Le pansori (littéralement, chant du lieu public), est l'art coréen du récit chanté, accompagné d'un tambour (le janggu), inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco. Il trouve son expression la plus aboutie dans Le chant de Chunhyang (appelé aussi Chunhyangga). Cette œuvre, dont les origines sont difficiles à établir - remontant au moins au XVIIe siècle, sous la dynastie Choseon (1392-1910), conjugue les arts de la littérature, du chant et de la scène. Les artistes itinérants du pansori accompagnaient à l'origine les chamans, ce qui a marqué leur style, imprégné de mystère. Le chant de Chunhyang a inspiré nombre de créations postérieures dans l'ensemble de la péninsule coréenne, jusqu'à l'époque contemporaine.
Peinture de la période Choseon, illustrant l'histoire de Chunhyang
Par son intrigue, l'histoire de Chunhyang a une portée universelle - mais elle trouve une résonance toute particulière dans une culture coréenne ancrée dans le néo-confucianisme, en illustrant les valeurs traditionnelles de loyauté, de fidélité et de justice.
A Namwon (dans le Jeolla) vit Chunhyang, qui est la fille d'une kisaeng - du nom des courtisanes de l'ancienne société coréenne apparues sous la dynastie Koryo (918-1392). Chunhyang et Yi Mongryong, fils d'un magistrat, tombent amoureux. C'est, hélas, un amour impossible à cause des barrières sociales. Après le départ de Yi Mongryong parti étudier à Séoul, Byeon, un magistrat tyrannique de Namwon, décide de faire de la belle Chunhyang sa concubine. Mais fidèle à Mongryong, la jeune fille refuse ses avances et Byeon l'emprisonne et la fait condamner à mort. Ayant remporté la première place à l'examen d'Etat, Mongryong revient comme inspecteur royal secret. Il punit Byeon, et libère et épouse Chunhyang.
Si la légende de Chunhyang est attestée dans plusieurs ouvrages de la dynastie Choseon, Le chant de Chunhyang est composé, dans sa forme actuelle, par Shin Jae-yo dans les années 1870 - en France, il a été traduit par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet et publié aux éditions Zulma en 2008. Dès le XIXe siècle, le pansori constituait un genre qui avait gagné ses lettres de noblesse parmi les lettrés, avant de décliner pendant la colonisation japonaise. Nombre de ses artistes gagnent le nord de la péninsule après 1945, notamment Pak Tong-sil (1897-1968) qui l'adapte à des thèmes patriotiques et révolutionnaires. Un des classiques du cinéma nord-coréen, La légende de Chunhyang, de Yun Ryong-gu et Yu Won-jun (1980), s'inscrit dans la tradition du pansori en alternant les scènes jouées et chantées.
Au sud, si Pak Tong-jin (1916-2003) réalise dès 1969 une interprétation de l'histoire de Chunhyang pendant huit heures (enrichissant ainsi le scénario de base), le récit connaît un important renouveau avec Le chant de la fidèle Chunhyang d'Im Kwon-taek en 2000, où le rôle de Chunhyang est interprété par Yi Hyo-jeong et celui de Yi Mongryong par Cho Seung-woo, alors révélé. Comme Yun Ryong-gu et Yu Won-jun, il situe également l'histoire au XVIIIe siècle. Son film a valu à Im Kwon-taek la palme d'or au festival de Cannes en 2000. Les dramas coréens ont ensuite repris et adapté Le chant de Chunhyang.
La popularité du récit a même gagné le Japon, où un manga de CLAMP, Shin Sunkaden, publié en 1992, reprend la légende de Chunhyang.
Namwon, où les faits sont censés s'être déroulés, organise chaque printemps un festival consacré à Chunhyang.
Le pansori est une forme d'art dramatique musical exécutée par un chanteur accompagné d'un tambour. Cette tradition populaire, qui se distingue par son chant expressif, son discours stylisé, so...
Le pansori est un art populaire du pays du Matin clair. Cette représentation musicale est exécutée par un chanteur-narrateur qui, toujours accompagné d'un joueur de tambour, relate des histoire...
Just then Ch'unhyang, frightened at being watched, jumped down from her swing and ran toward her house. Stopping under a peach tree at her garden gate she plucked a blossom and kissed it, her lips ...
La Légende de Chunhyang est un film de Yoon Ryong-gu et Yoo Won-jun. Synopsis : Au 18e siècle, un fils de noble tombe fou amoureux de Chun Hyan, une fille de Kisaeng...
Chunhyangdyun movie reviews & Metacritic score: Set in 18th century Korea, this story of young lovers from different social castes is based on a Korean folk tale....
