989. Par ailleurs, une collaboration entre le Musée Lee Ungno de Daejeon et le Musée Cernuschi a permis de restaurer les oeuvres de l'artiste coréen présentées dans l'exposition.

L'exposition du Musée Cernuschi est construite suivant un plan essentiellement chronologique, qui fait à la fois ressortir les influences traditionnelles est-asiatiques et les tendances occidentales des artistes coréens ayant vécu à Paris. Elle s'ouvre par une peinture de Bae Un-song (1900-1978), Une grande famille, réalisée dans les années 1930 : un des premiers artistes coréens exposé en Europe (à Paris et en Allemagne), il s'est installé à Paris entre 1937 et 1940, avant d'enseigner dans le Sud de la Corée, puis au Nord, où il a été l'un des peintres les plus renommés de la République populaire démocratique de Corée. L'oeuvre de Bae Un-song exposée au Musée Cernuschi est caractéristique du dialogue entre la peinture asiatique traditionnelle (qui, à partir de l'entre-deux-guerres et de la découverte des arts occidentaux à l'époque de la colonisation japonaise de la Corée, est désormais appelée en coréen tongyanghwa, ou peinture orientale) et la peinture occidentale (soyanghwa). Si la thématique (la famille, bourgeoise, en costume traditionnel) et un certain hiératisme des figures sont coréens, le choix de la peinture à l'huile (et non à l'encre de Chine) et le style réaliste traduisent les influences occidentales. 

"Une grande famille" (1930-1935), de Bae Un-song (Pai Unsung)

"Une grande famille" (1930-1935), de Bae Un-song (Pai Unsung)

Après la génération de l'entre-deux-guerres, d'autres artistes coréens viennent vivre et travailler, et parfois s'établir, en France, dans les années 1950 et 1960, opérant des choix artistiques, personnels (ils abandonnent parfois des situations sociales plutôt confortables) et parfois politiques - Lee Ungno a été une des victimes, multiples, de la répression par la junte militaire sud-coréenne, ayant été accusé injustement d'espionnage au profit de la Corée du Nord en 1967, emprisonné pendant deux ans (1967-1969) et interdit de séjour en Corée du Sud (à partir de 1977), ce qui l'a amené à opter pour la nationalité française en 1983, n'étant réhabilité par les autorités sud-coréennes qu'à la veille de sa mort, en 1989. Une deuxième figure majeure de cette génération, le peintre abstrait Han Mook (né en 1914) a développé une oeuvre marquée par les premiers pas de l'homme sur la Lune, et dont se dégage une puissante dimension cosmique. Les générations ultérieures (représentées par Yun Hyong-keun, Kim Chang-yeul, Park Seo-bo, Chung Sang-hwa, Lee Ufan, Kim Guiline, Bang Hae-ja...), ayant grandi dans une Corée libérée du joug de la colonisation japonaise mais marquée par les épreuves de la guerre de la Corée (1950-1953), de la division nationale et du régime autoritaire de la Corée du Sud (jusqu'en 1993), ont été formés ou exposés à Paris : ils s'inscrivent plus clairement encore dans un réseau d'échanges artistiques internationaux, épousant les tendances de l'art contemporain.

L'exposition du Musée Cernuschi - et son catalogue - abordent enfin la délicate question d'une identité coréenne, dans un examen subtil du choix des matériaux, des thèmes et des formes, traduisant une sensibilité spécifiquement coréenne (et notamment les permanences calligraphiques de la peinture coréenne) dans son rapport au monde - non seulement comme cosmogonie, mais aussi comme scène artistique dont Paris est l'un des lieux, par-delà les cheminements individuels et la formation d'une communauté artistique coréenne, dont l'Académie de peinture orientale de Paris a été l'un des creusets.
 

Lee Bae, sans titre (2015). Médium acrylique et charbon sur toile. Collection particulière, Paris.

Lee Bae, sans titre (2015). Médium acrylique et charbon sur toile. Collection particulière, Paris.

