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26 juillet 2016 2 26 /07 /juillet /2016 19:05

La littérature de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) est peu connue, et volontiers vilipendée comme tout ce qui vient du Nord de la Corée. Elle offre pourtant un regard intérieur sur la société nord-coréenne qui suffirait, au-delà de ses qualités littéraires intrinsèques, à éveiller l'intérêt : c'est du reste ce qui explique le succès inattendu du premier roman nord-coréen publié et traduit en France, Des amis de Baek Nam-ryong - une première rendue possible grâce au professeur de coréen Patrick Maurus que l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) avait invité à présenter la littérature nord-coréenne lors d'une conférence organisée à Paris en 2012. L'éditeur Actes Sud a réitéré en publiant en 2016 une anthologie de nouvelles contemporaines de la RPDC, intitulée Le rire de 17 personnes (du nom d'une des nouvelles), traduites du coréen par Patrick Maurus, Kim Kyoung-sik et Benoît Berthelier. 

"Le rire de 17 personnes", une anthologie de nouvelles nord-coréennes

Ce sont dix auteurs nord-coréens contemporains que nous donne à découvrir cette anthologie de onze nouvelles de la littérature coréenne : Baek Nam-ryong, Kim Chong, Choe Song-jin, Chon In-gwang, Han Ung-bin (deux nouvelles au sein du recueil pour cet auteur parmi les plus connus de RPDC), Chang Ki-song (dont la nouvelle Notre institutrice a été adaptée au cinéma en 1981), An Dong-chun, Kang Song-gyu, Kang Kui-mi et Kim Hye-song - une des rares écrivains de Corée du Nord à avoir été publiée au Sud, en 1987, avec son roman historique Kunbaba.

Le parti-pris des auteurs ayant fait le choix des nouvelles regroupées dans ce recueil est de parler de la vie quotidienne et, comme le souligne leur présentation par l'éditeur, d'offrir

un panorama captivant d’une littérature qu’on ne saurait réduire aux prescriptions idéologiques et qui frappe par sa défense des valeurs positives. Ces textes parlent de corruption, de soupçon, de profiteurs, de délinquance, mais aussi de solidarité, d’effort collectif, de reconnaissance, de résilience. Car l’optimisme est pour ce peuple partie prenante du réalisme.

En décrivant des situations à forte charge émotionnelle, en prônant des valeurs d'exemplarité que se doit de délivrer l'artiste confucéen (en l'occurrence, écrivain, mais il en irait de même s'il était peintre ou cinéaste), les auteurs de cette anthologie de nouvelles s'inscrivent pleinement dans un style coréen, propre à l'ensemble de la péninsule (Nord comme Sud) - dont la littérature distingue traditionnellement les courtes fictions (ou nouvelles), les récits de moyenne longueur, les romans et les romans-fleuves.

Alors que jusqu'à présent les seules nouvelles nord-coréennes en français avaient été publiées par des revues spécialisées (comme Dans le bus de Cho Kun, parue en 2009 dans la revue Neige d'août), la revue Tangun offre par ailleurs un accès à d'autres nouvelles nord-coréennes.

Pour acquérir Le rire de 17 personnes, voir la présentation de l'ouvrage sur le site d'Actes Sud :

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25 mai 2016 3 25 /05 /mai /2016 19:20

16 avril 2014, la Corée du Sud est sous le choc : un ferry fait naufrage en Corée du Sud. A l'issue d'une gestion calamiteuse de la crise, sur laquelle les familles des victimes exigent que toutes les zones d'ombres soient levées par l'administration Park Geun-hye, 304 personnes ont trouvé la mort, dont plus de 250 lycéens en voyage scolaire. Rapidement, il apparaît que le propriétaire du navire, le Sewol, dont l'équipage a fui, appartient, par famille interposée, à un sulfureux homme d'affaires et prédicateur évangéliste sud-coréen, Yoo Byung-eun, plus connu sous son nom d' "artiste" : Ahae. L'identité de Ahae comme Yoo Byung-eun a été révélée par Bernard Hasquenoph, journaliste français, animateur du blog louvre pour tous.fr, qui a publié aux éditions Max Milo un livre d'enquête édifiant intitulé Ahae, mécène gangster. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), en contact dès le printemps 2014 avec Bernard Hasquenoph, l'a invité à prononcer à Paris, le 24 mai 2016, une conférence autour de son ouvrage, qui révèle le gangrènement de certaines des plus prestigieuses institutions culturelles françaises dans leur quête de trouver, par tous les moyens, des financements privés "innovants", alternatifs à des subventions publiques durablement orientées à la baisse.

Bernard Hasquenoph, lors de la conférence donnée le 24 mai 2016 à Paris

Bernard Hasquenoph, lors de la conférence donnée le 24 mai 2016 à Paris

L'enquête minutieuse menée par Bernard Hasquenoph se lit comme un roman policier, à partir de l'étonnant surgissement sur la scène artistique - non seulement française mais internationale (Prague, New York, Florence, Venise, Londres dans la résidence privée du prince Charles...) - d'un mystérieux photographe, à l'identité tenue secrète, qui a soudain exposé avec d'importants moyens de communication des images naturalistes banales au Jardin des Tuileries, qui dépend du Musée du Louvre, et à l'Orangerie du château de Versailles, en 2013.

Ce qu'a découvert Bernard Hasquenoph n'est pas seulement l'identité de Yoo Byung-eun, alias Ahae ("enfant" en coréen), mais aussi une méthode éprouvée de promotion avec la complicité d'établissements culturels prestigieux : des versements à ces établissements au titre du mécénat, des locations d'espaces auprès de ces mêmes établissements avec ses propres deniers, l'achat de numéros spéciaux dans les suppléments de revues culturelles de renom... et des commentaires dithyrambiques de Catherine Pégard, qui dirige depuis 2011 l'établissement public du château de Versailles, et d'Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre de 2001 à 2013 mais aussi président de l'Année France-Corée (du Sud) 2015-2016. La société américaine qui promeut Ahae, Ahae Press, dirigée par l'un de ses fils, avait auparavant acquis aux enchères en France un hameau abandonné, Courbefy, avec le projet - qui ne s'est pas concrétisé - d'en faire une résidence d'artistes.

