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3 septembre 2017 7 03 /09 /septembre /2017 09:07

Le 3 septembre 2017, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé à son sixième essai nucléaire : le Maréchal Kim Jong-un cité par la télévision nord-coréenne, qui le montre diriger cet essai, en a revendiqué la "réussite totale". Selon les autorités de la RPDC, "les scientifiques du domaine nucléaire de la République populaire démocratique de Corée ont conduit avec succès l'essai d'une bombe H" dans la partie nord du pays à 12h heure locale (3h30 heure GMT). Les Américains et leurs alliés n'avaient pas encore confirmé s'il s'agissait selon eux d'une bombe à hydrogène, alors qu'a été détectée une secousse tellurique environ dix fois plus puissante que lors des précédents essais nucléaires nord-coréens.

Les médias nord-coréens ont montré le Maréchal Kim Jong-un inspectant une bombe thermonucléaire

Les médias nord-coréens ont montré le Maréchal Kim Jong-un inspectant une bombe thermonucléaire

L'essai nucléaire a été effectué par le site de Punggye-ri, au nord-est du pays. Il a généré un séisme d'une puissance correspondant à une magnitude estimée entre 6,1 (selon les autorités géologiques chinoises) et 6,3 (selon leurs homologues américains) sur l'échelle de Richter.

Quelques heures après l'essai, la télévision centrale nord-coréenne a déclaré qu'il s'agissait d'une bombe thermonucléaire à deux étages pouvant être installée sur un missile intercontinental - comme ceux de type Hwasong-14, testés les 4 et 28 juillet 2017. Des images ont montré le Maréchal Kim Jong-un inspecter un composant nucléaire de type nouveau, ressemblant à une bombe thermonucléaire de type Teller-Ulam présentant deux protubérances pouvant correspondre à deux étages (l'un pour la fission, en partie haute ou primaire, l'autre pour la fusion, en partie basse ou secondaire : l'explosion de la bombe à fission entraîne le déclenchement de la fusion). 

Selon le dirigeant nord-coréen cité par l'agence nationale KCNA, "tous les composants de cette bombe H ont été fabriqués à 100 % nationalement" : il s'agit d' "une bombe thermonucléaire d'une très grande puissance fabriquée par nos efforts et notre technologie". 


Les experts militaires occidentaux avaient contesté les déclarations nord-coréennes selon lesquelles le quatrième essai nucléaire nord-coréen, et le premier revendiqué comme étant celui d'une bombe H, effectué le 6 janvier 2016, était celui d'une bombe thermonucléaire. Des analyses indépendantes de celles effectuées par la RPDC avaient cependant montré l'utilisation de matériaux, comme le lithium 6, pouvant être utilisés dans une bombe H, après les quatrième et cinquième essais nucléaires de la RPDC, les 6 janvier et 9 septembre 2016. Les recherches avaient été effectuées à partir de prélèvements de radionucléides libérés dans l'atmosphère par l'explosion, mais comme l'observe Ankit Panda pour The Diplomat "la Corée du Nord jusqu'à ce jour a connu des succès remarquables pour réduire le vent" généré par ses essais nucléaires pour opérer de tels prélèvements.

En tout état de cause, la bombe montrée ce 3 septembre 2017 a une apparence très différente de celle dévoilée par les Nord-Coréens en février 2016, après l'essai nucléaire du mois précédent, et son explosion a entraîné un séisme d'une puissance nettement accrue. Selon Lassina Zerbo, secrétaire exécutif de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires cité par Le Monde "si cet événement venait à se confirmer comme étant un test nucléaire, cela voudrait indiquer que le programme nucléaire nord-coréen progresse très rapidement". 

La stratégie américaine de l'administration Obama, poursuivie et amplifiée par l'administration Trump à l'origine du plus sévère régime de sanctions jamais imposé, le 5 août 2017, à la RPD de Corée, consiste à empêcher la poursuite des programmes nucléaire et balistique nord-coréens et à contraindre la RPDC à revenir à la table des négociations pour acter l'abandon de ces programmes. Cette politique a clairement échoué en refusant de prendre en compte les attentes nord-coréennes en termes de sécurité nationale, au regard des progrès accomplis par la RPDC. L'approche américaine est ainsi de plus en plus ouvertement remise en cause par la Chine - qui a "fermement condamné" l'essai nucléaire de la Corée du Nord, en l'appelant à se conformer à ses obligations résultant des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies - et la Russie. Dans un mouvement de surenchère par rapport à l'administration Trump, l'administration du Sud-Coréen Moon Jae-in, par la voie de son conseiller Chung Eui-yong, a déclaré qu'il fallait renforcer les sanctions contre la Corée du Nord afin de "l'isoler complètement" - rompant ainsi avec ses précédentes déclarations appelant à la relance du dialogue intercoréen, auxquelles Pyongyang n'avait pas donné suite en estimant qu'elles manquaient de sincérité.

Sources : 

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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 11:32

Le 29 août 2017, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé dans la matinée à un tir de missile ayant survolé le Japon. Cette nouvelle initiative, après trois tirs de missile de courte portée le 26 août, apparaît comme la réponse de Pyongyang au renforcement toujours accru des sanctions internationales contre la RPD de Corée et aux exercices de guerre américano - sud-coréens  Ulji Freedom Guardian en cours jusqu'au 31 août. Le pari de l'administration Trump selon lequel la fermeté ferait plier la RPD de Corée s'est révélé une nouvelle fois erroné - ce qui n'est pas une surprise, la RPD de Corée ayant toujours répondu aux réactions hostiles des Etats-Unis et de leurs alliés par la poursuite de ses programmes nucléaire et balistique. Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne souhaite que les Etats-Unis formulent une offre sérieuse de dialogue comportant un geste significatif prouvant leur bonne volonté - suspension des manœuvres militaires, levée au moins partielle des sanctions en contrepartie d'une reprise des négociations - et pouvant prendre la forme d'un appel de Kim Jong-un par Donald Trump, afin de mettre fin au cycle sans cesse renouvelé des tensions et des sanctions.