Le 28 janvier 2023, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a célébré à Paris le nouvel an lunaire (que les Coréens appellent Seollal) - correspondant au premier jour de l'année selon le calendrier lunaire, et qui tombait cette année le 22 janvier. Après des manifestations culturelles, la cérémonie s'est poursuivie autour d'un buffet coréen.
La culture était à l'honneur lors de ce moment de convivialité. Après qu'un des convives, chanteur d'opéra, a ravi les participants en entonnant plusieurs airs a cappella, la projection du film Le journal d'une jeune Nord-Coréenne a offert une plongée dans la société nord-coréenne des années 2000. Les discussions autour du long métrage de Jang In-hak, produit en 2006 et sorti en France en 2007, avec Pak Mi-hyang dans le rôle principal, se sont poursuivies autour d'autres projets culturels que mènera ou soutiendra l'AAFC - notamment une exposition de peintures et d'affiches nord-coréennes, ce qui serait une première en France, et pour laquelle plusieurs lieux (musées, galeries) sont à l'étude.
Les échanges ont continué autour d'un buffet coréen - alors que l'inscription récente des nouilles froides au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO rappelle que la cuisine du Pays du matin calme est réputée bien au-delà des frontières de la péninsule.
L'AAFC souhaite à toutes et à tous une très bonne année du lapin.
Disparu le 25 décembre 2022, Cho Se-hui était né le 20 août 1942 à Gapyeong, dans la province de Gyeonggi. L'un des auteurs coréens les plus lus, il a été traduit et publié en France par Actes Sud. Son oeuvre la plus connue, La petite balle lancée par un Nain, relève du genre littéraire du soseol yeonjak, recueil de nouvelles indépendantes écrites à la fin des années 1970 et qui décrivent l'envers du miracle économique (dont témoigne également le suicide en 1970 de Jeon Tae-il) sud-coréen en s'inscrivant dans une veine réaliste. Il a reçu en 1979 le prix Dong-in pour La petite balle lancée par un Nain,racontant la vie du nain Kim Puli et de sa famille, qui exercent des métiers précaires les usant physiquement et mentalement, et expulsés du fait de la reconstruction du quartier où ils vivent à Séoul. Interrogé par le journaliste du Monde Philippe Pons en 1995, il soulignait le rôle social de l'écrivain en préférant se définir comme un témoin engagé dans la peinture des souffrances sociales : «Vous voulez écrire un article sur un romancier mais je ne me suis jamais considéré comme un écrivain. C'est la souffrance qu'inflige cette société qui me pousse à écrire, à témoigner : une responsabilité de citoyen en quelque sorte. » Nous reproduisons ci-après un extrait de son roman Le Nain, publié en septembre 1995 par Le Monde diplomatique.
Bien que nous travaillions dans la même usine, nous ne nous rencontrions jamais. Tous les ouvriers travaillaient de façon isolée. Les dirigeants vérifiaient et prenaient note de la qualité et de la quantité de production de chacun. Ils nous disaient de manger en dix minutes et d’utiliser les vingt minutes restantes à taper dans un ballon. Nous allions sur un petit terrain pour frapper comme des sourds dans une balle. Sans pouvoir nous mêler vraiment les uns aux autres, nous n’arrivions qu’à suer un bon coup. Nous travaillions sans répit. L’usine ne faisait que nous demander. Nous travaillions jusqu’à la nuit dans une atmosphère épaisse et un bruit assourdissant. Bien sûr, nous ne mourions pas sur place, mais la combinaison des conditions de travail sordides, de la quantité de sueur dépensée et du dérisoire de notre paie mettait nos nerfs à vif. En conséquence, ceux d’entre nous qui étaient encore jeunes voyaient leur croissance retardée. Les intérêts de la société étaient toujours contraires aux nôtres. Le président parlait sans cesse de « dépression ». Lui et ses hommes utilisaient cette « dépression » pour mettre en place leur exploitation. Le reste du temps, il parlait des grandes richesses qu’eux et nous, les ouvriers, allions créer en travaillant dur. Le genre d’espoirs dont il parlait n’avait aucun sens pour nous. À la place de ces espoirs, nous aurions espéré des navets séchés bien assaisonnés sur la table de la cantine. Rien ne changeait. Tout empirait. Au lieu de deux promotions par an, qui étaient la règle, nous n’en avions plus qu’une. La prime de nuit a été considérablement baissée. Ils ont licencié quelques ouvriers. Le travail des autres a été alourdi d’autant et les heures allongées. Le jour de paie en particulier, nous faisions attention à ce que nous disions. Il n’était pas possible de se faire confiance les uns les autres. Ceux qui se plaignaient des conditions injustes étaient chassés tranquillement. Mais par ailleurs la dimension de l’usine croissait. Ils ont installé des rotatives, des plieuses automatiques et des presses offset. Le patron a déclaré que la société faisait face à une crise. Il disait que si nous perdions la compétition contre nos concurrents, il faudrait fermer les portes. C’était cela que nous craignions le plus. Le patron et ses hommes le savaient.
que nous travaillions dans la même usine, nous ne nous rencontrions jamais. Tous les ouvriers travaillaient de façon isolée. Les dirigeants vérifiaient et prenaient note de la qualité et de la...
