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13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 23:08

Dans une dépêche en date du 11 mars 2015, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé que l'année 2015 serait celle de l'amitié entre la Fédération de Russie et la RPD de Corée. Alors qu'une série de visites ont marqué un resserrement récent des liens entre les deux voisins, un développement des échanges est attendu dans les domaines politique, économique et culturel.

Année de l'amitié Russie-RPDC : quels projets concrets ?

La Fédération de Russie et la République populaire démocratique de Corée partagent une même conception des relations internationales basée sur le respect des souverainetés nationales et le refus de l'unilatéralisme. Dans un contexte historique marqué par la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale (célébrée en Russie comme la "Grande Guerre patriotique"), qui a signifié l'accession de la Corée à l'indépendance, mais aussi l'enclenchement du processus de division du pays, la décision conjointe de faire de 2015 l'année de l'amitié russo - nord-coréenne doit s'accompagner par un essor des visites croisées entre les deux pays dans les différents domaines - politique, économique et culturel. L'agence nord-coréenne KCNA n'a toutefois pas confirmé, à ce stade, si le Maréchal Kim Jong-un visiterait lui-même la Russie à l'occasion de la célébration de la victoire sur le nazisme.

Un accroissement des échanges est tout particulièrement attendu dans le domaine économique, après l'annulation en 2014 de la plus grande partie de la dette nord-coréenne vis-à-vis de la Russie et l'ouverture de perspectives nouvelles d'investissements internationaux en RPD de Corée pour les groupes russes, particulièrement dans le secteur minier. Le raccordement des réseaux ferroviaires et le prolongement des liaisons dans le domaine du gaz sont des projets définis de longue date, qui bénéficieraient par ailleurs à l'ensemble de la péninsule coréenne, et pourraient entrer dans une phase plus opérationnelle. Enfin, la Russie est intéressée par le développement de ses régions d'Extrême-Orient.

En février 2015, la Chambre de commerce russe a mis en place un Conseil pour la coopération avec la Corée du Nord, visant à doubler les échanges commerciaux pour les porter à 1 milliard de dollars par an d'ici 2020. Alors que tant la RPDC que la Russie sont soumises à des régimes de sanctions par les puissance occidentales, les entreprises des deux pays bénéficieraient d'un accès privilégié à l'économie de leur partenaire. Les Nord-Coréens pourraient ouvrir des comptes dans les banques russes, et les hommes d'affaires russes bénéficieraient d'un régime assoupli de visas ainsi que d'un accès élargi à Internet et à la téléphonie mobile.

Principales sources :

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 00:03

Si les mesures économiques mises en oeuvre en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) depuis 2002 ont notamment accru l'autonomie des entreprises, les autorités nord-coréennes soulignent la continuité des orientations économiques. A cet égard, le système de travail de Tae'an, défini en 1961 par le Président Kim Il-sung, met l'accent sur la prise de décision politique collégiale et définit un mode de gestion spécifique qui, à certains égards, annonce déjà les orientations suivies depuis 2002. Alors qu'il avait accordé la priorité au redressement de l'économie et à l'élévation du niveau de vie de la population après les graves difficultés des années 1990, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il avait rappelé le contenu du système de travail de Tae'an, dans une lettre adressée le 1er juillet 1991 au personnel enseignant et administratif et aux étudiants de l'Ecole supérieure d'économie, à l'occasion du 45e anniversaire de la fondation de cet établissement. Nous en reproduisons ci-après de larges extraits, au moment où la République populaire démocratique de Corée célèbre le 73e anniversaire de sa naissance.

Le Président Kim Il-sung et le Dirigeant Kim Jong-il, lors d'une visite de terrain sur un chantier de construction à Pyongyang

Le Président Kim Il-sung et le Dirigeant Kim Jong-il, lors d'une visite de terrain sur un chantier de construction à Pyongyang

Le système de travail de Tae'an est défini comme marquant le passage à "un système de gestion économique communiste" scientifique et rationnel, exercé sous la direction collégiale du Parti, conformément aux idées du Juche qui visent à l'exercice de leur souveraineté par les masses populaires :

Le système de travail de Tae'an (...) est une forme de gestion économique Juche qui consiste à gérer l'économie de façon rationnelle et scientifique, sous la direction collégiale du Parti en appliquant la ligne établie à l'égard des masses (...) Il s'agit vraiment d'un système de gestion scientifique et rationnel axé sur les masses populaires, car il en fait les véritables maîtres de la gestion économique ; c'est aussi un système de gestion communiste, car il matérialise magistralement le principe collectiviste : "Un pour tous, tous pour un !"

 

Visant à guider les organismes d'administration, et non à ce que le Parti se substitue à eux, la primauté accordée à la direction politique des affaires économiques sous l'autorité du comité du Parti du travail, dans chaque unité d'activité, vise à la mobilisation et à l'épanouissement des capacités créatrices de la communauté de travail, à l'issue d'une discussion collective avec les travailleurs, les techniciens et les cadres :

La direction collégiale du comité du Parti est, par essence, une direction des affaires économiques recourant à la politique et aux moyens politiques. Elle diffère de la direction professionnelle et technique des organismes de l'administration et de l'économie, et de plus, propre aux organismes de direction politique, elle ne supplante en rien l'administration ni n'a recours aux méthodes administratives (...) [Elle] permet de décider collectivement, en synthétisant la volonté et les revendications de producteurs, de l'orientation et des moyens à adopter pour l'exécution des tâches économiques et d'exciter et canaliser l'ardeur révolutionnaire et l'enthousiasme créateur des producteurs pour une réalisation fructueuse des décisions prises (...)


Interprété dans un sens socialiste, ce mode de gestion vise ainsi à assurer la cohésion et l'unité de la communauté de travail - suivant une conception qui n'est par ailleurs pas éloignée du concept, très confucéen, d'harmonie et de primauté accordée au collectif par rapport à l'individu :

Cet ordre de travail permet aux travailleurs d'œuvrer loyalement, avec une conscience élevée et dans un but précis au nom de la société et de la collectivité, de raffermir l'unité et la cohésion et de procéder au mieux à la production complémentaire socialiste.

