Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 21:46

Le 11 mars 2012, les musiciens de l'Orchestre Unhasu de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), conduits par Kwon Hyok-bong, conseiller à l'Institut de la musique traditionnelle coréenne, sont arrivés à Paris pour jouer avec l'Orchestre de Radio France, dirigé par le Sud-Coréen Chung Myung-whun, également directeur de l'Orchestre philharmonique de Séoul. A leur arrivée, ils ont été accueillis par le directeur général de Radio France, les représentants de la délégation générale de la RPD de Corée en France, ambassade auprès de l'Unesco, et d'autres officiels.

 

 Organisé avec le soutien de la salle Pleyel ainsi que du ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand, le concert qui se tiendra salle Pleyel, le 14 mars 2012 à partir de 20h30, sera diffusé en direct sur www.citedelamusiquelive.tv et www.arteliveweb.com.

 

La première partie comportera des pièces du répertoire traditionnel coréen (La jeune fille au trapèze pour orchestre classique et traditionnel coréen, suivi d'une pièce pour deux instruments traditionnels coréens et orchestre et d'une pièce pour orchestre) et un extrait symphonique classique (Introduction et rondo capriccioso pour violon et orchestre, de Camille Saint-Saëns), tous joués par l'Orchestre Unhasu. Le 14 mars, l'Orchestre Unhasu - dont le nom signifie "Voie lactée" - sera dirigé par deux jeunes chefs, Ri Myong-il et Yun Pom-ju. Il est le plus célèbre des orchestres symphoniques de RPD de Corée, qui joue à l'occasion des grandes fêtes nationales (ci-dessous, lors du concert donné à Pyongyang à l'occasion du jour de l'Etoile brillante, le 16 février 2012).

 

orchestre_unhasu_16_fevrier_2012.jpg

 

En deuxième partie, la symphonie n° 1 de Johannes Brahms sera interprétée conjointement par l'Orchestre Philharmonique de Radio France et l'Orchestre Unhasu, sous la direction de Chung Myung-whun.

 

mun_kyong_jin.jpgLes noms de trois autres artistes figurent à l'affiche du concert : Nam Un-ha, au haegum (sorte de petit violon joué avec un archet mais posé sur les genoux), Jo Ok-ju, au kayagum (sorte de cithare jouée avec les doigts) et Mun Kyong-jin (premier violon).

 

Né à Pyongyang en 1981, Mun Kyong-jin est diplômé de l'Institut de musique et de chorégraphie de Pyongyang et a étudié au Conservatoire d'Etat de Moscou en 2005-2006. Ayant obtenu le premier prix à la compétition nationale de violon à Pyongyang en 2000, il a également obtenu le premier prix à la compétition internationale Canetti à Miskolc, en Hongrie, organisée du 15 au 20 juillet 2005, et le deuxième prix à la troisième compétition internationale de violon Paganini organisée à Moscou, toujours en 2005. Pour le concert conjoint donné à Paris, il a déclaré à l'agence AP : "malgré les différences linguistiques, j'espère que nous pourrons facilement nous comprendre à travers la musique et devenir amis".

 

Toujours dans un entretien accordé à l'agence AP, Jo Ok-ju a témoigné vouloir faire connaître à un public occidental la musique coréenne traditionnelle.

 

Lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 7 mars dernier, Chung Myung-whun a déclaré que, à terme, il souhaiterait faire jouer des musiciens nord-coréens au sein de l'orchestre qu'il dirige chaque été, l'Asian Philharmonic, voire diriger l'Orchestre Philharmonique de Radio France à Pyongyang.  

 

Radio France a déclaré espérer, grâce à la musique, ouvrir la voie au dialogue et faire tomber des barrières qui paraissent infranchissables.

 

Sources :

- site de la salle Pleyel ;

- KCNA (dépêches du 21 février 2012, du 11 mars 2012) ;

- Radio France ;

- AP ;

- compétition internationale de violon Paganini (biographie et photo de Mun Kyong-jin).

Partager cet article
Repost0
26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 10:53

La principale salle de la Maison des associations du 16ème arrondissement de Paris était pleine pour suivre la conférence du Professeur Patrick Maurus "Corée du Nord : une nouvelle littérature pour une nouvelle société ?", organisée le mercredi 22 février 2012 par le comité régional Ile-de-France de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC). Cet intérêt est à la hauteur du souhait de nombreux Français de mieux connaître la culture et la société de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), comme en témoigne la vente à plus de 8 000 exemplaires du premier roman nord-coréen publié en France, Des amis, de Baek Nam-ryong, traduit en français par le Professeur Patrick Maurus. En effet, la littérature est une fenêtre sur la société, qui permet de sortir des clichés et des idées reçues sur la Corée du Nord.

Lors d'une première conférence à la Maison des associations du 16ème arrondissement, toujours à l'invitation de l'AAFC, en janvier 2010, Patrick Maurus avait fait preuve d'optimisme quant au décollage économique de la RPD de Corée, à contre-courant de nombre de ses contradicteurs. Son dernier voyage en Corée du Nord, en septembre 2011, l'a convaincu de la justesse de cette analyse, au regard des changements spectaculaires en cours. Les tendances littéraires actuelles en RPD de Corée traduisent effectivement l'émergence d'une nouvelle société, à la mesure des changements économiques perceptibles.

 

patrick_maurus_conference_22_fevrier_2012_litterature_so.JPG
La genèse d'un ouvrage traduisant une nouvelle forme de réalisme social

 

Revenant sur la genèse de la publication en France du roman Des amis, Patrick Maurus a rappelé que, depuis 1989 et la première publication de textes littéraires coréens dans la collection qu'il dirige à Actes Sud, il a lutté contre le comportement hémiplégique consistant à ne retenir de la littérature coréenne que les écrits du Sud, en ignorant les textes du Nord, comme d'ailleurs ceux du district autonome coréen de Yeonbyeon, en Chine. Pour parler de la Corée du Nord, il a souhaité donner la parole aux Nord-Coréens, pour exprimer ce qu'ils sont, en sachant que, de la même façon que lorsque vous invitez des amis chez vous, ceux-ci ont à coeur de vous montrer ce qu'ils ont de mieux, à contre-courant des a priori contre la RPD de Corée fortement ancrés dans les médias occidentaux, et singulièrement les médias français. Les journalistes s'en justifient en expliquant que, faute d'accès selon eux au pays, ils ont carte blanche pour donner leur propre vision de la Corée du Nord. Pourtant, il n'est pas du tout impossible à un journaliste d'aller en Corée du Nord. D'ailleurs, Patrick Maurus s'est employé à  expliquer aux Nord-Coréens que, même si une infime partie seulement des journalistes publiaient à leur retour des articles informés sur leur pays, l'enjeu était réel au regard de l'actuelle couverture de presse très négative. 