Cela fait partie de ces clips vidéos qui interpellent : la chanson de 2004 "I Want More" du groupe de musique électronique britannique Faithless est illustrée par des images de Corée du Nord. Mais ce sont bien de "vraies" images qui illustrent l'un des deux clips de ce titre musical. Explications.
La synchronisation entre le rythme électro, rapide, saccadé, et celui des spectacles du vidéo clip laisse de prime abord penser à un habile montage. Mais, de fait, il n'y a pas eu de montage - ou si peu. Les images du clip sont tirées du film documentaire de Daniel Gordon, A State of Mind, qui suit la préparation de deux jeunes gymnastes de Corée du Nord à une compétition - sur fond d'images des jeux de gymnastique de masse organisés à Pyongyang. Daniel Gordon est britannique, comme Faithless, et le film date de 2004 - à l'instar de la chanson "I Want More". Si mise en scène il y a, c'est dans la (seule) sélection des extraits du film - pour en retenir une version extrêmement dynamique, qui fait penser à un trailer... qui serait celui de A State of Mind ?
La plupart des commentaires laissés sur les sites web d'hébergement de vidéos, comme YouTube, traduisent une certaine admiration devant le tour de force ayant consisté à associer habilement les images et la musique - qui n'est pas si étrangère aux évolutions musicale au nord de la péninsule, où les rythmes électroniques ont été intégrés dans les compositions plus récentes, comme l'illustre par exemple le morceau "Mon Pays est le Meilleur" du girls bandMoranbong, formé en 2012.
Tous les Coréens célèbrent la fondation de l'alphabet qui leur est propre, appelé hangeul au Sud de la péninsule et chosongeul au Nord et dans la préfecture autonome de Yanbian, en Chine. Cette commémoration a toutefois lieu à des dates différentes : le 15 janvier en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), pour célébrer la création en 1444 du Hunminjeongeum ("Les sons corrects pour l'instruction du peuple"), document décrivant la nouvelle écriture coréenne ; le 2 septembre dans la préfecture autonome coréenne de Yanbian, cette célébration ayant commencé en 2014 ; enfin, le 9 octobre, correspondant au jour de promulgation du Hunminjeongeum en 1446, en République de Corée (Corée du Sud), où le jour de l'alphabet coréen est devenu une fête nationale en 1970.
Le Hunminjeongeum
C'est à l'initiative du roi Sejong (1418-1450) qu'a été créé l'alphabet coréen, promulgué en 1446, après trois années de travaux de recherches confiés à des érudits et menés dans la plus grande discrétion, tant les élites nobles et intellectuelles étaient hostiles à abandonner l'écriture chinoise - et ainsi favoriser un changement dans l'ordre social. En effet, l'objectif des promoteurs du nouvel alphabet était de développer un système d'écriture phonétique non seulement plus adapté à la langue coréenne, mais aussi plus facile d'apprentissage alors que la population restait largement illettrée : cet accès élargi à l'éducation aurait ainsi été un ferment d'évolution sociale.
Au regard des conséquences de la création de l'alphabet coréen, le développement de l'alphabet coréen fut ensuite bridé au plus haut niveau de l'Etat : en 1504, un des successeurs du roi Sejong, Yeonsangun, en interdit l'usage et l'apprentissage. Son emploi subsista néanmoins, essentiellement grâce à sa promotion par les femmes et les catégories sociales les plus défavorisées - jusqu'à ce que le Japon n'en impose l'usage en 1894, pour signifier la rupture avec la culture chinoise traditionnelle. La langue - et l'écriture - coréennes deviendront ensuite pleinement des marqueurs de l'identité nationale dans la lutte contre la colonisation japonaise, qui aboutit en 1945 au rétablissement de l'indépendance du pays. Le terme hangeul (signifiant "grande écriture") est utilisé pour la première fois en 1912 par le linguiste Ju Si-gyeong, un des pères de la langue coréenne qu'il a contribué à normaliser.
Ju Si-gyeong
Dans la Corée indépendante après 1945, les caractères chinois (hanja) ont progressivement disparu, ne servant plus qu'à distinguer des homophones ou marquer des nuances.
