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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 17:13

Le 1er juillet 2019, le gouvernement du Premier ministre japonais Abe Shinzo a annoncé la mise en place de restrictions à l'exportation vers la Corée du Sud de trois matériaux nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs et d'écrans, produits phares de l'industrie sud-coréenne. Cette mesure semble avoir été prise en représailles d'un verdict rendu en 2018 par la Cour suprême sud-coréenne, ordonnant à des entreprises japonaises d'indemniser des victimes du travail forcé, mais pourrait aussi être motivée par des considérations de politique intérieure.

Le Président Moon Jae-in passe devant  le Premier ministre Abe Shinzo après l'avoir salué à la réunion du G20 à Osaka le 28 juin 2019 (source : Yonhap) 

Depuis le 4 juillet 2009, les sociétés japonaises doivent demander une autorisation pour exporter trois matériaux vers la Corée du Sud : le polymère fluoré, la résine photosensible et le fluorure d'hydrogène. La procédure d'autorisation nécessite désormais 90 jours, là où le gouvernement japonais accordait auparavant un traitement préférentiel aux entreprises sud-coréennes. Les matériaux visés sont nécessaires à la fabrication des écrans pour smartphones et des puces mémoire, soit les principaux produits exportés par la Corée du Sud, laquelle a dépendu à plus de 90% du Japon pour ses approvisionnements en polymère fluoré et résine photosensible et à 44% pour le fluorure d'hydrogène entre janvier et mai 2019, selon l'Association coréenne du commerce international.

Dès l'annonce de la décision du Japon de restreindre l'exportation de certains produits nécessaires à l'industrie sud-coréenne, le ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Energie de Corée du Sud a accusé le Japon de violer un accord de l'Organisation mondiale du commerce et déclaré qu'il y répondrait « fermement ».

Le 4 juillet, jour d'entrée en vigueur des restrictions aux exportations japonaises, le ministre de l'Economie a dit que le gouvernement sud-coréen envisagerait « diverses mesures correspondantes » à moins que le Japon ne revienne sur sa décision.

Apparemment, la décision japonaise est une réponse à un jugement rendu en 2018 par la Cour suprême de Corée du Sud, ordonnant à des entreprises japonaises de dédommager des victimes coréennes du travail forcé pendant la période coloniale (1910-1945). Le Japon a dénoncé cette décision en affirmant que toutes les questions concernant les réparations liées à son régime colonial ont été résolues grâce à l'accord signé en 1965 par les gouvernements japonais et sud-coréen et normalisant les relations diplomatiques entre les deux pays.

Le 8 juillet, s'exprimant pour la première fois en public au sujet de la décision prise la semaine précédente par le Japon, le président sud-coréen Moon Jae-in a appelé ce dernier à lever les restrictions d'exportations imposées contre des entreprises sud-coréennes, en les décrivant comme une tentative de limiter le commerce dans un but politique. Le Président Moon a dit que le gouvernement sud-coréen mènerait d'abord des efforts « calmes » pour tenter de la résoudre de façon diplomatique. Mais, en cas de « dommages réels » subis par des entreprises sud-coréennes, le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de prendre les mesures « nécessaires ».

Le Président Moon s'est aussi engagé à apporter tous les soutiens possibles aux entreprises sud-coréennes, de telle sorte à ce qu'elles puissent améliorer leur compétitivité internationale dans le secteur manufacturier en réduisant la dépendance aux importations de matériaux essentiels.

Pour justifier la décision prise par son pays, l'ambassadeur du Japon en Corée du Sud a déclaré le 8 juillet que les restrictions placées sur les exportations de matériaux technologiques vers la Corée du Sud étaient dues à un « effondrement » de la confiance mutuelle. Le lendemain, le gouvernement japonais est allé jusqu'à affirmer que le renforcement de ses réglementations sur les exportations de certains matériaux vers la Corée du Sud était dû en partie au non-respect par Séoul des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Ces allégations ont été immédiatement rejetées par le gouvernement sud-coréen.

Le 9 juillet, le Japon a refusé l'appel au dialogue de la Corée du Sud pour trouver une solution au différend commercial, disant n'avoir pas l'intention de lever les restrictions et que la question n'était pas sujette à des pourparlers, la décision du 1er juillet s'inscrivant dans le cadre des efforts du Japon visant à revoir les contrôles de ses exportations.

Comme les efforts visant à résoudre cette crise de manière bilatérale n'ont abouti à rien, la Corée du Sud cherche désormais à s'assurer un soutien de la communauté internationale, dont les Etats-Unis, afin de faire supprimer la mesure commerciale prise par le Japon. Les Etats-Unis ont un intérêt certain à trouver une issue à un conflit commercial entre deux de leurs principaux alliés en Asie, alors qu'il cherchent depuis longtemps à promouvoir la coopération, y compris militaire, entre eux face à la Corée du Nord et, surtout, à la Chine identifiée comme le principal adversaire stratégique des Etats-Unis depuis le début des années 2000.

Mais, au-delà des différends historiques entre la Corée et le Japon, la décision du gouvernement du Premier ministre Abe Shinzo de restreindre l'exportation de certains matériaux nécessaires à l'industrie sud-coréenne pourrait avoir été prise pour des considérations de politique intérieure japonaise, comme l'analyse le quotidien sud-coréen Hankyoreh.

La moitié de la Chambre des conseillers, chambre haute de la Diète du Japon, doit être renouvelée le 21 juillet 2019, et plusieurs experts estiment que l'objectif du gouvernement japonais est de mobiliser sa base conservatrice en s'en prenant à la Corée du Sud, afin de remporter le maximum de sièges, ce qui permettrait de s'assurer une majorité des deux tiers, nécessaire à la modification de la Constitution. Alors qu'on s'attendait à ce que le Japon prenne des mesures de rétorsion vers la fin de l'année 2019, lorsque les actifs sud-coréens des entreprises japonaises condamnées par la Cour suprême de Corée du Sud seraient mis aux enchères pour indemniser les victimes coréennes du travail forcé, le gouvernement Abe a rendu publique la mise en place de restrictions aux exportations vers la Corée du Sud dès le 1er juillet, soit le même jour que l'annonce du renouvellement de la moitié de la Chambre des conseillers. Plusieurs observateurs en ont conclu que le gouvernement japonais avait voulu que les restrictions aux exportations coïncident avec l'élection à la chambre haute.

Mais, souligne le Hankyoreh, le Premier ministre japonais n'a jamais pris de lui-même l'initiative d'évoquer les nouveaux contrôles sur les exportations, et ne l'a fait que lorsque des questions ont été posées à ce sujet par les journalistes ou dans les débats politiques. Cette attitude va à l'encontre de l'idée selon laquelle Abe Shinzo pousserait à s'en prendre à la Corée du Sud dans le cadre d'une stratégie électorale. Si une telle réserve du Premier ministre japonais peut être en partie motivée par sa crainte de réactions du monde des affaires, elle pousse aussi les analystes à penser que le gouvernement Abe a vu au-delà de l'élection en décidant de restreindre les exportations vers la Corée du Sud.

« Il est vrai que ces mesures ont été très efficaces pour susciter le vote conservateur. L'objectif d'Abe semble être de gagner non seulement l'élection à la Chambre des conseillers, mais aussi l'élection à la Chambre des représentants et [de profiter de cet élan] pour modifier la Constitution », a déclaré Lee Yeong-chae, professeur à l'université Keisen, le 9 juillet au Hankyoreh. Abe a déclaré que la mission de sa vie était de réviser la « Constitution pacifique » du Japon, interdisant à ce dernier de posséder une armée et de faire la guerre.