Tir de missile au-dessus du Japon : la réponse nord-coréenne aux sanctions et aux exercices de guerre des Etats-Unis

Le missile a procédé au tir (qui n'est manifestement pas celui d'un ICBM, contrairement à juillet) en début de matinée depuis les environs de Sunan, ville qui abrite l'aéroport de Pyongyang - la RPD de Corée apportant ainsi la preuve qu'elle dispose de capacités de lancement réparties sur l'ensemble de son territoire, afin de dissuader les Etats-Unis de procéder à des frappes ciblées sur certaines de ses installations militaires. Le missile a parcouru 2 700 kilomètres pendant 15 minutes à une hauteur maximale de 550 kilomètres, avant de tomber en mer à environ 1 180 kilomètres des côtes japonaises. Précédemment, des fusées portant des satellites - et non des missiles balistiques - avaient déjà survolé le Japon à plusieurs reprises depuis 1998. Comme lors de ces précédents tirs de fusée, le Japon a dénoncé, par la voix de son Premier ministre Shinzo Abe, "une menace grave et sans précédent". Alors que ce lancement contrevient aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), le CSNU doit se réunir d'urgence le mardi 29 août après-midi, à la demande de Washington, Tokyo et Séoul. Donald Trump et Shinzo Abe se sont entretenus au téléphone pendant 40 minutes.

La Chine a appelé l'ensemble des parties à la retenue : la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying a déclaré que "la Chine appelle l'ensemble des parties concernées à ne pas prendre de mesures qui pourraient provoquer une autre partie et conduire à l'escalade des tensions dans la région". Après avoir promis à la RPDC "le bruit et la fureur" dans une réaction d'une puissance telle que le monde ne l'a jamais connue, le Président Donald Trump entend à présent exercer une "pression pacifique" sur la Corée du Nord.

Si Tokyo avait menacé de détruire en vol un engin nord-coréen qui survolerait son territoire, il n'a pas été pris d'initiative en ce sens. Les habitants de l'île japonaise de Hokkaido, survolée pendant deux minutes, ont reçu un message leur demandant de se mettre à l'abri. Joshua Pollack, chercheur au Centre James Martin des études de non-prolifération, a déclaré à CNN que la trajectoire suivie (à l'Est de la Corée, et non en direction de Guam) représentait une "mesure de réduction des risques", au regard des zones habitées survolées, dans l'hypothèse où le tir aurait connu un problème. Le choix d'une trajectoire survolant le Japon peut aussi être rapproché de la conduite des exercices militaires conjoints américano-japonais Northern Viper à Hokkaido. Rendant ensuite compte de ce tir, les autorités nord-coréennes ont précisé qu'il était intervenu le jour anniversaire de l'entrée en vigueur du traité d'annexion de la Corée par le Japon, le 29 août 2010. Un porte-parole du ministère américain de la Défense a ajouté que ce tir n'avait "pas représenté une menace pour l'Amérique du Nord".

Même si elle n'était pas davantage menacée, la République de Corée (Corée du Sud) a procédé, quelques heures plus tard, à des exercices de bombardement par quatre F-15K, ayant largué près de la RPDC huit bombes d'une tonne MK-84, afin de montrer sa "capacité à détruire la direction nord-coréenne" en cas "d'urgence". Cette initiative rend encore un peu plus improbable une reprise du dialogue intercoréen, sacrifiée à l'espoir de Séoul - jusqu'ici déçu - de pouvoir peser davantage sur les orientations stratégiques prises par Washington en se positionnant comme le plus fidèle allié des Américains en Asie du Nord-Est.

 

Bombardement par la Corée du Sud

Bombardement par la Corée du Sud

Alors qu'il apparaît de plus en plus improbable que la RPD de Corée renonce volontairement à ses armes nucléaires au regard des progrès accomplis, des négociations - seule issue crédible et souhaitable à la crise en cours - porteraient à présent sur la non-prolifération et le gel éventuel des programmes nucléaires et balistiques nord-coréens. D'autant, comme l'observe CNN dans un encadré que nous reproduisons ci-après et traduisant le point de vue du consensus des experts américains, qu'une force de dissuasion nucléaire est pour les autorités nord-coréennes la garantie de ne pas connaître le sort de l'Irak et de la Libye, les experts (y compris les conseillers des gouvernements occidentaux) ne croyant pas à un recours en premier à l'usage de la force militaire par la Corée du Nord :

Pourquoi la Corée du Nord veut des armes nucléaires et des missiles

La Corée du Nord a depuis longtemps développé ses armes nucléaires et ses missiles de longue portée pour dissuader les Etats-Unis de tenter de renverser le régime de Kim Jong Un.

Pyongyang considère que les dirigeants de pays comme l'Irak - où l'ancien dictateur Saddam Hussein a été renversé par les Etats-Unis - et la Libye, dont l'ancien dirigeant a abandonné ses ambitions nucléaires contre un allègement des sanctions et une aide, ont été renversés et tués après une intervention américaine dans un contexte d'instabilité intérieure - et croit que seule la menace de frapper le territoire des Etats-Unis avec une force de représailles nucléaire empêchera une intervention militaire américaine.

Beaucoup d'experts pensent que la Corée du Nord n'utilisera pas ses armes en premier. Selon les experts, Kim Jong Un place la survie de son régime au-dessus de tout et sait que l'utilisation d'une arme nucléaire déclencherait une guerre qu'il ne pourrait pas gagner.

En revanche, le risque qu'une guerre soit déclenchée par les Etats-Unis de l'imprévisible Donald Trump est plus élevé - et c'est bien ce risque-ci qu'il convient de conjurer.

