Des carreaux de pavage produits dans l'usine de recyclage de Hamhung (capture d'écran KCTV, 3 avril 2021)
En juin 2022 s'est tenue pendant une semaine une réunion des Etats parties aux conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm (BRS), en vue notamment de lutter contre la pollution par les déchets plastiques et chimiques. Compte tenu des limitations des déplacements de leurs ressortissants dans le contexte de la pandémie, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) était représentée par son ambassade à Genève. Cette participation témoigne d'un intérêt nouveau pour les questions de pollution liées aux déchets dans le nord de la péninsule.
Pendant longtemps, les questions de pollution ont constitué une préoccupation mineure en Corée du Nord. De fait, le pays n'était pas vraiment entré dans l'ère de la société de consommation et les déchets plastiques, relativement peu nombreux, faisaient l'objet d'un taux de gaspillage élevé. Mais l'accent porté sur les industries de bien de consommation, tout particulièrement après l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en 2011, s'est traduit par un accroissement des déchets plastiques, les Nord-Coréens découvrant - à l'instar des Occidentaux pendant les Trente Glorieuses les qualités du plastique, matériau abondant et peu coûteux. Mais la pollution plastique, inédite, s'est traduite par des rejets significatifs dans les mers bordant la péninsule coréenne. Parallèlement, il était procédé à d'importantes importations de produits plastiques de Chine : les importations de plastiques ont atteint 338 millions de dollars en 2019.
La pandémie liée au Covid-19 s'est ensuite traduite par une réduction drastique des échanges avec la Chine, dès le début de l'année 2020. Comme en a rendu compte le site spécialisé 38 North dans un article approfondi de Martyn Williams du 15 juin 2021, la nouvelle donne économique a conduit les autorités nord-coréennes à mener des campagnes en faveur du recyclage - du recyclage des déchets en général, la part des plastiques y étant significative. Des émissions de télévision soulignant que "les déchets sont un trésor" ont encouragé les habitants à changer leurs habitudes en procédant à un recyclage systématique des déchets. Des usines de recyclage ont été créées et agrandies, notamment à Hamhung. Soixante-dix centres d'approvisionnement en produits recyclés ont été mis en place dans l'ensemble du pays.
Si le recyclage des déchets a répondu à des impératifs économiques (faire face à des pénuries de biens qui étaient importés tout en développant des industries de substitution aux importations) dans un contexte marqué par les sanction internationales, il a aussi conduit à un changement drastique des pratiques de consommation. Etabli en Corée du Sud, et visiteur régulier de la Corée du Nord avant la fermeture de ses frontières pour faire face au Covid, le Docteur Bernhard J. Seliger a fait part, dans un article au Korea Times, que les deux Etats coréens avaient un intérêt commun à lutter contre la pollution plastique, qui affecte de manière globale la péninsule et les eaux environnantes. Dans ce domaine, le Sud dispose d'une expertise scientifique reconnue. Nous ne pouvons que souscrire à ce constat de bon sens : face à l'urgence climatique que révèle (entre autres) la pollution plastique, la solidarité ne doit pas avoir de frontières.
Sources :
- Martyn Williams, "Turning Waste into Treasure : North Korea's Recycling Push", 38 North, 15 juin 2021 ;
- Minwoo Park, "The way to survive : North Korea ramps up recycling amid sanctions and pandemic", Reuters, 16 juin 2021 ;
- Sunny Um, "North Korea faces serious plastic waste problem", Maritime Fairtrade, 5 juin 2022 ;
- Bernhard J. Seliger, "Plastic waste : common scourge of South and North Korea and source of future cooperation", Korea Times, juin 2022.
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