Compte tenu de son caractère logique, l'alphabet coréen - un des rares alphabets suffisamment récent pour qu'on en connaisse la date de création - est décrit par les Coréens comme hautement scientifique. La célébration du jour de l'alphabet est fériée en Corée du Sud à partir de 1970 - hormis une interruption entre 1990 et 2012, à la demande des employeurs qui estimaient que le trop grand nombre de jours fériés nuisait à la compétitivité de l'économie (et pour compenser que le jour des Nations Unions était devenu un jour de vacances en 1991). Mais il est redevenu ensuite un jour férié à compter de 2013, après la campagne menée en ce sens par la Société Hangeul.
Aujourd'hui, 9 octobre, la Corée du Sud est en fête ! En effet, on y célèbre la journée du Hangeul ( 한글 날 ) , l'alphabet coréen, inventé par le roi Sejong le Grand (세종대왕). Cett...
Il y a quinze ans, le 27 septembre 2007, les autorités de la province de Jeju - île sud-coréenne d'une superficie de 1.846 km2 et peuplée de 680.000 habitants - promulguaient une mesure linguistique pour la préservation et la promotion de la langue de Jeju. Longtemps considérée comme un simple dialecte du coréen, la langue de Jeju, qui n'est plus parlée que par 5.000 personnes dans l'île (auxquelles il faut ajouter une partie de la communauté d'origine coréenne de Jeju vivant au Japon, principalement à Osaka) est considérée par l'UNESCO depuis 2010 être en danger critique d'extinction - d'ici une trentaine d'années.
Couverture d'un manuel publié par la Société pour la préservation de la langue de Jeju
La notion de langue est éminemment subjective - et politique : pendant longtemps, la langue de Jeju a été ravalée au rang de dialecte du coréen, alors même qu'il n'y avait plus d'intercompréhension linguistique entre les Coréens du continent et ceux de l'île de Jeju depuis le XVIe siècle. C'est la prise de conscience, il y a moins d'une génération, que la langue de Jeju était menacée d'extinction qui a conduit à l'identifier comme une langue coréanique spécifique, issue du moyen coréen. Les hypothèses sur d'autres apports (en particulier japonais et mongol) sont controversées.
Les vicissitudes de l'histoire de Jeju ont fortement contribué à son déclin : la répression du soulèvement de l'île en 1948 a conduit à la disparition de plus de la moitié des 400 villages qu'elle comptait alors, avant que le mouvement Saemaeul (nouveau village), sous la présidence de Park Chung-hee, ne conduise à désorganiser les communautés traditionnelles, parallèlement à une répression de l'utilisation de la langue de Jeju à l'école - limitant son usage au cercle familial, et à certains marchés locaux. Aujourd'hui, les locuteurs de l'île capables de s'exprimer et de comprendre dans le langage traditionnel de l'île sont âgés de plus de 70 ans, les générations plus jeunes (d'au moins 50 ans) étaient en mesure de le comprendre mais plus de le parler. Un substrat (sémantique, grammatical) provenant de la langue de Jeju est présent dans le coréen employé par les autres insulaires. On relève cependant que les communautés coréennes provenant de Jeju et s'étant exilées au Japon pendant la colonisation japonaise de la péninsule (1910-1945), principalement implantées à Osaka, compte des locuteurs plus jeunes que ceux de l'île.
Les programmes actuellement menés pour favoriser la préservation de la langue de Jeju comportent un apprentissage optionnel dans l'enseignement ainsi que des heures de programmation à la télévision et à la radio. Par ailleurs, des acteurs privés, comme la Société pour la préservation de la langue de Jeju, fondée en décembre 2008, participent à ce mouvement de défense d'une langue singulièrement menacée. Des archives sonores et vidéos sont également en cours de constitution - mais n'est-il pas déjà trop tard ? L'absence d'utilisation officielle et d'enseignement obligatoire de la langue de Jeju, alors qu'il n'existe pas de mouvement indépendantiste ni autonomiste dans l'île, attestent des limites des programmes en cours.
Une vidéo (en anglais) sur la langue de Jeju (qualifiée de "dialecte")
Au plan linguistique, la terminologie et les formes syntaxiques (notamment les terminaisons verbales pour marquer le type de phrase : interrogatif, déclaratif, exclamatif...) résultent de formes archaïques du coréen, distinctes de celles du coréen standard. Jiseul, un film sur le soulèvement de Jeju en 1948 de O Muel récompensé au festival Sundance, désigne la pomme de terre dans la langue de Jeju (감자, gamja en coréen standard). La langue de Jeju utilise aussi des termes qui lui sont propres pour marquer les liens familiaux. Enfin, la distinction stricte entre niveaux de politesse - fondamentale dans le coréen standard - est simplifiée à Jeju : ainsi, on peut s'exprimer de manière polie, quel que soit l'âge du locuteur et la situation. Les locutions d'interpellation sont aussi différentes : on peut dire bangapseumnida (반갑습니다) à quelqu'un qu'on connaît déjà, ou yang (양) pour interpeller au sens de "hé !".