Quand survient le drame du Sewol, le 16 avril 2014, le passé trouble de Yoo Byung-eun, alias Ahae, à la famille duquel le navire appartient, apparaît : condamnation pour fraude fiscale, gourou d'une secte dont les membres commettent un suicide collectif en 1987...

Bernard Hasquenoph, dont l'enquête, dès 2013, sur l'identité de Ahae - ainsi que la supercherie artistique qu'il constitue - n'avait pas suscité tout l'intérêt qu'elle mérite, devient soudain la coqueluche des médias sud-coréens, qui l'invitent à témoigner et le citent, tandis que Ahae, en fuite, devient l'homme le plus recherché de Corée du Sud... jusqu'à ce qu'un cadavre en décomposition soit découvert et présenté comme celui de Yoo Byung-eun. Cette très opportune découverte suscitera de forts doutes parmi l'opinion publique sud-coréenne.

L'AAFC invite chacune et chacun à lire le livre-enquête édifiant de Bernard Hasquenoph, qui révèle tout un réseau de complicités, politiques, diplomatiques (le beau-frère de Ahae est ambassadeur de Corée du Sud à Prague...), économiques et "culturelles", autour de ce qui apparaît comme un des plus grands scandales culturels contemporains.

 

AHAE, mécène gangster, par Bernard Hasquenoph, éditions Max Milo, 2015

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 18:26

En août 2015, dix étudiants en coréen de l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) ont effectué un séjour d'études d'une quarantaine de jours à l'Université Kim Il-sung, la plus prestigieuse université de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est revenue sur cet échange, mis en place par le Professeur Patrick Maurus de l'INALCO, lors d'une conférence qui s'est tenue à Paris, le 21 mars 2016, avec cinq des étudiants français ayant participé à ce programme.

Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO

Etudier le coréen se résume bien trop souvent, dans les pays occidentaux, à ne connaître que la partie Sud de la péninsule coréenne - tant il est vrai que les ambassades sud-coréennes dans le monde s'emploient à ce que la Corée soit abordée de leur seul point de vue. Cette hémiplégie n'est pas propre aux études universitaires, les années croisées France-Corée, aujourd'hui comme il y a dix ans, ayant par exemple soigneusement évité le moindre contact avec toute institution du Nord.

Tel n'est cependant pas le cas à l'INALCO où le Professeur Patrick Maurus, jeune retraité, s'est employé à nouer des échanges avec ses homologues non seulement en RPD de Corée, mais aussi dans la province coréenne autonome de Yanbian, dans le Nord-Est de la Chine, ayant par ailleurs invité comme conférenciers des membres de l'AAFC pour évoquer des questions propres au Nord de la péninsule mais aussi, plus largement, la diplomatie des deux Etats coréens.

Dans ce contexte, la présentation le 21 mars 2016 à l'initiative de l'AAFC, par cinq des dix étudiants en coréen de l'INALCO, de leur séjour d'études à l'Université Kim Il-sung de Pyongyang a permis de revenir sur un échange universitaire qui constituait une première pour l'INALCO - et qui devrait se prolonger par d'autres séjours linguistiques en préparation dans le cadre de la revue Tangun.

Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO
Etudier en Corée du Nord : le témoignage d'étudiants français de l'INALCO

Lors de leur séjour en RPDC, les étudiants français de l'INALCO étaient, à cette date, les seuls Occidentaux dans le dortoir réservé aux étudiants étrangers - où dominaient les Chinois, à côté de Russes et de Laotiens.

La journée alternait entre des cours le matin et des visites l'après-midi, avec leurs accompagnateurs coréens, parfaitement francophones, qui se sont adaptés à leurs souhaits et leur ont permis de visiter d'autres villes que Pyongyang, ainsi que de répondre aux demandes spécifiques des étudiants français au regard, notamment, de leurs thèmes de spécialisation. En particulier, les échanges ont été très fructueux dans le domaine du bouddhisme (vu en RPDC comme partie intégrante de la culture nationale), avec des moines qui n'avaient rien des figurants que se plaisent à camper des journalistes en manque de sensations. Les étudiants ont pu parcourir toutes les stations de métro - démentant là encore les rumeurs selon lesquelles seules deux stations seraient ouvertes au public - en constatant l'extraordinaire similitude des comportements et des habitudes culturelles entre le Nord et le Sud de la péninsule, exception faite des nuances linguistiques sur lesquelles les ont repris leurs interlocuteurs. Le coréen standard de Pyongyang n'est pas celui de Séoul.

Les cours, adaptés aux différents niveaux de maîtrise de la langue coréenne par les étudiants, étaient adaptables - à l'image du programme : le lever à 6h30 était suivi d'une séance de sport... auxquels les Français ont été les seuls à participer, le premier jour, pendant que leurs camarades étrangers continuaient de dormir.

Les témoignages apportés ont aussi été riches d'enseignements sur les conditions de vie quotidiennes que ne peuvent pas appréhender les touristes, logés dans des hôtels de standing élevé. On s'habitue aux douches froides et aux différences de taux de change pratiqués, notamment, avec les étrangers. Les conditions matérielles ne sont évidemment pas celles de la Suisse ou du Canada.

Les échanges ont aussi été l'occasion de mieux comprendre le point de vue du Nord, notamment sur le Sud vu de manière positive comme la moitié d'un pays partageant fondamentalement une histoire, une langue et une civilisation communes.

Au regard de l'enthousiasme communicatif des étudiants français de l'INALCO qui ont été en échange à Pyongyang on découvre tout l'intérêt de sortir des clichés et du prêt à penser sur la Corée du Nord, en favorisant les échanges et le dialogue interculturel. C'est ce que s'efforce aussi de faire l'AAFC, à son niveau et avec les moyens dont elle dispose.

