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4 juin 2014 3 04 /06 /juin /2014 08:21

Au risque de décevoir les tintinophiles, le Migouk (qui peut aussi être orthographié Miguk) n'a rien à voir avec le Yéti - ou Migou. "Migouk" est le nom sous lequel les Coréens désignent les Etats-Unis depuis le 19ème siècle.  Retour sur l'origine du mot.

A la fin du XVIIIème siècle, le catholicisme tente de s'introduire en Extrême-Orient. Les lettrés confucéens orthodoxes, qui dominaient alors culturellement le royaume de Corée (Choson), s'opposèrent à cette influence. Ils lui assimilèrent les expéditions conduites par les puissances impérialistes européennes et américaine pour forcer la Corée à s'ouvrir au commerce extérieur, voire coloniser la péninsule, tout en pillant au passage certains trésors du pays - et qu'ils tentaient de justifier notamment par la condamnation à mort de prêtres catholiques entrées illégalement et secrètement en Corée.

Les Etats-Unis ne furent pas inactifs sur ce terrain. En 1853, une canonnière américaine, l'USS South America, resta dix jours à Pusan. Un des incidents le plus connu est celui du General Sherman, en 1866, du nom d'un navire de la compagnie commerciale britannique Meadows and Co., et qui - contrairement à l'expédition de 1853 - se solda par la mort de l'équipage, tué par les habitants de Pyongyang - dont le grand-père paternel du Président Kim Il-sung, Kim Un-u, selon l'historiographie nord-coréenne. Ce dénouement servit de prétexte à l'expédition américaine en Corée en 1871, qui conduisit à la mort de 300 Coréens. En 1882, le royaume de Choson dut signer un traité commercial avec les Etats-Unis.

La Corée, qui avait choisi une politique diplomatique isolationniste, se tourna vers la puissance suzeraine chinoise pour savoir qui étaient les nouveaux venus en Extrême-Orient. Les Chinois désignèrent les Américains comme venant du pays nommé "America" qui, par transformations phonétiques successives et l'utilisation du mot "guk" (pays ou Etat en coréen), devint - et demeura - "Miguk".

Timbre édité en 1964 en RPD de Corée, commémorant l'attaque du "General Sherman" (1866)

Timbre édité en 1964 en RPD de Corée, commémorant l'attaque du "General Sherman" (1866)

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15 avril 2014 2 15 /04 /avril /2014 12:58

kim-il-sung_kim-jong-suk_kim-jong-il.jpgAlors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) célèbre ce 15 avril 2014 le 102ème anniversaire de la naissance de son fondateur, le Président Kim Il-sung, le pouvoir qu'il a établi s'est fondé non seulement sur ses activités dans la guérilla anti-japonaise, mais aussi sur sa capacité à gagner à la cause de la révolution coréenne après 1945 de nouvelles couches sociales jusqu'alors marginalisées, comme l'a notamment montré l'universitaire américain Charles K. Armstrong dans son ouvrage de référence sur cette période, qui utilise notamment d'abondantes sources d'archives nord-coréennes prises par l'armée américaine pendant la guerre de Corée. En favorisant la participation politique des Coréens plus jeunes et de ceux qui n'appartenaient pas à la noblesse, tout en s'appuyant sur la paysannerie alors dominante, Kim Il-sung (à gauche avec sa femme Kim Jong-suk et leur fils Kim Jong-il) s'est également démarqué d'autres leaders politiques, comme ceux du groupe de Yanan, plus proche de la Chine. Dans ce contexte, la loi du 30 juillet 1946 sur l'égalité hommes-femmes, largement impulsée par Kim Il-sung et ses partisans, a bousculé le vieil ordre confucéen traditionnel et été parmi les plus avancées d'Asie à cette époque, comme l'observe Charles K. Armstrong dans son ouvrage précité dont nous traduisons ci-après des extraits.
    
"Les femmes ont constitué la troisième cible majeure de la législation réformiste. La légalisation de l'égalité entre les sexes a été fortement influencée par le précédent soviétique, mais la libération des femmes faisait également partie du programme des bases de guérilla en Mandchourie (...). Les documents nord-coréens suggèrent que Kim Il-sung et son groupe de guérilla étaient plus favorables à l'égalité des sexes que le groupe de Yanan, qui était plus populiste dans d'autres domaines mais davantage conservateur quand on en venait aux questions de genre, peut-être en partie du fait de la différence d'âges entre les dirigeants des deux groupes (Kim Tu-bong, le leader du groupe de Yanan, était beaucoup plus âgé que Kim Il-sung et avait une formation universitaire plus comme il faut)1. Il est difficilement contestable que les discriminations contre les femmes dans la Corée traditionnelle étaient sévères, même en comparaison avec les autres pays d'Asie de l'Est, et que rechercher un soutien parmi les femmes coréennes opprimées de longue date correspondait tout à fait à la politique de Kim Il-sung et du Comité populaire provisoire de Corée du Nord (CPPCN)a de mobiliser les éléments marginalisés de la société nord-coréenne. Les femmes, comme les paysans pauvres, étaient une majorité opprimée dont le soutien et la participation modifieraient radicalement le paysage politique coréen. 

"La loi sur l'égalité des genres promulguée par le CPPCN et soutenue par les Soviétiquesb était extrêmement radicale au regard des critères de l'histoire coréenne récente, et sur le papier au moins donnait plus de droits aux femmes nord-coréennes que n'importe quelles autres femmes d'Asie à cette époque. La loi a été adoptée le 30 juillet [1946] afin de libérer les femmes, comme le soulignait la propagande autour de la loi, de la "triple subordination" dans la famille, la société et en matière politique2. La loi donnait les mêmes droits aux femmes pour la participation politique, les activités économiques, le droit à l'éducation, la liberté de choix pour le mariage et le divorce. Elle interdisait la polygamie et la vente des femmes comme veuves ou concubines, et abrogeait toutes les anciennes lois coréennes et japonaises relatives aux femmes. La réception par la population de la loi sur l'égalité des genres a été mitigée, et quelques membres du groupe de guérilla de Yanan ont exprimé leur inquiétude qu'il s'agissait d'une attaque trop radicale contre le patriarcat profondément ancré dans la société coréenne. Se fondant apparemment sur les comptes rendus de réfugiés mécontents du Nord, un rapport de renseignement américain en concluait que "en général, cette loi a eu pour effet de créer un sentiment d'irresponsabilité parmi les jeunes femmes et d'engendrer une amertume profonde parmi les hommes"3c.