Traduisant un système phonétique spécifique, la langue de Jeju comporte une voyelle supplémentaire par rapport au coréen standard : la lettre araea (아래아), marquée par un point, correspond à un son intermédiaire entre "a" et "o" (marqué par le son Λ dans l'alphabet phonétique international).
Illustration de la voyelle araea, dans la première syllabe, marquée par un point
Jeju (Jeju: , Jejun-mal; Korean: 제주어, Jeju-eo or , Jeju-mal), often called Jejueo or Jejuan in English-language scholarship, is a Koreanic language traditionally spoken on Jeju Island, South ...
En 2021, l' "Atelier des Cahiers" a édité un essai intitulé "Faire du terrain en Corée du Nord", publié sous la direction de Valérie Gelézeau et Benjamin Joineau. Cet ouvrage relate et analyse le déplacement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en octobre 2013, de sept chercheurs : outre les deux auteurs précités, Yannick Bruneton, Evelyne Chérel-Riquier, Koen De Ceuster, Alain Delissen et Françoise Ged. A la suite de ce déplacement, la géographe et urbaniste Valérie Gelézeau, spécialiste de la Corée, et l'architecte Françoise Ged ont pu initier une coopération franco-(nord-)coréenne dans leurs domaines de spécialité, accueillant ensuite à plusieurs reprises des confrères nord-coréens en France. L'Association d'amitié franco-coréenne revient sur la manière dont les auteurs ont rendu compte de leur échange, à la lumière de cette question : comment faire un travail de recherche de terrain, réputé impossible, en Corée du Nord ?
Lorsqu'en avril 2012 une délégation de l'AAFC en visite en Corée du Nord rencontrait des architectes nord-coréens formés en France qui lui avaient fait part de leur intérêt d'engager des coopérations avec des universitaires français, elle ne se doutait pas que plusieurs de ses interlocuteurs de l'EHESS, spécialistes de la Corée, souhaitaient alors eux aussi mettre en place un programme d'échanges avec la RPDC. Cette question d'un échange universitaire devait à nouveau être abordée lors d'un nouveau voyage de l'AAFC au nord de la péninsule, en juillet-août 2013, au cours duquel nous avons à nouveau remis de la documentation dans le domaine de l'architecture. Dans ce contexte, nous nous sommes félicités de la concrétisation du programme universitaire et pluridisciplinaire, engagé en octobre 2013 sous l'impulsion notamment de Valérie Gelézeau, et à la préparation duquel nous avions modestement contribué. L'ouvrage paru aux éditions de l'Atelier des Cahiers rend compte de ces échanges, huit ans après leur mise en place, et auxquels un coup d'arrêt (espérons-le temporaire) a été donné par la fermeture des frontières nord-coréennes depuis le début de l'année 2020, dans le contexte de lutte contre la pandémie liée au Covid-19.
Il y a plusieurs niveaux de lecture de ce qui constitue fondamentalement un essai sur la notion de travail de terrain dans le domaine de la recherche universitaire. Tout d'abord, nous pouvons lire les résultats concrets de ces échanges à partir d'une lecture de l'urbanisme de Pyongyang, en particulier dans le compte rendu de mission qu'a effectué Françoise Ged. Nous pouvons aussi découvrir une expérience de ce qu'on peut qualifier de choc interculturel, même pour des universitaires spécialistes de la Corée (mais plutôt du Sud). Enfin - et c'est sans doute le plus intéressant - les auteurs (et plus particulièrement Valérie Gelézeau, dans le chapitre consacré au "making off" du terrain) posent des questions essentielles sur la difficulté de mener des travaux de recherche au regard des contraintes imposées à tout voyageur en Corée du Nord : en particulier, c'est l'organisme d'accueil qui détermine, certes en lien avec les visiteurs, le programme de visite, dans une volonté de contrôle totale et constante - laquelle s'inscrit en filiation avec les modalités des déplacements qui pouvaient naguère être effectués en Union soviétique et dans la Chine avant 1979. De ce point de vue, la Corée du Nord ne constitue pas une exception de lieu et de temps, mais ces spécificités posent d'évidentes questions éthiques pour le visiteur que les auteurs traitent tant avec la distance scientifique qui s'impose qu'en maniant un humour qui rend leur ouvrage attrayant pour le néophyte soucieux de découvrir la Corée du Nord (et procède à une utile démystification). Et au final, nous faisons nôtres leurs conclusions selon lesquelles c'est en favorisant les interactions que l'on contribue le plus utilement à la compréhension de l'autre, en évitant les jugements de valeur et les a priori : "cela fait plus de quarante ans que les sciences humaines et sociales ont abandonné l'illusion de cette entreprise totalitaire qu'est le terrain ; il est temps de lâcher prise et d'abandonner aussi pour la Corée du Nord cette illusion. C'est la première condition qui permettra de tirer les études nord-coréennes d'une préhistoire méthodologique prisonnière non seulement des limites d'un "contexte fermé", mais d'une conception orientalisante et moralisante de tout ce qui touche à la Corée du Nord." (p. 139)