 

Des amis montre qu'il est possible d'avoir une appréciation positive de la Corée du Nord : à l'exception d'une petite minorité d'articles de presse, qui ont préféré décrier la Corée du Nord qu'ils imaginaient plutôt que présenter un ouvrage qu'ils n'avaient pas lu, les retours de la presse ont été très positifs. Mieux encore, certains journalistes ont reconnu que, jusqu'ici, ils parlaient de la Corée du Nord sans la connaître.

 

La publication du premier roman nord-coréen en France a été un processus long, fait d'explications auprès des autorités nord-coréennes qui ne voyaient pas toujours favorablement la démarche du Professeur Patrick Maurus qui avait publié auparavant quelque 45 ouvrages sud-coréens à Actes Sud.

 

La question se posait du choix de l'oeuvre, parmi les centaines d'ouvrages nord-coréens que Patrick Maurus a pu réunir dans sa bibliothèque personnelle. En effet, le premier texte publié serait inévitablement considéré comme représentatif et emblématique. Son choix s'est porté sur un roman d'un courant littéraire connu en Occident comme celui du 15 avril, du nom de sa maison d'édition, alors que les Nord-Coréens considèrent qu'il n'existe pas de tel mouvement littéraire. En fait, au tournant des années 1980 et 1990, le Président Kim Jong-il a donné des instructions pour encourager une littérature proche de la vie quotidienne, traduisant pleinement l'aspiration au réalisme juchéen. Dans cette perspective, de nombreux textes ont rendu compte de l'héroïsme de personnages anonymes, luttant contre les difficultés propres à la "dure marche" des années 1990. Mais si la première publication d'un roman nord-coréen en France avait puisé parmi ces textes, des critiques auraient immanquablement dénoncé une littérature comme relevant selon eux de la propagande, car constituant une littérature engagée ne répondant pas aux normes occidentales.

 

Des amis est, en revanche, un texte purement littéraire. Le livre a été promu par le Président Kim Jong-il comme emblématique du réalisme social auquel doivent s'attacher les écrivains dans les ouvrages publiés par la maison d'édition du 15 avril. Plus globalement, la littérature, le cinéma et, dans une moindre mesure, les feuilletons en Corée du Nord rendent compte des difficultés générées par le développement économique et social, et Kim Jong-il demande aux artistes d'en être les témoins.

 

Patrick Maurus a rencontré l'auteur de Des amis, Baek Nam-ryong à Pyongyang. Baek Nam-ryong a insisté sur son statut d'ouvrier écrivain, qui a commencé par travailler en usine. Il a le souci du mot juste, du terme technique exact, ce qui a d'ailleurs souvent rendu difficile le travail de traduction. Avant la publication du roman en français, un comité nord-coréen a relu le manuscrit, comme il est d'usage en Corée du Nord : en effet, le texte avait ensuite vocation à devenir la traduction officielle en français. Seules des corrections mineures ont été demandées. Les observations des critiques nord-coréens ont ensuite porté plutôt sur la préface de l'édition française, diffusée depuis septembre 2011. 

 

Le succès considérable de Des amis en RPD de Corée, qui a fait de Baek Nam-ryong une personnalité littéraire de premier plan, est dû à sa capacité à avoir parlé, sur un ton juste, de l'histoire d'un divorce qui a une portée universelle quant au relations à l'intérieur du couple. Le héros, ou plutôt le principal protagoniste, est un juge qui doit se prononcer sur la demande de divorce d'une ouvrière, devenue cantatrice, de son mari resté ouvrier. Cet écart de classe n'est pas hérité de l'ancienne société, mais est le produit des contradictions propres apparues au sein de la société de la RPD de Corée. La figure traditionnelle du héros qui se dévoue pour la patrie correspond à une phase littéraire désormais révolue, même si on la retrouve sous les traits d'un personnage tel que l'ancien combattant, décrit dans Dans le bus, de Cho Kun, première nouvelle nord-coréenne publiée en français dans la revue Neige d'août.

 

Conference_litterature_nouvelle_societe_-AAFC_1.JPG  

La littérature, reflet des contradictions créées par l'évolution sociale

 

La structure sociale qui apparaît dans Des amis est en elle-même le reflet des évolutions en Corée du Nord : la femme qui demande le divorce a un enfant et vit dans une famille nucléaire. Menant son enquête, le juge est aussi amené à réviser ses jugements. Initialement méfiant vis-à-vis de la demande de la cantatrice, il découvre que le mari, inventeur payant sur ses propres deniers le prix des échecs de ses inventions, est aussi quelque peu borné, refusant de faire les études qui lui permettraient de devenir technicien et d'être plus utile à la société. Enfin, le juge est amené à considérer d'autres couples - comme celui de cette institutrice, remarquablement dévouée à ses élèves mais dont le mari boit, et même son propre couple, dont la femme est absente du foyer de longs mois durant pour des expériences de culture des légumes dans son village de naissance, en montagne. N'est-il pas lui-même étroit d'esprit lorsqu'il lui reproche ses longues absences du foyer familial ?

 

D'autres problèmes sociaux sont abordés de manière crue, comme la corruption d'un cadre du Parti qui a offert un vase en plastique au mari inventeur, tout en utilisant l'argent de la récompense promise à des fins personnelles. Le fléau social ainsi dénoncé n'est pas le fait d'un espion américain qui aurait été démasqué ou d'un bourgeois compradore - ces figures sont totalement absentes du récit - mais correspond à la situation, bien réelle, de l'hypocrisie de personnes occupant des fonctions de direction.

 

La littérature nord-coréenne actuelle met ainsi l'accent sur des conflits entre les individus, dans une entreprise ou au sein d'un couple, souvent du fait d'un décalage social apparu avec le développement de la société. De multiples scénarios sont possibles : lui veut grimper par arrivisme, ou encore pour rendre service à la nation, mais elle ne veut pas changer de vie ; ou encore, elle veut devenir artiste pour accéder à la célébrité tandis que lui ne souhaite pas d'autre mode d'existence. Un autre fait nouveau est que, pour résoudre le conflit social naissant, il est fait appel à un protagoniste tiers. Des solutions doivent en effet être proposées, tant pour les acteurs du récit que vis-à-vis du lecteur. La cause des problèmes ne réside pas dans la structure sociale, mais dans des comportements égoïstes des individus - à moins qu'il ne s'agisse de problèmes nouveaux que la société n'a pas encore réglés.