Pour le moment, les partis politiques japonais favorables à une révision constitutionnelle détiennent déjà les deux tiers des sièges à la Chambre des représentants (chambre basse de la Diète du Japon). Une majorité des deux tiers à la Chambre des conseillers ouvrirait donc la voie à une modification de la Constitution. Mais une telle révision doit ensuite être approuvée par référendum et les citoyens japonais restent en majorité opposés à la révision de l'article 9, crucial quant au caractère pacifique de la Constitution japonaise. Le Premier ministre japonais va donc vouloir maximiser les chances d'une révision constitutionnelle en remportant l'élection à la Chambre des représentants. La législature actuelle s'achève normalement à l'automne 2021, mais le Premier ministre japonais a le pouvoir de dissoudre la chambre basse quand il le souhaite.

Certains experts pensent que, en plus d'en tirer un avantage lors des élections à venir, Abe cherche à utiliser les restrictions posées aux exportations vers la Corée du Sud pour que celle-ci fasse d'énormes concessions.

« Cela ne peut pas être décrit comme totalement indépendant de l'élection, ni comme une stratégie électorale », a ainsi déclaré Junya Nishino, professeur à l'université Keio. « Ce problème est survenu parce que rien ne laisse supposer que le gouvernement sud-coréen change de position sur la décision de la Cour suprême [accordant des dommages et intérêts aux victimes du travail forcé]. Les élections coïncidaient avec cela. Ce problème a déjà pris de l'ampleur et il semble inévitable qu'il se prolonge », a déclaré le professeur Nishino.

Ce point de vue est partagé par une source diplomatique à Tokyo, citée par le Hankyoreh : « L'un des problèmes ici est que le Japon en a assez du problème des femmes de réconfort. Les élections ont sans aucun doute eu un effet, mais vous ne pouvez pas considérer que cela concerne uniquement les élections. »

Alors que le gouvernement sud-coréen soutient que la décision de la Cour suprême doit être respectée et qu’il ne peut pas intervenir dans les décisions judiciaires, le gouvernement japonais rétorque que la décision de la Cour suprême sud-coréenne constitue en soi une violation du droit international. Les positions du Japon et de la Corée du Sud quant à la question des réparations pour le travail forcé pendant la période coloniale semblent donc inconciliables.

Le Japon a déjà admis ouvertement qu’il prendrait des mesures de rétorsion : en mars, le vice-Premier ministre japonais, Taro Aso, a déclaré que le Japon envisageait de relever les droits de douane sur les produits sud-coréens et d'interdire les envois de fonds et les visas en cas de liquidation des actifs des entreprises japonaises.

Une première indication des véritables intentions du Japon et de la durée prévisible du conflit commercial en cours sera donnée le 1er août, après l'élection de la Chambre des conseillers. Le gouvernement japonais devra alors décider s'il enlève ou non la Corée du Sud de la « liste blanche » des pays bénéficiant d'un traitement préférentiel pour les exportations de matériaux destinés aux industries de pointe, en application de la loi japonaise relative à la gestion des échanges internationaux et du commerce extérieur (Foreign Exchange and Foreign Trade Management Act). Le retrait de la Corée du Sud de cette liste signifierait que le Japon peut imposer des restrictions à tous les produits autres que les produits alimentaires et le bois d'œuvre. Le conflit entre le Japon et la Corée du Sud franchirait alors un nouveau palier et échapperait à tout contrôle.


Sources :

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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 16:17

Le 1er janvier 2019, Kim Jong-un, président du Parti du travail de Corée (PTC), président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et commandant suprême de l'Armée populaire de Corée, a prononcé le traditionnel discours de Nouvel an, faisant le bilan de l'année écoulée et traçant les grandes lignes de l'année qui s'ouvre. Compte tenu des évolutions intervenues en 2018 dans les relations entre la RPDC et la Corée du Sud d'une part, entre la RPDC et les Etats-Unis d'autre part, cette allocution était particulièrement attendue cette année. Voici la traduction du compte rendu qu'en a fait l'agence de presse officielle KCNA.

Kim Jong-un, le 1er janvier 2019

Kim Jong-un, le 1er janvier 2019

Le dirigeant suprême Kim Jong-un a prononcé un discours à l'occasion du Nouvel an 2019.

Dans son discours de Nouvel an, il a adressé ses vœux chaleureux au peuple et à l'armée à travers le pays et aux compatriotes au Sud et à l'étranger, et exprimé son espoir que les dirigeants et amis de pays étrangers enregistrent des succès dans leur travail.

Il a déclaré que 2018 a été une année historique où, conformément à la ligne d’indépendance et à la décision stratégique du Parti du travail de Corée, de grands changements ont eu lieu dans la situation intérieure et extérieure et l’édification du socialisme a atteint un palier nouveau.

Notant qu'en cette année nouvelle nous sommes confrontés à la tâche d’ouvrir sûrement des perspectives pour le progrès de l’édification du socialisme grâce à l’élargissement et au renforcement de la capacité de développement indépendant du pays, il a dit que nous devons arborer le mot d'ordre « Ouvrons une nouvelle voie à la marche pour l’édification du socialisme en portant haut la bannière de la confiance en soi ! ».

Il a appelé à un essor révolutionnaire sur tous les fronts de l'édification du socialisme en considérant la confiance en soi comme une arme précieuse en vue de la prospérité.

Il a souligné le besoin de réussir à atteindre l’objectif stratégique du développement de l'économie nationale en comptant sur nos propres forces techniques et ressources ainsi que sur l’esprit créateur et l’enthousiasme révolutionnaire élevés du peuple entier, pour ainsi passer à une étape nouvelle de sa croissance.

Il a mis en évidence le besoin d'augmenter par tous les moyens le potentiel politique et idéologique de notre Etat.

Il a souligné le besoin d'accélérer l'édification d'une civilisation socialiste et de renforcer le potentiel de la défense national.

Il a dit que l'année dernière a été une année émouvante, marquée de changements spectaculaires jamais vus dans l’histoire de plus de 70 ans de la division.

En nous basant sur les réalisations précieuses de l’année dernière, marquée remarquablement d’événements sans précédent, nous devons faire, en 2019, de plus grands progrès dans l’effort pour le développement des rapports Nord-Sud, la paix et la prospérité ainsi que pour la réunification du pays, a-t-il souligné.

Tous les Coréens doivent arborer le mot d'ordre « Appliquons en tous points les Déclarations historiques Nord-Sud pour inaugurer une période de pleine floraison de l’effort de paix, de prospérité et de réunification de la péninsule coréenne ! », a-t-il insisté.

Notant que notre volonté immuable est de mettre fin à la source des rapports d’hostilité militaire entre le Nord et le Sud et de transformer la péninsule coréenne en une zone de paix permanente et durable, il a appelé à étendre et développer sur tous les plans la collaboration et les échanges entre le Nord et le Sud pour raffermir la réconciliation et l’union nationales et permettre à tous les Coréens de bénéficier réellement de l’amélioration des rapports Nord-Sud.

Il a déclaré que nous ne tolérons jamais l’ingérence des forces extérieures qui entendent barrer la voie de notre nation vers la réconciliation, l’union et la réunification, en cherchant à subordonner les rapports Nord-Sud à leurs goûts et intérêts.

Il a déclaré que, l'année dernière, le PTC et le gouvernement de la RPDC se sont efforcés de façon responsable de sauvegarder la paix et la sécurité mondiales, d’élargir et renforcer les relations d’amitié avec différents pays.