Sources principales : catalogue de l'exposition, et présentation de l'exposition au Musée Cernuschi

Lire aussi, sur le blog du comité régional Bourgogne de l'AAFC :

Partager cet article
Repost0
4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 22:33

Agé de 57 ans, Jean-François Fitou succède à Emmanuel Rousseau comme directeur du bureau français de coopération en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). En l'absence de relations diplomatiques complètes entre la France et la RPD de Corée - ce que regrette par ailleurs l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), cette situation n'étant pas favorable aux intérêts de la France et contraire à la tradition diplomatique français de reconnaissance des Etats et non des régimes - le directeur du bureau français de coopération à Pyongyang est le plus haut représentant de la République française en RPD de Corée. L'AAFC souhaite plein succès à Jean-François Fitou dans l'exercice de ses fonctions.

Jean-François Fitou nouveau directeur du bureau français de coopération à Pyongyang

Si Jean-François Fitou est souvent désigné comme l'ancien mari de la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin, par ailleurs d'origine coréenne, le co-auteur de Saint-Simon ou le système de la Cour avec Emmanuel Le Roy Ladurie (en 1997) est d'abord un fonctionnaire de la République, brièvement passé par les cabinets ministériels - en 2002-2003, il a été directeur adjoint de cabinet de Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux Affaires européennes.

Diplômé de l'Institut d'études politiques (IEP) de Toulouse, Jean-François Fitou est agrégé d'histoire. Ancien élève de l'ENA, il a été sous-préfet de Langon, avant d'exercer de premières fonctions au ministère des Affaires étrangères en tant que conseiller en Grande-Bretagne, à partir de 1998.

A sa sortie du cabinet de Noëlle Lenoir en 2003, il est nommé délégué aux affaires européennes et internationales au ministère des Affaires sociales. Il revient au Quai d'Orsay en 2005 en tant que chef du service des moyens et du réseau à la direction générale de la coopération internationale et du développement

Il se spécialise alors sur le monde musulman, devenant premier conseiller de l'Ambassade de France en Afghanistan (de 2007 à 2009) puis ambassadeur au Kosovo (de 2009 à 2012).  

Si ses fonctions à Pyongyang seront les premières dans cette partie du monde, il a déjà l'expérience des régions marquées par les tensions et les crises internationales.

Principale source :

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 00:12

Après les attentats terroristes qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a reçu des messages de solidarité du monde entier. Si nous ne pouvons ici tous les citer, nous tenons à remercier toutes celles et tous ceux qui ont nous exprimé leur compassion. Nos pensées vont tout particulièrement à nos homologues de l'Association d'amitié Corée-France (AACF) de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) : alors que l'AAFC était aux côtés du peuple coréen - de tout le peuple coréen - dans les tragédies qu'ont été au printemps 2014 le naufrage du "Sewol", au Sud, et l'effondrement d'un immeuble dans le quartier de Pyongchon à Pyongyang (au Nord), en adressant des messages de condoléances, nous sommes extrêmement touchés et émus en ces moments particulièrement douloureux. Nous reproduisons ci-après le message en français adressé le 19 novembre 2015 à Guy Dupré, président de l'AAFC, par son homologue de l'AACF, M. Kim Jin-bom.

A M. Guy Dupré,

Président de l’Association d’Amitié Franco-Coréenne


Cher M. le Président,

Nous avons été informés, il y a quelques jours, de l'attentat terroriste qui s'est produit en France et a fait de nombreuses victimes et nous exprimons toutes nos condoléances.

Veillez transmettre tous nos mots de sympathie aux familles des victimes, en mon nom et en celui des membres de notre Association.


Bien à vous,

Kim Jin Bom

Président de l'Association d'amitié Corée-France

Association d’Amitié Corée-France

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Association d'amitié franco-coréenne
  • : Soutenir une réunification indépendante et pacifique de la Corée, conformément à l'aspiration légitime du peuple coréen et dans l’intérêt de la sécurité et de la paix dans le monde
  • Contact

Recherche

D'où venez-vous?