 

Des textes, dont Patrick Maurus prévoit la publication prochaine en français à Actes Sud, offrent une illustration de ces thématiques.

 

Dans La saison bleue, le narrateur, après avoir réussi, rentre dans son village pour y donner des conférences techniques et en faire profiter les habitants de sa commune de naissance. Durant le trajet en train, il est assis à côté d'un jeune voyageur, qui voyage sans titre de transport et est contrôlé. Tous les voyageurs du wagon donnent leur propre opinion sur ce différend, avant que la nouvelle littérature nord-coréenne ne tende le micro au fautif : le jeune homme explique devoir rentrer à son village pour se marier après avoir fini ses études, tout en ayant été dans l'incapacité de payer son billet. Mais ne s'agit-il pas d'une faute minime par rapport à sa responsabilité de rentrer chez lui ? Finalement, tout le wagon se cotise pour lui payer son billet.

 

Dans Le parfum du printemps, le protagoniste est un jeune homme âgé d'une vingtaine d'années à qui tout sourit. Mais il est tombé amoureux d'une paysanne taciturne, sans condition sociale, et ses parents s'opposent à son mariage, sans qu'il ait la force de leur résister. Or, dans une situation normale, l'amour, l'avis des parents et la situation sociale des mariés auraient coïncidé...

 

Enfin, le héros de Souvenirs ne s'est pas présenté aux examens après de longues études payées par ses parents et les habitants de son village. Souffrant d'un complexe d'infériorité sociale, il a préféré ne pas passer ses examens plutôt que d'échouer. Le chef de la commune populaire lui propose alors de se consacrer à ce qu'il sait faire de mieux : écrire, et non cultiver la terre. Malgré les protestations des agriculteurs, le héros devient un bouvier et dramaturge célèbre.

 

S'inscrivant dans la lignée d'une littérature dépeignant des personnages aux prises avec des problèmes sociaux très concrets, Des amis représente le schéma universel du mari qui voudrait que son épouse ait une existence banale de femme au foyer. Mais la femme a toujours une autre activité, qui présente une réelle utilité sociale, plaçant ainsi l'homme devant ses responsabilités dans une meilleure répartition, notamment, des tâches domestiques. 

 

Ces évolutions prennent ainsi place dans un contexte où la famille nucléaire, au Nord comme au Sud de la Corée, est considérée comme l'aboutissement de l'évolution sociale. Comme l'observe encore Patrick Maurus, beaucoup de ses interlocuteurs sud-coréens ont considéré la disparition de la famille élargie comme la principale révolution sociale récente, dans laquelle l'épouse n'est plus l'esclave domestique de sa belle-mère. La disparition des obligations vis-à-vis des beaux-parents a été vécue comme le principal progrès sur le chemin de l'émancipation féminine, selon une perception bien différente de celle des féministes occidentales.

 

La récurrence du confucianisme face aux bouleversements économiques et sociaux

 

Les permanences sociales proviennent non du confucianisme, non pas le confucianisme des textes (dont les plus anciens sont postérieurs de plusieurs siècles à l'époque où Confucius aurait vécu), mais les valeurs considérées comme confucéennes :

- tout d'abord, l'auteur est un maître, dont le rôle social est d'enseigner la vertu ; le principe de Confucius selon lequel il faut penser droit est toujours d'actualité ;

- ensuite, les Coréens considèrent un cycle et un engendrement des générations totalement étrangers à la notion occidentale de progrès ; la vertu reste la même au cours des siècles, et les générations successives doivent enchaîner des comportements vertueux. Que serions-nous si nous voulions remettre en cause des siècles et des siècles de passages de témoin positifs entre les générations ? De cette idée fondamentale découle la piété filiale, le don d'humanisme, l'obéissance aux autorités de ceux qui enseignent la vertu : les pères, les frères aînés, les amis et les monarques. La mort de celui qui enseigne la vertu est alors un événement considérable.

 

La confucianisme s'exprime-t-il de la même façon au Nord et au Sud ? On peut noter, au Nord, l'importance des attributs traditionnels féminins - la maternité, la douceur - attachés à la figure des dirigeants, à la fois père et mère du peuple.

 

Peut-on donc parler d'une nouvelle société nord-coréenne ?

 

Certes, la société nord-coréenne se veut immuable : au-delà des générations de dirigeants qui se succèdent, ce sont les mêmes orientations politiques qui sont poursuivies, et Patrick Maurus observe que cette remarque est très globalement exacte. Pourtant, à la force d'un volontarisme développé avec la même ardeur au Nord et au Sud de la péninsule, le seul surgissement des gratte-ciels à Pyongyang reflète des progrès économiques spectaculaires en l'espace de quelques années, à la mesure des nouvelles bases économiques du décollage : après les inondations des années 1990, toutes les mines de charbon ont enfin été asséchées, permettant de résoudre en partie la question énergétique ; des accords économiques sont en cours de mise en oeuvre avec la Chine et la Russie, dont la montée en puissance des zones économiques spéciales n'est qu'une des traductions ; une classe moyenne urbaine est apparue et utilise ses devises pour l'achat de biens de consommation tels que l'écran plasma ou l'autocuiseur de riz. A ceux qui objectent que Pyongyang ne serait qu'une vitrine, Patrick Maurus répond que les transformations de la ville attestent d'une accumulation primitive de capital par l'économie nord-coréenne, sans précédent depuis des décennies. Sa conviction est que la situation économique n'a jamais été aussi favorable pour un rapprochement Nord-Sud, comme une première étape qu'il distingue de l'horizon, plus éloigné, d'une réunification de la péninsule.

 

Dans ce contexte, la littérature n'apparaît toutefois pas comme une priorité économique. La plupart des nouveaux ouvrages qui paraissent en Corée du Nord sont publiés à moins de 1 500 exemplaires, et sont très rapidement épuisés. Ainsi, Baek Nam-ryong a décidé d'affecter la moitié des droits d'auteur qu'il a gagnés après la vente de son livre en France à une nouvelle édition de Des amis.

 

Conference_AAFC_nouvelle_litterature_coree_du_nord.JPG

 

Un débat soulignant les perspectives de nouvelles coopération culturelles franco - nord-coréennes

 

Lors du débat avec la salle qui a suivi, un des intervenants a insisté sur les progrès accomplis par la Corée du Nord dans le domaine médical en l'espace de deux voyages réalisés dans un laps de temps rapproché, ce qui est un indice supplémentaire de la rapidité des changements économiques et sociaux en cours.