"Les questions relatives aux femmes figuraient en bonne place dans les réformes sociales de la Corée du Nord parmi les objectifs révolutionnaires plus larges du régime. Outre la loi sur l'égalité des sexes elle-même, d'autres lois portaient sur les droits des femmes, dont celui de devenir propriétaires dans le cadre de la réforme agraire, le droit à l'interruption volontaire de grossesse et le droit à un salaire égal à celui des hommes dans le cadre de la loi sur le travail4".

Notes de Charles K. Armstrong
1 Pour une vue d'ensemble de la politique nord-coréenne envers les femmes pendant les deux premières années après la libération, lire Pak Hyonson, "La politique des femmes dans la période de la révolution démocratique antiféodale anti-impérialiste", HCI, vol. 5
2 Haebanghu Choson, 93.
3 Pak Choson pomnyongjip, 201-202, "North Korea Today", 16.
4 "North Korea Today", 16.

Notes du traducteur
a Avant la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en 1948, le gouvernement provisoire a été exercé par le Comité populaire provisoire de Corée du Nord.
b Le Nord de la péninsule était alors occupé par les troupes soviétiques, et le Sud par les troupes américaines.
c Au Sud, où l'occupation militaire américaine était plus visible et s'ingérait davantage dans la vie politique que celle Soviétique au Nord, un des choix du commandement américain a été de freiner les réformes économiques et sociales, ce qui a grandement fragilisé le Gouvernement de Syngman Rhee, largement défait aux élections locales du printemps 1950 qui ont précédé le déclenchement de la guerre de Corée.

Source : Charles K. Armstrong, The North Korean Revolution, 1945-1950, Cornell University Press, New York, 2003, p. 91-92. Traduction de l'anglais : AAFC-SB.

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 23:03
Paopga (파업가, littéralement Le chant de la grève) est l'un des chants de lutte sud-coréens (minjung gayo, 민중가요les plus connus. Composé en 1988 par Kim Ho-chol, au lendemain du soulèvement démocratique de juin 1987 qui devait conduire à la fin du régime militaire, il a symbolisé le déplacement des luttes démocratiques sur le terrain également des droits des travailleurs.
    
jeon-tae-il_coree_statut.JPGPaopga est apparu pour la première fois dans les manifestations publiques en novembre 1989, lors de la célébration du combat de Jeon Tae-il - un jeune ouvrier du textile qui s'était immolé par le feu, le 13 novembre 1970, pour dénoncer les conditions de travail des ouvriers sud-coréens (photo de sa statue à gauche). Outre la fête traditionnelle des travailleurs le 1er mai, le deuxième week-end de novembre est aussi l'occasion d'importantes manifestations ouvrières en République de Corée (Corée du Sud).

Il s'est alors imposé comme le principal chant de combat des ouvriers sud-coréens, éclipsant Le combat dans l'unité.

Chant de lutte, bref et rythmé, Paopga appelle à l'unité des travailleurs, jusqu'à la victoire, en poursuivant le combat de génération en génération  : "Si nous nous divisons, nous mourrons (...) Nous honorerons la promesse faite à nos camarades, même si notre crâne est brisé en deux." Une autre thématique est le rejet de la violence des milices patronales (en coréen, gusadae) : "Nous avons vaincu la violence des milices patronales." La lutte pour les droits des travailleurs est présentée comme inséparable de l'émancipation de l'humanité : "Nous marchons sous la bannière de l'émancipation."

 
Chants de lutte sud-coréens téléchargeables à l'adresse : offree.net/1789
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3 avril 2014 4 03 /04 /avril /2014 22:25
Chaque année, le 3 avril sera désormais commémoré comme le jour du souvenir pour les dizaines de milliers de civils morts pendant le massacre de l'île de Jeju, en 1948, dans l'une des plus brutales répressions en Corée du Sud qui devait consacrer la mise en place du régime autoritaire du Président Syngman Rhee. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) se joint à l'hommage rendu aux victimes du massacre de Jeju. 
 
Le 3 avril a été reconnu en 2004, pour la première fois, par le Président Roh Moo-hyun, qui a présenté des excuses au nom du gouvernement coréen pour le massacre commis.  
 
La Présidente Park Geun-hye a annoncé que le 3 avril serait désormais un jour du souvenir, ce qui signifie que des cérémonies commémoratives officielles se tiendront chaque année.  
 
Parmi les témoignages sur le massacre commis à Jeju, l'AAFC rappelle que le film Jiseul de O Muel (photo ci-dessous) a été récompensé au Festival Sundance

135935064382_20130129.jpg
 
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 23:01

Kim-Il-Sung_congres_PTC_1946.jpgLe 10 octobre est célébré en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) comme la fondation du Parti : en effet, le 10 octobre 1945 s'ouvrait à Pyongyang le congrès constitutif du Comité organisationnel central du Parti communiste de Corée du Nord. Dans un discours prononcé trois jours plus tard devant les cadres responsables du Parti dans l'ensemble des provinces intitulé "De l'édification d'une Corée nouvelle et du front uni national", dont nous reproduisons ci-après de larges extraits, le Président Kim Il-sung soulignait la nécessité de réaliser l'union la plus large de l'ensemble des patriotes, jetant ainsi les bases de la formation d'un front uni national démocratique, qui sera constitué ultérieurement autour notamment du Parti du travail de Corée (issu de la fusion, en août 1946, du Parti communiste de Corée du Nord et du Parti Néo-démocratique de Corée, à gauche photo du Président Kim Il-sung au congrès de 1946), du Parti démocratique, créé en novembre 1945, et du Parti chondogyo, fondé en février 1946. Dans le contexte de la mise en place d'une république populaire démocratique (qui sera proclamée le 9 septembre 1945), la constitution du front uni national renvoyait aux stratégies de front populaire engagées par d'autres partis communistes, en particulier dans la lutte antifasciste des années 1930. Mais la notion de front uni renvoie fondamentalement à une alliance non d'organisations, mais de classes sociales (la paysannerie, les ouvriers, les intellectuels et les capitalistes nationaux), ouverte également aux croyants, poursuivant un objectif commun : la lutte contre les vestiges du féodalisme et de l'impérialisme japonais, l'édification d'une société nouvelle dont les discours du 13 octobre 1945 énonce déjà quelques-unes des principales réformes - à commencer par la réforme agraire.

"Permettez-moi tout d'abord de parler des expériences du front uni dans d'autres pays avant d'aborder la question du front uni national.

Dans son rapport "L'offensive du fascisme et la tâches du Komintern dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme" présenté au VIIème Congrès du Komintern en 1935, le camarade Dimitrov avança la ligne de conduite consistant à former un large front populaire anti-fasciste sur la base de l'unité et de la cohésion de la classe ouvrière. A cette époque-là, la dictature fasciste de Hitler, la plus barbare, dominait en Allemagne, tandis qu'en Italie la dictature fasciste de Mussolini se renforçait toujours davantage.