 

Le système de travail de Tae'an s'inscrit dans le cadre de la réalisation du plan, visant à prévenir le double écueil du "volontarisme des organismes de planification de l'Etat" et "l'égocentrisme des producteurs". Les objectifs du plan sont ainsi définis de bas en haut, dans une description assez précise de la façon dont la RPD de Corée établissait ses plans de développement de l'économie (l'exécution du dernier plan, entre 1987 et 1994, ayant été interrompue alors que l'économie subissait les contrecoups de la disparition de l'URSS et des démocraties populaires, et de catastrophes climatiques) :

Les services du plan des organismes économiques et des entreprises font office de cellules des organismes de planification de l'Etat ; le travail de planification s'effectue sous la direction unifiée du Comité national de la planification et les indices du plan sont définis et accordés selon une ligne allant de la base au sommet.


Alors que le dirigeant Kim Jong-il a joué un rôle clé dans l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication en RPD de Corée (le Centre informatique de Pyongyang ayant été fondé en 1986), il souligne, dans sa lettre aux professeurs, personnels administratifs et étudiants de l'Ecole supérieure d'économie, que le système de Tae'an assure la cohésion entre le développement de la production et les progrès scientifiques et techniques :

Le système de travail de Tae'an offre la possibilité de faire concorder le plan de développement de la production avec celui de la science et de la technique et de les promouvoir efficacement de manière à renforcer la direction scientifique et technique, à développer en priorité la science et la technique et à introduire leurs réalisations. Il permet par ailleurs de lier correctement la science et la technique à la production, car l'ingénieur en chef, le plus au courant de la technique dans chaque entreprise, tel un chef d'état-major, tient en main toutes les activités directement liées à la production et les dirige dans leur ensemble.

 

Sur la base du système de travail de Tae'an sont poursuivis plusieurs objectifs : la prise en compte d'objectifs non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs ; la recherche d'économies dans la consommation de matières premières (laquelle met en jeu les entreprises de matériaux, dans le cadre de contrats conclus "sous forme commerciale") ;  l'amélioration de la productivité ; la réalisation du principe d'autofinancement conduisant à une "certaine" indépendance et, défini comme suit :

[Le système de travail de Tae'an] encourage enfin l'autofinancement selon ce principe : chaque entreprise, relativement indépendante, mène avec initiative sa gestion sous la direction planifiée de l'Etat. De la sorte, l'autofinancement sert à mieux appliquer le principe collectiviste, à réaliser un développement planifié et équilibré de l'économie nationale et à accroître l'efficacité de la production et de la gestion.


On observera que les principes ainsi définis - comme l'existence de relations commerciales entre les entreprises - et les objectifs poursuivis (recherche d'une meilleure efficacité de la production, dans le cadre d'une certaine autonomie des entreprises) annoncent déjà certaines des mesures économiques du 1er juillet 2002, comme l'indépendance accrue de gestion des unités de production en RPD de Corée depuis cette date. Généralement interprétées comme une rupture dans l'organisation économique de la Corée du Nord, ou encore comme une conséquence de fait de l'effondrement de l'économie pendant la "dure marche", ces mesures s'inscrivent dans une logique déjà ancienne, au moins en principe.

Enfin, un dernier trait de gestion rattaché au système de Tae'an est "le bilan quotidien" - y compris financier - que doit faire l'ensemble du collectif de travail - et qui n'est d'ailleurs pas éloigné des réunions collectives d'entreprise, qu'on retrouve dans d'autres pays d'Asie, au grand étonnement des observateurs occidentaux peu habitués à la prééminence du collectif sur l'individu :

Le système de bilan quotidien de la production et des finances est un autre moyen efficace de régulariser la gestion économique, car il amène tous les membres de l'équipe de travail à se répartir, outre les tâches de production, celles de la gestion industrielle, telles que la technique, l'équipement, les matériaux, la main-d'œuvre et les finances, et à dresser chaque jour eux-mêmes le bilan d'exécution des objectifs de production en liaison étroite avec celui de l'administration financière.

 

Citations : Kim Jong-il, Oeuvres choisies, tome 11 (janvier-juillet 1991), éditions en langues étrangères, Pyongyang, RPD de Corée, 2003, p. 297-311.

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 00:50

Dans une dépêche publiée le 9 février 2015, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé l'ouverture d'une nouvelle exposition, consacrée aux matériaux de construction, dans le hall consacré à l'industrie lourde du Pavillon des Trois Révolutions, à Pyongyang. Alors que les autorités nord-coréennes ont mis l'accent sur l'architecture et l'urbanisme pour élever le niveau de vie de la population, cette exposition offre un aperçu des matériaux les plus récemment utilisés pour la construction tant de logements que de bâtiments publics.

L'usine de tuiles de Pyongyang (source : KCNA).

L'usine de tuiles de Pyongyang (source : KCNA).

Les matériaux exposés au Pavillon des Trois Révolutions proviennent notamment de l'usine de tuiles de Pyongyang, qu'avait visitée une délégation de l'AAFC lors de son séjour en RPD de Corée en juillet-août 2013, et de l'usine de matériaux de construction de Pyongyang.

Les échantillons présentés sont représentatifs des différents matériaux de construction (pierre, bois, tuile, métal, plastique), ainsi que des peintures et liquides utilisés dans les constructions récentes à usage tant public que privé (appartements des professeurs de l'Université Kim Il-sung et de l'Université polytechnique Kim Chaek, station de ski Masikryong, Stade du Premier Mai, rue des Scientifiques Unha - du nom du programme spatial nord-coréen). On retrouve également les ampoules LED qui éclairent les bâtiments du centre de la capitale, et ont contribué à en métamorphoser l'apparence la nuit.

Selon le curateur du hall de l'industrie lourde, M. Kim Hyon-chol, il s'agit d'offrir un aperçu sur les évolutions les plus récentes du pays en matière d'architecture et de construction.
 