Photos : AAFC.

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 20:08

Le film Spirits’ homecoming de Cho Jung-rae raconte l'histoire des centaines de milliers de femmes, pour beaucoup d'entre elles coréennes, qui ont été obligées de se prostituer pour l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. Son succès époustouflant - le film caracole en tête du nombre d'entrées dans les cinémas sud-coréens - témoigne de l'émotion légitime que suscite la question des "femmes de réconfort", quelques mois après la conclusion d'un accord controversé entre les gouvernements japonais et sud-coréen que nous avons dénoncé, à l'AAFC, comme insuffisant, à l'instar du Conseil coréen sur les "femmes de réconfort". 

“Spirits’ homecoming” : le film sur les femmes de réconfort de Cho Jung-rae en tête du nombre d'entrées au cinéma

Il aura fallu près de quatorze ans au réalisateur Cho Jung-rae pour mener à bien son projet de film sur les "femmes de réconfort" - qu'il a côtoyées dans un foyer, et qui lui avaient donné comme seule instruction de réaliser un film de qualité. Il était émouvant de voir plusieurs d'entre elles assister à la première, alors qu'il n'y a plus que 44 survivantes sur les 238 femmes sud-coréennes qui ont accepté de témoigner en racontant leur histoire.

Le film Spirits’ homecoming est aussi exceptionnel dans la mesure où son budget de 500 millions de won (soit 381 000 euros) a été bouclé grâce au financement participatif, avec un nombre record de 320 000 donateurs.

Auprès du public, le succès a été au rendez-vous : le matin de la sortie (le 24 février 2016) déjà 27,5 % des billets avaient déjà été pré-vendus, et une semaine plus tard le nombre d'entrées (1,7 million) plaçait le film en tête des ventes.

L'AAFC espère que cette réussite contribuera à la mobilisation et à la sensibilisation de l'opinion publique pour que plus jamais les femmes ne soient victimes d'esclavage sexuel, notamment dans les périodes de guerre.

Sources :

 

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12 janvier 2016 2 12 /01 /janvier /2016 23:41

Ancien journaliste, Chang Kang-myoung a raconté dans son dernier roman devenu un best-seller Pourquoi je déteste la Corée l'histoire d'une jeune fille de 20 ans représentative de la génération "Hell Choseon" (littéralement : la Corée c'est l'enfer) qui exprime le profond malaise d'une jeunesse sud-coréenne contrainte à des sacrifices plus grands que ses aînés, sans perspective d'ascension sociale dans une société restée très hiérarchique et autoritaire. Nous publions ci-après des extraits d'un entretien donné par Chang Kang-myoung au journal Libération.

"Parce que je déteste la Corée" : une description de la génération "Hell Choseon" par Chang Kang-myoung

Dès leur plus jeune âgé, les Coréens sont soumis à des exigences de réussite sociale, scolaire puis professionnelle, dans une société ultra-compétitive qui laisse beaucoup au bord de la route, créant un profond sentiment de découragement. S'ajoute un fossé générationnel avec leurs parents, alors que les jeunes arrivent sur un marché du travail désormais marqué par la perspective du chômage et, plus encore, du travail précaire :

Pour moi qui ai 40 ans, ce n’est ni un paradis ni un enfer. J’aime mon pays. Mais les jeunes, eux, sont découragés, en colère et perdus. Ils ne voient plus la Corée comme une terre d’opportunité. Ils sont confrontés pour la première fois au chômage, à un marché du travail rigide où l’on a, d’un côté, des élites hyperprivilégiées et, de l’autre, des travailleurs irréguliers, mal payés et sans filet de protection sociale. Et comme le pays s’est développé à une allure fulgurante entre les années 60 et 80, le fossé générationnel entre les jeunes et leurs parents est particulièrement prononcé. Non seulement ils ont une situation plus précaire que leurs aînés, mais il y a un décalage assez dur à vivre, pour eux, entre ce qu’on leur fait miroiter pendant leurs études et la réalité de la société sud-coréenne. A l’école, on les encourage à devenir des leaders mondiaux, à apprendre l’anglais et à penser mondialement. Mais quand ils arrivent dans la vie active, ils se heurtent à une société encore très hiérarchisée, conservatrice et, à bien des égards, encore autoritaire.

Un des mérites - et qui n'est pas le moindre - de Chang Kang-myoung n'est pas seulement de décrire les clivages d'une société - entre les plus jeunes, désabusés, et les plus âgés voyant dans l'accélération de la croissance économique la solution à tous les problèmes ; entre des appels à la révolte et des discours a contrario moralisateurs sur la chance qu'auraient les jeunes Sud-Coréens de vivre dans une société de loisirs ; entre les conservateurs qui croient au rôle fondamental des conglomérats, les chaebols, et les progressistes qui vouent aux gémonies ces mêmes chaebols. Chang Kang-myoung propose aussi de revoir des façons de penser qui, comme la langue, touchent à l'identité même des Coréens - alors que, comme il le rappelle, la Corée est un pays complexé par son histoire, où le sentiment de fierté patriotique est ainsi très fort :

Dans les années 90, l’économie se portait toujours bien et nous avions obtenu la démocratie ; c’était probablement la meilleure période de notre histoire récente. Aujourd’hui, l’économie ne croît plus et nous devons l’accepter. Je pense que même sans croissance, nous pourrions régler beaucoup de nos problèmes en instaurant une société moins hiérarchisée et basée sur le respect mutuel.

[question du journaliste] Comment y parvenir ?

Je pense tout d’abord que tout le monde devrait utiliser la forme honorifique pour s’adresser aux autres, peu importe l’âge ou la position sociale [la langue coréenne est codifiée en plusieurs niveaux de formes honorifiques et de politesse en fonction de l’âge et du statut social de l’interlocuteur]. On devrait abandonner ces vieilles manières confucéennes dont nous sommes si fiers.