Les fascistes tentaient d'asservir non seulement le peuple de leur pays mais également toute l'humanité et de fasciser le monde entier. Dans de nombreux pays européens il était nécessaire de former un front populaire en vue de la lutte contre la dictature sanglante et la politique d'agression des fascistes. Non seulement les travailleurs, la classe ouvrière en tête, mais aussi les capitalistes réclamant la liberté et la démocratie pouvaient participer au front populaire. C'est que non seulement pour le peuple travailleur, à commencer par les ouvriers et les paysans, mais aussi pour certains capitalistes, il était d'une nécessité urgente de contre-attaquer le fascisme international qui tentait de conquérir le monde entier et d'asservir toute l'humanité. La conquête de l'Ethiopie par l'Italie fasciste fut un signal d'éclatement de la Seconde guerre mondiale. C'est face à une telle crise que le VIIème Congrès du Komintern avait soulevé la question du front populaire. Le congrès conseilla aux partis communistes de tous les pays de former un front populaire anti-fasciste. Le Parti Communiste Français et le Parti Communiste Espagnol furent les premiers à adopter la ligne tactique en matière de formation d'un front populaire.

En Orient, étant donné que les complots d'agression des impérialistes japonais visant à conquérir les peuples d'Asie se révélaient de plus en plus ouvertement, il était indispensable de former des fronts unis nationaux contre l'impérialisme japonais.

Dans les pays en lutte contre la domination coloniale de l'impérialisme et pour la liquidation du danger de colonisation, on organisait le front uni national, et dans les pays en danger de fascisation, tels que la France et l'Espagne, on organisait le front populaire. Le front populaire et le front uni national étaient identiques par essence en ce sens que tous deux s'opposaient au fascisme et à l'agression impérialiste, mais il y avait ces deux formes, en raison des conditions concrètes de chaque pays (...).

La Seconde guerre mondiale a été une guerre libératrice des forces démocratiques du monde entier contre le fascisme. Grâce au rôle décisif de l'Armée Soviétique, l'Allemagne, l'Italie et le Japon ont été défaits dans la Seconde guerre mondiale, ce qui a amené de nombreux pays d'Europe et d'Asie à se libérer du joug fasciste.

Quelle voie la Corée libérée devra-t-elle prendre ? Il existe un fait fondamental, le plus important, dont nous devons absolument tenir compte dans la définition de la voie que devra suivre la Corée. Il s'agit du fait que la Corée a été pendant longtemps une colonie de l'impérialisme japonais. A cause de la domination de l'impérialisme japonais, le développement du capitalisme en Corée avait été extrêmement freiné et la société coréenne était demeurée une société coloniale très marquée par les survivances féodales. Conséquence particulière, les rapports d'exploitation féodaux dominent dans nos campagnes.

D'où les tâches qui s'imposent aujourd'hui au peuple coréen : accomplir la révolution démocratique anti-impérialiste et anti-féodale et fonder une république populaire démocratique (...).

Pour l'édification d'une république populaire démocratique, il faut former un front uni englobant toutes les forces patriotiques et démocratiques comprenant non seulement la classe ouvrière et la paysannerie mais aussi les capitalistes nationaux. Ce n'est pas simplement par des paroles mais par la lutte effective pour la fondation d'une république populaire que nous pourrons gagner à nous les masses.

Nous devons savoir que les intellectuels, les croyants et les capitalistes sont, eux aussi, en mouvement à l'heure actuelle, bien qu'ils ne soient pas organisés. Plus nos organisations et nos forces se consolideront, plus ils s'organiseront eux aussi, graduellement, en se dégageant de leur état de dispersion (...).

Bien sûr, le front uni dont nous parlons, ayant pour but l'édification d'une république populaire démocratique, il nous est impensable de nous unir avec les laquais de l'impérialisme. Nous pouvons nous unir - et d'ailleurs nous devons nous unir - avec les capitalistes nationaux consciencieux qui exigent l'édification d'un Etat démocratique et indépendant. C'est seulement en formant un tel front uni que nous pourrons édifier une république populaire démocratique et rassembler toutes les classes et couches des masses populaires (...).

Les capitalistes nationaux éprouvent eux aussi une grande peur de notre lutte contre les éléments survivants de l'impérialisme japonais. Car ils ont eux aussi servi plus ou moins l'impérialisme japonais dans le passé. C'est un erreur que de prétendre qu'il ne faut pas dénoncer et critiquer leurs crimes alors que nous préconisons le front uni national. Dans le cadre du front uni nous devons nous en tenir au principe consistant à les combattre tout en nous unissant avec eux. C'est seulement ainsi que nous pourrons élever le niveau de conscience politique des masses laborieuses et mettre fin à l'indécision des capitalistes nationaux (...).

Pour former, à l'heure actuelle, un front uni, nous devons tout d'abord renforcer l'alliance des ouvriers et des paysans et gagner à nous les paysans innombrables. Or, pour défendre les intérêts des paysans et gagner ceux-ci, nous devons commencer par lutter pour diminuer le taux de fermage, puis entreprendre graduellement la lutte pour confisquer les terres de tous les propriétaires fonciers et les distribuer aux paysans, tout en menant la lutte pour confisquer les terres des impérialistes japonais et de leurs laquais. De la sorte, la lutte, de petite ampleur au début, doit s'élargir graduellement jusqu'à prendre une grande envergure (...).

La question de réussir ou non à édifier une Corée nouvelle démocratique, dépend entièrement du résultat, positif ou négatif, de notre travail pour le renforcement du Parti Communiste, la formation du front uni national et le rassemblement des grandes masses autour du Parti Communiste. Chaque membre du Parti communiste doit militer activement pour grossir et consolider constamment les rangs du Parti, coopérer sincèrement avec les partis amis et gagner les grandes masses".

Source : Kim Il-sung, Oeuvres choisies, tome I, éditions en langues étrangères de Pyongyang, 1976, pp. 1-10.   

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6 septembre 2013 5 06 /09 /septembre /2013 23:59

kim-il-sung_1670436c--2-.jpgLe 9 septembre 2013 marquera le 65ème anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). A cette occasion, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a souhaité revenir sur un aspect parfois méconnu : la première Assemblée populaire suprême, qui a proclamé la RPD de Corée, a compris des députés représentant l'ensemble de la péninsule coréenne, et comprenant un grand nombre d'indépendants affiliés à aucun parti.

