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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 18:29

Chaque année, le discours prononcé par le Maréchal Kim Jong-un à l'occasion du nouvel an est étudié et analysé en détail - non seulement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), mais aussi à l'étranger par les spécialistes des questions coréennes - pour les orientations qu'il donne sur la politique interne et externe de la RPD de Corée. Le discours du nouvel an 2016 prend cette année une importance particulière, à quelques mois du VIIe Congrès du Parti du travail de Corée - le premier depuis 1980. Comme les années précédentes, il met l'accent sur l'édification d'un pays puissant et prospère. Par ailleurs, en dépit des vives réticences qu'ont opposées en 2015 les conservateurs sud-coréens à l'approfondissement du dialogue Nord-Sud, le Maréchal Kim Jong-un réaffirme l'engagement de la RPD de Corée pour le dialogue, la paix et la réunification dans la péninsule.

Discours de nouvel an de Kim Jong-un : "notre Parti considère le bien-être du peuple comme la première de toutes les affaires nationales"

Saluant non seulement les militaires et les civils nord-coréens oeuvrant à l'édification de la patrie socialiste, mais s'adressant aussi "aux frères du Sud et aux Coréens de la diaspora qui luttent pour la réunification de la patrie, aspiration de la nation, de même qu’aux peuples progressistes et aux amis étrangers", le dirigeant suprême exprime d'emblée le voeu que "toutes les familles débordent de concorde et d’affection et que les rires de bonheur de nos chers enfants retentissent plus haut".

Revenant ensuite sur l'année écoulée, marquée par le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée, il souligne en premier lieu les réalisations économiques - ainsi que les exploits sportifs obtenus - en associant constamment le peuple travailleur à ces succès :

On a vu s’ériger les centrales des Héros-Jeunes de Paektusan, les centrales en étages de Chongchongang, le Palais de la science et de la technique, la cité des scientifiques Mirae, la ferme coopérative de culture légumière de Jangchon et d’innombrables autres monuments et villages merveilleux dignes du socialisme, concrétisation des idées et de la politique du Parti, montrant le dynamisme de notre patrie qui avance en faisant en un an ce que les autres ne pourraient faire qu’en dix ans.

Après l'accord conclu avec le Sud en août 2015, il exprime sa conviction que la politique du Parti a permis d'éloigner le danger d'un nouveau conflit armé qui aurait ravagé la péninsule coréenne.

La jeunesse et l'éducation occupent une place primordiale dans le discours du Maréchal Kim Jong-un, conformément à la politique qu'il a menée depuis quatre ans (marquée notamment par l'allongement à douze ans, en 2012, de la durée de la scolarité obligatoire) : après la référence liminaire aux enfants des familles coréennes, il adresse à la jeunesse des félicitations particulièrement appuyées comme étant les "dignes continuateurs de la cause révolutionnaire Juche", et mentionne in fine la jeunesse comme l'une des composantes sociales (à côté de la classe ouvrière, mentionnée à plusieurs reprises en tant que telle, des intellectuels et des cadres) devant contribuer au développement de l'économie nationale.

Evoquant le congrès à venir du Parti du travail de Corée, il souligne l'objectif de renforcer l'économie nationale pour élever le niveau de vie de la population, développant ensuite les problèmes économiques actuels dont la résolution apparaît ainsi comme une priorité. Au premier rang figure le "problème de l’énergie électrique" - décrit également comme la "pénurie d’électricité" (suivant une formule peu habituelle s'agissant des difficultés rencontrées) - qui requiert non seulement l'accroissement des capacités de production de l'électricité sous ses différentes formes (y compris à partir du charbon) - en mentionnant tout particulièrement la construction de la centrale de Tanchchon - mais aussi, de manière nouvelle, les économies d'énergie. Sont également évoqués le transport ferroviaire (dont l'obsolescence est un handicap au développement économique) et la production métallurgique, encore loin du niveau maximum qu'elle a atteint en 1990, avant le recul économique de la "dure marche". Par ailleurs, la référence à la lutte contre "la pollution de l’atmosphère, des cours d’eau et des mers" s'inscrit dans le cadre des objectifs de développement durable, tels qu'ils ont été réaffirmés lors de la conférence de Paris sur le climat par le ministre des Affaires étrangères en décembre 2015.

Comme les années antérieures, des instructions spécifiques portent sur le potentiel de défense du pays. L'accent est mis sur la formation et la discipline, et non sur le développement des armes non conventionnelles - en ne mentionnant pas la force de dissuasion nucléaire - et sur les capacités balistiques. Depuis le troisième essai nucléaire nord-coréen survenu le 12 février 2013, les médias conservateurs américains et sud-coréens annoncent régulièrement la survenue imminente d'un quatrième essai nucléaire, ou d'un nouveau tir de missile à longue portée. Cette omission dans le discours du dirigeant nord-coréen doit donc être appréciée comme la poursuite, au contraire, par la RPD de Corée d'une politique de la main tendue, pour réduire les tensions dans la péninsule, en s'abstenant d'initiatives qui auraient entraîné un nouveau cycle de tensions et de sanctions.

Suivant un usage bien établi, la réunification de la Corée et les relations internationales occupent la fin du discours - et ont retenu plus particulièrement (sinon exclusivement) l'attention des commentateurs étrangers.

Concernant les rapports Nord-Sud, le Maréchal Kim Jong-un blâme ouvertement les autorités sud-coréennes pour avoir mené en 2015 une politique de confrontation, alors que l'anniversaire de la libération de la Corée de l'occupation japonaise, en 1945, aurait au contraire dû créer un contexte favorable :

L’année dernière marquée par le 70e anniversaire de la libération du pays, nous avons lancé un appel invitant à ouvrir une large voie à la réunification indépendante grâce à l’union des forces de toute la nation, et nous nous sommes attachés à le réaliser. Pourtant, les forces anti-réunification et hostiles à l’amélioration des rapports Nord-Sud se sont démenées pour des manœuvres belliqueuses, créant ainsi une situation critique au bord de la guerre et suscitant une grande inquiétude à l’intérieur comme à l’extérieur. Les autorités sud-coréennes, allant à l’encontre du dialogue Nord-Sud et de l’amélioration des rapports Nord-Sud, ont poursuivi ouvertement le « changement de régime » de notre part et, l’« unification des régimes », leur thèse unilatérale, aggravant ainsi la méfiance et l’affrontement entre le Nord et le Sud.

En dépit de ces difficultés, les autorités nord-coréennes réaffirment qu'elles sont prêtes à renouer le dialogue avec le Sud, en incitant les autorités sud-coréennes à appliquer avec sincérité les précédents accords Nord-Sud (notamment les déclarations du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007) qui ont été signés au nom du Gouvernement sud-coréen, et non des démocrates qui étaient alors au pouvoir à Séoul. En effet, les conservateurs revenus à la présidence sud-coréenne en 2008 ont tourné le dos aux perspectives de rapprochement Nord-Sud qui avaient ainsi été ouvertes, l'opposition démocrate leur reprochant d'avoir joué un rôle essentiel dans la dégradation des relations intercoréennes.

Vis-à-vis des Etats-Unis, mentionnés explicitement cette année à de nombreuses reprises, les critiques nord-coréennes se fondent sur trois arguments : le refus opposé par Washington à la proposition de Pyongyang de signer un traité de paix en lieu et place de l'accord d'armistice de 1953 ayant clos les combats de la guerre de Corée ; l'exploitation de l'argument des droits de l'homme ; les exercices militaires de grande ampleur que les Etats-Unis et leurs alliés ont poursuivis dans la péninsule coréenne l'an passé. En cas de guerre provoquée par les Etats-Unis, la RPD de Corée exprime clairement sa volonté de riposter.