Sources :

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27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 16:13

Lors de la crise qui a opposé l'Américain Donald Trump au Nord-Coréen Kim Jong-un en août 2017, peu de cas a été fait de la position de la Corée du Sud de Moon Jae-in : si ce dernier a affirmé le 17 août qu'il n'y aurait pas la guerre dans la péninsule car Séoul y opposerait son "veto", en réalité la République de Corée n'a jamais disposé tout au long de la crise, en droit ou en fait, d'une véritable capacité à peser sur les décisions de l'administration américaine, tout en ne disposant pas de leviers par ailleurs vis-à-vis de Pyongyang et de Pékin. Comme l'a montré Tim Beal, dans une analyse publiée par The Asia-Pacific Journal - Japan Focus que nous reprenons largement ci-après, l'impuissance sud-coréenne est le résultat d'un choix délibéré du Président sud-coréen d'éviter toute confrontation avec l'administration Trump et de ne pas utiliser les quelques marges de manœuvre dont il disposait pour relancer le dialogue intercoréen. Ces choix malheureux ont conduit à l'effacement du rôle de Séoul dans la crise récente.

La ministre des Affaires étrangères de la République de Corée Kang Kyung-wha pose, au centre, aux côtés de ses homologues américain Rex Tillerson et japonais Taro Kono, lors du forum régional de l'ASEAN à Manille début août 2017

La ministre des Affaires étrangères de la République de Corée Kang Kyung-wha pose, au centre, aux côtés de ses homologues américain Rex Tillerson et japonais Taro Kono, lors du forum régional de l'ASEAN à Manille début août 2017

Surtout, ne pas compromettre la relation stratégique Etats-Unis - République de Corée : cette obsession de Moon Jae-in l'a conduit à éviter les sujets de désaccord lors de sa rencontre aux Etats-Unis, fin juin 2017, avec le président américain Donald Trump (c'est à la demande de la partie sud-coréenne que la question du bouclier antimissile THAAD n'a pas été évoquée) - tout en se faisant imposer par Washington le principe d'une révision, à plus ou moins court terme, de l'accord de libre échange entre les deux pays, et sermonner sur le coût du fardeau que représenterait la défense de la Corée du Sud par les Etats-Unis - Donald Trump ayant réaffirmé sa volonté de faire payer davantage les Sud-Coréens.

Les médias sud-coréens ont alors loué la qualité de la relation personnelle qui aurait ainsi été établie entre les deux chefs d'Etat - bien qu'on ait vu ce qui était advenu des liens d'homme à homme prétendument noués entre Donald Trump et Xi Jinping. De même, les médias de Corée du Sud ont souligné que Moon Jae-in aurait obtenu des Américains de pouvoir relancer le dialogue intercoréen - autorisation qui, au demeurant, n'avait pas été sollicitée par les prédécesseurs de Moon Jae-in engagés dans la politique du "rayon de soleil", les démocrates Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun. En réalité, quelques semaines plus tard, Pyongyang devait ne donner aucune suite à la proposition de Séoul de relancer un dialogue duquel Séoul avait exclu non seulement les points les plus significatifs (à savoir, la relance des échanges économiques, notamment dans l'ancienne zone économique spéciale de Kaesong, le Président Moon abondant pleinement dans le sens de la politique américaine de sanctions économiques vis-à-vis du Nord), mais aussi des aspects plus symboliques - comme autoriser, sinon le retour au Nord, au moins dans un premier temps les échanges avec leurs familles des serveuses d'un restaurant nord-coréen en Chine, manifestement amenées contre leur gré en Corée du Sud à la veille des élections législatives d'avril 2016 (et dont on a appris récemment qu'elles auraient été mariées en Corée du Sud). Pis, quelques jours avant de formuler à un moment inopportun sa proposition de relance du dialogue intercoréen, l'administration Moon avait jugé devoir, en réaction au lancement d'un ICBM par la RPD de Corée, confirmer le déploiement du dispositif américain THAAD sur son territoire, révélant ainsi sa subordination aux intérêts stratégiques américains.

Comme l'observe Tim Beal, la marge de manœuvre du Président Moon Jae-in, comme celle de ses prédécesseurs, est étroite s'agissant des relations avec les Etats-Unis, mais le pari d'un alignement stratégique sur l'administration Trump pour peser sur les orientations américaines a été perdu. Non seulement vis-à-vis de Washington, Séoul adoptant un ton systématiquement conciliant qui a pu donner l'impression que le pays se satisfaisait pleinement de sa position d'allié subordonné, mais aussi à l'égard de Pékin et de Pyongyang. Par rapport à la Chine, le déploiement de THAAD en Corée du Sud, qui menace directement les intérêts stratégiques chinois, a entraîné un manque à gagner estimé à 4,8 milliards de dollars au premier semestre 2017 au titre des échanges économiques bilatéraux, à la suite des 
sanctions prises par Pékin et du boycott de la Corée du Sud comme destination touristique par les Chinois ; en outre, l'absence délibérée d'indépendance de Séoul par rapport à Washington sur la question nord-coréenne a privé  la République de Corée de la possibilité de jouer un rôle diplomatique propre lors des propositions de médiation formulées par Pékin. L'administration sud-coréenne n'a pas pu - ou voulu - voir que la Chine entendait désormais sanctionner plus fortement les initiatives nord-coréennes, et Séoul a ainsi laissé se mettre en place un dialogue direct entre Washington et Pékin sur la question nord-coréenne, dans lequel elle n'a pu ni défendre des positions qui lui sont spécifiques, ni a fortiori défendre ses propres intérêts économiques et stratégiques.


A l'égard de la République populaire démocratique de Corée, les choix de l'administration Moon Jae-in ont été encore plus néfastes : alors que Pyongyang fustige la soumission aux grandes puissances (sadae), l'attitude de la République de Corée a achevé de convaincre les autorités nord-coréennes qu'il valait mieux discuter avec le maître américain qu'avec son valet sud-coréen - tout en faisant apparaître le Président Moon Jae-in, dont sont apparues les contradictions avec le discours de candidat, comme un homme politique dépourvu de principes. Si les autorités sud-coréennes comptent désormais sur une participation nord-coréenne aux Jeux olympiques d'hiver qu'elle a accueillera à Pyeongchang en 2018 pour relancer le dialogue Nord-Sud, le temps manque et leur crédit est désormais sérieusement entamé aux yeux des Nord-Coréens, qui ont par ailleurs montré qu'ils attachaient plus d'importance à se doter d'une force de dissuasion complète qu'à une hypothétique participation aux Jeux de Pyeongchang.