Notant que la rencontre et la conférence au sommet entre la RPDC et les Etats-Unis, premières dans l’histoire, ont changé de façon spectaculaire les rapports RPDC-Etats-Unis, rapports les plus hostiles sur le globe, et ont contribué grandement à la paix et à la sécurité de la péninsule coréenne et de la région, il a souligné que c’était l'attitude immuable du PTC et du gouvernement de la RPDC, ainsi que sa ferme volonté, d’établir de nouvelles relations entre les deux pays comme l’exige le nouveau siècle, d'instaurer un système de paix permanent et durable dans la péninsule coréenne et d'aller vers une dénucléarisation complète comme stipulé dans la Déclaration conjointe RPDC-Etats-Unis du 12 Juin.

Il a ajouté que la RPDC n'avait pas l'intention de rester obstinément empêtrée dans l’histoire regrettable entre les deux pays, mais la volonté de résoudre au plus tôt le passé et à aller vers l’établissement de nouveaux rapports répondant aux aspirations des peuples des deux pays et aux impératifs de l’évolution de l’époque.

Comme l’a montré le progrès rapide des rapports Nord-Sud de l’an dernier, rien n’est impossible quand on prend la décision nécessaire, et si les partenaires de négociations osent se libérer chacun de son opinion invétérée, proposent, selon le principe de se reconnaître et de se respecter l’un l’autre, des projets équitables et procèdent avec une attitude correcte et la volonté de résoudre les problèmes, ils pourront parvenir sans faute à un aboutissement favorable à l’un et à l’autre, a-t-il déclaré.

Déclarant qu'il reste prêt à s’asseoir de nouveau n’importe quand avec le Président des Etats-Unis, il a également souligné qu'il s'efforcera d’obtenir un résultat digne d’être accueilli par la communauté internationale.

Mais si les Etats-Unis, au lieu de tenir les engagements qu’ils ont pris au vu et au su du monde entier, interprètent mal la patience du peuple coréen et tentent d'imposer certaines choses à la RPDC et de poursuivre toujours leurs sanctions et pressions contre elle, force nous serait de chercher une nouvelle voie permettant de sauvegarder la souveraineté du pays et les intérêts suprêmes de l’Etat ainsi que d’obtenir la paix et la sécurité dans la péninsule coréenne, a-t-il souligné.

Il a appelé les pays voisins et la communauté internationale à soutenir les positions et efforts sincères de la RPDC tendant à stimuler l’évolution positive de la situation dans la péninsule coréenne et lutter contre tous les actes et défis de nature à détruire la paix et à contrecarrer la justice.

Il a souligné que le PTC et le gouvernement de la RPDC, suivant les idées d’indépendance, de paix et d’amitié, continueront à renforcer l’union et la coopération avec les pays socialistes et développeront les relations avec tous les pays qui traitent amicalement la RPDC.

"Supreme Leader Kim Jong Un Makes New Year Address", KCNA, 1er janvier 2019

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18 décembre 2018 2 18 /12 /décembre /2018 20:22

Le 18 décembre 2018, un train sud-coréen utilisé pour l'inspection des lignes de chemins de fer en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) est revenu au Sud au terme d'une mission de 18 jours destinée à vérifier l'état du réseau ferroviaire nord-coréen. Cette inspection s'inscrit dans le cadre des efforts visant à moderniser et à relier les chemins de fer des deux Corée, convenus lors du sommet intercoréen du 27 avril 2018, dix ans presque jour pour jour après l'accord signé entre le gouvernement nord-coréen et la Société des chemins de fer russes (RJD) pour la modernisation des voies ferrées reliant Rajin, en Corée du Nord, à Khasan, en Russie.

En décembre 2018, pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953), un train sud-coréen a circulé sur la partie orientale du réseau ferroviaire nord-coréen, appelée ligne Donghae ou Gyeongwon (Kyongwon), reliant le mont Kumgang et le fleuve Tumen qui, à l'extrémité nord-est de la Corée, marque la frontière de cette dernière avec la Chine et avec la Russie. Il a aussi circulé sur la partie occidentale du réseau nord-coréen, appelée ligne Gyeongui (Kyongi), reliant Kaesong à Sinuiju. Au total, ce train sud-coréen aura parcouru 2 600 kilomètres sur le réseau ferroviaire nord-coréen entre le 30 novembre et le 18 décembre 2018.

Les lignes de chemins de fer traversant la péninsule coréenne sont principalement utilisées par des trains de passagers à destination de villes chinoises dans leur partie occidentale, tandis que la ligne orientale est surtout utilisée par des trains de marchandise, à l'instar de celle passant par le port nord-coréen de Rajin et connectée depuis 2013 au réseau trans-sibérien.

Selon un responsable du ministère sud-coréen de l'Unification, des discussions entre les deux Etats coréens et des inspections additionnelles seront nécessaires pour trouver les meilleurs moyens de moderniser les chemins de fer nord-coréens. L'inspection menée du 30 novembre au 18 décembre 2018 n'en est pas moins une nouvelle étape importante dans la création d'une ligne devant, à terme, relier la péninsule coréenne à l'Europe de l'Ouest et capable de transporter des marchandises en moins de 20 jours, contre une quarantaine actuellement par la voie maritime.

L'inspection des chemins de fer nord-coréens et le début des travaux à la frontière inter-coréenne sont les résultats directs du sommet de Panmunjom du 27 avril 2018 à l'issue duquel les dirigeants des Corée du Nord et du Sud sont convenues « de prendre des mesures pratiques visant à relier les réseaux ferroviaires et routiers des côtes est et ouest, à les moderniser et à les mettre en fonctionnement » pour parvenir à « un développement équilibré de l’économie nationale » et à « une prospérité commune ».

L'inspection des chemins de fer nord-coréens a toutefois été retardée de plusieurs mois en raison des préoccupations des Etats-Unis concernant de possibles violations des sanctions imposées par les Nations unies à la RPDC. Le projet a finalement reçu le feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU.

Une cérémonie d'inauguration des travaux du projet de reconnexion ferroviaire et routière le long de la frontière inter-coréenne est prévue à la gare de Panmun le 26 décembre 2018, dix ans après le lancement de travaux similaires à la frontière russo-coréenne.

A l'époque (en 2008), ce progrès significatif dans le rapprochement « physique » de l'Europe et de l'Asie avait été souligné par l'Association d'amitié franco-coréenne, laquelle salue aujourd'hui les mesures concrètes prises pour l'application de la déclaration de Panmunjom.

 

Sources  :

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 19:33

Le 21 novembre 2018, à l'appel de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais : KCTU) les travailleurs se sont mis en grève générale et des rassemblements ont réuni des dizaines de milliers de participants à Séoul et dans 13 autres villes sud-coréennes. Si le motif initial de la mobilisation était la tenue par le Président Moon Jae-in de son engagement de ratifier les conventions de l'OIT, ce sont les menaces sur ses autres promesses - de réduction du temps du travail et d'augmentation du salaire minimal - qui ont constitué le ferment de la mobilisation. 

Rassemblement le 21 novembre 2018 à l'appel de la KCTU

Rassemblement le 21 novembre 2018 à l'appel de la KCTU

Le récent changement de ministre chargé de l'Economie, ainsi que de conseiller présidentiel chargé de ces questions, n'en finit pas de soulever des interrogations au sein de l'opinion sud-coréenne. Le Président Moon Jae-in est-il en train de se rallier à la doxa néolibérale, et d'observer un tournant dans sa politique économique et sociale ? 