Envers le reste du monde (dont aucun pays n'est nommé, ni le traditionnel allié chinois, ni la Russie avec laquelle la RPDC a opéré un rapprochement depuis 2014), le discours de nouvel an du Maréchal Kim Jong-un réaffirme enfin la position traditionnelle de Pyongyang favorisant l'essor de relations d'échanges et de coopération :
 

Notre Parti et le gouvernement de notre République renforceront davantage la solidarité avec les peuples du monde entier s’opposant à l’agression, à la guerre, à la domination et à l’asservissement, élargiront et développeront les relations d’amitié et de coopération avec tous les pays qui respectent la souveraineté de notre pays et nous traitent amicalement.

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8 novembre 2015 7 08 /11 /novembre /2015 21:39

Dans un communiqué publié le 8 novembre 2015, figurant parmi les plus importantes nouvelles (immédiatement après des félicitations au Premier ministre et au roi du Cambodge), l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé la disparition, la veille, du Maréchal Ri Ul-sol de l'Armée populaire de Corée à l'âge de 94 ans, d'un cancer des poumons dont il était soigné depuis des années. Vétéran de la lutte de guérilla antijaponaise aux côtés du Président Kim Il-sung, il a joué un rôle politique et militaire de premier plan en RPD de Corée. Ses funérailles nationales seront célébrées le 11 novembre 2015.

Kim Jong-un salue Ri Ul-sol lors des cérémonies commémorant le 60e anniversaire de la fin de la guerre de Corée, en 2013

Kim Jong-un salue Ri Ul-sol lors des cérémonies commémorant le 60e anniversaire de la fin de la guerre de Corée, en 2013

Selon sa biographie diffusée par KCNA, Ri Ul-sol était né dans une famille de paysans pauvres le 14 septembre 1921 à Songjin (aujourd'hui, Kimchaek).

Après avoir combattu dans les rangs de la guérilla antijaponaise, Ri Ul-sol avait dirigé plusieurs unités - régiment, division - pendant la guerre de Corée (1950-1953). Le titre de Maréchal de l'Armée populaire de Corée lui avait conféré en 1995. Il avait été nommé général quatre étoiles en 1985, puis vice-maréchal en 1992.

Suppléant du Comité central (CC) du Parti du travail de Corée (PTC) à partir de 1966, il était membre du CC du PTC depuis 1970 et député de l'Assemblée populaire suprême depuis 1962. Il avait également été membre de la Commission militaire centrale du PTC de 1980 à 2010 et membre de la Commission de la défense nationale de 1990 à 2003. Signe de la confiance que lui avaient témoignée Kim Il-sung puis Kim Jong-il, il avait commandé ente 1996 et 2003 l'unité militaire (le Commandement de la Garde) assurant la protection du Parti et de l'Etat au plus haut niveau.

Des hommages lui seront rendus dans le Hall central des Travailleurs du 8 novembre à 16 heures au 10 novembre à 19 heures. Présidé par le Maréchal Kim Jong-un, le comité de célébration de ses funérailles comporte 169 membres, dont la liste figure ci-après.

Disparition du Maréchal Ri Ul-sol, vétéran de la lutte antijaponaise

Principales sources :

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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 23:16

Dans un communiqué publié par l'agence officielle KCNA le 29 octobre 2015, le bureau politique du Comité central du Parti du travail de Corée (PTC) a annoncé que le PTC se réunirait en congrès en mai 2016. Il s'agira du septième congrès du Parti depuis sa fondation le 10 octobre 1945. Le précédent congrès s'était tenu en octobre 1980.

Sixième congrès du Parti du travail de Corée, en octobre 1980

Sixième congrès du Parti du travail de Corée, en octobre 1980

Selon l'agence KCNA, il s'agit de marquer un "développement de la révolution dans un contexte où il y a eu un changement de siècle en accomplissant les tâches de la révolution du Juche pour la construction d’une nation forte". Le congrès devrait ainsi être l'occasion de réaffirmer et préciser les objectifs politiques de la République populaire démocratique de Corée, fondée sur les idées du Juche créées par le Président Kim Il-sung, alors que le développement économique, l'élévation du niveau de vie de la population et la construction d'une puissance militaire pouvant faire face aux menaces extérieures ont été les objectifs majeurs affirmés dès avant la disparition du dirigeant Kim Jong-il le 17 décembre 2011.

Le cinquième congrès du Parti, en 1970, avait affirmé les idées du Juche comme l'idéologie directrice du PTC et de la RPD de Corée. Le sixième congrès, en 1980, avait donné lieu à la présentation du projet de République confédérale démocratique de Koryo pour la réunification de la péninsule coréenne.

Le congrès devrait enfin être l'occasion d'un renouvellement des instances dirigeantes.

Source :

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10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 21:00

Alors qu'une délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), conduite par son secrétaire général est actuellement présente en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), une grande parade militaire a été le point d'orgue des cérémonies commémorant, le 10 octobre 2015, le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée. Avec à ses côtés Liu Yunshan, membre du comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois, le Maréchal Kim Jong-un a prononcé à la tribune un discours de trente minutes dans lequel il a réaffirmé la capacité de la RPD de Corée à "faire face à toute guerre provoquée par les Etats-Unis" - une fermeté qui est le pendant de l'appel lancé par Pyongyang à Washington, quelques semaines plus tôt, en faveur d'un traité de paix dans la péninsule coréenne suivant une dialectique traditionnelle de la RPD de Corée (selon laquelle l'alternative est entre la guerre et la paix). L'AAFC se rallie pleinement à la proposition d'un traité de paix, qu'elle soutient de longue date, afin de mettre un terme à la guerre de Corée (1950-1953) et réduire les tensions diplomatiques et militaires qui, trop souvent, ont conduit à des affrontements meurtriers entre Coréens dans la péninsule.

Les médias étrangers avaient été largement invités pour couvrir les cérémonies fastueuses marquant le soixante-dixième anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée : côté français, Alain Barluet du Figaro et Philippe Pons du Monde étaient notamment présents s'agissant des deux plus grands quotidiens nationaux français, de même qu'une équipe de TF1.

De fait, le spectacle a été à la hauteur de l'événément : défilé des civils brandissant des panneaux reproduisant les symboles du Parti du travail de Corée (la faucille et le marteau traditionnels des partis communistes, auxquels s'ajoute le pinceau de l'intellectuel), grande parade militaire - d'une heure et demie - témoignant de la puissance de l'Armée populaire de Corée, et enfin vivats acclamant le dirigeant nord-coréen, le Maréchal Kim Jong-un.

Guerre ou paix - la RPDC célèbre le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail
Guerre ou paix - la RPDC célèbre le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail
Guerre ou paix - la RPDC célèbre le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail
Guerre ou paix - la RPDC célèbre le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail

Un des moments les plus attendus était le discours du Maréchal Kim Jong-un, le second en public depuis les cérémonies ayant marqué le centenaire de la naissance du Président Kim Il-sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée, le 15 avril 2012.

Tout en proclamant hautement l'unité du peuple, du parti et de l'armée, le Maréchal Kim Jong-un a mis en exergue que la RPD de Corée saurait s'unir pour faire face à toute provocation américaine tendant à une nouvelle guerre dans la péninsule :

Aujourd'hui, notre parti proclame avec détermination que nos forces armées révolutionnaires sont capables de faire face à toute guerre provoquée par les Etats-Unis, et nous sommes prêts à protéger notre peuple et le ciel bleu de notre patrie.