Certains se demanderont si ces interrogations sont propres à la Corée. Probablement pas, mais elles prennent un relief particulier dans une société dont les valeurs cardinales sont toujours - entre autres - le confucianisme, le respect de l'autorité et l'idée d'une exemplarité nationale (chaque Coréen est dépositaire d'une image de son pays). En ce sens, la difficulté des Sud-Coréens à accepter leurs propres minorités - qu'elles soient politiques, ethniques ou sexuelles - s'inscrit dans un processus qui tend à gommer les différences et, in fine, à privilégier le groupe et à écraser l'individu, et donc à générer du mal-être social.

Lire l'interview complète à cette adresse :

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27 décembre 2015 7 27 /12 /décembre /2015 00:07

En adaptant sous forme d'un manhwa en deux volumes l'autobiographie de Hur Young-chul Pris dans les tourbillons de l'histoire, le Sud-Coréen Park Kun-woong continue de rendre compte de l'histoire récente de la Corée en sortant du point de vue farouchement hostile à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) qui a forgé l'identité de la République de Corée (Corée du Sud) : l'auteur de la série Fleur et de Massacre au pont de No Gun Ri (l'un des épisodes tragiques de la guerre de Corée) a retracé le destin d'un ancien prisonnier non converti (ayant refusé d'abandonner ses idéaux communistes), emprisonné pendant 36 ans, de 1955 à 1991, dans les geôles de la junte sud-coréenne. La vie d'ouvrier et de révolutionnaire de Hur Young-chul a non seulement embrassé l'histoire contemporaine de la Corée, elle est également peu banale dans la mesure où Hur a choisi de rester vivre en Corée du Sud, après sa libération, et de témoigner dans un récit autobiographique. Edité en France par Cambourakis, dans une version traduite du coréen par Françoise Nagel et Lim Yeong-hee avec une préface du professeur Han Hong-gu de l'Université Sungkonghoe, Je suis communiste est diffusé dans notre pays depuis septembre 2015, avec le soutien du Centre national du livre (CNL). La version originale a été publiée en 2012 (pour le volume 1) et 2013 (s'agissant du volume 2) par Park Kun-woong (né en 1972) et Hur Young-chul (1920-2010).

"Je suis communiste" : le manhwa de Park Kun-woong retrace le destin exceptionnel de Hur Young-chul

L'année où Hur Young-chul était libéré, en 1991, Park Kun-woong entrait à l'université : a priori rien n'aurait prédestiné la rencontre entre les deux hommes, appartenant à deux générations très différentes, si Yun Gu-byeong, des éditions Bori, n'avait demandé au dessinateur, ancien militant étudiant, de rencontrer Hur Young-chul.

Le témoignage direct exceptionnel par un acteur de l'histoire récente de la Corée prend forme sous le dessin de Park Kun-woong, dans un style noir et blanc dépouillé, qui alterne entre une tradition graphique qu'on rattacherait en Europe à celle de la ligne claire et une précision du trait dont la puissance renvoie aux peintures asiatiques traditionnelles à l'encre de Chine. Car si Park Kun-woong a pu s'appuyer sur l'autobiographie de Hur Young-chul (dont la translittération du patronyme coréen la plus fidèle à sa prononciation est "Heo" et non "Hur"), il n'avait plus de photos de jeunesse - celles-ci ayant été détruites par sa famille, et il fallait le talent de Park Kun-woong pour restituer une époque, celle de la lutte antijaponaise, la libération, la partition et la guerre, tout en gardant la retenue de Hur Young-chul, que n'ont brisé ni les tortures physiques - à l'eau, à l'électricité - que lui ont infligées ses geôliers sud-coréens, ni la manipulation continue des membres de sa famille par les autorités sud-coréennes pour qu'il se convertisse en reniant ses idées. A cet égard, les extraits en fin de bande dessinée des échanges de courriers censurés, ainsi que du "rapport d'observation" tenu par l'administration pénitentiaire - cherchant à se convaincre que le prisonnier est en bonne voie pour abjurer - sont des témoignages de ce qu'ont vécu les prisonniers politiques sud-coréens non convertis, traités en criminels par un régime dont la brutalité n'avait rien à envier à celui des anciens colonisateurs japonais.

Aux 36 ans de ce régime carcéral ont succédé, jusqu'à la mort de Hur Young-chul, 19 ans de liberté surveillée - avec une interdiction notamment à participer à toute activité politique. Pour être pleinement libre, Hur Young-chul aurait dû renier ses idées - ce qu'il s'est toujours refusé de faire - bien que les représailles aient aussi touché aussi sa famille :

Je me rappelle la première visite [en prison] de ma fille (...) Elle travaillait à l'hôpital universitaire de Séoul. Elle était donc fonctionnaire. En examinant son dossier, on s'était aperçu que son père était en prison pour communisme. La police avait commencé à lui poser des questions. Elle avait démissionné et, en rentrant chez elle, était passée me voir. (...) Elle est revenue me rendre visite, mais on ne l'a pas autorisée à me voir. Dans le train du retour, elle a rencontré un journaliste et lui a tout raconté. Il lui a promis de faire quelque chose. Je ne sais pas quel rôle il a joué, mais l'hôpital a rappelé ma fille et elle a repris son travail (...).

On a proposé à mon fils de se porter candidat pour représenter les étudiants de l'université de Jeonbuk. Son concurrent, un ancien du Vietnam, l'a menacé. Il lui a dit que, vu le passé de son père, il n'aurait aucune autorité sur les étudiants même s'il était élu. Mon fils a perdu les élections. Petit, c'était un garçon très joyeux, plein d'entrain, mais à l'entrée au collège il s'est replié sur lui-même. "A quoi ça sert d'étudier ? Je n'obtiendrai jamais un travail convenable". Ma femme l'a sévèrement réprimandé, mais je ne l'ai appris que bien plus tard.