Le 5 novembre 2018, le Président Moon Jae-in annonçait, lors d'une rencontre avec les représentants des cinq principaux partis politiques, son accord pour élargir la durée annuelle de la période de "flexibilité" (aujourd'hui limitée à trois mois) qui permet de moduler la durée hebdomadaire de travail pour ajuster la production à la demande sans embauches supplémentaires. Le patronat a tout particulièrement recours à ce dispositif dans les secteurs où la demande obéit à de fortes variations saisonnières (par exemple, la production de climatiseurs) ou est corrélée au lancement de nouveaux produits (comme pour les téléphones portables). Une telle mesure tend à vider de son contenu les décisions prises sur la limitation de la durée hebdomadaire du travail à 52 heures - qui ne sont d'ailleurs pas entièrement entrées en vigueur, compte tenu d'un délai mis en place pour l'application des sanctions. L'allongement de 3 à 6 mois de la durée annuelle de la flexibilité entraînerait, pour un ouvrier payé 10 000 won par heure (soit environ 7,8 euros), une perte de salaire estimée entre 7 % (par la centrale syndicale KFTU) et 18 % (par la KCTU). Les organisations syndicales rappellent que la durée du travail en République de Corée est la deuxième plus longue parmi les Etats membres de l'OCDE (après le Mexique), et est responsable de morts au travail par surmenage.

La diminution du temps de travail était l'un des points-phares du programme économique du Président Moon Jae-in lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle ; la mesure devait selon lui entraîner la création d'un demi-million d'emplois.

Le 21 novembre 2018, la KCTU a aussi rappelé le Président Moon à une de ses promesses : porter le salaire minimum horaire de 7 730 won (soit 5,9 euros) à 10 000 won (soit 7,8 euros) en deux ans et demi. Or la hausse déjà réalisée de 16 % a soulevé une levée de boucliers des milieux patronaux soutenus par la droite.

Le Président Moon Jae-in a répondu à la journée d'action du 21 novembre 2018 en appelant à la recherche du "consensus", lors de la mise en place le 22 novembre 2018 d'un Conseil économique, social et de l'emploi (CESE), qui correspond à l'élargissement d'une ancienne commission tripartite (syndicats, patronat, Gouvernement) à d'autres composantes sociales, avec une meilleure représentation des jeunes, des femmes travailleuses, des PME et des travailleurs indépendants, et en s'engageant à ce que le Gouvernement ne joue qu'un rôle d'arbitrage.

La KCTU a boycotté la séance inaugurale du CESE, traduisant le divorce grandissant entre le Président de la République (démocrate, centriste) et la gauche.

Sources : 

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11 novembre 2018 7 11 /11 /novembre /2018 13:37

Le 9 novembre 2018, le Président Moon Jae-in a remplacé les deux principaux acteurs de la politique économique du gouvernement : le ministre de l'Economie Kim Dong-yeon et le conseiller présidentiel en charge de l'économie Jang Ha-sung étaient ouvertement en désaccord, le second voulant poursuivre une politique de croissance basée sur l'augmentation des revenus (dont il est l'inspirateur, et qui figurait dans le programme du Président Moon Jae-in), quand le premier entendait mettre l'accent sur la déréglementation de l'économie. Kim Dong-yeon et Jang Ha-sung ont été remplacés respectivement par Hong Nam-ki et Kim Su-hyun. Alors que la politique économique est un sujet majeur de divergences entre le gouvernement et l'opposition conservatrice (avec la politique d'ouverture au Nord du Président Moon), les médias français ont très largement répété les éléments de langage figurant dans une dépêche de l'AFP, laquelle apporte une image complètement biaisée des termes du débat en reprenant les arguments douteux des opposants de droite au Président Moon. 

De gauche à droite : Hong Nam-ki et Kim Su-hyun, respectivement nouveau ministre de l'Economie et nouveau conseiller présidentiel chargé des politiques économiques

De gauche à droite : Hong Nam-ki et Kim Su-hyun, respectivement nouveau ministre de l'Economie et nouveau conseiller présidentiel chargé des politiques économiques

En apparence, la dépêche de l'AFP peut sembler factuelle : elle précise les changements d'acteurs, met en exergue le conflit qui opposait Kim Dong-yeon et Jang Ha-sung et rappelle les données macro-économiques de la Corée du Sud. En réalité, elle biaise - délibérément ? - les données politiques et économiques en soulignant implicitement que la politique du Président Moon Jae-in serait à l'origine d'un ralentissement de l'économie présenté comme inquiétant. Cette lecture partisane s'inspire directement de l'argumentaire de la droite conservatrice qui avait engagé la République de Corée sur une pente autoritaire avant d'être chassée par le peuple lors de la révolution des bougies. Cette présentation et cette analyse biaisées ne résistent pourtant pas à l'examen des faits. 

Le remaniement ministériel est d'abord décrit comme un "limogeage". Nous avons de la chance, le journaliste de l'AFP aurait pu parler de "purge" - mais l'accusation de "dictature"  (à laquelle les "purges" sont nécessairement liées) ne fait pas (pas encore ?) partie des faux procès lancés contre les démocrates coréens, qui sont au contraire - faut-il le préciser ? - les héritiers de ceux qui ont abattu le régime de la junte militaire. Le journaliste de l'AFP aurait été bien inspiré de rappeler que dans le système sud-coréen c'est le Président de la République qui forme le gouvernement sans le paratonnerre du Premier ministre, mais donner au lecteur des clés pour se forger sa propre opinion ne fait pas partie de la culture de l'AFP. 

Ensuite, la politique de relance économique du Président Moon Jae-in - d'inspiration keynésienne - est réduite à quelques appréciations sommaires et, bien entendu, décrite comme "sujette à controverse". Relisons les éléments de langage de l'AFP : 

À l'international, Moon s'est fait connaître pour son rôle dans la spectaculaire détente en cours avec le voisin du Nord armé de la bombe nucléaire. Mais à domicile, sa politique économique est de plus en plus sujette à controverse et sa cote de popularité descend dans les sondages. Son gouvernement a nettement augmenté le salaire minimum, réduit la durée du travail et transformé des contrats de travail temporaires en contrats à durée indéterminée dans le cadre d'une politique de redistribution destinée à stimuler une "croissance portée par les revenus".

AFP (via "La Tribune")

La désinformation commence dès la première phrase : Moon Jae-in a le mauvais goût de vouloir dialoguer avec le régime honni - forcément honni - du Nord car "armé de la bombe nucléaire" (le mot "armé" est employé de préférence à celui de "doté", car il occulte délibérément la stratégie de dissuasion nucléaire de la Corée du Nord qui a développé l'arme atomique pour ne pas connaître le sort de l'Irak ou de la Libye, et parce qu'il a le mérite d'introduire dans l'esprit du lecteur l'idée d'un risque de guerre fondé, forcément, sur la dangerosité d'un Etat puissance nucléaire).

Le processus de réécriture des faits continue en utilisant le procédé de l'omission : la cote de popularité du Président Moon Jae-in diminue. C'est un fait, indéniable, sauf qu'elle n'est jamais tombée en dessous de 50 %. Une précision que le journaliste de l'AFP juge sans doute contre-productive, car elle irait à l'encontre de sa démonstration. Et corréler cette cote de popularité sur la politique économique relève de la pure désinformation : la cote de popularité du président sud-coréen suit au contraire les développements internationaux autour de la péninsule coréenne, rebondissant lors des sommets inter-coréens. Et si elle baisse aujourd'hui, c'est d'abord parce qu'elle part de très haut (jusqu'à 75 % de satisfaits !). 

Vient enfin l'essentiel : la politique menée, basée sur une hausse du salaire minimum, une résorption de l'emploi précaire (par la transformation de contrats de travail en contrats à durée indéterminée) et la réduction du temps de travail. Tout cela est balayé en une demi-phrase, sans recontextualiser ni juger utile d'apporter des détails : rappeler que la durée maximum hebdomadaire de travail a été réduite de... 68 à 52 heures ou que la République de Corée est le champion de l'OCDE pour la durée du travail, ou encore que le travail précaire place la Corée du Sud très en-dessous des standards de l'OCDE, serait allé à l'encontre de la démonstration forcée imposée par l'AFP, et reprise par l'immense majorité des médias français. 