Enfin, les propos du Président Moon Jae-in quant à sa volonté de promouvoir la paix sont par ailleurs d'autant plus décalés que, en cas de guerre, le commandement opérationnel des troupes sud-coréennes (OPCON)  serait assuré par les Etats-Unis - ce que le général Richard Stilwell, ancien commandant des forces américaines en Corée du Sud avait qualifié d' "abandon de souveraineté le plus remarquable au monde". L'accord qu'ont trouvé sur ce point les Présidents Moon et Trump, fin juin, apparaît ambigu - Tim Beal jugeant improbable que les Etats-Unis acceptent en pratique quelque formule qui conduise à subordonner leurs choix à ceux des Sud-Coréens. En outre, alors que le Président Roh Moon-hyun avait fixé une date pour le transfert d'OPCON aux Sud-Coréens, le communiqué conjoint Trump-Moon ne précise pas quand interviendrait cette opération (repoussée à plusieurs reprises par les présidents conservateurs sud-coréens) sur un sujet pourtant hautement symbolique des différences d'approche entre conservateurs et progressistes en Corée du Sud.

Principale source :

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24 août 2017 4 24 /08 /août /2017 15:56

L'édition 2017 des exercices de guerre Ulji Freedom Guardian (UFG), menés par les Etats-Unis et leurs alliés en Corée du Sud, ont commencé le 21 août et doivent s'achever le 31 août. Alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a renoncé le 15 août à procéder à des essais de missiles à proximité de l'île américaine de Guam, en déclarant qu'elle attendait d'observer la réaction américaine, le maintien des exercices de guerre UFG est un mauvais signal pour la paix et la stabilité en Asie du Nord-Est : en choisissant d'attiser les tensions, l'administration Trump accroît délibérément les risques de guerre.

Exercices de guerre : l'administration Trump attise les tensions

Le secret couvre traditionnellement le contenu des manoeuvres UFG, consistant essentiellement en des jeux de guerre basés sur des simulations par ordinateur. Selon la présentation officielle par le département américain de la Défense, il est indiqué, outre leurs dates, que les exercices UFG impliquent cette année 17 500 soldats américains (dont 3 000 qui ne sont pas basés dans la péninsule coréenne), ainsi que des forces de toutes les unités sud-coréennes et de sept autres pays (Australie, Canada, Colombie, Danemark, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni) et des observateurs de la Commission de supervision des nations neutres présente dans la zone démilitarisée (DMZ). Selon d'autres sources, 50 000 soldats et 480 000 fonctionnaires sud-coréens seraient impliqués.

D'aucuns ont affirmé que la diminution du nombre de soldats américains impliqués par rapport à 2016 (l'an passé ils étaient 25 000), et l'absence visiblement d'utilisation des bombardiers stratégiques B-1B, serait le signe que les Etats-Unis ont réduit l'envergure des manoeuvres, dans un geste de bonne volonté vis-à-vis non seulement de Pyongyang, mais aussi de Pékin et Moscou qui avaient proposé la suspension des exercices militaires en contrepartie du gel par la RPDC de ses essais nucléaires et balistiques.

Cette interprétation est toutefois douteuse : vu la nature des exercices UFG (qui sont d'authentiques exercices de guerre et non pas des manoeuvres de troupes) ce n'est pas tant le nombre de soldats mobilisés qui est significatif que leur contenu. A cet égard, il est particulièrement inquiétant que, selon un responsable sud-coréen du ministère de la Défense cité par le très conservateur quotidien Chosun Ilbo, pour la première fois UFG comprenne des "jeux de guerre nucléaire". Dès lors, sans surprise, les autorités nord-coréennes ont vivement condamné la répétition de plans d'invasion de la péninsule.


Tout en observant avec satisfaction que la France ne participe pas aux exercices UFG, l'AAFC appelle à leur suspension immédiate, pour favoriser le retour au dialogue et à la paix dans la péninsule coréenne.

Sources : 

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20 août 2017 7 20 /08 /août /2017 22:31

En annonçant le 15 août 2017 qu'il renonçait - tout au moins pour l'instant - à procéder à des exercices de tir de missiles à proximité de l'île américaine de Guam, le Maréchal Kim Jong-un de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a permis de faire baisser d'un cran les tensions autour de la péninsule, ce qui a été salué même par le président américain Donald Trump comme une décision "sage". De l'avis des experts occidentaux, les tensions avaient atteint leur point de paroxysme depuis 1994. Cette volonté de désescalade n'apparaît cependant pas nécessairement partagée par toutes les parties, puisque les exercices militaires annuels américano - sud-coréens Ulji Freedom Guardian, dénoncés par Pyongyang comme la préparation d'une invasion militaire, commencent comme prévu le 21 août 2017. Dans ce contexte, une délégation de l'AAFC était présente en RPD de Corée du 12 au 19 août - entraînant d'ailleurs la suspension de ses activités éditoriales, qui reprennent à compter de ce jour. En attendant la publication du compte rendu de ce déplacement, nous rendons compte de la sérénité qui prévalait alors en RPD de Corée.

Une famille à Pyongyang, le 16 août 2017

Une famille à Pyongyang, le 16 août 2017

Des Nord-Coréens vaquant à leurs occupations et profitant du 15 août, jour de la libération de l'occupation japonaise et qui est férié dans l'ensemble de la péninsule coréenne : l'atmosphère n'était pas celle d'une veillée d'armes à Pyongyang. Les mesures de sécurité n'étaient pas non plus particulièrement renforcées lors de notre visite de la DMZ, le 18 août - mais celle-ci intervenait, il est vrai, trois jours après les déclarations des autorités nord-coréennes affirmant attendre avant de procéder à d'éventuels exercices balistiques à proximité de Guam, siège d'une importante base militaire américaine dans le Pacifique.