Source :

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29 juillet 2014 2 29 /07 /juillet /2014 15:44

En juillet 2014, la République populaire démocratique (RPDC, Corée du Nord) a accueilli 38 fonctionnaires et représentants du monde économique sud-coréens pour une visite d’une semaine dans le port de Rajin, formant avec Sonbong la zone économique spéciale (ZES) de Rason, près de la frontière avec la Fédération de Russie. Ceux-ci se sont déclarés favorables au projet, malgré les appels pressants des Etats-Unis à rejoindre un front commun de sanctions contre la Russie suite aux événements d'Ukraine. Le choix de la Corée du Sud de soutenir le projet russo-nord-coréen de relier le Transsibérien à la péninsule coréenne permettrait de dynamiser la ZES de Rason et ferait bénéficier la Corée du Sud d’un approvisionnement en charbon russe. Il ferait aussi progresser les relations intercoréennes

Une participation sud-coréenne au projet de « rail eurasien » pour dynamiser la zone économique spéciale de Rason?

Située sur la rive ouest de la rivière Tumen, la zone économique spéciale de Rajin-Sonbong, d'une superficie de 746 km², a été fondée en 1991 sous la juridiction du Comité de la coopération économique extérieure de la République populaire démocratique de Corée afin d’accueillir des investisseurs étrangers intéressés par le potentiel économique et géographique de la Corée du Nord. Renommée Rason en 2000, cette zone économique spéciale - inspirée des modèles de Hong Kong et de Macao - constitue la première ouverture de la RPDC sur l’économie mondiale, bénéficiant d'une juridiction spéciale. Cette zone intègre un centre de transit de cargos, une plate-forme de correspondance (hub) pour les exportations de la RPDC mais aussi une zone touristique avec plusieurs parcours guidés. En 1996, la ZES abritait déjà 51 entreprises étrangères pour un total de 37 millions de dollars investis et l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (UNIDO) estimait alors que l’investissement total se porterait à 150 millions de dollars. Son statut a été modifié en 2010 pour lui accorder une plus grande autonomie. En 2012, la ZES a accueilli sa première foire internationale consacrée au commerce.

 

Rason s’appuie notamment sur un complexe de trois ports qui en font sa force majeure : Rajin, Sonbong et Chongjin, dont les capacités cumulées atteignent 14 millions de tonnes. La localisation du site de la ZES, à l’embouchure du fleuve Tumen, a d’abord attiré l’attention du gouvernement et d’investisseurs chinois qui percevaient Rason comme une manière de désenclaver économiquement les trois provinces du nord-est de la Chine (Liaoning, Jilin et Heilongjiang). Depuis, la République populaire de Chine est le premier investisseur de la zone et opère deux jetées dans le port, une pour l’exportation de charbon et l’autre pour les containers. L’Université de Yanbian a conclu le 7 juin dernier un partenariat avec la ZES de Rason pour offrir formation et soutien juridique à celle-ci. La Russie s’est également très tôt intéressée aux possibilités offerte par cette zone économique spéciale située juste à sa frontière : elle suit la Chine en termes d’investissements et opère une jetée utilisée pour le charbon. Les connections terrestres avec la Chine ont été rénovées en 2010 et depuis un accord de 2008 entre le dirigeant de la RPD de Corée Kim Jong-il et le président russe Vladimir Poutine, la RPDC et la Russie ont achevé de restaurer en septembre 2013 une liaison ferroviaire de 54 kilomètres entre la ville russe de Khasan et Rason.

Inauguration de la ligne Rajin-Khasan le 22 septembre 2013

Inauguration de la ligne Rajin-Khasan le 22 septembre 2013

C’est dans ce contexte de projet ferroviaire qu’est intervenue, en juillet 2014, la visite d’une semaine de 38 fonctionnaires et représentants économiques sud-coréens appartenant à la compagnie ferroviaire KORAIL, à l’aciériste POSCO et à la compagnie maritime Hyundai Merchant Marine Co, à l'invitation du gouvernement de la RPDC. Cette visite avait pour but de décider de la faisabilité d’une participation sud-coréenne au projet russo-nord-coréen de connecter le Transsibérien via Khasan à la ville de Rajin. Les représentants de ce consortium trilatéral ainsi que les envoyés gouvernementaux se sont déclarés intéressés par les possibilités offertes par ce projet. Les trois entreprises envisagent donc de réaliser un transport-test de charbon russe par voie ferrée jusque Rajin puis de l’expédier par mer vers le port sud-coréen de Pohang. Si cette participation devait se concrétiser, il semble que le consortium sud-coréen achèterait la moitié des parts de la Russie dans la nouvelle jetée construite à Rajin, capable de recevoir 4 millions de tonnes de charbon. Un tel projet dynamiserait indubitablement la ZES de Rason en la transformant en plaque tournante pour le transport international.

 

Cette initiative économique bénéficie d’un soutien ferme des autorités sud-coréennes et russes : la présidente sud-coréenne Park Geun-hye et le président russe Vladimir Poutine sont tombés d’accord lors d’une rencontre en novembre 2013 à Séoul sur le soutien à apporter à l’implantation des firmes sud-coréennes dans ce projet. De plus, Park Geun-hye met en avant comme vision politique de son mandat une « initiative eurasienne », appelant à la construction de plus d’infrastructures de transport et à la libération du commerce entre toutes les nations eurasiennes pour créer un marché commun géant rivalisant avec l’Union Européenne. Le gouvernement nord-coréen est très favorable à cette participation sud-coréenne dans ce projet et espère qu’il constituera un terreau fertile pour faire avancer les relations intercoréennes.

 

En revanche, le choix opéré par la Corée du Sud, qui la rapprocherait de la Fédération de Russie, s'oppose frontalement aux récents appels lancés par les Etats-Unis. Suite à une réunion le 28 juillet 2014 avec des représentants français, allemands, britanniques et italiens pour décider des sanctions à appliquer contre la Russie, le secrétaire assistant adjoint au Counter Threat Finance and Sanctions (TFS) du département d’Etat américain, Peter Harrell, en visite à Séoul, s’est rendu au ministère des Affaires étrangères pour demander la coopération sud-coréenne dans ce front commun de sanctions. Le gouvernement sud-coréen a répondu via un communiqué que l’annexion de la Crimée par la Russie n’était pas acceptable. Il n'a cependant annoncé aucune sanction à l’encontre de la Fédération de Russie, afin de ne pas détériorer les relations bilatérales avec un potentiel partenaire majeur dans un projet intéressant toute l'Asie orientale.