Après cette mise en bouche - ou ce conditionnement - est asséné l'argument d'autorité : la politique économique du gouvernement sud-coréen rompt avec le passé et aujourd'hui la croissance diminue. La boucle est bouclée : il faut accréditer l'idée que la Corée du Sud suivrait un mauvais chemin économique et devrait impérativement changer de cap. Citons là encore ce que dit l'AFP, qui fait pleinement coprs avec les conservateurs sud-coréens (qui, faut-il le préciser, recueillent 20 % des intentions de vote, soit moitié moins que les démocrates au pouvoir) : 

Il s'agit d'un revirement complet par rapport au modèle de croissance passé, porté par les exportations et les investissements des énormes conglomérats sud-coréens, et qui a vu l'économie sud-coréenne se hisser au quatrième rang asiatique.
Les critiques du gouvernement affirment que cette politique a eu l'effet inverse de celui escompté, en aggravant la situation des gens aux revenus les plus faibles et en forçant les petites entreprises à licencier, tandis que les mastodontes hésitent à investir au vu du renforcement des régulations. Le mois dernier, la banque centrale avait ramené sa prévision de croissance annuelle à 2,7%, contre un taux effectif de 3,1% en 2017. Au troisième trimestre, le taux de chômage a avancé de 0,4%, à 3,8%, le taux de chômage des jeunes s'établissant à 9,4%, soit son plus haut niveau depuis 1999.

AFP (via "La Tribune")

Relisons bien ce qu'écrit l'AFP : auparavant la Corée du Sud suivait un "modèle de croissance", un modèle qui lui a permis de devenir la quatrième économie d'Asie. L'auteur de la dépêche n'ose pas parler de miracle, mais seul le mot manque, et l'idée implicite est limpide : la rupture avec le modèle produit des effets négatifs. 

La déformation des faits attend ici des sommets : non seulement ce n'est pas parce qu'un modèle a fonctionné qu'il sera toujours performant, mais plus fondamentalement le miracle du fleuve Han (qui traverse Séoul) est en partie la création d'économistes néolibéraux qui omettent quelques points pourtant fondamentaux : que la croissance sud-coréenne a été basée sur un dirigisme étatique accordant des avantages à une poignée de conglomérats liés au pouvoir militaire (les chaebols) ainsi que sur l'injection massive de capitaux étrangers, et pas sur l'application de la doxa libérale ; que les contreparties (très longues journées de travail, faible protection sociale, dualisme entre les grandes entreprises et le reste de l'économie, milices privées brisant les grèves et tuant au besoin les syndicalistes) sont la face cachée de ce qui n'est pas précisément un paradis des travailleurs. Enfin, les conglomérats ont dû être réformés de force, l'accumulation de dettes pourries au sein de ces entreprises étant une des causes directes de la crise asiatique de 1998, qui a conduit au plongeon de l'économie sud-coréenne et à l'injection la plus massive de l'histoire de capitaux des institutions financières internationales dans l'économie d'un pays. A l'époque le chômage (et singulièrement le chômage des jeunes) a atteint un pic en 1999, point certes mentionné par l'AFP mais en oubliant curieusement de faire la moindre référence à la crise asiatique de 1998.

Rapprocher la politique actuelle du ralentissement économique en cours relève non seulement de la mauvaise foi, mais de mensonges sur les mécanismes économiques : la politique de relance actuelle par les revenus produit nécessairement de la croissance à court terme (c'est sur le plus long terme que les économistes divergent, suivant leurs références), si bien que la croissance économique de l'année 2018 serait au contraire encore plus faible sans le soutien aux revenus et à la consommation des ménages. Si l'économie sud-coréenne s'est autant ralentie ces dernières années, c'est bien davantage du fait des effets à moyen et long termes des politiques de dérégulation des prédécesseurs libéraux-autoritaires du Président Moon, qui eux n'ont pas été avares en "réformes". Qu'il est loin le temps où le président Lee Myung-bak (au pouvoir entre 2007 et 2012, et aujourd'hui en prison pour corruption) promettait 7 % de croissance économique par an !

Ce qui est reproché au Président Moon Jae-in est bien son refus de s'inscrire dans la politique de déréglementation néolibérale : ne pas se soumettre aux injonctions des détenteurs de capitaux lui vaut une volée de bois vert, et suffit manifestement à justifier les arrangements de l'AFP avec la vérité. 

PS : la dépêche de l'AFP a été reprise pratiquement mot à mot par les médias suivants, entre autres : 

- Ouest France

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29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 23:54

Alors que la croissance économique de la République de Corée (Corée du Sud) continue de ralentir (ayant atteint 0,6 % en glissement trimestriel au troisième trimestre 2018), entraînant une révision à la baisse (de 2,9 % à 2,7 %) du taux de croissance prévu par la Banque centrale coréenne pour l'ensemble de l'année 2018, les perspectives de reprise des échanges économiques Nord-Sud sont susceptibles de dynamiser l'économie du pays. Les sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) constituent cependant un lourd facteur d'incertitudes.

Le ministre des Finances Kim Dong-yeon (à gauche) s'entretenant avec le gouverneur de la Banque centrale Lee Ju-yeol (à droite), lors d'une audition parlementaire, le 29 octobre 2018.

Le ministre des Finances Kim Dong-yeon (à gauche) s'entretenant avec le gouverneur de la Banque centrale Lee Ju-yeol (à droite), lors d'une audition parlementaire, le 29 octobre 2018.

La présence de dirigeants de 17 entreprises sud-coréennes, dont les représentants des principaux conglomérats du pays, aux côtés du Président Moon Jae-in lors de sa visite à Pyongyang (du 18 au 20 septembre 2018) n'est pas passée inaperçue : indéniablement, les grands groupes sud-coréens - qui disposent tous d'instituts en charge des relations Nord-Sud (pour appréhender le Nord tant en termes de risque politique que d'opportunité d'investissements et de projets conjoints) - voient dans le rapprochement inter-coréen en cours l'occasion d'envisager une présence dans le Nord de la péninsule, qui combinerait les moindres coûts de la main-d'oeuvre disciplinée et bien formée du Nord et les capitaux du Sud. Une telle association capital-travail est d'ailleurs celle qui a été à l'oeuvre dans la zone économique de Kaesong jusqu'à sa fermeture en 2016, avec cette différence - de taille - que ce sont des PME sud-coréennes qui investissaient à Kaesong (même si le pilotage et l'infrastructure du projet dépendaient de Hyundai Asan, filiale du conglomérat Hyundai). Désormais, outre un possible redémarrage de la zone économique de Kaesong, la question est posée du possible investissement des grands groupes sud-coréens au Nord de la péninsule, parallèlement à la conduite d'études sur des projets structurants pour l'économie de l'ensemble de la Corée (comme le raccordement des réseaux routiers et ferroviaires, qui désenclaveraient le Sud de péninsule du reste du continent eurasiatique). 