Comment expliquer une telle différence de traitement médiatique avec l'Occident, où d'aucuns étaient prompts à voir la crise dégénérer en conflit ouvert très rapidement ? Car les exercices militaires américano - sud-coréennes sont tout aussi proches de la RPD de Corée que le serait de Guam un tir de missile nord-coréen. Si l'on considérait qu'il y avait une menace dans les deux cas, celle-ci serait alors équivalente tant pour la RPD de Corée que pour les Etats-Unis

Si les Nord-Coréens, toujours prêts à faire face à une attaque, affichaient le calme des vieilles troupes, la vérité est que la RPDC disposant à présent d'une dissuasion nucléaire complète (la miniaturisation des têtes nucléaires étant maîtrisée selon la plupart des experts occidentaux) se trouve au contraire plus en sécurité qu'auparavant, l'histoire récente faisant apparaître que jamais une puissance nucléaire n'attaque une autre puissance nucléaire. L'écart entre le traitement médiatique en Occident et en RPDC peut alors s'expliquer par le fait que, désormais, la Corée du Nord est en capacité de dissuader toute invasion étrangère - quand les Etats-Unis découvrent au contraire que leur territoire n'est plus sanctuarisé.

Les échanges qu'a eus la délégation de l'AAFC en RPDC, notamment avec le département des relations internationales du Parti du travail de Corée, confirment que les autorités nord-coréennes se préparent à toute éventualité - aujourd'hui comme hier et demain - tout en voulant préserver la paix et la stabilité. Il y a là la base d'un accord global. Mais les Etats-Unis et leurs alliés sauront-ils saisir cette opportunité, ou continueront-ils sur le chemin des sanctions et de l'escalade ? Dans l'immédiat, le maintien des exercices militaires Ulji Freedom Guardian n'apparaît pas comme le signal d'une volonté de reprendre le dialogue et de signer  - enfin - un traité de paix en lieu et place de l'accord d'armistice de 1953. Il est plus que temps de garantir la paix et la prospérité en Corée et en Asie du Nord-Est.

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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 17:40

Après que le Conseil de sécurité des Nations unies eut imposé à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) le plus lourd régime de sanctions internationales qu'ait jamais eu à subir la RPD de Corée, Pyongyang a réagi avec colère, en vitupérant contre Washington et en déclarant que l'abandon de ses programmes balistiques et nucléaires n'était pas à l'ordre du jour. Dans ce contexte tendu, le Président américain Donald Trump a fait de la surenchère dans l'escalade verbale : un manque de sang-froid particulièrement inopportun et inquiétant ayant nécessité une mise au point du secrétaire d'Etat Rex Tillerson, relativisant la portée des propos de Donald Trump. Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne estime que tout doit être mis en oeuvre pour retrouver le chemin du dialogue et de la paix dans la péninsule coréenne. 

Pour la paix, il est urgent de mettre fin à l'escalade des tensions et de revenir à une phase de négociations

Après l'adoption de la résolution 2371 par le Conseil de sécurité des Nations unies, Pyongyang a réagi avec sa rhétorique habituelle, en déclarant que les Américains paieraient "un millier de fois" "le prix de leurs crimes". 

Alors que la RPD de Corée a développé une force de dissuasion nucléaire pour ne pas connaître le sort de l'Irak ou de la Libye, ce qui ne rend pas crédible l'hypothèse d'une attaque en premier des Etats-Unis, ces derniers - dont le budget militaire est au bas mot 100 fois celui de la Corée du Nord - représentent une menace autrement plus sérieuse pour la paix du monde. Dans ce contexte, les réactions de Donald Trump ont été particulièrement inquiétantes, le commandant en chef des armées américaines promettant de déchaîner sur le RPD de Corée "le feu et la colère"  dans une réaction d'une ampleur "que le monde n'a jamais vue jusqu'ici" : Donald Trump a-t-il l'intention de déclencher une guerre nucléaire ? Face à la menace, les Nord-Coréens ont surenchéri, en rappelant que la base militaire américaine de Guam était à portée de leurs missiles.

L'impulsivité de Donald Trump a soulevé une vague de désapprobations non seulement parmi ses opposants démocrates, mais aussi au sein des républicains les moins pacifistes, comme le sénateur John McCain qui a observé que les grands dirigeants du monde ne menacent pas leurs ennemis quand ils ne sont pas prêts à agir - ce qui est manifestement le cas des Etats-Unis qui n'envisagent pas sérieusement une seconde guerre de Corée. Car, comme a dû le préciser le secrétaire d'Etat Rex Tillerson, il n'y a pas de "quelconque menace imminente" de conflit au regard de l'évolution de la situation dans les 24 dernières heures. En fidèle collaborateur, le chef de la diplomatie américaine a tenté de justifier les propos belliqueux de Donald Trump en déclarant que ce langage de fermeté était le seul que comprenait la RPD de Corée.

Les appels à la retenue de l'ensemble des parties sont venus non seulement, comme à l'ordinaire, de la Chine et de la Russie, mais aussi des alliés des Etats-Unis, comme la France. Selon Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement français, Paris appelle "toutes les parties à agir de manière responsable pour une désescalade des tensions" ; la France "observe avec inquiétude ce qui se passe" et "est prête à mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution pacifique". 

L'AAFC avait observé que le très lourd régime de sanctions imposé par la résolution 2371 n'aiderait en rien à résoudre la question coréenne : pourquoi satisfaire toujours davantage les exigences exorbitantes des Etats-Unis de Donald Trump, empêtré dans des difficultés intérieures et qui rêve à voix haute d'une guerre aux conséquences désastreuses et dont personne ne veut ? La communauté internationale, en donnant aux autorités américaines le sentiment que le monde entier se rangeait derrière Washington par l'adoption de la résolution 2371, a commis une faute lourde pour la paix mondiale. Mais il est encore temps de prendre un autre chemin. La paix et le dialogue exigent que toutes les parties fassent preuve de compréhension des attentes de leurs interlocuteurs. Un préalable est que les Etats-Unis cessent leurs exercices de guerre conjoints avec la Corée du Sud et disent clairement que le retour aux discussions multilatérales dans la péninsule coréenne s'accompagnera simultanément d'une levée d'une partie des sanctions internationales qui touchent lourdement (sinon exclusivement) les populations nord-coréennes. 