Les éditions Le Petit Futé ont publié le 27 mars 2019 leur premier guide touristique consacré à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), avec l'ambition d’offrir aux touristes francophones (des guides existent déjà en d'autres langues) qui envisagent de visiter la RPDC des informations sur les sites touristiques majeurs, l’histoire de la Corée, sa culture ainsi qu’un certain nombre d’informations pratiques. Sollicitée par le Petit Futé en 2016, au début du projet, l'Association d'amitié franco-coréenne a toujours encouragé le développement des échanges touristiques, lesquels sont les mieux à même de permettre aux visiteurs occidentaux, français en particulier, d’acquérir une vision moins caricaturale que celle habituellement véhiculée dans les médias au sujet de la RPDC. Mais si l'AAFC salue l'initiative du Petit Futé, elle relève aussi plusieurs insuffisances et erreurs, volontaires ou non, dans ce guide sur la Corée du Nord.
Si les sanctions internationales et autres embargos ont pour conséquence de freiner la plupart des secteurs d’activités de la RPDC, le secteur du tourisme reste quant à lui épargné, si on fait abstraction de la décision prise en septembre 2017 par le gouvernement des Etats-Unis d'interdire aux citoyens américains de voyager en Corée du Nord. Le tourisme constitue une source de développement intéressante, tant sur le plan économique évidemment, avec la création de nouvelles infrastructures, que sur le plan culturel, avec la formation par exemple de guides et d’accompagnateurs disposant de capacités en langues étrangères.
Ces dernières années, sous l’impulsion du dirigeant de la RPDC Kim Jong-un, on a assisté à la multiplication des grands chantiers visant à permettre la venue d’un nombre plus important de visiteurs, dont les plus emblématiques sont la station de ski de Masikryong ou encore une immense station balnéaire sur la côte orientale, à Wonsan, dont l'inauguration est prévue en 2020.
Aujourd’hui, malgré tout le potentiel de la RPDC, on estime que, chaque année, seulement 4 000 à 6 000 touristes occidentaux visitent le pays. Le nombre de touristes chinois est bien sûr beaucoup plus élevé. Pour l’avenir, l’ambitieux objectif d’accueillir 1 million de touristes a été plusieurs fois avancé. Si les chiffres actuels sont relativement décevants, ils s’expliquent en grande partie par un contexte international tendu, même si la détente observée à partir de 2018, entre la RPDC et la Corée du Sud d'une part et entre la RPDC et les Etats-Unis d'autre part, devrait permettre un accroissement du nombre de touristes dans le Nord de la péninsule.
Hélas, le Petit Futé« Corée du Nord » n’échappe pas, dès l'introduction, aux tournures relevant davantage des articles à sensation d'une certaine presse que du guide touristique : « tyrannie communiste », « Etat communiste totalitaire », « un des régimes les plus totalitaires de la planète », etc.
Surtout, l’ouvrage ressemble souvent à une compilation de poncifs, clichés et autres racontars. On retrouve ainsi ce qu'il faut bien qualifier de fantasmes, avec la référence à la prétendue existence d’une « brigade de plaisir », ou « division de la joie », qui serait constituée « d’environ 2 000 femmes et jeunes filles mises à disposition du dirigeant nord-coréen dans le but de servir aux ardeurs sexuelles et aux désirs du cher dirigeant » (p. 26).
C’est encore la référence à la non moins hypothétique « Division 39 » dont le rôle serait, d’après les auteurs, d’ « alimenter la caisse noire de Kim Jong-un, actuel dirigeant de Corée du Nord […] par des activités légales (vente d’armes entre autres), mais également illégales telles que la contrefaçon monétaire et le trafic de drogue » (p. 120).
Aucune source fiable ni élément concret ne vient accréditer la réalité de telles choses. Des experts occidentaux reconnus ont même depuis longtemps tordu le cou à certaines rumeurs continuant pourtant de circuler à propos de la Corée du Nord.
