Le 27 décembre 1972, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a adopté une nouvelle Constitution lors de la première session de la cinquième législature de l'Assemblée populaire suprême. Remplaçant la Constitution de 1948 ayant fondé la RPD de Corée, la Constitution de 1972, toujours en vigueur, a été amendée à quatre reprises, le 9 avril 1992, le 5 septembre 1998, le 9 avril 2009 et le 13 avril 2012. Alors qu'un rassemblement national s'est tenu le 26 décembre 2012 au Palais de la culture du peuple à Pyongyang à l'occasion du 40ème anniversaire de l'adoption de la Constitution socialiste de la République populaire démocratique de Corée (photo à gauche), l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) présente les dispositions essentielles du texte fondamental de la RPD de Corée, dans sa version publiée sur le site officiel Naenara et qui correspond au texte issu de la révision de 2010 (la révision de 2012 a introduit notamment dans la Constitution le rôle du dirigeant Kim Jong-il, disparu le 17 décembre 2011, et a précisé que la RPDC est un Etat doté de l'arme nucléaire). Selon nos informations, les articles cités ci-après n'ont pas été modifiés en 2012, mais ont pu être renumérotés - chaque révision ne donnant pas lieu à l'introduction d'articles additionnels, comme c'est le cas dans les pays occidentaux, mais à une renumérotation d'ensemble des articles de la Constitution.
La Constitution de la République populaire démocratique de Corée est formée de sept chapitres précédés d'un avant-propos qui souligne le rôle joué par le Président Kim Il-sung, fondateur de la RPDC en 1948, et créateur des idées du Juche qui définissent le socialisme de la RPD de Corée. Les chapitres I à V correspondent aux droits fondamentaux (y compris les droits sociaux), qui figurent souvent en préambule des Constitutions européennes, tandis que l'organisation institutionnelle fait l'objet du chapitre VI. Les armoiries, le drapeau, l'hymne (l'Hymne patriotique) et la capitale de la RPDC (Pyongyang) sont précisés au chapitre VII.
Dans le chapitre I ("Politique"), l'article premier définit la République populaire démocratique de Corée comme un "Etat socialiste souverain qui représente les intérêts de tout le peuple coréen". L'article 2 rappelle la légitimité historique de la RPDC, issue des luttes de libération contre l'occupation japonaise de la Corée (1910-1945) : "la République populaire démocratique de Corée est un Etat révolutionnaire qui perpétue les brillantes traditions établies au cours des glorieuses luttes révolutionnaires contre les agresseurs impérialistes, pour la libération de la patrie, pour la liberté et le bonheur du peuple". Les idées du Juche et la politique de Songun, principes directeurs de l'orientation politique de la RPD de Corée, sont mentionnés à l'article 3, en tant que "conception du monde axée sur l’homme" et "idées révolutionnaires ayant pour but l’émancipation des masses populaires". L'objectif de réunification de la Corée, selon les trois "principes de l’indépendance, de la réunification pacifique et de la grande union nationale", énoncés dès 1972 dans le communiqué conjoint Nord-Sud du 4 juillet 1972, figure à l'article 9.
Au chapitre II ("Economie"), il est énoncé que "la République populaire démocratique de Corée s’appuie sur les rapports de production socialistes et sur les assises de son économie nationale indépendante" (article 19). La propriété collective des moyens de production (qui appartiennent à l'Etat ou aux "organisations sociales et coopératives") figure à l'article 20, et la protection de la propriété individuelle (définie comme la propriété "destinée à la satisfaction des besoins personnels des citoyens et à leur consommation personnelle", qui se formalise par exemple dans les lopins individuels) à l'article 24. L'article 25 constitutionnalise l'abolition de la fiscalité (devenue effective le 1er avril 1974) et proclame le droit au logement, ainsi qu'à la nourriture et à l'habillement - garantis dans le cadre du système public de distribution. L'article 30 fixe la durée de la journée de travail à 8 heures, et l'article 31 interdit le travail des enfants âgés de moins de 16 ans.