Sources : 

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5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 20:58

A la suite du lancement par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de deux missiles balistiques intercontinentaux les 4 et 28 juillet 2017, le Conseil de sécurité des Nations unies, à l'unanimité de ses membres, a très significativement alourdi les sanctions contre la RPD de Corée, dans le cadre d'une nouvelle résolution (2371) adoptée le 5 août 2017.

Des sanctions à 1 milliard de dollars

A l'issue de discussions qui auront duré près d'un mois entre les Etats-Unis et la Chine, le Conseil de sécurité des Nations unies a une nouvelle fois alourdi les sanctions à l'encontre de la RPD de Corée : en particulier, le charbon, le fer, le minerai de fer, le plomb , le minerai de plomb et les produits de la mer figurent désormais parmi les produits interdits d'exportation. Au total, selon les Américains qui ont été les parrains de ce nouveau train de mesures sans équivalent au monde, ce sont un tiers des exportations nord-coréennes (estimées à 1 milliard de dollars par an) qui seraient amputées.

Alors que la RPD de Corée a un besoin urgent d'investissements étrangers pour moderniser son économie, la résolution 2371 interdit également la création de nouvelles sociétés conjointes (joint ventures) entre des entreprises nord-coréennes et étrangères. Les joint ventures déjà implantées en RPDC ne pourront pas accroître leurs investissements.

Pyongyang ne pourra pas non plus augmenter le nombre de ses travailleurs à l'étranger.

Les navires nord-coréens ne respectant pas l'embargo seraient menacés d'une interdiction d'accoster dans tous les ports du monde.

Parmi les individus et les entités figurant sur une "liste noire", interdits d'activités bancaires internationales et dont les avoirs sont gelés, est ajoutée, entre autres, la Banque du commerce extérieur qui réalise les opérations sur devises.

Officiellement, il s'agit d'empêcher Pyongyang de poursuivre ses programmes nucléaires et balistiques en la privant des devises nécessaires - mais d'aucuns y verront surtout une nouvelle illustration de la stratégie d'étranglement économique mise en œuvre par Washington, à défaut de pouvoir conduire une opération militaire en Corée du Nord dont les conséquences seraient catastrophiques.

Les populations nord-coréennes seront les premières - sinon, les seules - victimes de cet embargo toujours accru : dans un actuel contexte marqué par le grave impact de la sécheresse, et alors que les Etats-Unis n'honorent pas leurs livraisons d'aide alimentaire dans le cadre des Nations unies, ce sont d'ores et déjà des centaines de milliers de tonnes de produits alimentaires, qui auraient pu être achetés par le gouvernement nord-coréen, dont seront privés des enfants, des femmes et des hommes qui, en Corée du Nord, sont soumis à une insécurité alimentaire chronique. L'argument chinois, défendu en 2016, selon lequel les sanctions ne devaient pas toucher les populations vole en éclats avec la résolution 2371.

Alors que la paix se construit en favorisant les échanges de toutes natures, les Etats-Unis et leurs alliés contraignent la RPD de Corée à un isolement forcé. En particulier, la relance des échanges économiques intercoréens, auquel le nouveau gouvernement démocrate de Séoul se disait favorable lors de la campagne présidentielle de ce printemps, est désormais exclue. Dans le contexte des négociations internationales sur la résolution 2371, qui ont reçu l'aval de Séoul, on comprend mieux désormais pourquoi Pyongyang a rejeté comme hypocrites les offres de dialogue récemment formulées par la Corée du Sud.

Il y a un an et demi, après le quatrième essai nucléaire nord-coréen, les Etats-Unis avaient opté pour l'interdiction totale ou partielle des exportations par la RPD de Corée : après discussion avec la Chine, principal partenaire économique de Pyongyang, ils n'avaient pu que limiter le volume de certaines exportations. A la suite des deux récents tirs d'ICBM par la Corée du Nord, ils progressent dans leur objectif d'asphyxie économique totale de la RPD de Corée - avec l'aval chinois, même si Pékin s'est opposée à certaines mesures initialement envisagées (comme les interdictions de livraison de pétrole à la Corée du Nord).

Si la Chine a sacrifié ses propres intérêts en Corée du Nord, alors qu'elle est par ailleurs directement visée par le déploiement en Corée du Sud du système américain de missiles antimissile THAAD, c'est probablement parce qu'elle a craint des mesures pires de rétorsion sur ses exportations aux Etats-Unis - et a donc préféré joué l'apaisement avec Washington.

Alors que les Etats-Unis et leurs alliés prétendent que la Corée du Nord est désormais confrontée à la détermination unanime de la communauté internationale, il est pour le moins improbable que Pyongyang renonce à ses programmes balistiques et nucléaires. En effet, la RPDC pourrait être en mesure de doter ses missiles ICBM de têtes nucléaires d'ici un an de l'aveu même des experts occidentaux et donc disposer d'une force de dissuasion pleinement opérationnelle. Si près du but, la Corée du Nord n'a aucune raison de se détourner de cet objectif, alors même que les précédentes sanctions internationales ont échoué à stopper les progrès militaires de Pyongyang.

Loin de favoriser le retour à la table des négociations, les sanctions onusiennes renforcent plus que jamais les risques de guerre dans en Asie du Nord-Est, en confortant les autorités nord-coréennes dans une vision obsidionale de leur rapport au monde.

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30 juillet 2017 7 30 /07 /juillet /2017 17:20

Après le second lancement d'un missile balistique intercontinental par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), le 28 juillet 2017, l'administration sud-coréenne du démocrate Moon Jae-in a changé de position quant au déploiement du système américain de missiles antimissile Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) : dès le lendemain du tir nord-coréen, le Conseil de sécurité de la République de Corée s'est réuni et Séoul a annoncé que quatre lanceurs supplémentaires du système THAAD - actuellement en stockage - s'ajouteraient aux deux lanceurs d'ores et déjà installés à Seongju. 