Du 3 au 10 septembre 1948, la première Assemblée populaire suprême (APS) s'est réunie à Pyongyang et a adopté la Constitution de la RPD de Corée, inspirée du projet présenté par le Comité populaire quatre mois plus tôt, le 1er mai. Le texte constitutionnel a consacré, entre autres, la réforme agraire, l'égalité entre les hommes et les femmes, la nationalisation des ressources publiques et les droits au travail et à la retraite, c'est-à-dire les réformes qualifiées de démocratiques adoptées depuis la Libération de l'occupation japonaise de la Corée. Vétéran de la guérilla antijaponaise, le Président Kim Il-sung (photo ci-dessus à gauche) a été élu Premier ministre par l'APS.

Alors que les élections organisées plus tôt au Sud avaient été boycottées par la plupart des formations de gauche et certains partis centristes et de droite, hostiles à ce qu'ils percevaient comme une première étape dans la division du pays, l'APS souhaitait représenter effectivement l'ensemble des Coréens, du Nord comme du Sud de la péninsule. Selon les autorités nord-coréennes, les élections à l'APS organisées au Sud réunirent 77,5 % de votants, désignant 1 002 délégués qui, à Haeju, désignèrent à leur tour les 360 députés représentant le Sud de la péninsule à l'APS.

La composition de l'APS témoigne de la diversité des composantes politiques qu'elle représentait : le Parti du travail nord-coréen a obtenu 17,9 % des sièges (et le Parti du travail sud-coréen 9,6 %) ; le Parti démocrate nord-coréen, 6,2 % ; le parti Chungwoo, 6,2 % ; l'Alliance de l'union du travail, 4,7 % ; l'Alliance paysanne, 4,7 % ; le Parti du peuple travailleur (sud-coréen), 3,5 % ; le Parti social-démocrate (Sud), 3,5 % ; le Parti de l'indépendance de la Corée (droite, implanté au Sud), 1,2 %. On constate donc que les indépendants occupaient 42,5 % des sièges de la première APS, étant majoritaires pour les délégués représentant le Sud de la péninsule.  

 

Cette répartition des sièges est conforme au principe du Front démocratique uni, mis en place par la RPD de Corée, pour regrouper un ensemble de forces politiques et sociales alliées au Parti du travail qui, toujours en 1948, n'était que le plus important des partis politiques, mais pas le seul. Par la suite, seules deux formations continuèrent à être représentées en tant que telles à l'APS : le Parti démocrate (regroupant des sociaux-démocrates du Sud) et le Parti chondoïste, d'inspiration religieuse, tandis que des indépendants continuent de siéger à l'APS, de même qu'aujourd'hui des représentants des Nord-Coréens ayant le statut de résident permanent au Japon.

 

Dans la rivalité qui s'instaure en 1948 entre le Nord et le Sud de la péninsule, chacun des deux Gouvernements aspire alors à représenter toute la péninsule coréenne. L'engagement du dialogue intercoréen change ensuite la donne, avec le principe d'une seule nation mais de deux gouvernements et de deux Etats commençant à s'engager dans un processus d'échanges et de dialogue en vue de la réunification du pays.


Source principale : Histoire générale de la Corée, éditions en langues étrangères, Pyongyang.

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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 20:38

Il y a quarante-et-un ans, le 4 juillet 1972, la déclaration conjointe Nord-Sud fut rendue publique simultanément à Séoul et à Pyongyang. Même si les échanges alors engagés entre les deux Corée prirent fin dès 1973, il s'agissait du premier accord intercoréen, qui définissait les principes d'un dialogue entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et la République de Corée (du Sud), moins de vingt ans après l'armistice ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée. Alors que les deux Etats aspiraient jusqu'alors à représenter l'ensemble de la péninsule coréenne, la déclaration du 4 juillet a reconnu la séparation de facto et défini les principes qui, aujourd'hui encore, doivent guider le principe d'une réunification future, au-delà des différences de systèmes politiques et économiques.

 

6 août 1971. A l'occasion d'une manifestation organisée à Pyongyang en l'honneur de son hôte Norodom Sihanouk, le Président Kim Il-sung fait part de son intention de rencontrer, à tout moment, les représentants de l'ensemble des partis et des organisations sociales du Sud de la Corée. Quelques mois plus tôt, l'Assemblée populaire suprême de la RPD de Corée avait déjà soumis au Sud une déclaration en huit points.

 

Les représentants du gouvernement sud-coréen répondirent favorablement à cette demande, dans un contexte international et intérieur complexe pour les autorités de Séoul. La situation diplomatique était marquée par la détente, le rapprochement sino-américain puis, en mai 1972, un sommet entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. Au plan intérieur, le 27 avril 1971, le général Park Chung-hee avait remporté difficilement l'élection présidentielle qui où il s'était opposé à Kim Dae-jung (avec un score de 53,2 % contre 45,3 % à son principal adversaire, selon les résultats officiels contestés par l'opposition)

 

lee_hu_rak_pak_song_chol.jpgLes négociations intercoréennes s'engagèrent d'abord, à partir du 20 septembre 1971, entre les Croix-Rouge des deux Etats, à sept reprises et alternativement au Nord et au Sud, puis en mai-juin 1972 au niveau politique. Lee Hu-rak, directeur des services de renseignement sud-coréens, dirigeait la délégation du Sud. Kim Yong-ju, chef du département de l'organisation du Comité central du Parti du travail de Corée, puis Pak Song-chol, deuxième vice-Premier ministre de la RPD de Corée, conduisirent les négociations pour le Nord (ci-contre, Lee Hu-rak, à gauche, et Pak Song-chol, à droite).

 

La déclaration rendue publique le 4 juillet 1972 énonçait trois principes fondamentaux pour le dialogue et les échanges intercoréens :

- tout d'abord, la réunification de la Corée en toute indépendance, sans ingérence extérieure ;

- ensuite, la réunification par la voie pacifique, en excluant tout recours à la force des armes ;

- enfin, "promouvoir une grande union nationale en transcendant les différences d'idéologie, d'idéal et de régime".

 

Les deux parties s'engageaient aussi "à ne pas se critiquer ou se calomnier réciproquement", ainsi qu'à prévenir les incidents militaires fortuits en créant un climat de confiance mutuel.

 

Le 4 novembre 1972, le Comité de coordination Nord-Sud se réunit pour la première fois. Il devait tenir trois réunions. Des désaccords apparurent sur la composition des sous-comités chargés des questions politiques, diplomatiques et militaires.