L'actuel régime drastique de sanctions internationales contre la Corée du Nord ne permet pas aujourd'hui de (nouveaux) investissements économiques sud-coréens, mais le plaidoyer de Séoul pour l'assouplissement des sanctions ne répond pas seulement à des considérations politiques (payer en retour les efforts accomplis par Pyongyang dans son processus de dénucléarisation, tout en soutenant la poursuite du dialogue Nord-Sud, ne pas laisser la Chine être - de loin - le principal partenaire économique de la RPD de Corée), mais aussi à des préoccupations visant à freiner le ralentissement économique en cours - qui ne sont toutefois pas affichées comme telles. En attendant le déblocage de la situation diplomatique qui permettrait d'envisager la levée de tout ou partie des sanctions, les grands groupes sud-coréens n'ont pas eu besoin du feu vert gouvernemental pour envisager l'installation d'unités de production dans la moitié septentrionale du pays, partageant une proximité géographique et une langue commune avec le Sud. S'ajoutent, pour certains groupes, des considérations liées au parcours personnels des membres des familles dirigeant les conglomérats - comme dans le cas de Chung Ju-yung, ancien dirigeant du groupe Hyundai, originaire du Nord.

Des investissements conjoints inter-coréens pourraient s'appuyer soit sur des exemptions explicites, dûment approuvées, au régime international de sanctions contre la Corée du Nord, soit sur une révision générale du cadre des sanctions. Au demeurant, Pyongyang a fait de la levée au moins partielle des sanctions l'une de ses priorités diplomatiques.

En attendant une éclaircie de la situation internationale, les autorités sud-coréennes ont aussi la possibilité de lever tout ou partie des mesures dites du 24 mai, prises après le dramatique naufrage de la corvette Cheonan, attribué jusqu'à présent par Séoul - malgré le caractère peu convaincant de l'enquête officielle, et les conclusions contraires de nombreux experts indépendants - aux autorités nord-coréennes. Un tel geste est à portée de main pour l'administration Moon Jae-in, malgré la levée de boucliers prévisible des conservateurs qui, alors au pouvoir, avaient mis en place les mesures du 24 mai. 

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17 octobre 2018 3 17 /10 /octobre /2018 20:50

Si les échanges entre le président sud-coréen Moon Jae-in et son homologue français ont été particulièrement décevants pour les autorités sud-coréennes et pour la paix dans la péninsule, compte tenu de la position ultra-conservatrice d'Emmanuel Macron, les autres rencontres inscrites au programme de la visite en France du président de la République de Corée, le 16 octobre 2018, ont été nettement plus prometteuses pour l'avenir des relations franco-coréennes. Retour sur ces échanges.

Avec Edouard Philippe : cap sur les coopérations économiques vecteurs de modernisation technologique

Edouard Philippe, Anne Hidalgo, Audrey Azoulay : le contenu de leurs échanges avec Moon Jae-in

Si l'augmentation du nombre de vols directs entre la France et Séoul a été l'aspect le plus commenté par l'agence officielle Yonhap des échanges entre le Président Moon Jae-in et le Premier ministre Edouard Philippe, c'est plus largement l'essor des relations économiques qui a été mis en avant, en étant resituées dans une perspective historique (introduction de la technologie du TGV à Séoul, développement conjoint d'un satellite). Selon les services de la présidence sud-coréenne,

En notant que l'introduction du train à grande vitesse (TGV) en Corée du Sud durant les années 1990 et d'autres projets économiques conjoints, tels que le développement conjoint d'un satellite au cours des années 2000, ont fourni de grands avantages aux peuples des deux pays, le président Moon et le Premier ministre Philippe ont convenu de continuer à explorer de nouveaux domaines de coopération en étendant continuellement le commerce et les investissements entre les deux pays.

Parmi les nouveaux secteurs de coopération ont ainsi été mentionnés le changement climatique, l'intelligence artificielle et les technologies de l'information et de la communication. Toujours selon les autorités sud-coréennes, il s'agit de secteurs clés pour la "quatrième révolution industrielle". Dans un contexte de ralentissement de la croissance économique en Corée du Sud, cette approche s'inscrit dans une conception du progrès économique telle qu'analysé par Joseph Schumpeter - selon laquelle les innovations technologiques déterminent les cycles de croissance.

Lors de ses rencontres avec les milieux économiques, le Président Moon Jae-in a aussi observé que l'établissement d'un régime de paix durable dans la péninsule coréenne sera un facteur de croissance économique.

Anne Hidalgo a apporté son soutien à l'organisation conjointe des Jeux olympiques de 2032 par toute la Corée

Edouard Philippe, Anne Hidalgo, Audrey Azoulay : le contenu de leurs échanges avec Moon Jae-in

Si la réception dans les salons de l'hôtel de ville de Paris d'un chef d'Etat en visite officielle en France fait partie des usages protocolaires, la maire de Paris Anne Hidalgo a appuyé le projet du Président Moon Jae-in d'une candidature conjointe des deux Etats coréens à l'organisation des Jeux olympiques de 2032. La première édile parisienne a observé que ce projet était conforme à l'esprit de l'olympisme.

Tout en témoignant de sa connaissance du rôle de la France et de Paris dans le mouvement de libération de la Corée alors soumise à la colonisation japonaise, le Président Moon Jae-in a aussi plaidé pour un soutien de la ville de Paris à la participation conjointe d'athlètes nord et sud-coréens aux Jeux Olympiques de Paris en 2024, alors que la constitution d'équipes conjointes inter-coréennes lors de récents événements sportifs est l'une des manifestations les plus éclatantes du renouveau du dialogue et des échanges Nord-Sud.

Avec Audrey Azoulay : augmentation du soutien de l'Unesco aux programmes éducatifs à destination de la RPDC

Lors de leur rencontre, le Président Moon Jae-in et la directrice générale de l'Unesco, la Française Audrey Azoulay, ont convenu de favoriser la coopération et la paix dans la péninsule coréenne, par une augmentation des aides à la Corée du Nord dans le domaine de l'éducation et en promouvant la désignation de la zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corée comme réserve mondiale de biosphère.

Sources :

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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 22:33

Dans A Most Enterprising Country, Justin V. Hastings développe une étude exhaustive et approfondie des modalités d'insertion de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans l'économie internationale, qu'il s'agisse de réseaux formels ou informels. Battant en brèche le stéréotype d'un pays isolé, Justin V. Hastings n'en reste pas moins proche du courant dominant d'analyses anglo-saxon – l'auteur reconnaissant d'ailleurs sa dette vis-à-vis des sources secondaires. Il considère en effet que l'économie «  grise  » représenterait le principal (sinon, l'unique) moteur de croissance économique et aurait constitué un facteur essentiel de développement des programmes nucléaires et balistiques. De même, bien que pondéré et prudent, il se montre pour le moins peu optimiste – non sans raisons – quant au climat des affaires pour les investisseurs étrangers. Ainsi, il accuse selon nous une certaine dépendance par rapport aux auteurs ayant cru – à tort – à l'effondrement prochain de la Corée du Nord, comme Stephan Haggard et Marcus Noland, sans toutefois reprendre toutes leurs conclusions, et ne questionne pas le manque de fiabilités d'informations provenant de sources militantes engagées anti-Corée du Nord, enclins à une certaine propagande (DailyNK, One Free Korea...), tout en ignorant a contrario les sources officielles nord-coréennes au motif que les discours officiels et la pratique divergent fortement, notamment en ce qui concerne le contrôle économique public. Dans ce contexte, les sources primaires – notamment dans le chapitre 4 – auprès d'investisseurs chinois en Corée du Nord sont d'autant plus intéressantes qu'elles nuancent un tableau globalement sombre (qu'illustrent les cas des pertes massives enregistrées par China Minmetals Corporation et Xiyang, couverts dans les médias occidentaux), en mettant également en avant des investissements étrangers en Corée du Nord qui apparaissent comme des succès, peu médiatisés, mais riches d'enseignements pour les potentiels investisseurs en Corée du Nord. Sans partager nécessairement les vues de l'auteur, nous traduisons ainsi de l'anglais, ci-après, l'exemple qu'il cite de la réparation automobile (p. 169-170), dans un paragraphe intitulé «  Le zen de la maintenance automobile  ».