 

Sources :

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15 juin 2014 7 15 /06 /juin /2014 15:43

En déboursant 350 millions de dollars (360 milliards de won) pour être sponsor de l'édition 2014 de la coupe du monde de football au Brésil, le conglomérat sud-coréen Hyundai n'avait sans doute pas anticipé qu'il serait une des cibles privilégiées des opposants brésiliens à l'organisation de la manifestation - dont ils dénoncent le coût prohibitif (11,5 milliards de dollars de dépenses publiques) au détriment de politiques sociales (santé, logement, éducation), ainsi que la répression des forces de l'ordre soucieuses de faire disparaître les traces d'une pauvreté endémique dans l'un des pays les plus inégalitaires au monde. Au total, près de deux cinquièmes des Brésiliens s'opposeraient à la coupe du monde. Dans ce contexte, avant les premiers matchs officiels, des actes de vandalisme ont été commis à l'encontre de Hyundai et le site Internet du groupe a été attaqué.

Manifestations, grèves et, pour les opposants les plus déterminés, des violences de rue et des affrontements avec la police anti-émeutes : les images qui nous proviennent du Brésil, au moment de l'ouverture du Mondial, sont celles d'un pays en révolte. Non seulement la politique spectacle du football comme sport professionnel - expression d'une économie capitaliste du divertissement - est mise en cause, mais de plus en plus de voix s'élèvent contre les conséquences sociales des lourds investissements publics ainsi engagés dans un pays profondément inégalitaire. Des groupes sociaux, comme le Mouvement des travailleurs sans terre, se sont pleinement engagés dans la contestation de la coupe du monde. La contestation a gagné plus de cinquante villes au Brésil.

La police anti-émeutes repousse les manifestants et les journalistes à Sao Paulo, à la veille du premier match

La police anti-émeutes repousse les manifestants et les journalistes à Sao Paulo, à la veille du premier match

Dans ce contexte, Hyundai - en tant que sponsor officiel de la quinzième coupe du monde - a été une des cibles de choix des opposants. Des images ont circulé montrant une voiture de la marque vandalisée à Sao Paulo, tandis que la boutique d'un concessionnaire du groupe Hyundai-Kia a été attaquée.

Les opposants à la coupe du monde ciblent le sponsor Hyundai

Par ailleurs, le site Internet de Hyundai a été attaqué par des hackers se revendiquant des Anonymous - à l'instar des sites d'autres institutions liées à l'organisation du Mondial, ainsi que des services de renseignement brésiliens - il y a quelque ironie du sort pour le conglomérat sud-coréen d'être en si bonne compagnie comme cible officielle des Anonymous, quand on sait que les services secrets sud-coréens sont largement derrière les attaques régulières de sites officiels nord-coréens, un temps conduites sous le masque des Anonymous. Le 11 juin 2014 a été déclaré journée de solidarité contre la coupe du monde par les Anonymous.

Les opposants à la coupe du monde ciblent le sponsor Hyundai

Au sein du groupe H, les Sud-Coréens affronteront la Russie le 17 juin, à 18h heure locale, au stade Arena Pantabal, à Cuiaba. Le précédent match (amical) contre la Russie, le 19 novembre 2013, s'était soldé par une victoire des Russes (2-1). Les Coréens seront ensuite opposés à l'Algérie, le 22 juin à 16 heures à Porto Alegre, puis à la Belgique le 26 juin à 17 heures à Sao Paulo. Les matchs de préparation ont été très décevants pour les hommes de Hong Myung-bo - qui avait conduit la Corée du Sud à décrocher une médaille de bronze aux Jeux de Londres en 2012 - défaits par la Tunisie (0-1) le 28 mai, puis par le Ghana (0-4) le 4 juin. Si les Sud-Coréens avaient dominé les deux matchs, ils avaient en effet commis de lourdes erreurs.

Sources :

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14 juin 2014 6 14 /06 /juin /2014 22:53

En mai 2014, la chambre basse de la Douma (Parlement russe) a ratifié l’effacement de près de 90 % des 10,94 milliards de dollars de la dette commerciale contractée par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) au cours de la période soviétique, ouvrant ainsi la voie à une relance des coopérations économiques bilatérales.

L’Union soviétique a constitué jusqu’à sa disparition en 1991 un soutien économique majeur et un partenaire commercial de premier plan pour la Corée du Nord. Ainsi, par exemple, elle a assuré près de 50 % des 4,75 milliards de dollars d’aide au développement qui aurait été versée à la RPDC entre 1945 et 1984. En 1988, l’URSS représentait 56 % du commerce avec la RPDC, soit un volume d’échanges chiffré à 4,1 milliards de dollars. Cependant, une réorientation soviétique progressive vers le Sud au détriment des liens traditionnels avec le Nord est amorcée à partir de la fin des années 1980 : ce tournant se concrétise notamment par la suppression des aides au développement et la fin des échanges produits contre produits au profit d’un commerce monétisé en dollars ou en deutschemark. Au surplus, les difficultés économiques de la RPDC issues d’une série de catastrophes naturelles entre 1995 et 1997 découragent la Russie - héritière de l’URSS - de renouer un contact économique soutenu. En 2011, le volume du commerce bilatéral plafonne à 110 millions de dollars, soit son niveau historique le plus bas et la dette nord-coréenne se fixe aux alentours d’un montant estimé à plus de 10 milliards de dollars.

La dette nord-coréenne auprès de la Russie reste une question centrale dans les relations entre les deux pays. Le projet d’annulation de la dette remonte à 2003, lorsque la RPDC en fait la demande officielle à la Russie. Un accord de principe, porté par le président Vladimir Poutine, est conclu en 2006 pour l’effacement de 80 % de cette dette. Toutefois, il est révisé en 2012 - suite à la rencontre entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il et le président russe Dmitri Medvedev à Oulan-Oude, le 24 août 2011 - pour atteindre 90 % des 10,94 milliards de dollars de la dette commerciale nord-coréenne. Son entérinement par la Douma en mai 2014 constitue l’aboutissement d’un long dialogue entre les deux pays pour développer leurs relations économiques. Les 1,09 milliards de dollars restants non-effacés seront payés par des versements réguliers étalés sur 20 ans à la banque de développement russe, la Vnesheconombank (Внешэкономбанк) et le Ministre délégué aux finances, Serguei Storchak, a déjà précisé que cet argent pourrait être utilisé pour financer des projets communs sur le territoire de la RPDC, notamment un gazoduc – projet porté par Gazprom - et la réfection du chemin de fer jusqu’en Corée du Sud.