Le manhwa ne dit pas les raisons qui ont amené Hur Young-chul, après sa libération, à rester au Sud plutôt qu'à rejoindre le Nord, comme nombre d'autres anciens prisonniers de conscience. Mais le regret ne pas avoir été suffisamment aux côtés de sa famille, originaire du Sud, a probablement joué un rôle.

Si le premier volume commence par la libération de Hur, et alors qu'à plusieurs reprises le récit fait des incursions dans la période postérieure à sa libération, le manhwa suit un plan essentiellement chronologique, qui permet de retracer comment s'est formée sa conscience politique, puis la manière dont il a mené à bien ses tâches de militant révolutionnaire. Le tome 1, intitulé "Une vie de travailleur", montre la prégnance de la conscience de classe, pour cet enfant de paysans, qui va travailler dans la métropole coloniale japonaise pour mieux gagner sa vie, et y découve l'exploitation capitaliste la plus sordide, doublée d'une exploitation coloniale. C'est aussi à la même époque qu'il découvre, par des militants coréens et japonais, la résistance antijaponaise menée par Kim Il-sung, futur fondateur de la RPD de Corée.

"Je suis communiste" : le manhwa de Park Kun-woong retrace le destin exceptionnel de Hur Young-chul

Hur Young-chul apparaît comme un militant de valeur, toujours soucieux du bien-être de ses camarades, auquel le Parti confie les tâches les plus difficiles, qui sont aussi les plus dangereuses : bien que n'ayant pas terminé l'école primaire, il a été choisi comme représentant de comité populaire, a été volontaire pour se rendre sur la ligne de front au Sud pendant la guerre (alors que dans l'académie où il avait été envoyé suivre une formation, la possibilité avait été donnée aux étudiants de regagner leurs familles au Nord, ce qu'ont fait une majorité d'entre eux), échappant à plusieurs reprises à la mort. Après la guerre, il a été parmi les premiers chargé d'une mission de renseignement au Sud, d'où il était originaire. Reconnu, il est arrêté, torturé, emprisonné. Nous sommes en 1955, il a 35 ans : il allait passer les trente-six années suivantes de sa vie en prison.

 

"Je suis communiste" : le manhwa de Park Kun-woong retrace le destin exceptionnel de Hur Young-chul

Hur Young-chul ne cherche pas à magnifier les événements : il décrit la guerre de Corée dans toute sa brutalité, sans cacher la dureté - également - de l'Armée populaire de Corée. Nous partageons son désarroi quand, un demi-siècle plus tard, il nous décrit la condamnation à mort et l'exécution d'un soldat ayant abandonné ses armes, par peur. Comme le reconnaît Hur Young-chul, personne n'a osé le défendre. Il fait aussi le bilan lucide de ses propres échecs, comme de celui ayant conduit à son arrestation comme espion, au Sud.

De son idéal de justice sociale, de son aspiration à la réunification de la Corée - dont il souligne qu'elle a été d'abord divisée par le jeu pervers de l'administration américaine - Hur Young-chul a tiré la force qui lui a permis de surmonter des décennies durant un régime carcéral parmi les plus durs au monde - même s'il reconnaît qu'il n'a initialement jamais cru à un emprisonnement aussi long. Enfin, les conversations de Hur Young-chul avec les Sud-Coréens progressistes qui ont transcrit son récit en bande dessinée, ou fait état de son témoignage dans les médias, sont un éclairage précieux sur le nécessaire dialogue Nord-Sud - Hur étant fondamentalement resté un communiste attaché à la RPD de Corée. Il n'a aucun doute quant à la trahison de Pak Hon-yong - l'un des fondateurs du Parti communiste coréen, passé au Nord, où il a été exécuté, probablement en 1956 - en citant des éléments de preuves qui mériteraient un traitement approfondi par les historiens. Il exprime sa certitude que les horreurs de la guerre de Corée rendent impossible le déclenchement d'un nouveau conflit par les autorités nord-coréennes. Sur plusieurs points - son refus des bases américaines en Corée du Sud, sa lecture des origines de la guerre de Corée - ses positions rejoignent enfin celles des progressistes sud-coréens et témoignent que, par delà les différences d'histoires et de systèmes politiques, un terrain commun de compréhension et d'entente est non seulement souhaitable, mais possible, entre Coréens, du Nord, du Sud et de la diaspora partageant la même volonté de parvenir à la réunification de leur pays, fondée sur des valeurs de justice, d'équité et de liberté.

Références :
 

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5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 22:07

Du 16 octobre 2015 au 7 février 2016, le Musée Cernuschi organise une rétrospective exceptionnelle des artistes coréens en France, intitulée "Séoul - Paris - Séoul. Artistes coréens en France - figurations coréennes", qui montre le rôle constant joué par Paris dans la formation et l'expression d'artistes coréens, depuis l'entre-deux-guerres, jusqu'à des oeuvres parmi les plus récentes exceptionnellement mises en valeur.

Le tableau "Aube" de Bang Hae-ja, artiste abstraite coréenne vivant en France depuis 1961, illustre l'exposition du Musée Cernuschi

Le tableau "Aube" de Bang Hae-ja, artiste abstraite coréenne vivant en France depuis 1961, illustre l'exposition du Musée Cernuschi

Témoigner de la place de la scène parisienne dans la création artistique coréenne contemporaine est un défi qu'ont su relever avec brio les organisateurs des expositions du Musée Cernuschi et de la mairie du 8e arrondissement, en réunissant un vaste échantillon d'oeuvres conservées en France. Commissaire de l'exposition du Musée des Arts de l'Asie de la Ville de Paris, Mael Bellec, conservateur du Patrimoine davantage spécialiste de la Chine, a réalisé un travail de recherche et d'analyse considérable dont, plus que l'exposition elle-même, rend compte l'excellent catalogue de l'exposition, qui comble utilement une lacune dans les relations franco-coréennes. En effet, Paris a été de longue date une destination privilégiée des artistes coréens, mais sans que l'on dispose d'une vue d'ensemble présentant également les figures majeures de la scène artistique coréenne à Paris. Avec la levée en 1989 des autorisations préalables imposées jusqu'alors aux Sud-Coréens pour voyager, la capitale française accueille par ailleurs un nombre important d'étudiants sud-coréens dans les disciplines artistiques et littéraires, et tout d'abord en beaux-arts. Tout juste pourrait-on regretter une translittération aléatoire, et parfois clairement erronée, des noms des artistes coréens en France - même si un index final avec les noms en écriture coréenne permet de combler en partie cette lacune. Par ailleurs, si la scène artistique coréenne à Paris a été essentiellement progressiste, il n'eût pas été inutile de faire aussi ressortir les influences du réalisme américain, mises en avant dans la tradition figurative des artistes officiels encouragés par les régimes conservateurs autoritaires sud-coréens.