Un exemple d'investissement étranger réussi en Corée du Nord : la réparation automobile

Un cas, celui d'un homme d'affaires chinois impliqué dans la réparation automobile en Corée du Nord, montre à quoi ressemble un investissement en Corée du Nord ayant eu un certain succès. L'investisseur chinois avait été alerté du marché potentiel de la réparation automobile par un ami qui lui avait mentionné l'état très dégradé des véhicules nord-coréens, et le fait que les Nord-Coréens manquaient de pièces de rechange. Après avoir fait lui-même un voyage exploratoire en Corée du Nord, l'investisseur avait conclu qu'il existait un marché pour la réparation des voitures des entreprises publiques et des représentants de l'administration civile, dans la mesure où ils disposaient de véhicules mais d'un faible accès aux moyens de réparation (peu adaptés) des militaires, et dépendaient ainsi de boutiques gérées par les Chinois. Finalement, il a créé des boutiques de réparation à Pyongyang et à Sinuiju.

 

Ce propriétaire d'une entreprise de réparation automobile a limité sa prise de risque en structurant son investissement de manière à limiter ses liens financiers et matériels avec la Corée du Nord. La nature du commerce de réparation automobile signifiait que les paiements immédiats étaient la norme, et qu'il n'avait donc pas à s'inquiéter du risque de non-paiement, à la différence des commerçants qui affrètent par bateau des biens pour les Nord-Coréens. Il n'a également employé que des travailleurs chinois, ce qui n'a pas rendu nécessaire de recourir à une main-d'oeuvre nord-coréenne et à l'appareil d'Etat qui la contrôle. Au final, l'investissement en capital nécessaire aux boutiques était faible  ; les pièces elles-mêmes étaient approvisionnées depuis la Chine, le besoin d'embauche ne s'élevait qu'à quatre ou cinq travailleurs chinois, et il n'y avait guère à s'approprier par les autorités nord-coréennes au cas où elles en arriveraient là. La nature de l'investissement immunisait ainsi largement l'investisseur contre les risques économiques et politiques.

 

A la différences d'autres investissements, celui dans les boutiques de réparation automobile a autorisé l'homme d'affaires à construire des réseaux sociaux qui auraient sinon nécessité de verser de l'argent et, à part les douanes, il affirme n'avoir pas eu besoin de payer qui que ce soit. A son arrivée, il a offert ses services à d'autres hommes d'affaires chinois travaillant en Corée du Nord, qui après six mois l'ont à leur tour présenté à des officiels nord-coréens, qui avaient tous besoin de services de réparation, et qui étaient en position de lui permettre de faciliter ses accords commerciaux dans le pays. Cette stratégie s'est avérée payante à certains égards. Aux douanes à Sinuiju, l'homme d'affaires avait d'abord dû verser de fortes sommes et remettre de grands quantités d'alcool, surtout à partir du moment où il a commencé à faire venir des travailleurs chinois, mais quand il a commencé à réparer les voitures des officiels des douanes, il a obtenu des contacts qui lui ont permis d'éviter les tracas douaniers, et le besoin de payer (au-delà de la simple fourniture de cigarettes) a diminué.

 

En même temps, les boutiques de réparation étaient souvent obligées d'accepter des paiements en nature (sous la forme par exemple de ginseng) des services rendus – ce qui a obligé l'homme d'affaires à faire des démarches supplémentaires en ramenant ses biens en Chine pour les vendre et réaliser ses gains – et des officiels gouvernementaux étaient autorisés à obtenir des réparations gratuites mensuelles dans une certaine limite en dollars. L'homme d'affaires a vu ces pertes dans ses entreprises comme un moyen d'établir des contacts avec les personnes appropriées, pour construire ses réseaux à l'intérieur du pays et recueillir des informations sur les conditions pour faire des affaires en Corée du Nord. Finalement, il a considéré les boutiques de réparation comme lui ayant ouvert la possibilité d'investissements plus importants et plus profitables dans le pays.


L'investisseur chinois a reproduit nombre des caractéristiques des réseaux commerciaux qui ont fait le succès des Nord-Coréens pour vivre ou survivre dans le pays. Il a été entreprenant  : il a identifié un marché de niche qui avait souffert de la rupture de l'ancienne économie politique, mais difficile à satisfaire pour ceux qui n'ont pas accès aux chaînes d'approvisionnement extérieures à la Corée du Nord. Comme beaucoup de commerçants nord-coréens, il a tiré profit d'une opportunité  : il a considéré le commerce de la réparation automobile comme la pierre angulaire pour d'autres affaires plus lucratives. Le succès de son affaire a été basé sur un accès direct aux fournisseurs en Chine, et une certaine habilité à naviguer entre les écueils de la corruption aux points de passage entre la Chine et la Corée du Nord. Dès le début, il a compris que la réussite reposait sur les liens entretenus avec les bonnes personnes dans la chaîne alimentaire. Les seuls versements à certaines personnes ne suffisent pas pour garantir le succès d'un accord commercial en Corée du Nord  ; pour ce faire, l'entretien de réseaux de type patron-clients est nécessaire. Alors que l'investisseur chinois ne pouvait pas offrir de contreparties à des officiels hauts placés comme dans le cas de l'établissement d'entreprises hybrides pour les réseaux en Corée du Nord, il a réussi à mettre en place des relations durables en satisfaisant les besoins réguliers d'administrations et d'officiels au regard de l'état de leurs véhicules. En même temps, l'investisseur a réduit les risques économiques et politiques en limitant l'empreinte physique de ses opérations à l'intérieur de la Corée du Nord, pour se prévenir contre les risques d'expropriation et de retournements de situation politique. Même si tout son investissement était perdu, ses pertes ne seraient pas si importantes. Il a aussi minimisé son exposition au risque concernant la main-d'oeuvre nord-coréenne  ; en fait, il a investi en Corée du Nord sans vraiment y investir.

 

Source  : Justin V. Hastings, A Most Enterprising Country  : North Korea in the Global Economy, Cornell University Press, New York et Londres, 2016, p. 169-170.

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5 mai 2018 6 05 /05 /mai /2018 20:54

Les échanges économiques intercoréens ont été réduits à néant pendant la décennie perdue (pour la réunification) des présidences conservatrices sud-coréennes (2008-2017) : dans un premier temps, les mesures du 24 mai [2010], suspendant tous les échanges économiques sauf ceux de la zone de Kaesong, ont été adoptées en représailles au naufrage de la corvette Cheonan, alors même que les "preuves" de l'implication nord-coréenne ne sont pas crédibles ; dans un second temps, en février 2016, les autorités de Séoul ont décidé de "suspendre" les activités de la zone économique intercoréenne de Kaesong, entraînant sa fermeture, alors que celle-ci avait été un symbole de la coopération Nord-Sud. Dans ce contexte, et alors que les sanctions internationales empêchent actuellement toute reprise des échanges économiques intercoréens, la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018 envisage - en termes prudents - une telle perspective. 

La zone économique intercoréenne de Kaesong en février 2017, avant sa fermeture

La zone économique intercoréenne de Kaesong en février 2017, avant sa fermeture

Il faut lire en détail la déclaration de Panmunjom pour en apprécier la portée s'agissant de la relance des échanges économiques Nord-Sud : 

Le Nord et le Sud sont convenus, en vue d’un développement équilibré de l’économie nationale et d’une prospérité commune, de promouvoir activement les points convenus dans la Déclaration du 4 Octobre et, en premier lieu, de prendre des mesures pratiques visant à relier les réseaux ferroviaires et routiers des côtes est et ouest, à les moderniser et à les mettre en fonctionnement.