Rencontre entre les présidents Kim Jong-il et Dmitri Medvedev à Oulan-Oude, le 24 août 2011

Rencontre entre les présidents Kim Jong-il et Dmitri Medvedev à Oulan-Oude, le 24 août 2011

La résolution de la question de la dette nord-coréenne auprès de la Russie ouvre donc un large éventail d’opportunités économiques jusqu’ici considérées inaccessibles. Ainsi, Le 5 juin 2014, au cours d’une réunion du Comité permanent russo-coréen à Vladivostok, le Ministre russe pour le développement de l’Extrême-Orient Alexander Galouchko annonce le lancement de transactions bilatérales en roubles via les banques russes (la Corée du Nord utilise normalement l’euro pour ses échanges internationaux). L’objectif affiché de cette nouvelle coopération est de soutenir l’augmentation du commerce bilatéral pour atteindre un volume équivalent à 1 milliard de dollars par an vers 2020, contre 112 millions de dollars actuellement. Cependant, les retombées économiques de l’effacement de la dette nord-coréenne devraient aussi bénéficier aux projets communs bilatéraux ainsi que multilatéraux déjà établis à l’image de la réhabilitation et l'exploitation en commun de la liaison ferroviaire Rajin-Tumangang en 2008 par Tonghae - la compagnie nord-coréenne des chemins de fer – ou bien encore le Tumen River Area Development Programme (TRADP) lancé en 1992 visant à porter l’investissement multilatéral à 30 milliards de dollars sur les provinces du Nord Hamgyong et de Ryanggang (Corée du Nord), de Yanbian (Chine) et de Primorsky (Russie).

Sources :

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 16:45

C'est devant un public de 200 personnes, principalement composé d'étudiants en coréen, que Benoît Quennedey, vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) chargé des actions de coopération, a présenté à l'INALCO, le 19 mars 2014, l'économie de la Corée du Nord, à l'invitation du professeur Patrick Maurus. La conférence s'est basée sur son ouvrage publié l'an dernier aux Indes Savantes, après une première présentation sur ce même thème le 7 février 2014 au Centre d'études Corée de l'Ecole des hautes études en science sociales (EHESS). Après un exposé liminaire, Benoît Quennedey et Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, ont répondu aux questions de la salle, en se fondant notamment sur l'expérience de leurs voyages en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et de leurs échanges avec des responsables nord-coréens en charge des questions économiques.

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Evaluer la situation de l'économie nord-coréenne et dresser des perspectives peut sembler a priori malaisé, compte tenu du petit nombre d'études occidentales sur le sujet, du manque de statistiques nord-coréennes et des biais que peuvent présenter les sources sud-coréennes.

Dans ce ce contexte, l'exposé de Benoît Quennedey à l'INALCO sur l'économie nord-coréenne, le 19 mars 2014, a cherché à répondre à trois questions fondamentales. Quelle est l'organisation économique actuelle ? Quel est le niveau de développement économique et social ? Quelles sont les perspectives d'évolution, tant en ce qui concerne la croissance du PIB que l'organisation économique ?

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S'agissant de son organisation économique, la RPD de Corée correspond aujourd'hui à une économie planifiée sur laquelle se sont ajoutés des éléments de marché "de fait". Plusieurs "strates" économiques se sont en effet superposées :

- une économie planifiée traditionnelle, caractérisée par la propriété collective des moyens de production, et marquée par les mesures économiques du 1er juillet 2002 ayant accru l'autonomie de gestion des entreprises ;
- les marchés généraux de biens et de services, légalisés en juin 2003 et officialisés en janvier 2004 ;
- les zones économiques spéciales, dont la plus développée est celle de Kaesong.

Par ailleurs, l'ouverture économique se caractérise par une place prépondérante de la Chine pour les investissements étrangers et le commerce extérieur, l'ouverture internationale étant entravée par les sanctions internationales.

Le niveau de développement est aujourd'hui celui d'un pays à revenus intermédiaires. Le PIB/habitant en parité de pouvoir d'achat, estimée entre 1 200 et 2 500 dollars, apparaît sous-évalué au regard d'autres indicateurs, comme la production d'électricité. La structure économique est celle d'un pays industrialisée (l'agriculture ne représente que 23 % du PIB), et le potentiel minier offre d'importantes perspectives de croissance. Enfin, les autres indicateurs de développement placent la Corée du Nord à un niveau plus élevé que le seul PIB/habitant : l'espérance de vie à la naissance (69 ans) est supérieure à la moyenne mondiale (67 ans) et le taux d'alphabétisation (supérieure à 99 %) de la population est comparable à celle de la Corée du Sud et des pays occidentaux.

Les perspectives d'évolution sont marquées par un retour à la croissance depuis 1999, après le très fort recul pendant la "dure marche" des années 1990. Les taux de croissance évalués par la Banque de Corée (du Sud) depuis 2007 apparaissent sous-évalués au regard des observations de terrain recueillis par des observateurs indépendants : bien que marquée par d'importantes disparités régionales, la croissance est réelle (de l'ordre de 3 % à 4 % par an ?). La situation alimentaire s'est améliorée, la production céréalière de 2013 (estimée à 5 millions de tonnes) se rapprochant de l'autosuffisance alimentaire (5,5 millions de tonnes).

Enfin, un nouveau train de "mesures économiques", depuis 2012, laisse une place plus importante aux autres acteurs économiques que l'Etat. Une des priorités actuelles des autorités nord-coréennes est d'accueillir davantage d'investissements étrangers, notamment pour moderniser des infrastructures souvent vétustes, en diversifiant les partenariats économiques avec d'autres pays que la Chine.