 

Interrogé sur ses projets académiques futurs, Patrick Maurus a mentionné qu'il participerait à des conférences à Pyongyang en avril prochain. Il a également mentionné la visite imminente à Pyongyang du président de l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Ces projets sont menés sans aucun soutien financier du ministère français des Affaires étrangères et européennes. Si la France a ouvert un bureau de coopération à Pyongyang en octobre dernier, fruit du travail très visionnaire accompli par Jack Lang, en 2009, comme représentant du président de la République française pour la RPD de Corée, le gouvernement français ne s'est pas encore prononcé sur le financement de nouveaux projets de coopération, en dehors des programmes engagés de plus longue date, et ayant caractère plus humanitaire.

 

S'agissant des échanges culturels entre la Corée du Nord et d'autres pays que la France, Patrick Maurus a rappelé l'ouverture par l'Allemagne d'un Institut Goethe à Pyongyang, qu'il avait soutenue lorsqu'il était en poste diplomatique en Extrême-Orient. Si l'Institut Goethe avait ensuite dû fermer pour des raisons strictement financières, l'Allemagne était vue par les Nord-Coréens, dans l'Union européenne, comme un partenaire fiable et privilégié.

 

Il a indiqué que des discussions étaient en cours avec huit autres éditeurs occidentaux, notamment allemands, anglais et espagnols, pour des publications et traductions de Des amis en d'autres langues indo-européennes, probablement à partir de la version française.

 

Sur les conditions de travail des écrivains en Corée du Nord, Patrick Maurus a répondu que tout citoyen était libre d'écrire et d'envoyer ses manuscrits aux maisons d'édition publiques. Si le texte était accepté, l'écrivain acquérait un statut de salarié rémunéré, comme n'importe quel autre travailleur. L'impôt personnel ayant été aboli en Corée du Nord, la rémunération de l'écrivain n'est pas imposable.

 

A propos de l'accès du public nord-coréen à des oeuvres étrangères, Patrick Maurus a pu voir tous les classiques de la littérature européenne, tant dans les bibliothèques publiques que dans celles, privées, de ses interlocuteurs nord-coréens. En ce qui concerne les oeuvres étrangères contemporaines, les feuilletons chinois sont très populaires en Corée du Nord.

 

Le contenu des médias nord-coréens, tous publics, a fortement évolué. Les chaînes de télévision consacrent une place accrue aux nouvelles étrangères, sur des sujets très variés - par exemple, la situation en Libye était largement traitée lors de sa visite en septembre 2011, suivant la ligne éditoriale toujours définie par le gouvernement et les autorités politiques. Sur la forme, les journalistes nord-coréens des médias télévisés recourent plus souvent à des entretiens en direct.

 

Interrogé enfin sur l'accès des Sud-Coréens à la littérature nord-coréenne pour faire évoluer les mentalités, Patrick Maurus a souligné le manque d'intérêt patent de très nombreux Sud-Coréens. Ainsi, une version non autorisée de Des amis avait circulé - clandestinement, en application de la loi de sécurité nationale - au Sud de la péninsule, mais n'avait rencontré qu'un très faible écho. Si des émissions télévisées nord-coréennes étaient néanmoins visibles aujourd'hui sur les écrans du Sud, selon un choix des autorités gouvernementales de Séoul, leur audience est très faible.

 

Photos Bernard Chatreau

Partager cet article
Repost0
7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 14:02

C'est le dernier buzz concernant la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sur YouTube : cinq élèves de l'école secondaire Kumsong de Pyongyang ont bluffé l'artiste Morten Traavik en interprétant à l'accordéon le morceau Take on me du groupe norvégien A-ha, alors qu'il visitait la RPD de Corée en décembre 2011. Le 1er février 2012, Morten Traavik a publié ce morceau sur YouTube, où il a déjà été vu par plus de 500 000 internautes et reçu une appréciation positive de 98 % des visiteurs.

 

Alors qu'il visitait la RPD de Corée pour préparer l'édition 2012 du festival d'art et de culture Barents Spektakel, l'artiste norvégien Morten Traavik a remis à ses hôtes un CD du groupe culte de la pop norvégienne A-ha. Deux jours plus tard, il découvre alors une surprise que lui avaient réservée les élèves de l'école secondaire Kumsong à Pyongyang : cinq jeunes accordéonistes avaient créé une étonnante interprétation du morceau Take on me, qu'il a publiée sur YouTube pour promouvoir le festival qui se tiendra du 8 au 12 février prochains. Le passage réussi du piano à l'accordéon, assez difficile, témoigne de la virtuosité des jeunes artistes.

 

 


 Afin d'apprécier le talent des interprètes coréens, nous publions ci-après le clip original de ce morceau du groupe A-ha.

 

 


 

 

 L'école Kumsong de la capitale est notamment spécialisée dans la musique et regroupe les talents les plus prometteurs, âgés de 11 à 17 ans. Le système éducatif nord-coréen repère très tôt les élèves les plus doués dans les disciplines artistiques et sportives, qu'ils peuvent approfondir dans les palais des enfants présents dans toutes les villes du pays.

 

Le romantisme de la chanson du groupe norvégien reflète bien la sensibilité coréenne, en ayant également inspiré des interprétations au Sud de la péninsule, comme en témoigne ce morceau joué à la guitare par un jeune Sud-Coréen, Jung Sung-ha, également publié sur YouTube.

 

 

 


 

Sources : article publié sur le site "Behind the wall" de NBC News (spécialisé sur les tendances actuelles en Chine), AAFC, Youtube. 

 

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 22:59

Les acrobates de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ont obtenu le premier prix au 28e Festival international du cirque de Rome "Golden Circus", qui s'est tenu du 23 décembre 2011 au 8 janvier 2012, confirmant leur tradition d'excellence.

590x415-images-stories-goldencircus.jpg
L'époustouflant numéro d'acrobatie de la RPD de Corée "Flying girls" ("Les filles volantes") a obtenu le premier prix au 28e Festival international du cirque de Rome "Golden Circus", qui s'est tenu du 23 décembre 2011 au 8 janvier 2012, et réunissait des acrobates de huit pays - dont la RPD de Corée, le Canada, Cuba, la Mongolie, la Russie et l'Ukraine.

 

Les athlètes nord-coréens ont obtenu également le prix technique du festival italien, le prix artistique et le prix de la Ville de Rome.

 

Les artistes de la troupe de Pyongyang viennent de terminer leur tournée dans le Nord de la France pour rejoindre les Pays-Bas, tandis que d'autres acrobates ont participé à une tournée internationale en Espagne du 3 décembre 2011 au 8 janvier 2012, témoignant de l'excellence de la tradition artistique des acrobates coréens de la République populaire démocratique de Corée.

