Le 30 juin 2014, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) était réunie, comme tous les ans, à l'occasion du mois de solidarité avec le peuple coréen (25 juin-27 juillet, dates de début et de fin de la guerre de Corée), coïncidant cette année avec le vingtième anniversaire du décès du Président Kim Il-sung (8 juillet 1994). En présence des diplomates de la délégation générale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en France, les responsables de l'AAFC ont évoqué l'action du Président Kim Il-sung en faveur de la réunification de la Corée, une question de justice pour le peuple coréen et de paix pour le monde entier.
S'exprimant en premier, Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC en charge des actions de coopération, a rappelé que, le 7 juillet 1994, soit un jour avant sa disparition, le Président Kim Il-sung signait un document préparatoire à un futur sommet intercoréen qui aurait marqué un tournant décisif sur la voie de la réconciliation et de la réunification de la péninsule coréenne. Les événements en ont décidé autrement, et l’attitude des autorités sud-coréennes après la disparition du Président Kim Il-sung a alors reporté sine die toute perspective de sommet intercoréen.
Benoît Quennedey a souligné que la contribution du Président Kim Il-sung à la réunification de la Corée, selon des propositions qu’il a formulées très tôt, dès le lendemain de la libération de la Corée en 1945 (voir ci-dessous), forment un corpus homogène qui a fondé, et détermine toujours, la position nord-coréenne dans les relations intercoréennes.
Si, côté Sud, la volonté de dialogue et ses modalités ont oscillé au gré des changements de régimes et de dirigeants, la République populaire démocratique de Corée témoigne pour sa part d’une constance quant à l’objectif de la réunification et les moyens d’y parvenir. L’ensemble des déclarations intercoréennes conclues depuis 1972 obéissent aux mêmes principes : réunification pacifique et indépendante de la Corée, par les Coréens eux-mêmes, transcendant les différences de systèmes existant au Nord et au Sud.
C'est sur la base de ces principes que ce sont tenus, à Pyongyang, les sommets Nord-Sud du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007, écrivant ainsi une nouvelle page dans l’histoire des relations intercoréennes. Ces sommets ont jeté les bases d’une coopération et ont permis l’engagement d’un processus graduel de rapprochement, impliquant, dans un premier temps, des échanges accrus dans certains domaines, notamment économiques, la confiance peu à peu instaurée devant ensuite permettre de progresser plus avant sur la voie de la réunification.
Toute l'histoire du rapprochement intercoréen enseigne qu’il faut négocier avec ses partenaires tels qu’ils sont, et non tels qu’on voudrait qu’ils soient, a dit en conclusion Benoît Quennedey. C’est ce à quoi s’emploie l’Association d’amitié franco-coréenne, fondée en 1969, en œuvrant à la conclusion d’un véritable traité de paix et en encourageant les échanges bilatéraux de manière à briser le cycle sans fin des tensions et des sanctions, néfaste à la paix et à la prospérité dans la péninsule coréenne.
Prenant ensuite la parole, S.E. Kim Yong-il, délégué général de la RPD de Corée en France et ambassadeur de la RPDC auprès de l'UNESCO, a aussi souligné l'action continue du Président Kim Il-sung en faveur de la paix et de la réunification de la Corée. A cet égard, le délégué général a annoncé la dernière initiative en date de son pays, la proposition faite, le jour même, par la Commission de la défense nationale de la RPDC aux autorités de Corée du Sud de mettre fin aux hostilités entre les deux pays, en suspendant notamment les exercices militaires américano-sud-coréens annuels prévus au mois d'août.
Puis Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, est revenu sur l'injustice historique que représente pour le peuple coréen la division de son pays après la libération de 1945, et l'enjeu que constitue la réunification de la Corée pour la paix, dans la péninsule coréenne, bien sûr, mais aussi dans le monde.
La division de la Corée, annexée par le Japon en août 1910, est ainsi un processus largement initié par les grandes puissances, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale : en novembre 1943, le document final de la Conférence du Caire, réunissant le président américain Franklin Roosevelt, le Premier ministre britannique Winston Churchill et le chef du gouvernement de la République de Chine Tchang Kai-chef, stipule que « la Corée deviendra libre et indépendante le moment venu », sans davantage de précisions. Le 15 août 1945, la Corée est libérée du joug japonais mais aussitôt divisée en deux zones pour désarmer les troupes japonaises, les Etats-Unis choisissant arbitrairement, sans que l'URSS s'y oppose, le 38eme parallèle. Les Etats-Unis ne débarquent eux-mêmes en Corée que le 8 septembre 1945, instaurant au Sud un « gouvernement militaire de l'armée des Etats-Unis en Corée » (USAMGIK), alors que le Comité populaire provisoire est déjà établi au Nord. Au Sud, les élections séparées du 10 mai 1948, organisées à l'instigation des Etats-Unis, aboutissent à la création de la République de Corée le 15 août 1948, à laquelle répond, au Nord, la fondation de la République populaire démocratique de Corée le 9 septembre suivant.
De 1945 à 1950, année du déclenchement de ce qu'il est convenu d'appeler la guerre de Corée, les affrontements intercoréens le long de l'artificielle frontière du 38eme parallèle font près de 100 000 victimes. En 1953, les combats de la guerre de Corée prennent fin sur un simple cessez-le-feu, et la péninsule coréenne reste donc techniquement en état de belligérance. Aujourd'hui, les Etats-Unis stationnent toujours près de 30 000 soldats en Corée du Sud et y mènent régulièrement des exercices militaires dirigés contre le Nord.