D’autres passages du Petit Futé« Corée du Nord » font davantage sourire. On rassurera donc les lecteurs en leur apprenant qu’il n’existe pas seulement deux stations de métro en exploitation à Pyongyang (p. 108) mais que, sauf exception et comme dans n'importe quelle grande ville, toutes les stations sont utilisées chaque jour par les habitants de la capitale nord-coréenne. Et, contrairement à ce qu'indique Le Petit Futé, il est autorisé d’avoir un chien à Pyongyang et il est totalement faux d’affirmer que « la seule manière pour que la population puisse voir un chien est d’aller au zoo » (p. 132). De tels exemples d’âneries (pour rester dans le champ lexical animalier) ne manquent pas et pourraient ici être multipliés.
D'autres importantes erreurs d’appréciation de la part des auteurs du guide sont aussi à relever. Il est ainsi indiqué au sujet du Cimetière des martyrs de la Révolution que « chaque pierre tombale est surmontée d’un buste en bronze représentant le héros décédé, supposément du moins (cela signifierait qu’une photo de chaque personne enterrée sur place ait été disponible à l’époque... Difficile à croire) » (p. 128). En vérité, ces bustes ont été réalisés sur la base des souvenirs du Président Kim Il-sung qui mena la guérilla contre l’occupation japonaise jusqu'en 1945.
Au-delà, on regrettera que l’ouvrage se focalise à l’extrême sur Pyongyang et ses environs en y consacrant 37 pages, tout en ne faisant que survoler le reste du pays en 25 pages seulement, donnant l'impression que les auteurs ont passé l’essentiel de leur séjour dans leur hôtel de Pyongyang sans avoir eu l’opportunité de se rendre dans les différentes régions accessibles aux étrangers, ou alors beaucoup trop rapidement.
Quelques bonnes idées sont toutefois à relever dans ce guide touristique, comme, par exemple, de courtes interviews du chercheur spécialiste de l'Asie Théo Clément et de Dorian Malovic, chef du service Asie au quotidien français La Croix, dont les articles se distinguent par leur objectivité, leur mesure... et une connaissance du terrain.
Les informations pratiques sont quant à elles d’une grande utilité et permettront aux lecteurs de préparer au mieux leur voyage.
On appréciera aussi les petites biographies d’« enfants du pays », bien qu’elles aient souvent tendance à reprendre les éléments fournis par la presse sud-coréenne ou Wikipédia, avec tous les biais que de telles sources induisent... Enfin, les pages réservées à la culture coréenne (gastronomie, histoire, etc) sont fournies et plutôt bien faites, offrant aux lecteurs un bon aperçu de la Corée avant et pendant leur voyage. Cependant, dans le cas de l’histoire coréenne, c’est trop souvent une perspective sud-coréenne qui est préférée à celle de la Corée du Nord, les deux versions différant souvent sur des sujets aussi importants que la responsabilité du déclenchement de la guerre de 1950-1953, les incidents frontaliers, ou les attaques attribuées au Nord… Donner le point de vue nord-coréen, ou simplement relativiser le point de vue sud-coréen, permettrait pourtant de donner aux lecteurs deux visions d'événements toujours débattus par les spécialistes, et ainsi assurer un minimum d'objectivité.
Pour n'évoquer qu'un seul cas, récent, le guide impute à la Corée du Nord « l'attaque contre la navette (sic) Cheonan, au cours de laquelle plusieurs dizaines de militaires sud-coréens sont tués » en mars 2010 (p. 49). S'il est exact que l'enquête officielle américano-sud-coréenne a conclu à la responsabilité de la Corée du Nord dans l'affaire du naufrage de la corvette (et non navette) Cheonan, la RPDC a toujours nié toute implication. Surtout, les conclusions de l'enquête officielle ont été remises en question, entre autres, par un ancien membre du groupe d'enquête, par des chercheurs indépendants d'universités américaines, et par les experts de la marine russe invités à examiner les « preuves » de la culpabilité nord-coréenne... Malheureusement, les lecteurs du Petit Futé les moins avertis des méandres de la situation dans la péninsule coréenne ne le sauront jamais.
En résumé, si l’idée de rédiger un guide touristique sur la RPDC est excellente et répond sans doute à un véritable besoin, le Petit Futé « Corée du Nord », malgré quelques bonnes idées, pêche par trop d'erreurs et approximations. Ces erreurs peuvent relever d’une incompréhension d’une situation très complexe ou d’un manque de travail (manque de temps ?), ce qui reste, dans une certaine mesure, excusable, tant il convient de reconnaître que la RPDC est un pays difficile à appréhender même après plusieurs voyages. Cependant, face à tant d’informations non vérifiées, voire mensongères, le voyageur connaissant un minimum le pays pourra légitimement se demander en quoi un tel guide touristique se distingue d’un énième brûlot suintant une hostilité primaire envers la Corée du Nord.