Guerre ou paix - la RPDC célèbre le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail

Ce discours doit s'interpréter comme une réaffirmation de la volonté de la RPD de Corée de résoudre par la voie pacifique les contentieux en suspens dans la péninsule, tout en se disant prête à toute éventualité - à savoir répondre militairement à une guerre provoquée par ses ennemis.

Quelques semaines plus tôt, les autorités nord-coréennes ont en effet à nouveau invité les Etats-Unis à des pourparlers bilatéraux directs - par conséquent distincts du cadre des pourparlers à six - les deux Corée, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon - sur la question nucléaire, que privilégie Washington, bien que les négociations suivant ce format soient bloquées depuis plus de six ans.

Comme l'avait rappelé Ri Su-yong, ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée cette année devant l'assemblée générale des Nations Unies, ces discussions auraient comme finalité la conclusion d'un traité de paix en lieu et place de l'accord d'armistice ayant clos les combats de la guerre de Corée, le 27 juillet 1953, afin de créer les conditions d'une paix durable et d'une sécurité collective en Asie du Nord-Est :

Si les Etats-Unis procèdent à des changements politiques courageux, une amélioration spectaculaire de l'environnement de sécurité de la péninsule coréenne se produira et elle répondra en fin de compte aux inquiétudes américaines sur la sécurité.

Cette proposition d'un traité de paix avait ensuite été réaffirmée dans une déclaration du ministère nord-coréen des Affaires étrangères, citée par l'agence KCNA de la RPD de Corée, suivant une interpellation directe des Etats-Unis :

Nous espérons que les Etats-Unis finiront par renoncer à la politique anachronique en faveur du maintien de cet accord fragile, étudieront attentivement notre offre et y réagiront positivement

L'AAFC espère que ces appels à la paix seront entendus, et soutenue par les gouvernements européens, convaincue qu'il s'agit de la meilleure garantie pour apporter aux peuples d'Asie du Nord-Est la sécurité, la liberté et la prospérité auxquelles ils aspirent.

Sources (dont photos) :

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30 août 2015 7 30 /08 /août /2015 16:01

Après l'accord conclu dans la nuit du 24 au 25 août 2015 entre les deux Corée, qui a permis de mettre fin à l'escalade des tensions, une nouvelle phase de dialogue et de rapprochement intercoréen s'est ouverte : tandis que les exercices militaires Ulji Freedom Guardian ont pris fin, les armées du Nord et du Sud sont à nouveau en "mode paix". Par ailleurs, des rencontres sont prévues entre les Croix-Rouge des deux Corée, le 7 septembre, pour préparer de nouvelles réunions de familles séparées, à l'occasion de la fête coréenne des moissons - qui aura lieu cette année le 27 septembre. Dans ce contexte, une réunion élargie de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée s'est tenue, sous la présidence du Maréchal Kim Jong-un, dont un compte rendu, publié sur le site nord-coréen Naenara, est analysé ci-après.

Réunion de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée

Depuis l'accession aux responsabilités du Maréchal Kim Jong-un, les médias de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) rendent plus fréquemment compte, de manière assez détaillée, de réunions des organes de direction du Parti du travail de Corée (PTC).

La réunion de la Commission militaire centrale (CMC) du PTC, qui s'est tenue après la conclusion de l'accord intercoréen du 25 août 2015, a été élargie non seulement aux dirigeants militaires de haut rang, mais également à une partie des directions nationale et locales du PTC : outre les membres de la Commission, y ont participé, selon le site nord-coréen Naenara, "les membres exécutifs du comité du PTC de l’Armée populaire de Corée (APC), les responsables des départements et des sections de la Direction politique générale de l’APC, du ministère des Forces armées populaires et de l’Etat-major général de l’APC, les commandants des armées et des unités au rang de corps d’armée, les commandants des écoles militaires de tous les échelons, les responsables des organismes de sûreté nationale et de sécurité du peuple, les responsables du CC du PTC, du Cabinet et du secteur des affaires étrangères et les secrétaires en chef du comité du PTC des provinces".  

Toujours selon Naenara, il s'agissait de dresser un bilan et de fixer un cap pour la politique de défense, après les graves tensions survenues entre les deux Corée ces dernières semaines, jusqu'à la conclusion de l'accord intercoréen du 25 août 2016. "Elle a également discuté les mesures de réparation des dégâts causés par l’inondation dans la ville de Rason et a traité le problème de l’organisation, dont la destitution et la nomination de certains membres de la CMC du PTC". Sur le premier point, les graves inondations survenues dans la ville de Rason ont entraîné 40 morts, selon le bilan établi par les autorités nord-coréennes ; la mention en bonne place des secours dans le compte rendu de la réunion de la CMC rappelle le rôle joué par l'armée, en Corée du Nord, pour secourir les victimes de catastrophes naturelles. S'agissant du second point ("la destitution et la nomination de certains membres de la CMC du PTC"), les médias sud-coréens - et à leur suite certains médias occidentaux - ont beaucoup spéculé, sans fondements, sur les motivations de ces changements, qui n'ont pas davantage été précisés, à la direction du plus haut organe militaire du PTC. Les raisons peuvent en être très diverses, de nouvelles nominations étant par ailleurs nécessaires du seul fait des changements intervenus dans l'organisation administrative (récemment, un nouveau ministre de la Défense a été nommé), ou du besoin de remplacer des membres âgés ou malades.

Réunion de la Commission militaire centrale du Parti du travail de CoréeRéunion de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée

En ce qui concerne la situation récente, le rapport du Maréchal Kim Jong-un a salué le rôle du Parti, de l'armée et du peuple tout entier "pour défendre la révolution" et la patrie. Il a rappelé que la réunion d'urgence Nord-Sud avait été organisée à la demande du Nord, et avait permis d'éloigner le danger de la guerre. Il s'est félicité que le communiqué commun ait pu faire passer les rapports Nord-Sud, qui étaient dans une situation catastrophique, à un stade de "réconciliation" et de "confiance".

Il a dit que le résultat du récent contact est la victoire de l’idéal sublime de ceux qui se soucient du destin de la nation et font grand cas de la paix.

Le Maréchal Kim Jong-un a précisé que, selon lui, cet accord avait été rendu possible par le "puissant potentiel militaire axé sur la force de dissuasion nucléaire autodéfensive développée par notre Parti et (par) l’union étroite des rangs invincibles du Parti" - confortant ainsi la ligne du PTC visant au développement simultané de l'économie et des forces armées, lesquelles s'appuient sur la force de dissuasion nucléaire. Le compte rendu de la réunion se termine d'ailleurs sur la priorité à donner à la poursuite du renforcement du potentiel militaire, avant une nouvelle mention de l'intervention de l'armée pour résoudre les dégâts causés par les inondations à Rason, avant les cérémonies de célébration de la fondation du PTC (le 10 octobre prochain). Il a précisé en avoir donné l'ordre "en qualité de Commandant Suprême" de l'Armée populaire de Corée, soulignant ainsi son implication personnelle sur ce dossier.

S'il est logique que les questions de défense (y compris, en RPDC, en matière de sécurité civile) concentrent l'essentiel des débats d'une réunion de la Commission militaire centrale, les attentes quant à une amélioration des relations Nord-Sud apparaissent fortes, sans toutefois que ne soient détaillées les mesures envisagées ou à prendre. Le terme de "confiance" pour évoquer les rapports Nord-Sud est fondamental, alors que celle-ci a manqué depuis le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul, en 2008.

Enfin, alors qu'un courant d'analyse en Occident cherche à minimiser, sans véritables preuves, le rôle clé que joue manifestement le Maréchal Kim Jong-un dans la direction de la RPD de Corée, il est significatif que le seul rapport mentionné dans le compte rendu soit le sien, tendant ainsi à souligner l'exercice de son leadership.