 

Par ailleurs, le durcissement politique au Sud semblait faire du dialogue intercoréen un prétexte au renforcement du régime autoritaire du général Park Chung-hee, qui en octobre 1972 faisait promulguer la Constitution Yusin, puis fit enlever à Tokyo Kim Dae-jung, son adversaire de l'élection présidentielle de 1971. Cette action avait été entreprise par le chef de la délégation sud-coréenne. Les autorités nord-coréennes blâmèrent également la déclaration spéciale du général Park Chung-hee, publiée le 23 juin 1973. Ce texte, en prônant l'adhésion simultanée des deux Corée à l'ONU, était accusée de perpétuer la division. Le même jour, un rassemblement de masse se tint à Pyongyang, préconisant de diminuer les tensions et d'instituer une assemblée commune au Nord et au Sud et l'institution d'une confédération, la République confédérale de Koryo, qui adhèrerait aux Nations Unies.

 

Pour sa part, le Sud désapprouva le Nord de vouloir d'abord résoudre les questions politiques, retenant une approche gradualiste, et Park Chung-hee accusa le Nord de cherche avant tout à obtenir le retrait des troupes américaines du Sud de la péninsule.

 

En août 1973, le premier dialogue intercoréen était rompu. Il avait cependant jeté les bases des premiers échanges Nord-Sud et défini les principes (indépendance, réunion pacifique, grande union nationale) qui, aujourd'hui encore, guident les échanges Nord-Sud.

 

Sources :

- Robert Charvin et Guillaume Dujardin, La Corée vers la réunification, L'Harmattan, Paris, 2009, pp. 118-121.

- Kim Chang-ho et Kang Kun-jo, Histoire générale de la Corée, tome III, éditions en langues étrangères, Pyongyang, 1996, pp. 272-274 ;

- Koo Young-nok, Corée : vers la réunification ?, Syllepse, 2002, pp. 24-29.

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11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 23:32

won-tai_sohn_biography_kim-il-sung.JPGWon-tai Sohn est un Coréen américain - aux Etats-Unis, il est fréquent que les Coréens suivent l'usage occidental d'énoncer en premier leur prénom, et non leur nom de famille (en l'occurrence, Sohn). Personnalité reconnue dans le domaine médical, après que les hasards de la vie l'eurent conduit en Amérique, Won-tai Sohn, né en 1914, a côtoyé Kim Sung-ju, le futur président Kim Il-sung de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), lorsque tous deux vivaient en Mandchourie, et plus précisément dans la province de Jilin, où s'organisait la résistance à l'occupation japonaise de la Corée. Bien que tardif - il n'a été publié qu'en 2003 - son récit historique et biographique Kim Il-sung and Korea's struggle. An unconventional firsthand history est un témoignage exceptionnel direct abordant, notamment, les années où Kim Sung-ju a rejoint la résistance antijaponaise, dès 1926 selon les historiens nord-coréens. La valeur documentaire de cet ouvrage est d'ailleurs attestée par son inscription au fonds de la Bibliothèque du Congrès américain. Pour l'anecdote, le frère de Won-tai Sohn, alors également présent en Chine, est le futur ministre de la Défense sud-coréen Sohn Won-il (1909-1980), généralement considéré comme le fondateur de la marine sud-coréenne : alors qu'il est interdit, au Sud de la péninsule, de porter une appréciation positive sur le Président Kim Il-sung, Sohn Won-il déclarera ensuite prudemment n'avoir pas de souvenirs à cette époque sur Kim Sung-ju, qui allait devenir le Président Kim Il-sung... Nous publions ci-après, traduits de l'anglais par nos soins, des extraits de l'ouvrage précité de Won-tai Sohn, issus du chapitre 4 intitulé "L'Association des enfants coréens de Jilin", qui éclairent d'un jour nouveau l'entrée dans la résistance de Kim Sung-ju, au moment où la RPD de Corée s'apprête à célébrer le 101ème anniversaire de la naissance de son fondateur, le Président Kim Il-sung. Alors que nombre d'historiens occidentaux et sud-coréens mettent en doute que le futur Kim Il-sung, alors âgé de seulement 14 ans, ait pu s'engager dès 1926 dans la résistance antijaponaise, Won-tai Sohn nous montre qu'un tel parcours était classique, notamment chez les enfants de patriotes, tout en observant que Kim Sung-ju se distinguait par ses qualités d'organisation et d'analyse. La vocation de résistant de Kim Il-sung a ainsi été nourrie du combat déjà mené contre l'occupant japonais par son père Kim Hyong-jik. Puis le propre père de Won-tai Sohn, le pasteur protestant Sohn Jong-do, une autre figure éminente de la résistance coréen réfugiée à Jilin, a encouragé et incité le jeune Kim Sung-ju à s'engager dans la lutte antijaponaise, après que ce dernier, connu comme le fils de Kim Hyong-jik (suivant l'usage coréen de désigner les enfants comme les fils et les filles de leurs parents), eut perdu son propre père, le 5 juin 1926.

 

"Des personnes m'ont demandé s'il était vrai que le Président Kim Il-sung de la Corée du Nord avait réellement commencé son combat pour l'indépendance nationale alors qu'il était encore adolescent. C'est bien évidemment vrai, mais plus au sens compliqué de l'expérience, et pas simplement de la capacité. On ne peut pas répondre à cette question en seulement quelques mots d'explication pour ceux qui ne sont pas familiers de cette époque, et qui n'ont pas connu les souffrances endurées par les patriotes coréens pendant les années d'occupation de l'impérialisme japonais. Il y a une grande différence entre la connaissance et l'expérience.

 

Je suis le fils d'un pasteur patriote coréen qui était violemment antijaponais. S'il avait vécu dans le confort de la fortune héritée de ses ancêtres comme un érudit confucéen ou un fonctionnaire, je serais peut-être devenu un tout autre Sohn Won-tai. Mais mon père a choisi de quitter la lignée nobiliaire et de devenir un pasteur chrétien. Comme beaucoup d'autres pasteurs protestants à cette époque, il s'est impliqué dans la lutte anti-japonaise, le coeur brûlant de ferveur patriotique. Ce que je voyais, entendais et ressentais depuis le jour de ma naissance baignait dans l'ambiance du sentiment antijaponais et l'esprit de résistance à l'occupation impérialiste pour refuser de vivre comme des esclaves. C'était une ambiance d'enthousiasme pour un mouvement d'indépendance déterminé à faire vaincre la Corée de la domination japonaise (...).

 

Les jours de pluie, nous, les enfants, nous restions à l'intérieur, généralement dans la salle de séjour de quelqu'un. Nos discussions portaient souvent sur nos villages de naissance que nous avions laissés derrière nous, et il n'était pas rare que nos visages s'emplissent de larmes. Le malheur avait fait grandir trop vite des garçons de douze ou treize ans. Nous chantions un chant de nostalgie et profondément pathétique qu'avait composé Won-yil (alors âgé de quinze ans) et Pak Il-pha, à propos de Beishan (...).