Le chapitre III ("Culture") fixe l'objectif d'épanouissement culturel des travailleurs : "la culture socialiste, qui s’épanouit et se développe en République populaire démocratique de Corée, contribue à élever la créativité des travailleurs et à combler leurs nobles besoins culturels et émotionnels" (article 39). La protection du patrimoine culturel national est consacré à l'article 41. L'accent mis sur la culture est indissociable de l'effort consacré à l'éducation nationale : l'article 47 généralise l'enseignement public gratuit et consacre le principe d'un revenu étudiant par l'octroi généralisé de bourses ("l’Etat dispense un enseignement gratuit à tous les élèves et accorde des bourses d’études aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur et des écoles spécialisées"). La gratuité des soins médicaux figure à l'article 56, et le rôle incombant à l'Etat dans la protection de l'environnement est consacré à l'article 57.
Constitué de seulement quatre articles, le chapitre IV ("Défense nationale") énonce notamment, en son article 59, que "les forces armées de la République populaire démocratique de Corée ont pour mission d’appliquer la ligne de la révolution fondée sur le Songun, pour protéger la Direction de la révolution, défendre les intérêts du peuple travailleur et sauvegarder le régime socialiste et les acquis de la révolution ainsi que la liberté, l’indépendance et la paix de la patrie contre toute agression étrangère".
Le chapitre V est spécifiquement consacré aux "droits et devoirs fondamentaux du citoyen". Conformément à l'article 66, "le citoyen acquiert, à partir de 17 ans, le droit de vote et le droit d’être élu sans distinction de sexe, d’origine ethnique, de profession, de durée de résidence dans le pays, de fortune, de degré d’instruction, d’appartenance politique, d’opinion politique ou de confession". Aux termes de l'article 67, "Le citoyen jouit des libertés d’expression, de presse, de réunion, de manifestation et d’association. L’Etat assure aux partis politiques et aux organisations sociales démocratiques le libre exercice de leurs activités" (il existe en RPDC trois partis politiques représentés au Parlement, se présentant sur des listes communes, mais le rôle principal incombe au Parti du travail de Corée, issu de la fusion de plusieurs partis d'orientation communiste). La liberté de religion figure à l'article 68 et le droit de déposer des plaintes (ce qu'on appellerait en France le droit de pétition) à l'article 69. Chaque citoyen bénéficie du droit au travail (article 70) et du droit au repos (article 71), de la gratuité des soins et de la protection sociale, notamment en cas de vieillesse, de maladie ou d'invalidité (article 72), ainsi que du droit à l'instruction (article 73). Suivant une inspiration très proche de celle de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789, "l’inviolabilité de la personne et du domicile ainsi que le secret de la correspondance sont assurés au citoyen. Sans raisons légitimes, il est interdit de contraindre ou d’arrêter un citoyen ni de perquisitionner son domicile" (article 79). Le principe de l'asile politique, familier au droit français, est énoncé à l'article 80 qui évoque aussi la liberté de création scientifique et culturelle : "La République populaire démocratique de Corée protège les étrangers venus se réfugier en Corée à la suite de leur lutte pour la paix et la démocratie, l’indépendance nationale et le socialisme, pour la liberté d’activités scientifique et culturelle". Dans ce même chapitre figurent les devoirs du citoyen, notamment le devoir de travailler, de respecter la loi et de défendre la patrie.