Source principale :

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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 11:44

Le 22 août 2015, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), à l'instar d'autres associations d'amitié avec la Corée, a reçu par courrier électronique un message du Comité des relations culturelles avec les pays étrangers de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), revenant sur les récents événements entre les deux Corée ayant gravement accru les tensions militaires. Le Comité des relations culturelles avec les pays étrangers regroupe les associations coréennes d'amitié avec les pays étrangers, dont l'Association d'amitié Corée-France, homologue de l'AAFC. Un tel communiqué est rare de la part du Comité des relations culturelles, soulignant la gravité de la situation et le besoin, selon les autorités nord-coréennes, d'élargir les canaux de communication et d'action. Nous traduisons ci-après en français ce communiqué rédigé en anglais. Pour sa part, l'AAFC appelle à la reprise du dialogue pour diminuer durablement les tensions dans la péninsule coréenne, chaque partie devant s'abstenir de toute action de nature à aggraver les risques de confrontation : la création d'un climat de paix et de sécurité dans la péninsule coréenne passe par la suspension des exercices militaires conjoints Ulji Freedom Guardian, l'arrêt de toute propagande contre l'autre partie dans la DMZ et la mise en oeuvre par les autorités sud-coréennes des moyens dont elles disposent pour empêcher de nouveaux envois de ballons de propagande au Nord, afin de ne pas jeter d'huile sur le feu d'une situation devenue explosive.

Réunion d'urgence de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée le 20 août 2015

Réunion d'urgence de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée le 20 août 2015

Chers amis,

Nous vous adressons nos chaleureuses salutations de Pyongyang.

Nous vous écrivons cette lettre à propos des tensions actuelles dans la péninsule coréenne, qui est au bord de la guerre.

Le 20 août dernier les militaires gangsters des forces fantoches sud-coréennes ont créé une histoire d'obus tiré par le Nord, et sous ce prétexte ont tiré de manière irresponsable 36 obus sur les postes de l'Armée populaire de Corée. Le groupe fantoche sud-coréen a prétendu à cor et à cri avoir répliqué à un obus ou une balle tiré par le Nord, malgé une absence totale de preuves. Le 20 août nous n'avons tiré aucun obus ou aucune balle contre le Sud, et il n'y a même pas eu de tir accidentel. Le tir unilatéral des gangsters fantoches sud-coréens n'était ni imprévu ni accidentel ; il s'agissait bien d'une provocation ourdie et calculée.

Ils ont d'abord créé une histoire d'explosion de mine antipersonnelle, et sous ce prétexte ils ont repris leur guerre psychologique par les hauts parleurs situés tout le long de la ligne de front. Ils ont frénétiquement accru les opérations d'envoi de tracts contre la RPDC en mobilisant les organisations les plus réactionnaires.

Ils ont effectué à présent une nouvelle provocation militaire en tirant 36 obus contre la RPDC. La reprise de leur guerre de propagande et de leurs actions militaires contre la RPDC intervient au moment où se déroule en Corée du Sud Ulji Freedom Guardian, c'est-à-dire les vastes exercices conjoints de préparation d'une guerre nucléaire conduits par les Etats-Unis, lancés le 17 août. Cela montre clairement que le groupe fantoche sud-coréen coopère étroitement avec les Etats-Unis pour plonger toute la nation coréenne dans les désastres de la guerre, en imputant à la RPDC la responsabilité des tensions actuelles entre le Nord et le Sud et en créant de bonnes raisons, tel que l'envoi de tracts, pour justifier des confrontations entre compatriotes.

Dans la grave situation actuelle, une réunion élargie de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée s'est tenue d'urgence dans la nuit du 20 août. Lors de cette réunion, le Commandement suprême de l'Armée populaire de Corée a ordonné que les unités les plus avancées sur la ligne de front soient en état d'alerte afin d'être entièrement prêtes à lancer des opérations surprise et que la région autour du front soit dans un état de semi-guerre à compter du 21 août 17 heures.

La situation dans la péninsule coréenne est au bord du gouffre d'une nouvelle guerre en raison des provocations répétées des Etats-Unis et des forces fantoches sud-coréennes. La situation actuelle montre une nouvelle fois clairement que ce sont bien les Etats-Unis et le régime fantoche sud-coréen à ses ordres qui aggravent les tensions dans la péninsule coréenne et menacent la paix et la stabilité dans la région.

Nous sommes fermement convaincus que les personnes et les organisations internationales sincèrement attachées à la justice et à la paix mondiale comprendront parfaitement le danger de la situation actuelle dans péninsule coréenne et sa nature, et soutiendront pleinement le peuple coréen dans son combat pour sauvegarder sa souveraineté nationale en organisant des activités de solidarité, telles que des réunions, des déclarations, des interviews et des manifestations de protestation pour briser les provocations et les agressions militaires anti-RPDC des Etats-Unis et des autorités fantoches sud-coréennes.

En vous priant d'agréer nos salutations les meilleures,

Le Comité des relations culturelles avec les pays étrangers de RPDC

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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 12:09

Le Professeur Won Tai Sohn (ou Sohn Won-tai, si l'on suit l'usage coréen de placer le prénom après le nom), devenu Coréen américain, a été un témoin oculaire privilégié des débuts de la résistance engagée par le Président Kim Il-sung en Chine du Nord-Est. Alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'apprête à commémorer le vingt-et-unième anniversaire de la disparition de son fondateur, le 8 juillet 1994, nous reproduisons ci-après, traduit de l'anglais, l'opinion qu'a gardée du Président Kim Il-sung Won Tai Sohn, un Coréen américain marqué par le christianisme et a revu le fondateur de la RPD de Corée dans les dernières années de sa vie, et qui témoignent d'une reconnaissance du rôle historique qu'il a joué au-delà des milieux de gauche.

Comment Won Tai Sohn considérait le Président Kim Il-sung

Je pense que Kim Il Sung, au cours de sa direction de la Corée depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, a mérité et reçu une reconnaissance comme étant un dirigeant politique de grande envergure dans de nombreuses parties du monde. Il existe diverses approbations de son idéologie politique et de sa direction politique des affaires sous une forme de gouvernement socialiste-communiste. Ayant été docteur en médecine pendant la plus grande partie de ma vie, je n'ai pas l'intention de m'engager dans des débats pour savoir si telle ou telle interprétation peut évaluer de manière correcte sa contribution politique. Néanmoins, je considère devoir formuler mes idées concernant ce que j'ai vu, entendu et ressenti pendant mes visites en Corée du Nord.

J'ai trouvé une réponse à beaucoup de mes questions de mes expériences personnelles en République populaire démocratique de Corée. Le patriotisme est une vertu dont il est plus facile de se revendiquer que de la mettre en oeuvre. Mon père, le Révérend Sohn Jong Do, était un ministre méthodiste qui avait un profond amour pour la Corée et ses compatriotes. Malgré les persécutions, ce sont l'amour et le patriotisme qui ont fondé son opposition à l'occupation japonaise de la Corée et à travailler pour sa liberté, même si cet engagement devait finalement lui coûter la vie. Sa motivation était la même que celle d'Ahn Chang Ho, un des proches amis de mon père et également un combattant pour l'indépendance. M. Ahn était l'un des dirigeants du gouvernement provisoire coréen à Shanghaï, tout comme Syngman Rhee. Tous, y compris Kim Il Sung, ont fait la preuve de leur patriotisme par leurs actions, et non par grandiloquence politique.