 

Kim Sung-ju avait deux ans de plus que moi, mais trois ans de moins que Won-yil. Bien qu'ayant à peu près notre âge, il était différent de nous. Il ne se contentait pas de pleurer la perte de notre pays et de laisser d'autres reconquérir sa liberté... il était le fils de Kim Hyong-jik, le célèbre vétéran pour l'indépendance et l'indomptable combattant antijaponais !

 

A l'âge de 15 ans [NdT : 15 ans en âge coréen, 14 ans en âge occidental, donc en 1926], Kim Sung-ju était déjà déterminé à restaurer la nation coréenne par ses propres efforts et, malgré sa jeunesse, il avait commencé à élaborer des plans pour y parvenir. Il était doté de qualités exceptionnelles, et avait notamment le talent de placer la connaissance et l'expérience sur des chemins pratiques pour les rendre effectives. Cette différence est ce qui séparait Kim Sung-ju des autres garçons du même âge, comme nous, dans l'accomplissement de notre destin.

 

Kim Sung-ju préparait déjà la lutte effective pour reconquérir l'indépendance de la Corée. Sa stratégie était claire : pour y parvenir, toute la nation devait être étroitement unie pour créer la grande force nécessaire à l'objectif commun, la défaite du Japon. Cela, il l'avait compris alors qu'il était encore adolescent, et il mettait déjà en pratique certaines de ses idées. Il formait différentes organisations, tant légales qu'illégales, rassemblant les enfants pour s'impliquer dans les associations, les étudiants dans les sociétés, et l'ensemble des jeunes dans les organisations de soutien de la jeunesse. L'Association des enfants coréens de Jilin était l'un de ces projets.

 

J'étais membre de l'Association des enfants coréens de Jilin. Au printemps 1927, sept ans après l'installation de ma famille à Jilin, je suivais les cours d'une école primaire de province mais étais en situation d'échec en première année. J'avais été un écolier brillant à l'Ecole primaire Kwangsong de Pyongyang, mais comme je ne connaissais pas le chinois, j'avais de grandes difficultés à suivre les cours de l'école chinoise. Heureusement, quand j'ai peu à peu appris le chinois et commencé à m'habituer aux coutumes locales, mes résultats scolaires ont commencé à s'améliorer.

 

Un jour de printemps on m'a dit qu'une réunion des enfants coréens devait se tenir dans l'église de mon père. Après l'école, j'ai dîné rapidement et me suis dépêché de me rendre à l'église où un grand nombre d'enfants s'étaient déjà réunis dans la cour (...) Il existait déjà une association d'enfants dans la région, active sous le parrainage de nationalistes affiliés à Jongui-bu, mais elle n'avait d'existence que nominale, faute d'une vraie direction (...).

 

Beaucoup de combattants pour l'indépendance et de parents étaient venus à l'église pour manifester leur soutien et féliciter les enfants pour leurs activités, occupant les sièges du fond dans l'église. A la tribune se trouvaient le combattant pour l'indépendance Jang Chol-ho, mon père, Pak Il-pha, Kim Sung-ju et un autre étudiant dont je ne me souviens pas du nom. Après des remarques formulées en ouverture par les personnes présentes à la tribune, l'assemblée a formellement constitué l'Association des enfants coréens de Jilin, élu un bureau et choisi Kim Sung-ju comme président à l'unanimité.

 

Kim Sung-ju a rejoint la tribune, remercié l'assemblée puis souligné les buts de l'association : ses objectifs, ses tâches immédiates à accomplir et ses règles de fonctionnement de l'organisation. S'exprimant couramment dans le dialecte provincial de Phyongan, il a exhorté les filles et les garçons à s'unir pour se dévouer à la restauration de l'indépendance et à l'honneur de la Corée. Le fait qu'il utilisât le dialecte de Phyongan, que je comprenais, me donnait un sentiment d'intimité avec lui, comme si je rencontrais quelqu'un que je connaissais et que j'appréciais car originaire du même village que moi (...).

 

Un changement radical apparut dans la vie des garçons et des filles de Jilin. Après la classe, nous nous réunissions dans l'église de mon père pour organiser des joutes oratoires, raconter des histoires et rendre compte d'ouvrages. Les débats portaient sur des sujets importants, depuis le fait de savoir si une fille devait porter les cheveux courts jusqu'à des discussions essentielles sur le meilleur moyen de mener la lutte pour l'indépendance et la liberté de la Corée.

 

L'association gérait aussi une petite bibliothèque. Une pièce pour la bibliothèque avait été fournie par le meunier, le père de Hwang Kwi-hon, un bon ami de In-sil (...).

 

J'ai eu une expérience inattendue, mais riche d'enseignements, ce printemps, alors que je marchais le long des berges du fleuve Songhua (...). J'avais l'idée ridicule de marcher jusqu'à la Mer de l'Ouest sur un grand bloc de glace, mais alors que je courais, inconscient du danger d'un tel jeu d'enfants, je vis une grande carpe qui se débattait sur des blocs de glace détachés des berges du fleuve. J'ai saisi le poisson sans rencontrer beaucoup de résistance, car il avait apparemment été assommé par le débit des blocs de glace. Il était incroyablement plus grand que la carpe argentée que j'avais attrapée sur le fleuve Pothong ! (...)

 

Le meunier apparut et me demanda s'il pouvait acheter la carpe et, après m'avoir glissé un peu d'argent dans ma poche, il emporta ma prise (...).

 

Je voulais acheter des livres avec l'argent et les offrir à la bibliothèque, mais Kim Sung-ju me conseilla de les donner à ma mère car c'était le premier salaire de ma vie. Quand j'ai donné l'argent à ma mère, un sourire radieux a illuminé son visage et elle a dit "Alors, c'est ce que tu as gagné ? Tu vaux encore mieux que ton père". Je n'ai jamais été plus heureux que ce jour-là !".

 

Source : Won-tai SOHN, Kim Il-sung and Korea's Struggle. An unconventional firsthand history, Mc Farland and Company Inc. Publishers, Jefferson (Caroline du Nord) et Londres, 2003. ISBN 0-7864-1589-4. Extraits du chapitre 4 (titre anglais : "The Association of Korean Children in Jilin"), pp. 51-57. Traduction de l'anglais AAFC / BQ. 