Bien que d'abord dédié aux arts chinois (auxquels sont intimement liés les arts coréens traditionnels), le Musée Cernuschi a également acquis des oeuvres d'artistes contemporains coréens, japonais et vietnamiens. Le Musée Cernuschi a en outre occupé une place privilégiée dans les échanges culturels franco-coréens : en 1964, avec le soutien de critiques d'art et d'artistes de l'Ecole de Paris (dont Pierre Soulages et Hans Hartung), Lee Ungno (1904-1989) a créé l'Académie de peinture orientale de Paris. C'est avec le soutien du directeur du Musée Cernuschi Vadime Elisseeff que Lee Ungno a donné des cours de l'Académie au Musée Cernuschi, de 1971 jusqu'à sa mort en 1989. Cette tradition d'enseignement dans les murs mêmes du musée a été reprise par l'épouse de Lee Ungno, l'artiste Park In-kyung (née en 1926), et leur fils Lee Young-sé (né en 1956), tandis que Lee Ungno et Park In-kyung ont procédé à des donations d'oeuvres, et été exposés au Musée en 1971 et 1989. Par ailleurs, une collaboration entre le Musée Lee Ungno de Daejeon et le Musée Cernuschi a permis de restaurer les oeuvres de l'artiste coréen présentées dans l'exposition.

L'exposition du Musée Cernuschi est construite suivant un plan essentiellement chronologique, qui fait à la fois ressortir les influences traditionnelles est-asiatiques et les tendances occidentales des artistes coréens ayant vécu à Paris. Elle s'ouvre par une peinture de Bae Un-song (1900-1978), Une grande famille, réalisée dans les années 1930 : un des premiers artistes coréens exposé en Europe (à Paris et en Allemagne), il s'est installé à Paris entre 1937 et 1940, avant d'enseigner dans le Sud de la Corée, puis au Nord, où il a été l'un des peintres les plus renommés de la République populaire démocratique de Corée. L'oeuvre de Bae Un-song exposée au Musée Cernuschi est caractéristique du dialogue entre la peinture asiatique traditionnelle (qui, à partir de l'entre-deux-guerres et de la découverte des arts occidentaux à l'époque de la colonisation japonaise de la Corée, est désormais appelée en coréen tongyanghwa, ou peinture orientale) et la peinture occidentale (soyanghwa). Si la thématique (la famille, bourgeoise, en costume traditionnel) et un certain hiératisme des figures sont coréens, le choix de la peinture à l'huile (et non à l'encre de Chine) et le style réaliste traduisent les influences occidentales. 

"Une grande famille" (1930-1935), de Bae Un-song (Pai Unsung)

"Une grande famille" (1930-1935), de Bae Un-song (Pai Unsung)

Après la génération de l'entre-deux-guerres, d'autres artistes coréens viennent vivre et travailler, et parfois s'établir, en France, dans les années 1950 et 1960, opérant des choix artistiques, personnels (ils abandonnent parfois des situations sociales plutôt confortables) et parfois politiques - Lee Ungno a été une des victimes, multiples, de la répression par la junte militaire sud-coréenne, ayant été accusé injustement d'espionnage au profit de la Corée du Nord en 1967, emprisonné pendant deux ans (1967-1969) et interdit de séjour en Corée du Sud (à partir de 1977), ce qui l'a amené à opter pour la nationalité française en 1983, n'étant réhabilité par les autorités sud-coréennes qu'à la veille de sa mort, en 1989. Une deuxième figure majeure de cette génération, le peintre abstrait Han Mook (né en 1914) a développé une oeuvre marquée par les premiers pas de l'homme sur la Lune, et dont se dégage une puissante dimension cosmique. Les générations ultérieures (représentées par Yun Hyong-keun, Kim Chang-yeul, Park Seo-bo, Chung Sang-hwa, Lee Ufan, Kim Guiline, Bang Hae-ja...), ayant grandi dans une Corée libérée du joug de la colonisation japonaise mais marquée par les épreuves de la guerre de la Corée (1950-1953), de la division nationale et du régime autoritaire de la Corée du Sud (jusqu'en 1993), ont été formés ou exposés à Paris : ils s'inscrivent plus clairement encore dans un réseau d'échanges artistiques internationaux, épousant les tendances de l'art contemporain.

L'exposition du Musée Cernuschi - et son catalogue - abordent enfin la délicate question d'une identité coréenne, dans un examen subtil du choix des matériaux, des thèmes et des formes, traduisant une sensibilité spécifiquement coréenne (et notamment les permanences calligraphiques de la peinture coréenne) dans son rapport au monde - non seulement comme cosmogonie, mais aussi comme scène artistique dont Paris est l'un des lieux, par-delà les cheminements individuels et la formation d'une communauté artistique coréenne, dont l'Académie de peinture orientale de Paris a été l'un des creusets.
 

Lee Bae, sans titre (2015). Médium acrylique et charbon sur toile. Collection particulière, Paris.

Lee Bae, sans titre (2015). Médium acrylique et charbon sur toile. Collection particulière, Paris.