Sources : AAFC, KCNA. Voir aussi le site du Festival international du cirque de Rome "Golden Circus".

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 20:58

Ayant été la première présidente du Comité central du syndicat des danseurs de Corée, directrice de l'Ecole de danse ainsi que du Théâtre de danse d'Etat, Choe Sung-hui est une figure éminente de la danse en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Un ensemble de manifestations ont été organisées en RPDC à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, le 24 novembre 1911 à Séoul.

 

Directrice de danse, théoricienne et professeur, Choe Sung-hui a été tout cela à la fois. Ayant développé la tradition de la danse coréenne, elle s'est affirmée comme l'une des grandes danseuses contemporaines, ses créations ayant été mises en scène tant en RPDC qu'à l'étranger.

 

choe_sung_hui_commemoration_danse_coreenne.jpg

 

Le 24 novembre 2011, une cérémonie a été organisée en l'honneur de Choe Sung-hui au Palais de la culture du peuple, à Pyongyang, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance. La manifestation qui s'est tenue à cette occasion a comporté des représentations de danses qu'elle a créées (photo ci-dessus), un séminaire ainsi que la dédicace d'un ouvrage qui lui a été consacré, intitulé Une danseuse vivante sous la protection du Soleil. Une gerbe a été déposée sur sa tombe au cimetière des martyrs patriotes, où son corps repose après son décès en 1969 (photo ci-dessous).

 

choe_sung_hui_tombe.jpg

 

Le 25 novembre, un rassemblement a eu lieu au Théâtre de Pyongyang, en présence notamment de An Tong-chun, ministre de la Culture, et de Ryang Chang-nam, président du Comité central du syndicat des danseurs de Corée, dont le discours a été suivi par des représentations de pièces dansées créées par Choe Sung-hui : Le cowboy et la jeune fille, Danse janggu, Danse de l'amateur et Danse Jaenggang, sur les musiques "Onghyehya" et "Hullari" (photo ci-dessous).

 

choe_sung_hui_dance.jpg

 

Enfin, des représentations de la pièce dansée L'histoire du château de Sado, écrite et dirigée par Choe Sung-hui, où elle a également joué le rôle principal, ont été données par la Troupe nationale d'art folklorique au Grand Théâtre de Pyongyang.

 

Cette pièce patriotique formée de cinq actes, huit scènes et un épilogue a été créée en 1955. Elle raconte les amours d'un pêcheur devenu soldat et de la fille du seigneur du château, qui ont uni leurs destins dans le combat contre l'envahisseur japonais.

 

Des danses du sabre et d'autres danses coréennes traditionnelles scandent la pièce.

 

 Applaudie par le Président Kim Il-sung en août 1955, la pièce a été représentée plus de 80 fois à l'étranger entre septembre 1956 et le début de l'année 1957. Une nouvelle version a été créée en vue du centième anniversaire de Choe Sung-hui après une rencontre, en avril 2008, entre le dirigeant Kim Jong-il et les créateurs de danse coréens.

 

story_of_sado_castle_1.jpg 

story_of_sado_castle_2.jpg

 

story_of_sado_castle_3.jpg

 

Source : KCNA (dépêches des 24, 25, 26 et 30 novembre 2011, dont photos).

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 21:54

Le 18 novembre 2011, des responsables sud-coréens ont rencontré leurs homologues nord-coréens à Kaesong, en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), pour relancer le projet de publication d'un dictionnaire commun, engagé dès 2005, et qui couvrirait les différences de dialecte entre les deux parties de la péninsule. En effet, si les différences linguistiques entre le dialecte coréen parlé à Pyongyang (le coréen cultivé) et celui en usage à Séoul (le coréen standard) ne posent pas de réel problème d'intercompréhension entre Coréens, la division politique a engendré des évolutions de la langue coréenne de chaque côté de la DMZ, au-delà des différences d'accent, et comparables à celles qui peuvent exister, par exemple, entre le français parlé à Paris, à Bruxelles et à Québec. D'autres institutions publiques sont engagées dans des efforts comparables pour unifier complètement la langue coréenne, à l'instar de la commission sud-coréenne de la réunification, qui soutient aussi l'idée d'un dictionnaire commun à toute la Corée. L'AAFC a souhaité présenter les enjeux linguistiques que recouvre un tel projet.

 

Hangugeo-Chosonmal.JPGDes politiques linguistiques distinctes au Nord et au Sud de la péninsule

 

Au lendemain de la libération de l'occupation japonaise en 1945, tous les Coréens ont  aspiré  au renouveau  d'une  langue nationale  épurée de ses apports étrangers, notamment japonais, et basée sur l'alphabet coréen - et non sur les caractères chinois. Parallèlement, des campagnes d'alphabétisation ont été menées avec succès pour éradiquer l'analphabétisme.

 

Toutefois, la division politique a engendré des politiques linguistiques différentes, au Nord et au Sud de la péninsule. Une des différences les plus connues concerne le nom même du pays, la Corée : au Nord, la République populaire démocratique de Corée a gardé le nom Choseon, qui désignait jusqu'alors la Corée et le peuple coréen, tandis que le Sud a utilisé un nouveau terme, Hanguk. Pour surmonter aujourd'hui encore ce problème de terminologie, lors des rencontres Nord-Sud les Coréens ont l'habitude parler de "notre pays" (uri nara) et de "notre peuple" (uri inmin). Dans sa proposition d'union confédérale de la nation coréenne, le Président Kim Il-sung de la RPDC a d'ailleurs utilisé un troisième terme, renvoyant au nom Corée dans sa terminologie occidentale, dans le projet d'établissement d'une République démocratique confédérale de Koryo. Au Sud, l'alphabet coréen s'appelle en tout cas hangeul, et au Nord choseongeul.

 

Un autre aspect majeur est la différence du système de romanisation (c'est-à-dire de transcription des noms coréens) dans l'alphabet latin, de part et d'autre de la DMZ.