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17 mars 2013 7 17 /03 /mars /2013 00:01

Dans la légende construite par les médias conservateurs autour de Mme Park Geun-hye, l'actuelle présidente sud-coréenne, l'image de la "princesse orpheline" (sic), dont les deux parents ont été assassinés successivement, occupe une place majeure. La vérité est en réalité plus complexe, renvoyant par ailleurs aux débats, qui ont notamment animé les révolutionnaires français, sur les figures du tyrannicide et la légitime élimination de ceux qui oppriment le peuple.

Mort de Yuk Young-soo : des zones d'ombre que la droite sud-coréenne a toujours refusé de lever

 

Le 15 août 1974, pendant les cérémonies de l'indépendance de la Corée vis-à-vis du Japon, des coups de feu éclatent en direction du "général-président" Park Chung-hee, à la tête du régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la République de Corée : si l'auteur du coup d'Etat de 1961 a échappé à l'attentat, son épouse, Yuk Young-soo, a en revanche été grièvement blessée à la tête et est décédée des suites de ses blessures. Sa fille, Park Geun-hye, lui a alors succédé comme première dame.

Mun-se-gwang.jpgL'auteur des tirs, un Coréen du Japon de nationalité nord-coréenne, Mun Se-gwang (ici après son arrestation), qui serait entré en Corée du Sud avec un passeport japonais, aurait reconnu - avec l'aide des méthodes musclées de la police sud-coréenne, alors réputées pour leur usage de la torture - avoir agi sous couvert de l'Association des résidents coréens du Japon (Chongryon). Mais la RPD de Corée niera farouchement toute implication, tandis que le passeport de Mun Se-gwang entraînera de forte tensions entre Tokyo et Séoul. Né en 1951, Mun Se-gwang a été condamné à mort et pendu fin 1974.

La version officielle, largement travaillée et diffusée par les services de renseignement sud-coréens, est celle que l'on peut aujourd'hui lire dans les médias occidentaux, et notamment lors de la campagne puis de l'élection de Mme Park Geun-hye, fille de Park Chung-hee, à la présidence de la République à Séoul : Yuk Young-soo aurait été assassinée par un agent nord-coréen ce qui, dans le contexte actuel de tensions intercoréennes, est considéré comme une preuve supplémentaire des intentions bellicistes de la RPDC...

Malheureusement pour les services sud-coréens, comme dans l'affaire du Cheonan (un navire sud-coréen dont le dramatique naufrage, ayant entraîné 46 morts en mars 2010, a été imputé par Washington et Séoul à la Corée du Nord sans preuves convaincantes), la thèse officielle souffre de graves imperfections : dans le cadre des travaux de la commission "Vérité et réconciliation" mise en place par les administrations démocrates au pouvoir à Séoul entre 1998 et 2008, les étonnantes conditions de l'implication de Mun Se-gwang ont réouvert le nécessaire débat sur la base de preuves historiques irréfutables. Un représentant de la commission a ainsi déclaré au quotidien indépendant sud-coréen Hankyoreh, en 2007, que "des doutes sur la façon dont l'assassin, Mun Se-gwang, pourrait avoir participé à l'événement sans carte d'identité ont été soulevés à de multiples reprises. Il est impératif que nous clarifions la vérité".

Mais en 2008 le retour au pouvoir des conservateurs sud-coréens à la Maison bleue à Séoul a entraîné la suspension des travaux de la commission Vérité et réconciliation. Parmi les soutiens de la droite figurent en effet les héritiers du régime militaire. Ces derniers auraient-ils peur de la vérité sur la mort de Yuk Young-soo ?

 

L'assassinat de Park Chung-hee et les motivations de Kim Jae-kyu

 

Le 26 octobre 1979, à l'issue d'un banquet, le "général-président" Park Chung-hee était assassiné par le chef des services de renseignement sud-coréens, Kim Jae-kyu, épaulé par plusieurs de ses hommes. Aujourd'hui réputé proche d'opposants comme le conservateur Chang Chun-ha (dont des preuves de son assassinat par Park Chung-hee en 1975 ont été apportées récemment) et le cardinal Kim Sou-hwan, Kim Jae-kyu déclara avoir agi par patriotisme et pour restaurer la démocratie en Corée du Sud, suivant un plan muri après l'adoption de la très autoritaire Constitution Yusin en 1972. La sincérité de son geste est renforcée par les enregistrements de ses procès, rendus publics en 2011. Arrêté (photo ci-dessous, source : Hankyoreh), torturé et condamné à mort, il fut exécuté par pendaison le 24 mai 1980, comme l'ensemble des personnes impliquées dans la disparition du général Park. Les militaires avaient entretemps maintenu leur pouvoir à Séoul par l'entremise de leur nouvel homme fort, le général Chun Doo-hwan.

kim_jae_kyu.jpg

En tant que directeur de la Korean Central Intelligence Agency (KCIA), Kim Jae-kyu avait auparavant été impliqué dans les plus sombres manoeuvres du général Park, comme l'enlèvement en plein Paris puis l'assassinat d'un de ses prédécesseurs, Kim Hyeong-wook, qui s'était retiré aux Etats-Unis où "il [avait] témoigné devant la sous-commission du Congrès et détaillé les liens entre la secte Moon et la KCIA. Parmi ses révélations figure la mise en place de Radio Free Asia, qui émet en liaison avec la CIA américaine, tout en fustigeant la corruption de membres du Congrès américain achetés par le dictateur Park Chung-hee" (source : Roger Faligot, Paris Nid d'espions, Parigramme, 2009, p. 53).

Les rivalités personnelles, non seulement entre Kim Jae-kyu et Park Chung-hee, mais aussi entre le directeur de la KCIA et le chef de la puissante garde présidentielle, Cha Ji-cheol (partisan, comme Park Chung-hee, de méthodes plus musclées de répression de l'opposition), ainsi qu'une dispute le soir du 26 octobre 1979 dont Cha sera une des premières victimes selon le film des événements aujourd'hui bien établi, ont aussi été invoquées à l'appui du geste de Kim Jae-kyu.

L'hypothèse selon laquelle ce dernier aurait bénéficié d'appuis de l'étranger, notamment des Etats-Unis, doit être étayée par des éléments matériels. Dans ce cas, il a été avancé que les Etats-Unis auraient soit pu s'inquiéter du tournant de plus en plus autoritaire de l'évolution du régime Park Chung-hee (ce qui serait toutefois été une première dans l'histoire de la Corée du Sud : à aucun moment les militaires américains stationnés dans la péninsule n'ont freiné les régimes autoritaires en Corée du Sud dans leurs ardeurs, bien au contraire ; il n'y a guère qu'en 1960 qu'ils n'ont pas soutenu Syngman Rhee renversé par une révolution démocratique), soit qu'ils auraient souhaité empêché un rapprochement intercoréen alors en préparation. Aucune de ces possibilités n'est du reste exclusive du fait que Kim Jae-kyu a manifestement agi par refus du régime Yusin, selon les témoignages d'opposants au régime militaire et les entretiens conservés dans les archives, audibles malgré la voix de Kim Jae-gyu cassée par la torture.