Cette prudence s'explique par le fait que les Etats-Unis prétendent ne pas vouloir, à ce stade, de levée des sanctions internationales contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), même partielle, avant que le processus de dénucléarisation de la RPD de Corée ne soit mené à son terme. Si cette position maximaliste peut être appelée à évoluer (dans un processus de dialogue, il faut que chaque partie fasse simultanément des pas, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas de Washington), les autorités sud-coréennes n'étaient pas en mesure, lors du sommet de Panmunjom, d'aller beaucoup plus loin.

Mais la réaffirmation des mesures définies dans la déclaration du 4 octobre 2007 permet de dessiner les contours d'une future reprise des échanges Nord-Sud, une fois les sanctions levées. 

Premier objectif - le seul explicitement réaffirmé le 27 avril 2018 : la modernisation et le rétablissement des réseaux ferroviaires et routiers, alors que l'obsolescence des réseaux nord-coréens est un obstacle majeur à la modernisation de l'économie de la RPD de Corée. Plus précisément, la déclaration du 4 octobre 2007 avait précisé quelles étaient les liaisons ferroviaires et routières prioritaires : 

Ils ont décidé de délibérer sur le problème du réaménagement et de la réparation de la ligne ferroviaire Kaesong-Sinuiju et de l'autoroute Kaesong-Pyongyang pour les utiliser en commun et d'accélérer ces travaux (...) d'entamer celle de la deuxième tranche, de commencer le trafic ferroviaire entre Munsan et Pongdong (...)

Au-delà de la péninsule, la République de Corée serait ainsi reliée à la Chine et à la Russie. En revanche, les liaisons dans le domaine du gaz - qui permettraient à la RPD de Corée d'obtenir des droits de transit - ne figuraient pas explicitement dans la déclaration du 4 octobre 2007.

La déclaration du 4 octobre 2007 prévoyait également des investissements conjoints, notamment pour l'exploitation du très riche potentiel minier nord-coréen (réévalué récemment à la hausse, les réserves en terres rares du pays ayant été considérées comme pouvant être les premières au monde) : 

Ils ont décidé d'encourager les investissements pour leur collaboration économique, de promouvoir vigoureusement la construction des infrastructures économiques et l'exploitation des ressources et d'y attribuer prioritairement diverses conditions de faveur et un traitement préférentiel en accord avec les particularités de la collaboration intercoréenne.

La même déclaration de 2007 envisageait également un partage des ressources halieutiques autour de Haeju, la mise en place d'une zone économique spéciale dans cette région et l'utilisation commune de l'embouchure du fleuve Rimjin : 

Ils ont décidé d'établir une «zone spéciale de paix et de collaboration de la mer de l'Ouest» englobant Haeju et ses environs maritimes et de promouvoir activement l'établissement d'un secteur de pêche commun et d'un secteur maritime de paix, la construction d'une zone économique spéciale, l'utilisation du port de Haeju, le passage direct des navires civils à ce port et l'utilisation commune de l'embouchure du fleuve Rimjin.

La déclaration du 4 octobre 2007 envisageait également le développement de la zone industrielle de Kaesong, qui n'était pas montée en puissance comme initialement prévu avant même sa fermeture en février 2016 (moins de 60 000 ouvriers nord-coréens y travaillaient alors, contre un objectif de 730 000 travailleurs nord-coréens lors de l'achèvement de la construction du parc industriel) : 

Ils ont décidé de terminer dans les meilleurs délais la construction de la première tranche de la zone industrielle de Kaesong (...)

Enfin, la déclaration du 4 octobre 2007 envisageait  "diverses mesures d'assurance institutionnelle, y compris pour la circulation, la communication et le dédouanement", ainsi que des coopérations plus sectorielles (construction navale, en citant spécifiquement les sites d'Anbyon et Nampo, et sans plus de précisions : agriculture, santé, médecine, protection de l'environnement, cette liste n'étant pas limitative).

Incontestablement, si la reprise des échanges Nord-Sud devait se concrétiser à la faveur de la levée des sanctions internationales (et de celles additionnelles décidées par le gouvernement sud-coréen), les domaines sont nombreux pour la création de richesse économique favorable aux deux parties de la péninsule - ce qui permettrait aussi, à Séoul, de battre en brèche l'argument des conservateurs sur le prétendu fardeau économique d'un rapprochement avec le Nord. Dans l'immédiat, exploiter le potentiel minier nord-coréen, combiner le recours à la main-d'oeuvre qualifiée, disciplinée et bon marché du Nord et aux capitaux du Sud, et partager des ressources maritimes représenterait une opportunité économique exceptionnelle pour les économies tant nord-coréenne que sud-coréenne. La prospérité n'est peut-être pas encore au coin de la rue, comme l'affirmait le président américain Herbert Hoover, mais certainement au détour des futurs tracés des liaisons Nord-Sud.

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2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 21:22

Le 27 février 2018, la commission du travail et de l'environnement de la République de Corée (Corée du Sud) a réduit la durée maximale hebdomadaire de travail de 68 heures à 52 heures, dans le cadre d'un accord entre la majorité progressiste et l'opposition conservatrice. Les discussions ont notamment porté sur le taux de majoration des heures supplémentaires, alors que la durée annuelle de travail en Corée du Sud est l'une des plus élevée parmi les pays industrialisés membres de l'OCDE (en 2016, 2 069 heures par an, contre 1 763 heures en moyenne dans l'OCDE). 

La Corée du Sud réduit le temps de travail

L'accord trouvé au Parlement le 27 février 2018 permet au Président Moon Jae-in d'honorer l'une de ses promesses de campagne : réduire la durée du travail pour laisser plus de temps libre aux salariés, mais aussi engager un processus de partage du temps de travail en augmentant les embauches dans une économie en phase de ralentissement (selon certaines estimations, la mesure créerait entre 600 000 et 700 000 emplois). D'autres effets positifs sont escomptés - comme relancer le taux de natalité, l'un des plus bas au monde (en moyenne, 1,2 enfant par femme), mais en ce domaine d'autres mesures joueront un effet plus décisif (en particulier, la réduction des frais - très élevés - liés à l'éducation, et la mise en place d'un système de protection sociale plus ambitieux dans le cadre d'une politique nataliste). 

Dans le droit actuel, la durée hebdomadaire de travail est de 40 heures, auxquelles peuvent s'ajouter 12 heures supplémentaires et 16 heures de travail le week-end, soit 68 heures. Désormais, les heures de week-end seront incluses dans le total des heures supplémentaires, soit une durée maximale de travail de 52 heures.

Par ailleurs, le jour de la Libération (le 15 août) et la fête nationale de l'Indépendance (le 1er mars) deviennent des jours fériés payés.

La nouvelle réglementation entrera progressivement en vigueur : à compter de juillet 2018 pour les entreprises comptant au moins 300 salariés, de janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 299 salariés et de juillet 2021 pour les entreprises de moins de 50 salariés. Cinq secteurs (contre vingt-six auparavant) pourront déroger à la durée légale : les transports et la santé. 

La réforme a soulevé des critiques, tant à gauche qu'à droite. A gauche, les syndicats demandaient que la majoration des heures supplémentaires soit de 100 %, et non - comme voté - de 50 % pour les 8 premières heures et de 100 % pour les 4 heures suivantes. Le régime actuel de majorations étant plus favorable, il en résultera des baisses de salaires. A droite, il est mis en avant la corrélation de cette mesure avec l'augmentation du salaire minimum de 16,4 % intervenue le 1er janvier 2018 : la hausse du coût du travail et les conséquences de la baisse du temps de travail en termes d'embauche sont dénoncées comme des entraves à la compétitivité des entreprises.

Sources : 

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