 

Au Sud, dès 1948, sous l'impulsion notamment de la Société de la langue coréenne, l'Assemblée nationale a adopté une loi sur l'usage exclusif des caractères coréens. Des décrets présidentiels ont dû en réaffirmer le principe en 1956 et 1957. Si l'enseignement et les documents officiels ont dès lors été rédigés exclusivement en hangeul, la société ne s'est adaptée que beaucoup plus lentement. Ainsi, les journaux ont continué pendant des décennies à utiliser les caractères chinois. Constatant l'échec de la politique d'élimination des caractères chinois, le ministère de l'éducation a défini, en 1964, une  liste  de  1 300 caractères chinois devant être enseignés dans le cursus d'enseignement primaire, secondaire et supérieur, avant de  faire marche  arrière en 1970, par crainte notamment d'incompréhensions intergénérationnelles. Depuis 1972, 1 800 caractères chinois sont enseignés dans le Sud de la Corée. Mais, année après année, l'utilisation du hangeul est devenue la règle, notamment dans les journaux et sur les panneaux dans les rues, même si les caractères chinois continuent d'être utilisés pour exprimer, à l'écrit, les nuances de sens dont rend compte l'écriture chinoise.

 

Par ailleurs, de nombreux termes anglais ont été introduits dans le coréen parlé au Sud, formant le konglish. Mais, paradoxalement, l'influence au Nord du russe - notamment pour les termes techniques - a pu conduire à une convergence via des langues tierces - le russe et l'anglais ne sont-ils pas tous deux des langues indo-européennes, partageant notamment des racines communes ?

 

Au Nord, la politique d'épuration linguistique a été conduite avec encore plus de détermination. Dès 1946, les instructions du Président Kim Il-sung ont conduit à un usage exclusif de l'alphabet coréen, vecteur par ailleurs de la lutte pour l'alphabétisation, conduite dans le cadre de la généralisation, en 1949, de l'école primaire obligatoire.

 

En 1964, le Président Kim Il-sung a donné de nouveaux enseignements dans le domaine linguistique :

(1) le report de toute réforme de l'écriture jusqu'au jour où la Corée sera réunifiée ;

(2) la formation de nouveaux mots et la renaissance d'anciens mots basés sur des éléments purement coréens ;

(3) la limitation des emprunts étrangers et la prononciation la plus fidèle possible des mots étrangers (c'est ainsi, par exemple, que Paris de prononce et s'écrit "Ppari" au Nord et "P'ari" (mouillé) au Sud) ;

(4) la disparition des caractères chinois à l'écrit mais leur apprentissage, notamment pour la lecture des textes anciens ;

(5) l'espacement correct des mots ;

(6) le remplacement des termes sino-coréens par des mots proprement coréens dans les dictionnaires ;

(7) le lancement d'une campagne nationale pour le bon usage de la langue ;

(8) l'amélioration et le renforcement de l'éducation en coréen.

 

Ces principes ont été réaffirmés et étendus dans les enseignements de 1966, également fondés sur les idées du juche. En particulier, il a été encouragé de donner aux nouveaux-nés des prénoms typiquement coréens, ce qui entraîne une surreprésentation de certains prénoms au Nord par rapport au Sud. Il a également été fondé un comité pour la vérification de la langue coréenne.

 

Les évolutions lexicales

 

Par nature, une langue vivante connaît des évolutions qui, dans le cas de la Corée, ne recoupent que partiellement les différences du système économique, social et politique.

 

La plupart des divergences traduisent des différences de prononciation. Ainsi, le "r" à l'initiale s'écrit et se prononce "r" au Nord, mais "l" au Sud dans la romanisation, comme dans les noms de famille "Ri" et "Li", alors que le son est une lettre intermédiaire entre "r" et "l" d'écriture unique en coréen. Ce même son, à l'initiale du mot ou en début de syllabe, est souvent remplacé par "n" au Sud alors que le Nord conserve le "r", étant plus proche de la langue originelle, comme par exemple dans le mot rodong / nodong, travailleur. Ce même phonème est également fréquemment éludé au Sud, contrairement au Nord.

 

Les différences phonétiques concernent également le système de voyelles, le Nord appliquant strictement l'harmonie vocalique "a-a" (quand ces deux sons sont séparés par un autre son), alors que le Sud tend à une prononciation "a-e" de la même combinaison de voyelles dans un mot.

 

S'agissant des divergences proprement lexicales, elles s'expliquent par l'introduction de termes exclusivement coréens - ou le cas échéant, sino-coréens - au Nord (à hauteur de 5 000 mots), tandis que le lexique du Sud s'est enrichi de plus de 10 000 mots anglais, adaptés à la prononciation coréenne et qui ne sont pas toujours aisés à reconnaître pour un étranger : ainsi, T-shirt est devenu ti-shio-tcheu au Sud. De fait, la purification du langage au Nord a conduit à la restauration de termes devenus désuets au Sud, mais qui n'en restent pas moins souvent compris par les Sud-Coréens en raison de leur caractère logique (ainsi, une librairie se traduit littéralement comme étant une "boutique aux livres" au Nord).

 

Les formes de salutation officielle diffèrent : on s'appelle "camarade" au Nord, "madame, mademoiselle, monsieur" au Sud.

 

Si le Nord a accéléré le phénomène de contraction des mots également observé au Sud, les différences de lexique sont minimes, puisqu'elles ne portent que sur un petit pourcentage de mots, et généralement pas sur les plus usités : la langue coréenne s'est séparée des langues qui lui sont les plus proches il y a plusieurs milliers d'années et son lexique de base est ainsi très caractéristique. Elles n'en créent pas moins une divergence que le Nord et le Sud cherchent à surmonter dans le projet de dictionnaire commun, lequel doit par ailleurs tenir compte d'un ordre différent des lettres de l'alphabet de part et d'autre du trente-huitième parallèle.

 

Des nuances grammaticales

 

Si l'on peut parler de différences lexicales, la grammaire ne présente que de rares nuances. Signalons notamment que si le Sud utilise aujourd'hui principalement trois niveaux de politesse, marqués dans les terminaisons et plus accessoirement dans le lexique, le Nord utilise essentiellement deux niveaux de politesse (les niveaux très poli et non poli). L'usage du niveau intermédiaire, poli, caractérise presque immédiatement un locuteur comme originaire du Sud. Mais dans toute la péninsule, c'est l'âge qui détermine le niveau de politesse approprié dans l'expression orale et écrite.

 

D'autres nuances peuvent être considérées comme grammaticales dans la mesure où, selon que l'on se trouve au Nord ou au Sud de la péninsule, elles seront traitées ou non comme des fautes linguistiques. Ainsi le "s" de liaison entre deux noms communs (par exemple, dans brosse à dent), fréquent au Sud, ne s'emploie pas au Nord.