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Photos :
 
Alain Noguès  
 

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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 22:54

Le 25 février 1964, dans le cadre de la 8e session plénière du 4e Comité central du Parti du travail de Corée (PTC), le Président Kim Il-sung de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté les Thèses sur la question rurale dans le cadre du socialisme dans notre pays. Alors que la RPD de Corée lutte toujours pour l'autosuffisance alimentaire, Kim Jong-un, Premier Secrétaire du PTC, a mis en exergue, dans son discours de nouvel an, que l'année 2014 marquait le 50 anniversaire de la publication des Thèses sur la question rurale. Cette référence n'est pas seulement la traduction de l'importance que revêt l'agriculture dans la priorité accordée à l'économie et à l'élévation du niveau de vie : elle signale également la recherche d'une continuité entre les mesures économiques prises aujourd'hui pour augmenter la production agricole et les orientations définies un demi-siècle plus tôt.

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En 1964, la RPD de Corée a entamé une nouvelle phase de son industrialisation, après avoir reconstruit son économie détruite par la guerre de Corée. C'est dans ce contexte que s'inscrit la publication des Thèses sur la question rurale dans le cadre du socialisme : l'objectif est d'assurer un développement concomitant ("harmonieux", pourrait-on aussi dire, suivant une formule usitée dans les pays de tradition confucéenne) des forces productives dans les domaines industriel et agricole, alors que l'industrialisation rapide s'est traduite par des transferts de main-d'oeuvre du secteur primaire vers le secteur secondaire.

L'augmentation de la production agricole doit être indissociable d'une élévation du niveau de vie dans les campagnes, comme l'affirment les Thèses sur la question rurale :

"Les questions paysanne et agricole sous le socialisme consistent, sur la base de la consolidation constante du système socialiste établi dans les campagnes, à porter les forces productives de l'agriculture à un niveau élevé, à rendre aisée la vie des paysans, à liquider le retard laissé dans les campagnes par la société de l'exploitation de l'homme par l'homme et à éliminer graduellement les différences entre la ville et la campagne".

Eviter la création de nouveaux clivages sociaux entre citadins et ruraux conduit à la généralisation de la couverture électrique du pays, ainsi qu'à la création de grandes unités agricoles (à l'échelle de l'arrondissement), suivant les recommandations des Thèses, dans ce qui pourrait être qualifié d' "agrovilles" (et qu'on retrouvait aussi en Union Soviétique). Comme l'a constaté l'AAFC lors de ses visites en RPD de Corée, les fermes collectives regroupent l'ensemble des services publics (éducation, santé, loisirs - comme les salles de cinéma), dans une même unité administrative, rendant la différence entre les villes et les campagnes relativement moins visible qu'en Occident - si l'on excepte cependant les cas particuliers de Pyongyang et des zones économiques spéciales.

La priorité alors accordée à l'essor de la production - dans le contexte des trois révolutions, technique, culturelle et idéologique - a conduit à une exploitation intensive des sols, pour pallier le manque de terres arables. Si ce choix a permis une mise en application des innovations technologiques et, aujourd'hui, une diversification de la production pour réduire les effets des aléas climatiques sur la production céréalière, les orientations des années 1960 et 1970 ont dû faire l'objet d'ajustements : s'il a été possible d'atteindre - et, dans les années 1980, de dépasser - l'autosuffisance alimentaire, à plus long terme il en a résulté une surexploitation et un appauvrissement des sols. Conscientes de ces lacunes après la sévère pénurie alimentaire de la "dure marche" dans les années 1990, les autorités nord-coréennes privilégient à présent une moindre utilisation des engrais chimiques dans le cadre d'une agriculture qui se veut biologique.

Par ailleurs, les choix d'organisation agricole ont toujours été empreints de pragmatisme. Depuis la guerre de Corée, les marchés paysans ont constamment permis d'échanger les surplus par rapport aux objectifs du plan, et ont ainsi été la matrice des actuels marchés généraux de biens et de services, encadrés, et qui ne sont plus limités aux produits agricoles. Enfin, en 2013, la diminution de la taille des exploitations agricoles - à l'échelle quasiment de la famille - rend compte d'une volonté d'accroissement de la production, alors que les lopins individuels, très visibles dans le paysage urbain (y compris à Pyongyang), présentent des rendements supérieurs à la moyenne, comme naguère en Union soviétique. 

Sources : AAFC, Kim Chang-ho et Kang Kun-jo (sous la direction de), Histoire générale de la Corée. Tome III, éditions en langues étrangères, Pyongyang, 1996, pp. 227-229. Image : source (le Président Kim Il-sung à Kangso, en 1945).
 

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26 novembre 2013 2 26 /11 /novembre /2013 23:04

Les sanctions économiques à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) prises par le gouvernement de Séoul le 24 mai 2010 suite au naufrage, deux mois plus tôt, d'un navire de la marine sud-coréenne, le Cheonan, vont-elles être levées? Dès le 20 mai 2010, un groupe d'enquête « international » - en fait largement dominé par des experts civils et militaires sud-coréens et américains - avait imputé le naufrage à la RPDC, laquelle n'a eu de cesse de nier toute responsabilité et de dénoncer les « sanctions du 24 mai ». Si les autorités sud-coréennes ne vont pas juqu'à remettre en question la thèse - controversée - d'une responsabilité de la Corée du Nord dans la perte du Cheonan, elles semblent prêtes à faire preuve de souplesse dans l'application des sanctions découlant de cette thèse. La motivation de Séoul est double : ne pas compromettre des projets économiques importants pour plusieurs pays de la région ; et les graves répercussions de ces sanctions... sur l'économie sud-coréenne.

le 26 mars 2010, le Cheonan, corvette de la marine sud-coréenne, sombrait au large de l'île de Baegnyeong, à l'ouest de la péninsule coréenne, entraînant la mort de 46 marins. Pour élucider les causes de ce naufrage, le gouvernement sud-coréen mit en place un groupe d'enquête composé d'experts civils et militaires de Corée du Sud (47), des Etats-Unis (15), de Suède (5), d'Australie (4) et du Royaume-Uni (3). Le 20 mai 2010, le rapport intermédiaire du groupe d'enquête, confirmé le 13 septembre suivant, imputait le naufrage du 26 mars à une torpille nord-coréenne, des accusations aussitôt rejetées par la RPD de Corée. Puis le 24 mai, le gouvernement sud-coréen annonçait des mesures de rétorsion contre la RPDC : reprise de la diffusion de messages de propagande par tracts et par haut-parleurs à la frontière avec le Nord, manœuvres sous-marines conjointes avec les Etats-Unis en mer de l'Ouest, fermeture du détroit de Jeju (extrême sud de la péninsule coréenne) aux navires nord-coréens, suspension des relations commerciales avec la RPDC, arrêt de tout investissement en RPDC, et restriction des contacts entre Coréens du Sud et du Nord.