Le Président Moon Jae-in, lors de la réunion du Conseil de sécurité du 29 juillet 2017

Le Président Moon Jae-in, lors de la réunion du Conseil de sécurité du 29 juillet 2017

Très critique quant au déploiement de THAAD qu'avait accéléré l'administration conservatrice sud-coréenne à la veille de l'élection présidentielle du 9 mai 2017, mettant ainsi le nouveau chef de l'Etat devant le fait accompli, le démocrate Moon Jae-in avait d'abord pris en compte le refus de l'opinion publique sud-coréenne : le 7 juin, il annonçait la "suspension" du déploiement de THAAD dans l'attente du résultat d'une étude d'impact environnemental. 

Mais la poursuite du programme balistique et nucléaire nord-coréen aura fait changer de position l'administration Moon Jae-in en moins de deux mois : sans remettre en cause l'étude d'impact environnemental, la présidence démocrate a décidé qu'en tout état de cause serait poursuivie la mise en place de THAAD dans le sud de la péninsule - répondant ainsi aux attentes de l'administration Trump. Car il s'agit en effet de répondre aux préoccupations en termes de sécurité des Etats-Unis, et non de la Corée du Sud, puisque le déploiement de missiles balistiques intercontinentaux par la RPDC expose bien le territoire américain. Ce faisant, la Corée du Sud - qui évoque aussi de mettre en place unilatéralement de nouvelles sanctions en plus de celles des Nations unies - confirme son statut d'allié discipliné des Etats-Unis. 

Quand le secrétaire d'Etat Rex Tillerson fait étrangement porter à Moscou et Pékin la responsabilité du développement des programmes balistiques nucléaires nord-coréens, l'administration Trump a de nouveau évoqué la possibilité d'actions militaires - même si tous les observateurs s'accordent sur le fait qu'un nouveau conflit serait dévastateur et que les experts soulignent qu'il est désormais illusoire d'espérer faire renoncer Pyongyang à sa capacité de dissuasion nucléaire. Dans ce contexte, l'alignement des démocrates sud-coréens sur les faucons au pouvoir à Washington (qui, après le lancement de l'ICBM du 28 juillet, ont de nouveau déployé des bombardiers dans le ciel coréen, avec l'aval des autorités de Séoul) est un choix particulièrement dangereux. Le risque est d'autant plus élevé que cette décision intervient à un moment où les difficultés internes à l'administration républicaine, conjuguée à son incapacité à abroger le dispositif de protection sociale mis en place par Barack Obama ("Obamacare"), peuvent rendre tentant, pour un pouvoir velléitaire et en perte de vitesse, de se lancer dans une nouvelle aventure militaire. Enfin, le choix de Séoul anéantit les espoirs de reprise à court et moyen termes de relance du dialogue intercoréen. 

Signe que les préoccupations majeures sud-coréennes de politique extérieure se situent ailleurs qu'à Pyongyang, ce n'est d'ailleurs pas la RPDC mais la Chine que Séoul a averti au préalable de la poursuite du déploiement de THAAD, sans atténuer pour autant l'ire de Pékin quant au choix sud-coréen de s'aligner sur les intérêts stratégiques de Washington et de rompre ainsi l'équilibre stratégique actuel au détriment de la Chine et de la Russie. Alors que la Chine a déjà mis en place des sanctions unilatérales contre la République de Corée, et qu'elle sera d'autant moins encline à satisfaire les exigences américaines sur le dossier nord-coréen au Conseil de sécurité des Nations unies (tout en condamnant par ailleurs clairement le lancement d'un nouvel ICBM par Pyongyang), un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères donne le ton de son mécontentement - à la mesure de son dépit prévisible face à l'attitude non coopérative non seulement de Pyongyang, mais aussi de Séoul pour laisser une chance au plan chinois de sortie de crise

La partie chinoise est fortement préoccupée par les actions de la Corée du Sud. La Chine se prononce catégoriquement contre le déploiement du système antimissile américain THAAD en Corée du Sud. Le projet de déploiement du THAAD ne rassurera pas la Corée du Sud par rapport à la sécurité et ne réglera pas la question de la péninsule de Corée mais pourra aggraver la situation.

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28 juillet 2017 5 28 /07 /juillet /2017 21:57

Le 28 juillet 2017, au lendemain de l'anniversaire de la fin de la guerre de Corée qu'elle célèbre comme la victoire dans la guerre de Libération de la Patrie, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé au nouveau lancement d'un missile balistique intercontinental (ICBM). Selon les Américains et leurs alliés, et dans l'attente d'informations officielles (y compris d'images) par la RPD de Corée, ce missile serait plus puissant que celui testé le 4 juillet 2017.

Image du lancement du 4 juillet 2017

Image du lancement du 4 juillet 2017

Deux tirs de missiles balistiques intercontinentaux en moins d'un mois : la RPD de Corée a frappé vite et fort dans sa quête pour se doter d'une force de dissuasion nucléaire complète, supposant de disposer des vecteurs adéquats pour atteindre le territoire américain, pour faire face à "la politique hostile" de Washington et ses alliés. En procédant au lancement d'un nouvel ICBM aussi rapidement, Pyongyang prend également de court le Conseil de sécurité des Nations unies, dont les membres n'avaient pu se mettre d'accord  sur une nouvelle résolution renforçant les sanctions internationales contre la RPD de Corée, dont les dispositions avaient été rejetées par la Russie.

Selon Washington, Tokyo et Séoul, le missile lancé le 28 juillet 2017 aurait volé pendant 45 minutes plus haut (3 700 kilomètres) et plus loin (1 000 kilomètres) que celui testé le 4 juillet dernier (respectivement, 2 500 et 930 kilomètres). Selon le physicien américain David Wright, cet ICBM aurait ainsi une portée de 10 400 kilomètres (contre 7 000 kilomètres pour l'ICBM de la classe Hwasong-14 testé le 4 juillet, selon les analyses de plusieurs experts américains), pouvant ainsi atteindre la côte occidentale des Etats-Unis.

Le lancement a été opéré à presque minuit (heure locale), et non pas comme d'ordinaire en matinée, depuis un autre site - situé dans la province de Jagang, près de la frontière sino-coréenne - que le tir du 4 juillet. Manifestement, la RPD de Corée entend prouver qu'elle peut effectuer des lancements de missile d'où elle veut et quand elle veut - renforçant ainsi sa
capacité de dissuasion.