 

Les ferments de l'unité linguistique

 

Pour un étranger, observer des romanisations différentes des noms coréens au Nord et au Sud peut donner une impression trompeuse de divergence importante, alors que les différences sont pas ou peu marquées dans l'écriture coréenne. La prononciation peut créer des difficultés d'intercompréhension, mais au même titre qu'un Français du Nord qui ne serait pas habitué à l'accent du Sud (et vice versa). Si les médias sud-coréens tendent à caricaturer les Nord-Coréens en leur prêtant un accent à couper au couteau, les inévitables échanges intercoréens conduisent, sinon à une homogénéisation linguistique, du moins à une intercompréhension rapide et quasi-totale. A cet égard, les différences sont à bien des égards plus marquées entre la langue parlée dans l'île de Jeju et le coréen standard de Séoul, qu'entre ce même coréen standard et le coréen cultivé de Pyongyang. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'un Sud-Coréen qui rencontrerait un Nord-Coréen aurait du mal à déterminer, de prime abord, s'il ne vient pas des provinces situées les plus au Nord de la Corée du Sud, ou encore de la préfecture autonome de Yonbyon, en Chine, où l'on parle coréen.

Partager cet article
Repost0
13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 23:07

Ko_Un_Cracow_Poland_October23_2009_Fot_Mariusz_Kubik_06.jpgNé en 1933 à Gunsan, dans la province du Nord Cheolla, Ko Un est l'un des principaux poètes sud-coréens contemporains. Ecrivain engagé, à plusieurs reprises emprisonné, il est l'auteur d'une oeuvre traduite en plus de quinze langues, qui rend compte de la situation sociale et politique de la péninsule. L'AAFC invite à découvrir les recueils de Ko Un, partiellement traduits en français.

 

Né pendant l'occupation japonaise de la Corée, Ko Un a vu disparaître nombre de ses proches et amis pendant la guerre de Corée. Ayant choisi de devenir moine bouddhiste en 1952, il quitte la vie monacale dix ans plus tard pour se consacrer exclusivement à la poésie, ayant commencé à être publié en 1958. Fortement engagé  dans les mouvements pour la démocratie - ce qui lui vaut d'être emprisonné à quatre reprises par le régime militaire, en 1974, 1979, 1980 - il milite aussi pour la réunification, visitant la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et étant envoyé une nouvelle fois en prison à son retour au Sud, en 1989.

 

L'oeuvre poétique de Ko Un rend compte de son engagement social et politique. Bouddhiste, il s'intéresse également à la pensé occidentale et à la culture hellénique, dans un dialogue fécond entre Orient et Occident. Il a été récompensé par l'obtention notamment du prix des Écrivains coréens, en 1974, du prix Joong-Ang, en 1991, du prix Daesan, en 1994, et du prix Manhae, en 1998. Ko Un est l'un des meilleurs espoirs coréens pour le prix Nobel de littérature.

 

Plusieurs de ses recueils ont été traduits en français :

- Qu'est-ce ? poèmes zen, traduit du coréen par No Mi-suk et Alain Génetiot, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000 ;

- Sous un poirier sauvage, traduit du coréen par Han Dae-kyun et Gilles Cyr, Belval (France), éditions Circé, 2004 ;

- Chuchotements, traduit du coréen par No Mi-suk et Alain Génetiot, Paris, Belin / Extrême contemporain, 2011.

 

L'éditeur de la version française de Chuchotements présente ainsi ce recueil :

 

"Ecrits au retour d'un voyage au Tibet en 1997, les poèmes de Chuchotements témoignent chez Ko Un d'une prise de hauteur dans son partage d'une langue poétique qui dit le monde dans toutes ses dimensions. Comme les grues de l'Himalaya, le poète se meut à haute altitude, d'où son regard embrasse une perspective spatio-temporelle à l'échelle plusieurs fois millénaire de l'histoire universelle et du cosmos.

 

Cette recherche ascétique du dépouillement et du détachement de soi est figurée par les métaphores, omniprésentes dans la littérature mystique, du chemin que l'on prend et de la montagne où l'on entre afin de trouver l'illumination, l'éveil. Cette quête de l'absolu rapproche le poète de la nature et des autres hommes puisque, loin d'inhiber la compassion, l'ascèse libère les pleurs et les émotions essentielles à la fraternité humaine".

 

Un poème de Ko Un, paru dans le recueil Chuchotements (p. 18)

 

Mon espoir

 

Quand mon pays sera réunifié

J'aurai une chose à faire absolument

Ce que j'aurai à faire

Ce sera avant tout de ne pas être patriote

Jusqu'à ce moment-là

Je serai un patriote pitoyable

Même en devenant un vieux prostitué

Même en devenant un clochard

Et je prendrai même pour compagnon

L'épouvantail des champs vides

 

Cinquante années de division et d'oppression dans l'histoire contemporaine sont en train de passer

 

Sources : présentation de Chuchotements par l'éditeur, wikipédia.

Partager cet article
Repost0
11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 18:46

baek_nam-ryong_des_amis.jpgDes amis de Baek Nam-ryong, paru en septembre 2011 à Actes Sud, est le premier roman de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) publié en France. Un récit qui offre un regard sur la vie quotidienne en RPD de Corée, comme l'explique son traducteur, le Professeur Patrick Maurus, directeur de  la collection Lettres coréennes à Actes Sud et maître de conférence à l'INALCO, où il est responsable de la section ULC coréennes. L'AAFC recommande la lecture d'un roman au ton juste, description sensible de la société nord-coréenne actuelle.

 

Né en 1949, Baek Nam-ryong a travaillé en usine pendant dix ans avant d'étudier la littérature à l'Université Kim Il-sung. Il est aujourd'hui l'un des écrivains contemporains les plus  en  vue  de  République populaire démocratique de Corée, où il a publié une vingtaine d'oeuvres. De sa formation, Baek Nam-ryong a retiré une sensibilité aiguë pour les questions sociales : publié en 1988, son roman Des amis est le récit d'un divorce entre une cantatrice et un ouvrier, parents d'un enfant.

 

Comme l'explique le Professeur Patrick Maurus, traducteur de ce premier roman nord-coréen publié en France qu'il avait découvert par hasard dans une librairie en Corée du Sud, l'ouvrage  permet de "jeter un oeil par la fenêtre de la vie quotidienne en Corée du Nord au travers des vagues provoquées par un divorce". Les principaux protagonistes ne sont pas des héros, mais des travailleurs ordinaires qui font face aux difficultés du quotidien, exposés notamment à l'arrivisme de certains cadres sans scrupules : l'ouvrage est ainsi représentatif des tendances actuelles de la littérature nord-coréenne, fondée sur une tradition de réalisme social.

 

Patrick Maurus a rencontré Baek Nam-ryong à Pyongyang en 2009, au sein de la Société des écrivains : "il a beaucoup insisté sur sa formation en usine. Son travail d'écriture s'en ressent. Par un attachement à la justesse du vocabulaire, aux détails".