Le Président Kim Il Sung a dédié sa vie à sa vision du communisme et il est resté immuable à ses principes tout en travaillant pour le bien du peuple. Il a maintenu l'idée que les intérêts du pays et du peuple doivent être placés au-dessus de l'idéalisme communiste et que la révolution n'était juste que si elle était menée pour l'amour du peuple. Ma vision du communisme est très simple : s'il a pour objectif d'aider les pauvres et de garantir à tous les citoyens les moyens de mener une vie égale et heureuse, il n'est pas très différent de la pure doctrine du christianisme des origines. Néanmoins, je m'oppose totalement aux doctrines extrêmes qui appellent à l'abolition de la propriété privée et à l'expropriation des riches. L'idée selon laquelle les travailleurs n'ont pas de patrie me semble tout aussi absurde.

En Corée du Nord, j'ai appris qu'était suivie une doctrine différente du communisme. Juste à la sortie de la voie rapide qui mène de Sunan à Pyongyang, près de l'aéroport international, se trouve le cimetière des Martyrs patriotes. Sont enterrés là des patriotes qui ont dédié leur vie à la libération et à l'indépendance de la Corée. J'ai trouvé là les tombes de Choe Tong Ho, que j'avais connu pendant mon enfance à Jilin, An Jae Hong, Jo So Ang, Jo Wan Gu et Om Hang Sop. Ils étaient de vrais nationalistes et des figures importantes du gouvernement coréen provisoire à Shanghaï. La Corée du Sud considère qu'ils ont tous été "enlevés" par la Corée du Nord. Kim Il Sung m'a dit qu'il aurait également voulu que les restes de mon père soient enterrés là mais qu'ils n'avaient pas été retrouvés (...)

Je ne peux qu'admirer la sensibilité du Président Kim Il Sung. C'était un homme qui aimait la nation et le peuple et plaçait le bien-être du pays au-dessus de tout autre but ou idéal. J'ai pu reconnaître son patriotisme dans chaque aspect de la construction du gouvernement socialiste de la Corée du Nord.

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Source : Won-tai SOHN, Kim Il-sung and Korea's Struggle. An unconventional firsthand story, Mc Farland and Company Inc. Publishers, Jefferson (Caroline du Nord) et Londres, 2003. ISBN 0-7864-1589-4. Extraits du chapitre 19 (titre anglais : "Genuine Patriotism"), p. 174 sq.

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1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 00:01

Dans tous les pays du monde, les déclarations du plus haut dirigeant à l'occasion de la nouvelle année constituent un moment solennel. La Corée ne fait pas exception à la règle : après la cérémonie de voeux de la Présidente Park Geun-hye de la République de Corée (Corée du Sud), le Dirigeant Kim Jong-un de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'est à son tour adressé à ses concitoyens et au monde, le 1er janvier 2015, dans un discours de trente minutes. De part et d'autre, la volonté a été clairement exprimée de reprendre le dialogue intercoréen à un haut niveau, alors que cette année marque le soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corée de l'occupation japonaise. Fidèle à ses engagements constants depuis 1969, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) accompagne pleinement la RPD de Corée sur la voie des échanges économiques et culturels, et soutient fermement toute initiative de nature à favoriser le dialogue, la paix et la réunification dans la péninsule - après que le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul, en 2008, a malheureusement ruiné les efforts accomplis en ce sens pendant la décennie de la "politique du rayon de soleil" (1998-2008) d'ouverture du Sud au Nord, et réciproquement.

Le Maréchal Kim Jong-un, Premier secrétaire du Parti du travail de Corée

Le Maréchal Kim Jong-un, Premier secrétaire du Parti du travail de Corée

Suivant un exercice rodé, dans ses voeux de nouvel an diffusés le 1er janvier 2015, le Maréchal Kim Jong-un s'est inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, le Président Kim Il-sung et le Dirigeant Kim Jong-il, pour l'édification d'un pays socialiste puissant et prospère, sous la conduite du Parti du travail de Corée (PTC), alors que le 10 octobre 2015 marquera le soixante-dixième anniversaire de la fondation du PTC, dont le message de nouvel an a souligné qu'il donnerait lieu à d'importantes célébrations. 

Le dirigeant Kim Jong-un a fait le bilan de l'année écoulée et fixé les priorités pour 2015, en mettant l'accent, comme les années précédentes, sur la poursuite et l'accélération du développement économique ainsi que l'élévation du niveau de vie de la population. A cet égard, la récolte céréalière a atteint, en 2014, son plus haut niveau depuis les graves catastrophes climatiques des années 1990, lesquelles avaient engendré une sévère pénurie alimentaire. La mise en place continue d'une nouvelle infrastructure de loisirs marque la volonté de garantir l'accès le plus large à la consommation de biens et de services. Enfin, la modernisation technologique et la mise en exergue de l'importance accordée au progrès scientifique rendent compte de l'engagement de la RPD de Corée dans un nouveau cycle de croissance économique, se fondant sur l'effort réalisé en matière d'investissements en recherche-développement - y compris par un recours accru aux investissements étrangers. L'intervention mentionne également la nécessaire accélération de l'ouverture au tourisme international.

Le développement économique et social a été décrit comme indissociable du renforcement des capacités militaires, fondé notamment - comme en France - sur une force de dissuasion nucléaire, la RPD de Corée restant soumise au plus vieil embargo au monde.

Un des moments les plus attendus des voeux état de savoir si le Nord répondrait à la proposition formulée par le Sud quelques jours plus tôt, de relancer le dialogue et les échanges intercoréens, mis à mal par l'alternance politique qui a vu le retour au pouvoir à Séoul, en 2008, des conservateurs, parmi lesquels beaucoup privilégient au contraire le renforcement des sanctions en vue d'un effondrement de la RPD de Corée. En 2014, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a mis en place un comité de préparation de l'unification, qui avait proposé au Nord, dans les derniers jours de décembre, de reprendre le dialogue interministériel dès janvier 2015 pour discuter de sujets d'intérêt mutuel, dont de nouvelles réunions de familles coréennes séparées par la division.

Le compte rendu de l'allocution de nouvel an publié par l'agence de presse nord-coréenne KCNA a souligné que la nation coréenne tout entière - du Nord, du Sud et de la diaspora - devait se retrouver derrière le mot d'ordre "Que l'ensemble de la nation fasse des efforts conjoints pour ouvrir un boulevard vers la réunification indépendante, en cette année du soixante-dixième anniversaire de la libération nationale !". En effet, si le 15 août a vu la libération de la Corée de l'occupation japonaise, l'indépendance s'est accompagnée de la division de la nation coréenne avec la mise en place d'institutions séparées de part et d'autre du 38e parallèle.

Plus précisément, le Maréchal Kim Jong-un a déclaré qu'il n'avait "pas de raison" de refuser la main tendue par le Sud, en apportant les précisions suivantes :

"Si les autorités sud-coréennes veulent sincèrement améliorer les relations entre la Corée du Nord et du Sud par le dialogue, nous pouvons reprendre les rencontres à haut niveau qui ont été suspendues. [...] Si l'atmosphère et l'environnement sont favorables, il n'y a pas de raison de ne pas tenir un sommet à haut niveau [avec la Corée du Sud]."