Sources principales : catalogue de l'exposition, et présentation de l'exposition au Musée Cernuschi

Lire aussi, sur le blog du comité régional Bourgogne de l'AAFC :

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 22:23

L'une des principales compétitions internationales de piano, le Concours Frédéric Chopin de Varsovie désigne, tous les cinq ans depuis 1927, un jeune artiste (en principe âgé de 17 à 30 ans) pour son interprétation exclusivement du compositeur polonais. Comme ses prédécesseurs, le lauréat de l'édition 2015, le Sud-Coréen Cho Seong-jin, bénéficie de la possibilité de participer à de nombreux concerts de par le monde.

Cho Seong-jin

Cho Seong-jin

Né le 28 mai 1994 à Séoul, formé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris dans la classe de Michel Béroff, Cho Seong-jin a remporté le premier prix du 17e Concours international de piano Frédéric Chopin le 20 octobre 2015 à Varsovie. Habitué notamment des concerts de l'Orchestre philharmonique de Radio France, et d'autres concerts dirigés également par son compatriote Chung Myung-whun, le jeune lauréat s'était déjà distingué dans des grands prix, en remportant le Concours international Chopin pour jeunes pianistes en 2008, le premier prix du Concours international de piano de Hamamatsu en 2009, la médaille de bronze du Concours international Tchaïkovski en 2011 et le troisième prix du Concours international Arthur Rubinstein en 2014.

Favori du 17e Concours international Frédéric Chopin, qui a départagé 78 pianistes originaires de 20 pays au cours des 17 jours de compétition incluant trois étapes éliminatoires, Cho Seong-jin s'était illustré dans son interprétation de la Nocturne op. 48-1, la Sonate op. 35, la Polonaise op. 53 et 24 préludes op. 28.

La renommée qui s'attache au prestigieux prix Frédéric Chopin a entraîné le succès commercial de Cho Seong-jin en République de Corée (Corée du Sud) : le CD de son album live avait déjà été vendu à plus de 50 000 exemplaires en moins d'un mois, le 13 novembre 2015 - la vente de 100 000 disques étant attendue d'ici le début de l'année 2016.

Principales sources :

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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 22:35

Du 30 octobre au 2 novembre 2015, une délégation de l'Association coréenne des musées de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a visité Paris, à l'invitation de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC). Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, a accompagné la délégation conduite par M. Jon Hyong-jong, curateur de l'Exposition d'amitié internationale, située dans les monts Myohyang. D'autres membres du bureau de l'AAFC - Bernard Chatreau, Maurice Cukierman et Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC - ont également rencontré la délégation, notamment lors d'un déjeuner offert par l'AAFC à la délégation le 2 novembre et auquel a participé M. Ri Ho-yong, conseiller à la délégation générale de la RPDC en France, en ayant le plaisir de retrouver le chef de la délégation coréenne qui avait été précédemment en poste à Paris comme diplomate. L'AAFC se félicite du succès de cette visite dédiée à la conservation préventive, riche de promesses de coopérations franco-coréennes ultérieures dans ce domaine.

Une délégation de l'Association coréenne des Musées en visite en France à l'invitation de l'AAFC

Lors de leur visite, dont le programme avait été organisé par l'AAFC, la délégation de l'Association coréenne des musées a visité différents musées (le Louvre, le Musée d'Orsay, le Musée Guimet et le Musée du Quai Branly) et d'autres institutions françaises pour répondre à une question centrale, objet de son déplacement en France : comment assurer la conservation préventive des oeuvres, c'est-à-dire prévenir leur dégradation au regard de leur environnement physique ? Des questions telles que l'incidence de la chaleur, de la lumière et de l'humidité, en tenant compte des caractéristiques propres aux différents matériaux constitutifs des objets d'art, ont dominé les très riches échanges avec les intervenants sollicités par l'AAFC - notamment Lorenza, diplômée en conservation préventive.

Si la conservation préventive est désormais une discipline enseignée comme telle à part entière dans les universités françaises (en particulier la Sorbonne, pendant un cursus d'un an réservé aux professionnels : conservateurs, architectes, muséologues...), la RPD de Corée dispose toutefois déjà d'une expérience spécialisée pour certains types d'oeuvres - par exemple pour les fresques murales des tombes du Koguryo, classées au Patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO. Mais la RPD de Corée a besoin d'autres coopérations internationales ainsi que de formations pour améliorer ses règles en la matière et définir une vraie politique de conservation préventive : la visite a ainsi été l'occasion d'évoquer, en lien avec l'AAFC, les possibles échanges avec la France concernant l'accueil d'experts en Corée ou l'envoi d'étudiants coréens en France.

L'AAFC a aussi remis de la documentation spécialisée en français dans le domaine, notamment, de la conservation préventive, convaincue qu'il s'agit d'un secteur où la France et la RPD de Corée ont tout à gagner de l'établissement d'une coopération culturelle et scientifique.

Une délégation de l'Association coréenne des Musées en visite en France à l'invitation de l'AAFC
Une délégation de l'Association coréenne des Musées en visite en France à l'invitation de l'AAFC
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26 août 2015 3 26 /08 /août /2015 22:54

Comme nous l'annoncions dans notre édition du 19 juillet 2015, le groupe de rock industriel Laibach s'est produit en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) les 19 et 20 août 2015. Le 25 août dernier,  un des membres du groupe, Ivo Saliger, a donné une interview en anglais à Kory Grow, du magazine en ligne Rolling Stone. S'il n'est ni un spécialistes de la Corée, ni un diplomate, il a vécu dans une démocratie populaire et fait surtout part de ses impressions non seulement comme musicien, mais aussi comme voyageur, en partageant comme Damon Albarn (du groupe Blur) une fascination pour le pays, et surtout pour ses habitants. Nous reproduisons et traduisons ci-après des extraits de l'entretien qu'Ivo Saliger a donné à Lory Grow.

Le groupe Laibach place Kim Il-sung

Le groupe Laibach place Kim Il-sung

Qu'est-ce qui vous a plu et vous a déplu dans le pays ?