Par ailleurs, pour obtenir des sanctions internationales supplémentaires contre la RPDC, le gouvernement sud-coréen saisit le Conseil de sécurité des Nations Unies, saisine à la suite de laquelle le Conseil fit une simple déclaration le 9 juillet 2010, n'imputant pas le naufrage du 26 mars à la Corée du Nord et adressant un message de paix et de dialogue aux différentes parties, bien loin des attentes des autorités de Séoul.

Les sanctions dites du 24 mai ont contribué à tendre un peu plus les relations entre les deux Corée et n'ont jamais été remises en question par les autorités de Séoul, malgré les doutes croissants sur la version américano-sud-coréenne d'une implication de la Corée du Nord dans le naufrage du Cheonan, doutes exprimés, entre autres, par les experts de la marine russe qui ont eu accès aux « preuves » avancées pour accuser la RPDC, par des scientifiques indépendants et par un ancien membre du groupe officiel d'enquête.

La visite effectuée en Corée du Sud le 13 novembre 2013 par le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a porté un coup supplémentaire aux sanctions économiques adoptées le 24 mai 2010. En effet, s'exprimant lors la sixième session du dialogue économique Russie-Corée du Sud, le président Poutine a insisté sur la réalisation de gros projets d'infrastructure aux niveaux mondial et régional, notamment en Extrême-Orient russe. Or, de tels projets impliquent obligatoirement des investissements, y compris par la Corée du Sud, en République populaire démocratique de Corée. « La participation à l'exploitation conjointe du corridor de transport reliant l'Asie-Pacifique, l'Asie centrale et l'Europe pourrait intéresser les investisseurs coréens », a ainsi estimé le président russe.

Déjà, la ligne ferroviaire reliant le port nord-coréen de Rajin à la ville russe de Khasan a été ouverte le 22 septembre 2013 après cinq ans de travaux menés par la coentreprise RasonKonTrans, créée par la compagnie des chemins de fer russes RZD et le ministère nord-coréen des Chemins de fer. Au total, 54 kilomètres de voies ont été restaurés, ainsi que 18 ponts, 12 ponceaux et trois tunnels, et des moyens modernes de signalisation et de communication ont été installés. Le port nord-coréen de Rajin étant désormais relié au chemin de fer transsibérien, 100 000 conteneurs pourront être transportés chaque année par rail sur plus de 10 000 kilomètres jusqu'en Europe occidentale.

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Inauguration de la ligne Rajin-Khasan le 22 septembre 2013 (photo : RIA Novosti)

Dans le cadre d'un protocole d'accord signé le 13 novembre entre la présidente sud-coréenne Park Geun-hye et son homologue russe Vladimir Poutine, des entreprises sud-coréennes telles que POSCO, Hyundai Merchant Marine et Korea Railroad (KORAIL) participeront bien au projet de développement de la ligne ferroviaire Rajin-Khasan et du port de Rajin. Mais cet accord fait l'objet d'un débat intense en Corée du Sud pour savoir s'il va à l'encontre ou non des sanctions prises par le gouvernement sud-coréen le 24 mai 2010 contre la RPDC.

Le 20 novembre, répondant à une question d'un député du parti Saenuri (conservateur) au pouvoir, le ministre sud-coréen de l'Unification Ryoo Kihl-jae a décrit comme « très important pour l’intérêt national » le projet de liaison ferroviaire entre Rajin et Khasan, en prenant soin de ne pas rattacher le sujet aux sanctions du 24 mai 2010.

D'autre part, à propos d'éventuels conflits entre les sanctions du 24 mai 2010 et le projet d'ouverture à des investisseurs non coréens du complexe industriel intercoréen de Kaesong, dont l'activité a repris le 16 septembre, le ministre sud-coréen a noté que ces sanctions n'entravaient pas particulièrement les efforts visant à améliorer la compétitivité du site industriel au plan international au stade actuel. Il a toutefois ajouté qu'une partie des sanctions pourrait être remise en cause au fur et à mesure que le projet d'internationalisation avancera.

Alors que des voix continuent à s'élever en Corée du Sud pour dénoncer les insuffisances de l'enquête américano-sud-coréenne ayant conclu à la responsabilité de la Corée du Nord dans le naufrage du Cheonan, le gouvernement sud-coréen semble gêné aux entournures par les sanctions prises contre la RPDC sur la base de ces conclusions.

La gêne est d'autant plus grande que ces sanctions ont d'abord eu un impact sur la Corée du Sud elle-même! L'Institut de recherche Hyundai estime ainsi à 9 400 milliards de wons (environ 6,8 milliards d'euros) les pertes enregistrées par le Sud depuis l’interdiction générale des échanges entre les deux Corée en 2010, à l’exception de ceux effectués dans le cadre du complexe de Kaesong, des pertes quatre fois plus importantes que celles subies par le Nord, lequel accuse « seulement » un manque à gagner de 2 400 milliards de wons (1,7 milliard d'euros).

L'économie sud-coréenne aurait perdu 4 590 milliards de wons à cause de la suspension des échanges et 3 440 milliards de wons par l'instauration de limites à l'expansion du complexe industriel de Kaesong. La suspension des programmes touristiques dans les monts Kumgang et dans la ville de Kaesong ont aussi contribué à la dégradation de l’économie sud-coréenne, avec des pertes respectives de 1 250 milliards et 100 milliards de wons. Il faut ajouter les 100 milliards de wons nécessaires au contournement de l’espace aérien du Nord, en raison de l’interdiction faite aux avions sud-coréens de le survoler.