Si les autorités sud-coréennes ont raison de souligner qu'il s'agit d'une réponse positive, la RPD de Corée a rappelé qu'il faut que soient réunies les conditions d'un dialogue de haut niveau - un peu hâtivement interprété comme la possibilité d'un sommet Nord-Sud, dans la continuité de ceux de juin 2000 et octobre 2007. En effet, les canaux du dialogue existent déjà : le Nord avait pris l'initiative de l'envoi d'une délégation de très haut niveau lors de la cérémonie de clôture des Jeux asiatiques d'Incheon, au Sud, le 4 octobre 2014, qui coïncidait jour pour jour avec le septième anniversaire de la seconde déclaration conjointe Nord-Sud. Il s'agit donc déjà de reprendre les discussions, à l'occasion de l'anniversaire de la libération qui sera commémoré avec faste tant au nord qu'au sud de la péninsule, alors que la fin d'année 2014 avait été marquée par des initiatives du Sud qui avaient éloigné la perspective de renouer les fils du dialogue : les envois depuis le Sud de tracts de propagande contre la RPD de Corée, le rôle actif joué par Séoul dans la condamnation de la situation des droits de l'homme au Nord, enfin (et peut-être surtout) la répression exercée par les autorités sud-coréennes vis-à-vis des militants pro-réunification, dans la foulée de l'interdiction du Parti progressiste unifié (PPU), décrié comme "pro-Nord", qui s'inscrit dans une évolution autoritaire du régime du Sud. Tant que cette répression continuera, il est très improbable que le Nord accepte de servir de caution à la présidente sud-coréenne, dont la popularité vient de tomber en-dessous de la barre des 40 %.

Sources :

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28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 00:45

Normalien agrégé d'histoire, ayant travaillé à l'ambassade de France à Séoul, Pascal Dayez-Burgeon s'est imposé en quelques années comme l'un des principaux invités des médias français sur la Corée - et tout spécialement sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - après avoir écrit plusieurs livres sur la péninsule coréenne. Son dernier ouvrage, La dynastie rouge. Corée du Nord 1945-2014, édité par Perrin à l'automne 2014, s'inscrit également dans la veine des livres grand public, en jouant sur un registre où le succès de librairie est attendu : établir la biographie croisée des trois dirigeants de la RPD de Corée (Kim Il-sung, Kim Jong-il et Kim Jong-un). En soi, l'exercice est original - du moins, en langue française - et le livre, ainsi que la thèse qu'il défend (la Corée du Nord aurait effectué une mutation d'un régime de démocratie populaire en une monarchie), mérite qu'on s'y attarde.

A propos de "La dynastie rouge" de Pascal Dayez-Burgeon

Un ouvrage témoignant d'une volonté didactique et agréable à lire, mais relevant de la catégorie des ouvrages grand public sans répondre aux critères formels des travaux de référence s'agissant du traitement des sources et de l'exactitude des données


Ayant la plume facile, jamais avare de bonnes formules qui feraient rougir d'envie un journaliste ou un publicitaire (voir notamment les têtes de chapitre : "Le prince qu'on attendait", "La monarchie 2.0"...), Pascal Dayez-Burgeon a le mérite d'avoir écrit des ouvrages sur la Corée agréables à lire et faciles d'accès pour le néophyte. Par ailleurs, sans doute de par sa formation, l'auteur manifeste un souci didactique, qui le conduit notamment à resituer le système politique de la RPDC dans son contexte historique et culturel, auquel est consacrée toute la première partie du livre. Assurément, les chapitres de La dynastie rouge où il parle de la culture coréenne commune à l'ensemble de la péninsule sont, de notre point de vue, parmi les plus intéressants, parce qu'ils savent rester dans une épure factuelle tout en mettant l'accent sur des aspects qu'ignorent la plupart des "pyongyangologues" qui, par facilité ou paresse intellectuelle, préfèrent chausser les grosses lunettes de l'anticommunisme.

Figurant en tête d'ouvrage, l'arbre généalogique de la famille du Président Kim Il-sung, certes simplifié, a le mérite d'être exact, quand beaucoup de journalistes s'essaient à l'exercice tout en ne parvenant même pas à orthographier correctement les noms coréens (quel que soit le mode de translittération du coréen retenu).

La bibliographie (p. 428-443) a le mérite d'être relativement exhaustive, du moins pour les sources en langues occidentales, tendant ainsi à combler une lacune des précédents ouvrages de Pascal Dayez-Burgeon où beaucoup d'informations n'étaient pas sourcées (ou du moins pas directement). Néanmoins, le parti pris d'accumuler les références en fin d'ouvrage, avec très peu de mentions dans le corps même du livre, est déconcertant, car il devient impossible de savoir si nombre des (excellentes) formules de l'auteur et de ses conclusions sont inspirées de ses sources, si elles sont le fruit d'une analyse ou de la synthèse de plusieurs sources, ou encore si elles proviennent de sources directes sud-coréennes. Nous reviendrons sur ce point. 

Comme dans ses précédents ouvrages, Pascal Dayez-Burgeon n'exclut pas de ses sources le site de l'AAFC ni les livres écrits par plusieurs de ses membres, ce dont nous lui savons gré  - même s'il semble méconnaître La Corée vers la réunification de Robert Charvin et Guillaume Dujardin. Au demeurant, il est piquant de voir le site de l'AAFC décrit (p. 441) comme un site de "La Corée du Nord en ligne". L'auteur serait sans doute surpris d'apprendre combien les articles du blog de l'AAFC ont pu susciter de réactions diverses des autorités nord-coréennes, en France comme en RPDC, justement car ils ne correspondaient pas à la doxa accessible sur KCNA ou Naenara.

Par rapport aux critères universitaires, La dynastie rouge présente cependant un certain nombre de faiblesses sur lesquelles nous ne ferons que citer des exemples, l'intention de Pascal Dayez-Burgeon ayant manifestement été d'écrire un livre grand public, et pas un ouvrage de référence (au sens où il servirait de base à des futurs travaux de recherche) :

- sur la forme, le choix de transcrire certains noms nord-coréens sous la graphie sud-coréenne (par exemple, "Ri", qui devient "Lee" au Sud, s'agissant du patronyme, ou "Yi" s'agissant de la dernière dynastie royale coréenne) surprend et est maladroite, car c'est comme si l'ancien président sud-coréen Lee Myung-bak était appelé Ri Myung-bak dans la littérature occidentale, au motif que son nom serait transcrit "Ri" au Nord alors qu'on parle bien d'un dirigeant de la Corée du Sud ; ce faisant, Pascal Dayez-Burgeon suit un usage qui n'existe qu'en Corée du Sud (et très partiellement), et n'est en tout cas suivi par aucun spécialiste occidental de la Corée ;

- il y a lieu de relever des erreurs factuelles, heureusement peu nombreuses : ainsi, l'agence Koryo Tours a été créée par des Britanniques, et pas par des Américains comme l'affirme l'auteur ; évoquer la surmortalité due à la famine des années 1990 entre 500.000 et 1,5 million de morts, soit entre 3 % et 6 % de la population d'un pays qui comptait alors 22 millions d'habitants, est mathématiquement faux (le taux exact serait compris entre 2,3 % et 7 %, à supposer que la très large fourchette proposée soit exacte, ce qui fait débat chez les spécialistes mais n'est du reste pas discuté ou étayé dans l'ouvrage) (p. 257) ; ou encore, l'Américain Liberace, qu'on peut à la rigueur décrire comme un pianiste, était homosexuel, mais pas travesti (p. 324) ;

- enfin, La dynastie rouge n'est pas exempt de contradictions internes, par exemple sur la date de naissance de l'actuel dirigeant, le Maréchal Kim Jong Un (1982, 1983 ou 1984 ?) ; le fait que les Nord-Coréens entretiennent le flou sur ce point ne peut suffire à justifier que les dates données puissent varier d'un chapitre à l'autre.

Un ouvrage dépassant apparemment la propagande, mais en fait dépendant d'une vision traditionnelle sud-coréenne sur la Corée du Nord


Si on ne peut pas reprocher à La dynastie rouge de ne pas constituer l'ouvrage de référence qu'il n'a jamais prétendu être, il est revanche plus regrettable que tant la lecture historique de la RPD de Corée qu'il nous livre, que son analyse (la mutation du communisme à la monarchie), peinent trop souvent à se démarquer des approches traditionnelles sud-coréennes sur la Corée du Nord, tellement ancrées dans les consciences collectives au Sud depuis l'époque des régimes autoritaires qu'elles sont devenues des préjugés fermant la porte au débat.