Le 29 octobre 2018, le groupe d'évaluation du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO a recommandé l'inscription du ssireum (forme traditionnelle de lutte coréenne qui apparaît sur des tombes de l'époque Koguryo) sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. La décision finale sera prise par le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO lors de sa session qui se tiendra à l'île Maurice, du 26 novembre au 1er décembre 2018.
Lutteurs sur la fresque d'une tombe de l'époque Koguryo (datée du 5e siècle)
L'originalité de l'inscription du ssireum sur la liste du patrimoine mondial est qu'elle traduit non pas la demande d'un, mais de deux Etats membres de l'UNESCO : la République de Corée (Corée du Sud) et la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) ont chacune soumis la candidature de la forme de combat qu'elles estiment relever plus spécifiquement de leur zone géographique. Le comité d'évaluation a décidé de retenir les deux dossiers, en notant - concernant le dossier du Sud - que la pratique du ssireum transcendait les âges, les classes sociales et les aires géographiques et était attestée lors de fêtes nationales, et - à propos du dossier du Nord - que le ssireum était profondément enraciné dans la société, et qu'il traduisait la cohésion de la société caractérisée par la puissance physique et mentale de ses membres.
Dans notre édition du 2 septembre 2011, nous rappelions que le ssireum consiste à faire tomber son adversaire pour chacun des deux lutteurs qui se trouvent à l'intérieur d'un cercle.
Compte tenu de l'avis favorable du comité d'évaluation, le suspense ne porte pas tant sur l'inscription effective du ssireum sur la liste du patrimoine mondial fin novembre et début décembre (en principe, le comité suit l'avis de son groupe d'évaluation), que sur l'hypothèse que les deux Etats coréens soumettent in fine une unique candidature, malgré le délai rapproché d'ici l'ouverture des travaux de la prochaine session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Cette possibilité avait d'ailleurs favorablement été accueillie par la directrice générale de l'UNESCO Audrey Azoulay lors de son entretien avec le Président Moon Jae-in, en visite en France, le 16 octobre 2018.
Le 12 octobre 2018 (près du pont des Arts) et le 14 octobre 2018 (près du centre Beaubourg), quatre artistes coréens ont effectué une performance à Paris pour la paix en Corée : la peintre Bae Dallae, le mime Lee Jung-hun, la violoncelliste Moon Jiyoon et le musicien Lee Han-joo, qui se sont par ailleurs produits pour les "femmes de réconfort" les 10, 11 et 13 octobre 2018, ont exprimé leur volonté qu'advienne une ère de paix et de prospérité, ouvrant la voie vers la réunification.
Pour l'Occidental, à qui la Corée évoque au mieux un pays lointain situé quelque part très à l'Est sur le continent eurasiatique, parler de division nationale est une question abstraite - mis à part pour les Allemands, qui ont eu, eux, à souffrir de la partition de leur pays pendant plus de quatre décennies. Mais l'histoire du peuple coréen depuis 1945 est modelée par cette séparation subie, produit d'une guerre froide qui n'a jamais pris fin sur le sol de la péninsule, à laquelle le spectaculaire rapprochement inter-coréen en cours ouvre l'espoir de mettre un terme - par l'action des Coréens eux-mêmes, sans ingérence extérieure.
La troupe artistique sud-coréenne a exprimé sa volonté et son espoir d'une ère nouvelle, vers une réunification symbole d'une explosion de couleurs - et de joie, joie de retrouver ses proches et une unité nationale plus que millénaire. Il est fréquent de figurer les deux parties divisées de la Corée sous des traits masculins et féminins : ici, Bae Dallae et Lee Jung-hun ont représenté la séparation puis l'union des corps, tout au long d'une performance impliquant une participation du public qui agitait les drapeaux de la Corée unifiée (la carte en bleu de la péninsule frappée sur fond blanc) et lançait des avions en papier multicolores vers les deux danseurs. Car la réunification et le dialogue inter-coréens seront bien l'expression d'une volonté collective, mobilisant l'élan de toute une nation.
A l'issue de la spectacle donné le 14 octobre 2018, Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne, a souligné que celui-ci coïncidait avec la venue en Europe du Président Moon Jae-in, qui cherche en France - auprès du Président Emmanuel Macron, rencontré le 15 octobre - un soutien effectif à sa politique de rapprochement et de dialogue Nord-Sud, pour écarter définitivement les risques de guerre dans une péninsule dévastée par le feu des armes il y a 65 ans.
A cette fin, les organisateurs ont convié les participants à signer une pétition pour la paix en Corée et son corollaire immédiat : la levée des sanctions qui frappent les populations nord-coréennes et sont aujourd'hui en déphasage avec l'engagement de la Corée du Nord sur la voie de sa dénucléarisation.