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 00:18

A la fin de la dynastie Choseon, le poids de plus en plus insupportable des charges féodales pesant sur la population et la présence toujours accrue des troupes étrangères, dans un contexte d'affaiblissement de la monarchie coréenne, conduisirent à un soulèvement paysan en 1894. Cet événement majeur de l'histoire contemporaine de la Corée marque l'irruption de la paysannerie sur le devant de la scène politique, préparant les futures luttes de la guérilla antijaponaise.

 

A la veille de l'an Kabo (1894), la situation diplomatique, politique, économique et sociale de la Corée avait créé les conditions d'une révolution. Constituant une société féodale, la Corée était dominée par la figure du souverain, autour duquel les factions en lutte soutenaient les différentes puissances étrangères (un phénomène possédant une qualification propre en coréen, sadae sasang, ou dépendance des grandes puissances) - et tout particulièrement la Chine et le Japon. Contrainte de s'ouvrir au commerce extérieur depuis 1876, la Corée subissait de plein fouet la concurrence des produits importés sur l'industrie locale. De plus en plus endetté (en 1894, la dette étrangère dépassait 700.000 won), le gouvernement central augmentait les impôts dans des proportions atteignant 50 % à 80 % de la récolte totale. Une nouvelle classe étrangères de marchands de riz et d'usuriers, principalement japonais, concentrait les rancoeurs de la paysannerie pauvre.

 

 Une religion syncrétique à visée libératrice, le savoir oriental ou Tonghak (Donghak), par opposition au savoir occidental (ou Suhak), créée en 1860 par Choe Je-u, un noble (yangban) pauvre, a souvent donné son nom au soulèvement paysan de 1894. Toutefois, sa portée a dépassé la seule guerre paysanne, dont les revendications ont été davantage politiques que strictement religieuses, tandis que les acteurs du mouvement appartenaient à la paysannerie et plus à la noblesse.

 

Jon_Pong_Jun.jpgDans ce contexte de tensions, le maire de Kobu, de la province du Jeolla, avait augmenté depuis 1892 les impôts dans des proportions insupportables pour construire un réservoir et permettre l'irrigation des terres. Une délégation paysanne conduite par Jon Chang-hyok présenta à deux reprises ses plaintes au maire de Kobu en novembre et décembre 1893, entraînant l'arrestation et l'exécution de Jon Chang-hyok. Le fils de ce dernier, Jon Pong-jun (photo à gauche, KBS), fédéra alors les forces militaires paysannes fortes de 1.000 hommes. Celles-ci prirent la ville de Kobu le 10 janvier 1894 et redistribuèrent aux habitants les céréales prélevées sur la population.

 

Face à la répression alors engagée par les autorités féodales, Jon Pong-jun se réfugia sur le mont Paeksan en mars 1894, où il regroupa 8 000 hommes qui se rendit ensuite maître de Kobu et de plusieurs autres villes de la province du Jeolla, ainsi que de la forteresse de Jonju (Jeonju) en avril. A chaque fois, les biens des plus riches étaient redistribués aux pauvres, les fonctionnaires favorables au pouvoir central étaient exécutés et les prisonniers libérés, les registres de servage brûlés et les armes confisquées. Dans une déclaration publique, Jon Pong-jun déclara : "Notre soulèvement n'a pas d'autre but que d'émanciper les masses de l'oppression économique et politique et d'établir un gouvernement national fort. Nous nous sommes soulevés pour nettoyer la corruption et les fonctionnaires tyranniques et pour chasser tous les agresseurs étrangers de notre pays. Nous, le peuple, avons trop longtemps souffert sous le joug des yangban et des fonctionnaires gouvernementaux ; nous avons été traités plus en esclaves et en domestiques qu'en êtres humains. Nous ne le supporterons pas davantage".

 

Pour contrer cette remise en cause de l'ordre féodal, le roi, dont les troupes étaient systématiquement défaites, fit appel aux armées étrangères chinoises, dont l'intervention en Corée servit de prétexte à l'invasion japonaise.

 

En mai 1894, l'armée paysanne accepta la proposition gouvernementale d'un cessez-le-feu en l'assortissant de ses exigences d'une réforme politique et économique du régime féodal en tenant compte des aspirations des masses rurales, conduisant notamment à doubler l'administration féodale par des représentations autonomes des paysans, ayant établi leur capitale à Jonju.

 

Les armées japonaises ayant occupé le palais royal le 21 juin avant de déclarer la guerre à la Chine, défaite au Nord en septembre, les troupes paysannes se soulevèrent sous le commandement de Jon Pong-ju, fortes de 227.000 hommes, et appelant l'armée centrale à l'unité face à l'agression étrangère. Partie de Ronsan (Nonsan) le 21 octobre pour reconquérir Séoul, l'armée paysanne résista à une première attaque des Japonais et de l'armée gouvernementale le 23 octobre. Mais le 25 octobre, face à une armée d'invasion dotée d'une artillerie moderne, les troupes paysannes durent se retirer. Le 2 décembre, une trahison conduisit à l'arrestation de Jon Pong-jun et de ses principaux lieutenants. En mars 1895, ils furent condamnés à mort puis exécutés à Séoul.

 

Malgré son échec, la guerre paysanne joua un rôle décisif dans la formation de la conscience patriotique des masses rurales, préparant le terrain à la future résistance au Japon, vainqueur de la guerre avec la Chine de 1894-1895. Un ancien soldat de la guerre paysanne, Kim Ku, devait ensuite s'affirmer comme un des principaux combattants de la lutte d'indépendance. S'inscrivant dans une impossible réforme du régime féodal, le programme politique des insurgés éludait la nécessaire réforme sociale, qui devait devenir au contraire un des moteurs de la mobilisation des armées de la guérilla antijaponaise dans l'entre-deux-guerres.

 

Sources :

- Bong-young Choy, Korea. A History, éditions Charles E. Tuttle, Etats-Unis, 1971, pp. 127-132 ;

- Kim Chang-hwan et Kang Sok-hi, Histoire générale de la Corée, tome II, éditions en langues étrangères, Pyongyang, RPD de Corée, 1995, p. 19-26 ;

- Korea Historical Research Association, A History of Korea (traduit du coréen par Joshua Van Lieu), Saffron Books, Londres, Royaume-Uni, 1995, pp. 185-190.

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