Donner, l'une après l'autre, la version présentée comme la "propagande du Nord", puis "la propagande du Sud", en les démentant toutes deux (par exemple, sur la disparition de Kim Il-sung, p. 244), ne suffit pas à créer un juste milieu objectif, surtout quand la longue description de la propagande du Sud permet de suggérer que celle-ci aurait un fond de vérité (ou du moins une valeur identique à celle des sources officielles nord-coréennes) qu'aucun spécialiste sérieux n'admet pourtant. Ainsi, suggérer que Kim Jong-il aurait tué Kim Il-sung est une thèse que même le défecteur nord-coréen Hwang Jang-yop, pourtant devenu un des plus vifs critiques de la RPD de Corée, a réfutée comme absurde et sans fondement. Il est très regrettable que Pascal Dayez-Burgeon se fasse alors l'écho d'une légende fabriquée par les services secrets sud-coréens, en se contentant d'un commentaire selon lequel cette thèse est "peu plausible" (alors qu'elle est simplement fausse) et en concluant par un "qu'importe la vérité". Ce genre de détails relève d'une certaine presse, pas d'un ouvrage sérieux.

Soucieux de la formule qui frappe et qui plaît, Pascal Dayez-Burgeon va souvent trop vite en besogne dans ses conclusions : non, tous les hommes politiques venus du Sud n'ont pas été écartés du pouvoir au Nord ; non, l'économie n'entre pas en récession dès 1980, comme tend à le faire croire la formule employée à la page 202... Cela ne signifie évidemment pas que les très nombreuses informations données, et qui traduisent un réel effort de synthèse, ne méritent pas qu'on s'y attarde. Mais il aurait fallu, par un travail de référencement plus approfondi, préciser pour chaque passage les sources utilisées, afin d'en apprécier la fiabilité : ainsi, la plupart des détails sur la vie privée des dirigeants nord-coréens proviennent des trois grands quotidiens conservateurs sud-coréens, et souvent de fuites savamment orchestrées par l'appareil d'Etat sud-coréen. Il s'agit donc d'hypothèses, à prendre avec précaution, faute le plus souvent de sources officielles nord-coréennes. L'indiquer n'a rien d'infâmant : il permet simplement au lecteur de se forger sa propre opinion.

Le livre élude certains débats, qui donnent pourtant une autre coloration aux portraits des dirigeants nord-coréens : il est ainsi hautement douteux que le naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan, au printemps 2010, soit imputable à la Corée du Nord, comme l'a prétendu Séoul. De façon regrettable, ce point n'est pas discuté, alors qu'il a accéléré la détérioration des relations intercoréennes. Ce débat n'est pas anodin s'il s'agit de déterminer les responsabilités de chaque partie dans la fin du rapprochement Nord-Sud au travers de la politique du "rayon du soleil". 

S'il n'est pas lui-même un auteur de référence, malgré des connaissances encyclopédiques tout à fait appréciables et qu'il a plaisir à nous faire partager, Pascal Dayez-Burgeon aurait gagné à mieux utiliser les travaux de ceux qui sont reconnus comme tels. Ainsi, sur la période de la guerre de Corée, il cite les travaux de l'historien américain Bruce Cumings comme faisant référence (p. 429). Sur la base de travaux d'archives menés pendant des dizaines d'années, Bruce Cumings a conclu sur la complexité des origines de la guerre de Corée (comme du reste de toute guerre, généralement le point d'achèvement d'une escalade de part et d'autre). Pascal Dayez-Burgeon peut être en désaccord avec Bruce Cumings sur ce point, mais il est regrettable qu'il ne juge pas utile de mentionner ce débat. De même, il se contente de renvoyer le débat sur l'usage d'armes chimiques par les Etats-Unis à de la propagande communiste, et il occulte les nombreux incidents de frontière qui ont conduit au déclenchement de la guerre. Il donne au final une présentation cohérente, mais en tout point conforme à celle des états majors américain et sud-coréen, très hostiles à la démarche des chercheurs tels que Bruce Cumings, suspects à leurs yeux de pencher trop du côté nord-coréen. Pascal Dayez-Burgeon a pris parti, mais sans donner les clés d'une autre lecture possible.

De même, un autre historien américain, Charles K. Armstrong, sur la base notamment des archives prises par les Américains pendant la guerre de Corée, a apporté une lecture qui fait autorité sur les débuts de la Corée du Nord (1945-1950). Charles Armstrong montre que, en RPD de Corée comme en Chine et au Vietnam, le succès des communistes s'est basé sur la lutte de libération nationale. Or Pascal Dayez-Burgeon ne mentionne pas les foyers de guérilla coréens en Mandchourie dans les années 1930, dont l'organisation, même brève, a servi de référence aux réformes de l'après-guerre (réforme agraire, égalité hommes-femmes, nationalisations). Il décrit Kim Il-sung comme totalement inféodé aux Soviétiques qui occupaient alors la moitié Nord de la Corée. Pourtant, Charles Armstrong a souligné l'intelligence de l'occupation soviétique, consistant à rendre celle-ci moins pesante que l'administration américaine au Sud : non seulement Kim Il-sung n'était pas le candidat des Soviétiques (du moins pas initialement), mais il avait les coudées franches pour, tout en s'inspirant des précédents de l'URSS et de la Chine, créer des institutions tenant aussi compte des conditions de la lutte de libération nationale. A contre-courant de ces travaux reconnus, Pascal Dayez-Burgeon, sur la base d'une lecture rapide et unilatérale des travaux d'Andreï Lankov, ne parvient pas à s'abstraire des vieux schémas sud-coréens sur la Corée du Nord, consistant à faire de Kim Il-sung l'agent des Soviétiques. De même, si l'histoire officielle nord-coréenne a encensé les faits d'armes de Kim Il-sung dans la guérilla, les rabaisser comme le fait Pascal Dayez-Burgeon n'aide pas à la connaissance d'une histoire certes difficile à apprécier objectivement, mais qui aurait mérité mieux qu'une description pour le moins contestable et conduisant à des conclusions hâtives, où se fait sentir la très forte influence des historiens officiels sud-coréens - même si Pascal Dayez-Burgeon réfute la thèse sud-coréenne d'extrême-droite selon laquelle le fondateur de la RPD de Corée aurait usurpé le nom et l'identité du vrai Kim Il-sung, et s'il montre que son nom de guérilla n'a rien d'exceptionnel ni de particulièrement emphatique.

Idéologie et transmission héréditaire du pouvoir : des analyses qui restent à conduire

S'agissant de l'idéologie nord-coréenne du Juche, La dynastie rouge insiste sur sa genèse dans les années après 1972, pour constituer un corpus qui justifierait la transmission dynastique du pouvoir. L'hypothèse est là encore séduisante, mais elle fait l'impasse sur les travaux universitaires qui ont montré que les idées du Juche se mettent en place à l'époque de la confrontation entre l'URSS de Krouchtchev et la Chine maoïste, soit plus de dix ans auparavant, dans une sorte de troisième voie coréenne fondée sur le non-alignement.