Les Coréens en général sont vraiment le plus beau joyau du pays. Il n'y avait aucun cynisme, ni sarcasme, ironie, vulgarité et autres "caractéristiques occidentales" dans leurs regards, sur leurs visages et dans leurs comportements. Il n'y avait qu'une modestie sincère, de la gentillesse, de la fierté et du respect. Il n'y a pas eu de parade militaire pour le 70e anniversaire de la libération, mais des gens dansant partout, avec grâce, dans les rues et les parcs de Pyongyang.

Observer les femmes policières faisant la circulation était vraiment amusant. Elles accomplissaient un rituel biomécanique des plus surprenants, presque à la manière de robots, aux carrefours, probablement toute la journée.

Ce que nous n'avons pas aimé est que nous ne pouvions pas nous déplacer librement, dans un pays qui est presque hermétiquement isolé du monde extérieur et ainsi de toute la pollution médiatique, des étrangers et des sujets toxiques qui pourraient potentiellement diffuser une maladie idéologique dans cette Utopie communiste, un "Truman show" collectif.

Quelles conceptions erronées les Occidentaux ont-ils de la Corée du Nord ?

Quelles conceptions erronées n'ont-ils pas ? C'est un pays que tout le monde en Occident aime détester, mais la plupart des récits de tabloïd à propos de la RPDC sont entièrement faux : ils ne mangent pas leurs propres enfants, ils ne jettent pas les gens aux chiens et ils ne souffrent pas de famine à cause d'un manque de nourriture.

Par exemple, les Américains en Corée du Nord ne sont pas du tout détestés, mais bienvenus. Et les Coréens n'assimilent pas le peuple américain à la politique du gouvernement américain. Entrer en Corée du Nord n'est absolument pas si difficile. De fait, c'est généralement plus facile que d'entrer aux Etats-Unis.

Pyongyang, qui a été complètement bombardée et détruite pendant la guerre de Corée - du fait bien sûr des bombes américaines - est aujourd'hui une belle ville, propre, bien ordonnée et riche en couleurs avec une architecture et des parcs impressionnants.

Les Nord-Coréens rient, sourient et plaisantent énormément et les gens à travers le pays sont incroyablement bien et "dignement" habillés. Ils apprennent les langues étrangères ; les enfants commencent à apprendre l'anglais à l'âge de sept ans. Les Coréens sont prêts à s'ouvrir au monde extérieur, mais ils veulent le faire lentement, à leur façon, et d'une manière très différente des Chinois.

Qu'est-ce qui vous a surpris le plus en Corée du Nord ?

Ils produisent une excellente bière. Elle est en fait considérée comme une boisson à faible teneur en alcool et les minidistilleries sont là-bas très populaires. Vous pouvez aussi boire de la bière librement à partir d'un container ouvert dans la rue et fumer à l'intérieur des hôtels et des cafés sans risquer de vous retrouver en prison. Pyongyang, comme le reste du pays, est probablement l'endroit le plus sûr au monde pour se balader - s'ils vous laissent vous promener, bien sûr. Et pour ceux qui consomment du cannabis, la Corée du Nord est un pays très libéral, où la détention de cannabis est en fait légale.

 

Concert de Laibach au théâtre Ponghwa le 19 août 2015

Concert de Laibach au théâtre Ponghwa le 19 août 2015

Comment le public a-t-il réagi aux concerts ?

Les Coréens n'avaient jamais entendu une telle musique auparavant, et ils ne savaient donc pas vraiment qu'en penser. Mais, à nouveau, ils ont réagi poliment, applaudissant après chaque morceau, et même à la fin du concert, ils nous ont donné une ovation debout (Peut-être qu'ils étaient contents que ce soit fini. L'ambassadeur syrien n'a visiblement pas beaucoup aimé le spectacle - il a fait le commentaire que "c'était trop lourd - presque comme une torture").

Lors du second spectacle, à l'école de musique Kum Song, les membres de Laibach ont produit deux chansons acoustiquement, avec les musiciens de l'école coréenne. Le reste du spectacle était en fait un programme de démonstration par l'école elle-même, réalisé en l'honneur de Laibach. La musique était incroyable, et nous avons tout entendu, depuis des rythmes style bonbon ressemblant à la musique japonaise des années soixante-dix à de l'électro-acoustique expérimental, presque le style de musique du genre d'Arca, joué à la guitare électrique et sur des synthés, combinés à leurs instruments traditionnels. Morten Traavik, qui s'est aussi produit avec Laibach, s'est plongé sur scène à la fin du spectacle, et en signe de remerciement il a offert un cadeau à l'école (...).

Comment le public a-t-il reçu vos visuels ?

Le comité de censure a eu des problèmes avec beaucoup d'entre eux. Ils ne veulent pas voir de nudité ou d'images potentiellement agressives, mais nous sommes parvenus à garder la plupart des visuels qui ont été projetés sous leur forme originale. Le public utilise en fait des fusées et des explosifs coréens, parce que c'est ce dont on se sert dans la musique populaire coréenne et chez les groupes militaires pour les projections en arrière-plan durant les concerts.

Il y a aussi eu une chanson coréenne, n'est-ce pas ?

Nous voulions présenter trois importantes et célèbres chansons coréennes : "Une vie et une mort honorables", "Arirang" et "Nous irons au Mont Paektu". A la fin, leurs censeurs nous ont demandé de retirer "Une vie..." et "Le Mont Paektu", parce que nous avions fait trop de modifications par rapport aux chansons originales, et qu'ils sont extrêmement sensibles à ce qui touche leur propre culture.

Finalement, qu'est-ce les Nord-Coréens ont pensé de votre musique après les concerts ?

Il y a eu cette brillante remarque d'un Coréen âgé. Après le spectacle, il nous a dit : "Je ne savais pas qu'il existait une telle musique dans le monde. Maintenant je le sais".

Source : extraits traduits de l'article en anglais, disponible intégralement à l'adresse suivante

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