Répondant ensuite aux questions des membres et sympathisants présents de l'Association d'amitié franco-coréenne, les responsables de l'AAFC et les représentants de la RPDC ont à nouveau souligné l'importance d'une réunification indépendante et pacifique de la Corée pour la paix mondiale, alors que l'Asie orientale devient une priorité pour les Etats-Unis dans leur stratégie visant à contrer la montée en puissance de la Chine.
Le certain désintérêt, voire la crainte (en raison de son coût), d'une partie des citoyens sud-coréens face à une éventuelle réunification de la Corée a été mis sur le compte d'une confusion entre une réunification « à l'allemande » - en fait, l'absorption d'une partie par l'autre - et la réunification de la Corée telle que l'envisageait le Président Kim Il-sung et réaffirmée au plus haut niveau des deux Etats coréens dans les déclarations du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 : un Etat, deux systèmes, une coopération étendue dans tous les domaines.
Pour l'Association d'amitié franco-coréenne, il ne fait aucun doute que le peuple coréen peut être à la pointe de l'innovation politique, comme il sait déjà être à la pointe de l'innovation technique : les Coréens du Nord, du Sud et d'outre-mer disposent des ressources nécessaires pour réunifier, par leurs propres efforts, leur pays, selon un modèle original, réparant ainsi une injustice historique et rendant le monde plus sûr.
Un demi-siècle d'initiatives
en faveur d'une réunification indépendante et pacifique de la Corée
18 avril 1948 - Une conférence réunit à Pyongyang des représentants des forces politiques et sociales de l'ensemble de la péninsule coréenne, dont Kim Il-sung, alors président du comité populaire provisoire de Corée du Nord et le nationaliste Kim Ku, président du gouvernement provisoire de Corée du Sud.
La proposition défendue par Kim Il-sung, et consistant à former une seule assemblée législative et un gouvernement unifié, n'est pas suivie : au Sud, à l'instigation des Etats-Unis, ont lieu en mai des élections séparées, boycottées par la gauche et une partie importante des nationalistes, aboutissant à la création de la République de Corée le 15 août 1948.
Kim Il-sung, président du comité populaire provisoire de Corée du Nord, et Kim Ku, président du gouvernement provisoire de Corée du Sud, à Pyongyang en avril 1948
4 juillet 1972 - La République populaire démocratique de Corée (Nord) et la République de Corée (Sud) signent un communiqué conjoint posant trois principes pour une future réunification de la Corée :
- La réunification devra être atteinte de manière indépendante, sans recours aux forces étrangères ni ingérence.
- La réunification devra être atteinte par des moyens pacifiques, sans recours aux armes d'une partie contre l'autre.
- Une grande union nationale devra être encouragée, transcendant les différences d'idéologie, d'idéal et de système.
Lee Hu-rak, directeur des services de renseignement sud-coréens, et Kim Il-sung, Premier ministre de la RPD de Corée, à Pyongyang en mai 1972
10 octobre 1980 - Le Président Kim Il-sung présente la proposition de création de la République fédérale démocratique de Koryo lors du sixième congrès du Parti du travail de Corée. Il s’agit de fonder un Etat neutre, fédéral, dotée d’une assemblée unique et d’un seul gouvernement compétent sur les questions politiques, militaires et diplomatiques, parallèlement à la mise en place d’un comité permanent Nord-Sud. L’armée de la République fédérale démocratique de Koryo serait limitée à 100 000 hommes.
Le Président Kim Il-sung devant le sixième congrès du Parti du travail de Corée, à Pyongyang en octobre 1980
13 décembre 1991 - La République populaire démocratique de Corée et la République de Corée signent l’Accord sur la réconciliation, la non-agression, les échanges et la coopération entre le Nord et le Sud, qui permet notamment l’entrée simultanée des deux Etats coréens aux Nations Unies.
6 avril 1993 - Le Président Kim Il-sung présente le Programme en dix points pour une grande union de la nation :
- Il faut fonder un Etat unifié, indépendant, pacifique et neutre, grâce à une grande union de toute la nation.
- Il faut s’unir sur la base de l’esprit d’indépendance nationale.
- Il faut s’unir selon le principe consistant à favoriser la coexistence, la coprospérité et les intérêts communs.
- Il faut mettre fin à toute querelle dans le domaine politique qui soit de nature à favoriser la division et la confrontation entre les compatriotes.
- Il faut se débarrasser des craintes quant à l’éventualité d’une invasion de l’un par l’autre, d’une victoire sur le communisme ou d’une communisation.
- Il faut faire grand cas de la démocratie et agir de concert, au lieu de mettre à l’index l’autre partie en prétextant les différences d’idéologie et d’opinion.
- Il faut protéger les biens matériels et spirituels des particuliers et des organisations et favoriser leur utilisation en faveur de la grande union nationale.
- Tous les membres de la nation doivent se comprendre mutuellement et se fier les uns aux autres à travers les contacts, la circulation et les dialogues.
- Tous les Coréens au Nord, au Sud et à l’étranger doivent renforcer leur solidarité en faveur de la réunification de la patrie.
- Il faut apprécier hautement ceux qui ont contribué à la grande union nationale et à la cause de la réunification de la patrie.
Les trois principes pour la réunification (1972), le projet de fondation de la RFD de Koryo (1980) et le programme en dix points (1993) constituent les « Trois Chartes pour la réunification de la Patrie » symbolisées par un monument de Pyongyang