L'organisation institutionnelle, détaillée au chapitre VI ("Institutions de l'Etat"), accorde la prééminence au pouvoir législatif détenu par l'Assemblée populaire suprême, qui est la première des institutions décrites au paragraphe 1 du chapitre VI de la Constitution. Elue pour cinq ans, "l’Assemblée populaire suprême est l’organe suprême du pouvoir de la République populaire démocratique de Corée" (article 87). Elle vote la loi et la Constitution et a le pouvoir d' "élire et révoquer" l'ensemble les principaux dépositaires des pouvoirs exécutif et judiciaire au niveau national, dont le Président du Comité (aussi appelé Commission) de la défense nationale et le Premier ministre - ce qui correspond ainsi à une investiture du Gouvernement. Elu pour une durée identique à celui de l'Assemblée populaire suprême, "le Président du Comité de la défense nationale de la République populaire démocratique de Corée est le Dirigeant suprême de la République populaire démocratique de Corée" (article 100). S'il exerce certaines fonctions habituelles d'un chef de l'Etat (et exclusivement dans le domaine militaire, y compris la déclaration de l'état d'urgence et de l'état de guerre), comme le droit de grâce, certaines fonctions - comme l'accréditation des ambassadeurs étrangers, le droit d'amnistie ou encore la convocation des sessions parlementaires - relèvent en revanche de l'organisme permanent de l'Assemblée populaire suprême, le Praesidium (aussi orthographié Présidium), et en pratique de son Président. En effet, le Praesidium est "l’organe suprême du pouvoir" entre deux sessions parlementaires (article 112), y compris pour l'approbation de dispositions à caractère législatif. En outre, le Praesidium a les missions d' "interpréter la Constitution, les lois et les règlements en vigueur" (il n'existe donc pas en RPDC de Cour constitutionnelle, conformément à la conception la plus ancienne du parlementarisme selon laquelle seul le Parlement a le pouvoir non seulement de modifier, mais aussi d'interpréter la loi) et, plus classiquement, de contrôle de l'exécutif : "surveiller l’application et l’exécution des lois par les organismes de l’Etat et prendre les mesures nécessaires" (article 116, respectivement alinéas 4 et 5). En outre, "le Présidium de l’Assemblée populaire suprême promulgue les décrets, décisions et directives" (article 120, le texte de la Constitution écrit "des" décrets, décisions et directives, mais il nous semble qu'il s'agit d'une coquille et qu'il faut lire "les", alors qu'il n'existe pas d'articles, définis ou indéfinis, en coréen), les textes promulgués par le Gouvernement (appelé "cabinet des ministres") étant qualifiés non pas de décrets, mais de décisions et directives (article 129) - suivant une compétence d'attribution correspondant aux seuls textes non promulgués par l'Assemblée populaire suprême, en application de la hiérarchie des institutions impliquant une hiérarchie des normes réglementaires.
Les organes locaux du pouvoir (assemblée populaire locale, comité populaire local) font l'objet des paragraphes 6 et 7 du chapitre VI de la Constitution de la RPDC, et le parquet et la Cour du paragraphe 8 de ce même chapitre. Les organes locaux disposent d'un budget qui leur est propre, mettent en oeuvre un plan local de développement et disposent de compétences de maintien de l'ordre dans leur périmètre. Il n'y pas d'organisation décentralisée des pouvoirs, à la différence par exemple de la France.
S'agissant de l'organisation judiciaire, aux termes de l'article 153, "les enquêtes sont effectuées par le Parquet suprême et les parquets de province (ou de ville relevant directement des autorités centrales), de ville (ou d’arrondissement urbain) et d’arrondissement ainsi que par le parquet spécial". Par ailleurs, l'article 159 dispose que "les jugements sont rendus par la Cour suprême, le tribunal de province (ou de ville relevant directement des autorités centrales), le tribunal populaire de ville (ou d’arrondissement urbain) et d’arrondissement et le tribunal spécial. Les sentences sont prononcées au nom de la République populaire démocratique de Corée". "Le jugement est rendu par un tribunal composé d’un juge et de deux assesseurs populaires. Dans des cas particuliers, le jugement peut être rendu par un tribunal composé de trois juges" (article 163). Les audiences sont publiques, et "le droit de l'accusé à la défense" figure à l'article 164 de la Constitution.
Photo KCNA