Enfin, que penser de l'idée monarchique ? Comme l'a fort bien observé Pascal Dayez-Burgeon en début d'ouvrage et dans d'autres articles, le fait dynastique n'est pas propre à la Corée du Nord, mais existe aussi en Corée du Sud - tant dans le domaine politique qu'économique, ainsi qu'en atteste le culte voué aux fondateurs des conglomérats. Si nous définissons pour notre part la RPD de Corée, dès l'origine, comme un régime nationaliste de gauche, que ce trait typiquement coréen l'ait emporté n'est pas en soi aussi extravagant qu'il peut le sembler. En revanche, donner pour acquis, à l'instar de Pascal Dayez-Burgeon, que Kim Il-sung n'aurait jamais été authentiquement communiste et que la monarchie serait un fait nouveau, après qu'il aurait été fait table rase du marxisme, est s'aventurer trop vite et trop loin (la conférence des partis communistes organisée à Pyongyang après la chute de l'URSS atteste d'une volonté de fidélité à l'héritage des démocraties populaires). Si la pratique nord-coréenne du pouvoir est pragmatique, le discours se fonde toujours sur une grille de lecture de type socialiste soviétique, voire marxiste. Les institutions, même après les réformes de juillet 2002, gardent des traits propres aux démocraties populaires qu'il serait erronné d'éluder, notamment la propriété collective des grands moyens de production, ou les principes (certes tempérés en pratique) de gratuité de l'éducation et de la santé.

Surtout, qu'il y ait des éléments de transmission héréditaire du pouvoir ne répond pas à la question de la nature des institutions et de l'exercice du pouvoir, que ne traite pas l'ouvrage : le Royaume-Uni a beau être une monarchie constitutionnelle, il représente une démocratie parlementaire qui n'a pas grand chose de commun avec le régime dit "absolutiste" qu'a connu l'Angleterre pendant des siècles. Pascal Dayez-Burgeon suggère l'idée d'un pouvoir personnel, ce qui est une hypothèse restant à étayer (connaît-on seulement les rouages du pouvoir et le mode de prise de décision ?) et n'examine pas en tout cas les différences sur ce point entre Kim Il-sung, Kim Jong-il et Kim Jong-un. L'idée du dictateur tout-puissant relève largement du schéma d'idée occidental ; interrogé par un officier du KGB après un voyage en Corée du Nord au début des années 1980, Bruce Cumings s'était vu reprocher par ce dernier d'attacher - comme les Occidentaux - trop d'importance aux dirigeants politiques, et pas assez à l'organisation politique globale.

Le parti pris de La dynastie rouge était de parler du chef, pas du Parti, de l'armée ou de l'Etat : on peut le concevoir, mais l'hypothèse initiale a réduit considérablement les capacités d'analyse du régime nord-coréen. Si les luttes politiques sont relativement bien documentées dans les années qui suivent la guerre de Corée, ce serait une erreur de les arrêter aux années 1960 (comme d'ignorer celles de l'avant-guerre, en particulier autour de la question paysanne qui a amené, un temps, le parti Chondogyo à s'opposer au Parti du travail) ou de les interpréter exclusivement sous l'angle de la consolidation d'un pouvoir personnel. Il y a des débats de fond au sommet de l'Etat, non publics, notamment dans les domaines économique, militaire et diplomatique. Ne pas pouvoir établir précisément la géographie du pouvoir (en termes d'institutions et de réseaux familiaux ou personnels) n'autorise pas pour autant à ignorer cet aspect. En fin d'année 2013, l'élimination de Jang Song-thaek en a été une des manifestations les plus patentes. 

En conclusion, La dynastie rouge a le mérite de combler une lacune dans la bibliographie francophone sur la Corée du Nord, et d'apporter une synthèse plus nuancée et surtout plus documentée d'une question difficile à traiter au-delà des partis pris teintés d'anticommunisme. Son auteur, qui a vécu longtemps en Corée du Sud, est manifestement attaché à la réunification, et exprime une forme de nationalisme coréen très propre au Sud - par exemple, quand il mentionne la "kimgongilmania" lors du sommet de juin 2000, ou lorsqu'il applaudit aux créations cinématographiques du Nord dans les années 1970, ce sont des traits typiquement sud-coréens dans leur fascination pour le Nord. Il gagnerait ainsi à mieux utiliser les sources nord-coréennes, sans évidemment les prendre pour argent comptant, ainsi que les travaux d'auteurs non-coréens (ou, plus largement, non liés aux autorités sud-coréennes), pour s'extraire de certains préjugés sud-coréens tenaces sur la RPD de Corée, et spécialement sur ses dirigeants.
 

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28 septembre 2014 7 28 /09 /septembre /2014 17:03

Le 25 septembre 2014 s'est tenue la deuxième session de la treizième législature de l'Assemblée populaire suprême de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), après les élections législatives du 9 mars 2014. Si les questions d'éducation ont dominé les débats parlementaires, c'est l'absence - pour raisons de santé - du Maréchal Kim Jong-un, Premier secrétaire du Parti du travail de Corée, Premier président de la Commission de la défense nationale, qui a retenu l'attention des médias étrangers.

Sur les 687 députés de l'Assemblée populaire suprême, 601 sont membres du Parti du travail de Corée (en rouge, en partant de la gauche sur le graphique ci-dessus), 51 appartiennent au Parti social-démocrate (en rose), 21 au Parti chondogyo (rouge vif) et 13 indépendants (en gris) ne sont membres d'aucun parti ou sont choisis au sein des Coréens du Japon membres de la Chongryon.

Sur les 687 députés de l'Assemblée populaire suprême, 601 sont membres du Parti du travail de Corée (en rouge, en partant de la gauche sur le graphique ci-dessus), 51 appartiennent au Parti social-démocrate (en rose), 21 au Parti chondogyo (rouge vif) et 13 indépendants (en gris) ne sont membres d'aucun parti ou sont choisis au sein des Coréens du Japon membres de la Chongryon.

Conformément à la priorité accordée à la jeunesse et à l'éducation, l'ordre du jour de la deuxième session de la 13e Assemblée populaire suprême a principalement débattu, sur le rapport du Premier ministre Pak Pong-ju, du projet de loi relatif à la mise en oeuvre de l'enseignement scolaire obligatoire pendant douze ans et à l'amélioration de sa qualité - deux ans après l'allongement de onze à douze années de la durée obligatoire de scolarisation. Tout en dressant un bilan très largement positif de cette mesure (qui a nécessité un effort accru d'investissement en matière d'équipements et de matériel scolaire, ainsi que de changement des programmes), les sujets évoqués ont souligné en creux les domaines où de nouveaux efforts seraient accomplis : renforcer le nombre et la qualification des enseignants ; mieux prendre en compte les spécificités géographiques et économiques des différentes régions du pays ; intégrer ces évolutions avec celles de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Par ailleurs, l'APS a procédé à des nominations au sein de la commission de la défense nationale (CDN) : Hwang Pyong-so, directeur du bureau de politique général de l'Armée populaire de Corée, a été élu vice-président, et Hyon Yong-chol et Ri Pyong-chol membres de la CDN, sur la proposition du Maréchal Kim Jong-un, Premier président de la CDN. Choe Ryong-hae et Jang Jong-nam, qui étaient jusqu'à présent vice-président et membre de la CDN, ont été appelés à exercer d'autres fonctions.

L'absence du Maréchal Kim Jong-un, largement remarquée et commentée dans les médias étrangers, a été expliquée le lendemain par la télévision nord-coréenne, mentionnant un empêchement pour raisons de santé. Si ce n'est pas la première fois que le dirigeant suprême de la RPDC n'apparaît pas pendant une période prolongée (en l'espèce, depuis le 3 septembre ; en 2013, une telle absence sur le devant de la scène avait duré deux semaines), y compris lors de cérémonies publiques, la transparence des médias nord-coréens - montrant et expliquant cette absence, alors que des mouvements de caméra auraient pu éviter de faire apparaître sa chaise vide - est à relever. Le Maréchal Kim Jong-un a eu une intense activité lors de ses nombreuses visites de terrain en juillet et août derniers.

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