Le gouvernement sud-coréen, dont les propositions de reprise du dialogue intercoréen avaient été rejetées par Pyongyang car formulées de pair avec un renforcement des sanctions internationales, a procédé à une réunion d'urgence de son conseil national de sécurité.

Mise à jour 29 juillet 2017 : l'agence KCNA de la RPD de Corée a ensuite confirmé qu'il s'agissait d'un ICBM, ainsi que les données du vol (hauteur : 3 725 kilomètres, longueur 998 kilomètres), mais affirmant en revanche que l'ensemble du territoire américain (et pas seulement la côte occidentale des Etats-Unis) est à portée de ses missiles.

Sources :

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22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 13:06

Après la disparition tragique de l'étudiant américain Otto Warmbier six jours après sa libération par les autorités nord-coréennes, l'administration Trump a décidé d'interdire à ses ressortissants de visiter la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) : la mesure doit entrer en vigueur le 27 juillet 2017 avec une période de tolérance d'un mois ; passé ce délai, les détenteurs d'un passeport américain visitant la RPD de Corée verraient leur passeport invalidé. Si la mesure aura des conséquences importantes sur les agences spécialisées proposant des circuits touristiques en Corée du Nord (comme Koryo Tours, qui aurait accueilli 40 % des 800 touristes américains ayant visité la RPD de Corée en 2016), ce sont les coopérations américano-nord-coréennes - à caractère humanitaire, culturel, sportif, scientifique... - qui seront le plus fortement impactées, comme l'a observé Richard Stone de la revue Science, en citant l'exemple emblématique de l'Université de Science et de Technologie de Pyongyang (Pyongyang University of Science and TechnologyPUST). L'université privée américaine, qui a ouvert ses portes dans la capitale nord-coréenne en 2009 avant d'accueillir la première promotion d'étudiants nord-coréens en 2010, compte une quarantaine d'universitaires et administratifs américains, dont son Président, Yu-taik Chon, et forme des centaines d'étudiants de la RPD de Corée. Bien que particulièrement concernée par les arrestations de citoyens américains en RPD de Corée (sur les trois actuellement emprisonnés, on compte deux enseignants de la PUST : Sang-duk (Tony) Kim et Hak-song Kim), la PUST a déploré la décision de l'administration américaine, par la voix de son chancelier Chan-mo Park, informaticien coréen américain, ancien Président de l'Université Pohang de Science et de Technologie (POSTECH), basée en Corée du Sud. Nous traduisons ci-après de l'anglais l'entretien donné par M. Chan-mo Park à Richard Stone, publié le 21 juillet 2017 dans Science, et qui revient également sur l'impact négatif des sanctions pour les échanges universitaires conduits par la PUST et les fantasmes quant à l'impact de ces échanges sur le développement des programmes militaires nord-coréens.

Chan-mo Park

Chan-mo Park

Question : Si les citoyens américains sont interdits de voyager en Corée du Nord pour enseigner à la PUST, dans quelle mesure votre université sera-t-elle affectée ?

Réponse : Ce serait une très mauvaise nouvelle. Nous devrions trouver des enseignants d'autres pays. Les professeurs nord-coréens peuvent enseigner certaines matières, mais seulement quelques-uns d'entre eux peuvent donner des cours en anglais, et nous sommes partisans que tous les cours à la PUST soient donnés en anglais. Il y aurait donc des conséquences irrémédiables sur les programmes actuels. C'est vraiment décourageant pour moi.

Q. : Quels efforts a faits la PUST en ce qui concerne Tony Kim et Hak-song Kim ? 

R. : Depuis leurs arrestations qui n'étaient pas liées à leur travail à la PUST, les professeurs et les personnes administratifs n'ont rien pu faire d'autre que prier beaucoup pour eux. 

Q. : Comment leur détention a-t-elle affecté la perception de l'Université en dehors de la Corée du Nord ?


R. Beaucoup de personnes, en particulier parmi nos familles et ceux qui nous soutiennent, ont été très surpris et inquiets quant à la sécurité des citoyens américains à la PUST. Toutefois, je vois que la plupart des enseignants des cours d'été [venant des Etats-Unis] sont actuellement sur le campus.

Q. : Les sanctions imposées à la Corée du Nord ont-elles touché la PUST ? 

R. : En raison des sanctions [des Nations unies], il est devenu difficile depuis le début de l'année dernière d'envoyer de l'argent en Chine pour acheter du matériel et des équipements de recherche. Alors que des universitaires sud-coréens viennent enseigner à la PUST, les sanctions imposées par la Corée du Sud interdisent aux ressortissants sud-coréens de visiter la Corée du Nord. Et certains pays - comme l'Allemagne et l'Italie - n'ont pas délivré de visas pour des étudiants de la PUST qui avaient été admis dans des universités pour des formations diplômantes, en particulier à Göttingen, Sannio et Brescia.

Q. : Quelles garanties pouvez-vous apporter que les diplômés de la PUST ne finiront pas par travailler pour des unités cyberterroristes ou d'autres secteurs de l'armée sud-coréenne ?

R. : Je peux vous assurer que la PUST n'aide absolument pas à former des pirates ou des "cybercombattants". Récemment, Thae Yong-ho, un ancien conseiller à l'ambassade nord-coréenne au Royaume-Uni qui a fait défection en Corée du Sud, a déclaré à des journalistes à l'Assemblée nationale sud-coréenne qu'il ne pensait pas que la PUST enseignait le piratage informatique. Il a ajouté qu'en Corée du Nord ils apprennent le piratage à des lycéens sélectionnés qui montrent des capacités en informatique. La plupart de nos diplômés rejoignent le secteur académique comme enseignants ou chercheurs. Certains continuent leurs études pour obtenir des diplômes dans des universités étrangères ou obtiennent des emplois dans des entreprises nord-coréennes travaillant à l'étranger, comme en Chine et en Malaisie. Les incompréhensions et les accusations sans fondement empêchent les progrès de la PUST.
 

Sources : 

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