Le résultat de l’addition de toutes les pertes économiques, directes et indirectes, s’élèverait à 27 200 milliards de wons (18,9 milliards d’euros) et un tiers des sociétés qui entretenaient des échanges commerciaux avec le Nord jusqu'en 2010 auraient dû réduire ou cesser leurs activités.

Le gouvernement de la présidente Park Geun-hye et le parti Saenuri au pouvoir se refusent toutefois à lever les sanctions économiques, sous le prétexte que la Corée du Nord ne veut pas reconnaître sa responsabilité dans le naufrage du Cheonan.

Cet empressement du gouvernement sud-coréen à prendre des sanctions pénalisant d'abord l'économie sud-coréenne, en tournant le dos aux déclarations intercoréennes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007, rappelle l'épisode de 2010 au cours duquel les Etats-Unis demandèrent à la Corée du Sud de se joindre aux sanctions américaines mises en place contre l’Iran en échange du soutien apporté face à la Corée du Nord dans l'affaire du Cheonan. Or, la République islamique d'Iran est le premier partenaire commercial de la Corée du Sud au Moyen-Orient.

Dès lors, les sanctions adoptées à l'instigation des Etats-Unis par le gouvernement sud-coréen à l'encontre de la RPDC apparaissent comme ce qu'elles sont : destinées à accroître les tensions dans la péninsule coréenne pour justifier un renforcement des moyens militaires des Etats-Unis dans la région dans le cadre d'un vaste plan d'encerclement de la Chine identifiée au moins depuis le début des années 2000 comme un adversaire stratégique. Injustes et coûteuses, ces sanctions ne servent ni les intérêts de la Corée du Sud ni la paix et la sécurité du monde.

Sources :

''Rajin-Khasan Railway Section Opens for Service'', KCNA, 23 septembre 2013

« Les sanctions économiques imposées au Nord ont de graves répercussions sur l'économie du Sud », Yonhap, 1er novembre 2013

« Russie-Corée du Sud: priorité à la coopération économique (Poutine) », RIA Novosti, 13 novembre 2013

« Ministre de l'Unification : le projet Rajin-Khasan est 'important pour l'intérêt national' », Yonhap, 20 novembre 2013

Japan Focus

RZD

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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 23:07

Si les mesures économiques du 1er juillet 2002 ont mis en place un cadre incitatif aux investissements étrangers, notamment dans les zones économiques spéciales (ZES), après la première ouverture au capital de sociétés étrangères dans le cadre de la loi de 1984 sur les joint ventures, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) apparaît engagée dans une nouvelle étape pour favoriser les investissements directs étrangers. Après que l'accord intercoréen sur la réouverture de Kaesong eut prévu l'internationalisation de la zone (qui s'est d'ores et déjà manifestée par la venue d'un investisseur allemand, dans un possible partenariat avec la Corée du Sud), deux dépêches de l'agence KCNA de la RPD de Corée, en date du 17 octobre 2013, attestent de cette volonté, avec l'annonce de l'investissement d'un consortium étranger dans un centre high tech à Kaesong et le compte rendu d'une conférence sur le développement des ZES.

Changjon passants
Selon l'agence KCNA, un consortium constitué des entreprises singapouriennes Jurong Consultants et OKP Holdings, de l'agence de Hong Kong P&T Architects & Engineers Ltd. et d'autres entreprises d'Asie et de l'Est et du Moyen Orient (non nommées) ont conclu des accords pour la construction d'un parc industriel high tech à Kaesong, ainsi que pour la construction d'une autoroute entre l'aéroport de Pyongyang et la capitale de la RPD de Corée. OKP Holdings a confirmé avoir des contacts au "stade préliminaire" avec la Corée du Nord.

Par ailleurs, une conférence internationale sur les zones économiques spéciales a été organisée à l'hôtel Yanggakdo, à Pyongyang, les 16 et 17 octobre 2013, sous les auspices de l'Association pour le développement économique de la Corée, en présence de professeurs de l'Université Kim Il-sung, de l'Université nationale d'économie, de l'Académie des sciences sociales de la RPD de Corée, ainsi que d'experts de différents pays, dont le Professeur Park Kyong-ae de l'Université de Colombie britannique, au Canada, et des représentants de l'Université chinoise de Hong Kong, de l'Université de Delhi, du Centre de recherche économique et de planification de Malaisie et de l'Université du Wisconsin, aux Etats-Unis. Les discussions ont porté notamment sur les méthodes de gestion et de développement des ZES, suivant une approche internationale comparative, et de possibles coopérations pour l'essor des ZES en Corée du Nord.

L'ouverture de la RPD de Corée aux investissements étrangers n'est pas nouvelle, mais elle a été jusqu'à présent entravée par un contexte international marqué par des tensions récurrentes et un renforcement des sanctions internationales, impliquant un isolement de la RPDC - contre son gré - des circuits de financement internationaux. L'actuelle accalmie sur le front diplomatique devrait permettre que s'engage une nouvelle étape dans l'ouverture aux échanges internationaux, alors que le redémarrage de l'économie permet de relancer des projets d'investissement structurants, notamment dans le domaine des infrastructures ou de l'accueil d'entreprises étrangères, dont quelques illustrations sont apportées par les projets évoqués avec le consortium international.

Les Occidentaux ayant récemment visité la RPD de Corée - dont deux délégations de l'AAFC - ont témoigné du boom de la construction et de l'essor des nouvelles technologies. En outre, le retour aux fonctions de Premier ministre de Pak Pong-ju, réputé ouvert à de nouvelles mesures économiques, le 1er avril 2013, témoigne du rôle joué par des équipes dirigeantes pragmatiques, soucieuses d'accorder la priorité au développement économique, alors que l'accent est mis par les autorités nord-coréennes sur l'entrée dans une société de loisirs et de consommation.

Sources : - dépêches KCNA en date du 17 octobre 2013
"Consortium to invest in DPRK" ;
"International conference on SEZ developmen held in DPRK" ;
- "La Corée du Nord annonce la construction d'un pôle high tech près du site de Kaesong", in Le Monde.
  
Photo : Alain Noguès
 

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