 

Conformément à l'héritage confucéen qui marque de son empreinte la société coréenne, la littérature, comme les autres formes d'expression artistique, doit enseigner la vertu : c'est à cette aune que doit se comprendre le trouble à l'ordre social que constitue le divorce dépeint dans Des amis, ainsi que les arguments que doit apprécier le juge. L'ouvrage montre aussi les transformations de la famille en RPD de Corée, avant les mutations sociales engendrées par les graves difficultés économiques pendant la "dure marche" des années 1990.

 

L'AAFC reviendra sur le roman de Baek Nam-ryong et le travail de Patrick Maurus, après son retour de Pyongyang où il souhaite rencontrer à nouveau l'auteur pour un entretien.

 

Références : Baek Nam Ryong, Des amis, édition originale 1988, première édition française 2011, Actes Sud. ISBN / EAN : 9782742799336.

 

Sources : AAFC, L'Express.

Partager cet article
Repost0
12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 23:14

Il y a quarante ans, en 1971, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) créait une nouvelle forme d'opéra révolutionnaire, dite "Mer de sang", du nom d'un opéra alors représenté pour la première fois. Puisant son inspiration dans la lutte de libération nationale antijaponaise, l'opéra révolutionnaire Mer de sang, qui conjugue des formes traditionnelles coréennes et des inspirations plus occidentales, est emblématique de la forme actuelle de l'opéra en République populaire démocratique de Corée.

 Opera Mer de sang

 

Alors combattant de la lutte de libération antijaponaise, Kim Il-sung, futur fondateur de la République populaire démocratique de Corée en 1948, a créé dans les années 1930 une pièce retraçant les combats de la résistance coréenne, afin d'encourager les Coréens à rejoindre les rangs des combattants. La pièce a inspiré l'opéra révolutionnaire Mer de sang (en coréen, P'ibada ou Phibada) représenté pour la première fois en RPDC en juillet 1971 dans le Grand Théâtre de Pyongyang, en présence du Président Kim Il-sung et du dirigeant Kim Jong-il. 

 

Mer de sang a été le premier d'un ensemble de cinq opéras révolutionnaires majeurs en RPDC, tous composés au début des années 1970 et qui constituent la base des opéras classiques : outre Mer de sang, il s'agit de La Jeune Bouquetière, Dis-le, toi, forêt !, Une véritable fille du Parti et le Chant des monts Kumgang.

 

 L'opéra Mer de sang dépeint la prise de conscience révolutionnaire des masses soumises à l'oppression, d'où naît la lutte de libération nationale. D'un point de vue formel, comme l'a souligné en août 1971 Kim Jong-il à l'origine de l'adaptation de la pièce à l'opéra, Mer de sang a procédé à plusieurs innovations rompant avec la tradition pour répondre à une conception nouvelle basée sur les idées du Juche, correspondant aux besoins de l'époque. Les chants deviennent des couplets. Des chants hors scène (pangchang) sont introduits, tandis qu'une place essentielle est consacrée à la danse. Un orchestre mixte utilise à la fois les instruments traditionnels et coréens. Enfin, la scénographie mobile, en trois dimensions, vise à donner une représentation du cadre de vie aussi conforme que possible à la réalité.

 

Pour Kim Jong-il, auteur de De l'art de l'opéra, "l'opéra est l'art du chant, l'art de l'action et l'art de la vie".

 

Quelque 2.000 représentations de Mer de sang, en Corée et à l'étranger, depuis quarante ans ont assuré la renommée de troupes d'opéras coréennes de RPDC, comme Phibada, qui tire son nom même de l'opéra.

 

L'opéra Mer de sang a aussi inspiré un roman et un film nord-coréens.

 

Sources :

- La Corée du XXe siècle en 100 points, Editions en Langues étrangères, Pyongyang, 2002, pp. 138-139

- KCNA, "Revolutionary opera 'Sea of Blood' 30 years ago, dépêche du 24 août 2001

- Koryo Tours, Revolutionary opera

Partager cet article
Repost0
29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 22:28

Intitulée tout simplement "L'équipe coréenne de football féminin", la nouvelle série télévisée de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) retrace le parcours victorieux de la sélection nationale dans le championnat du monde U-20 de la FIFA en 2006. Sa diffusion a commencé quelques jours avant le coup d'envoi de la Coupe du monde féminine 2011 de la FIFA en Allemagne, où les joueuses coréennes sont aux prises avec deux des équipes qui prétendent à la victoire finale - les Etats-Unis et la Suède - et avec la Colombie. Si le premier match joué à Dresde le 28 juin 2011 a vu les Américaines l'emporter sur les Nord-Coréennes (2-0) après une première mi-temps sans buts où les Asiatiques se sont défendues avec opiniâtreté, ces dernières conservent leurs chances face aux Suédoises, qu'elles affronteront le 2 juillet.

 

Depuis l'incroyable succès des Nord-Coréens sur les Italiens lors de la Coupe du monde 1966, le football nord-coréen n'a pas fini d'étonner le monde : en 2006, la victoire des Nord-Coréennes lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans faisait l'effet d'un coup de tonnerre dans le paysage du football féminin, installant durablement la sélection de la RPD de Corée dans le Top 10  mondial.

 

C'est ce parcours victorieux lors du mondial U-20 de la FIFA 2006, à l'issue d'une victoire époustouflante en finale contre la Chine (5-0), que retrace la dernière série télévisée nord-coréenne, intitulée "L'équipe coréenne de football féminin". Le rôle principal est celui de l'entraîneur qui a conduit les joueuses à la victoire. Parmi ces dernières, Jon Myong-jui, née le 7 août 1986, est devenue une star mondiale du football féminin.

 

Diffusé à compter de juin 2011, à la veille du coup d'envoi du Mondial féminin en Allemagne, ce drama nord-coréen est décrit par l'agence officielle nord-coréenne KCNA comme "une représentation vivante des hautes ambitions des filles pour la Coupe du monde et de leurs efforts acharnés pour réussir".

 

l-equipe-coreenne-de-football-feminin_1.jpg

 

l-equipe-coreenne-de-football-feminin_2.jpg

Sources : AAFC, KCNA (dont photos).

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Association d'amitié franco-coréenne
  • : Soutenir la paix en Corée, conformément à l'aspiration légitime du peuple coréen et dans l’intérêt de la paix dans le monde
  • Contact

"Les leçons sympathiques et utiles"

Recherche

D'où venez-vous?