Le 12 octobre 2018 (près du pont des Arts) et le 14 octobre 2018 (près du centre Beaubourg), quatre artistes coréens ont effectué une performance à Paris pour la paix en Corée : la peintre Bae Dallae, le mime Lee Jung-hun, la violoncelliste Moon Jiyoon et le musicien Lee Han-joo, qui se sont par ailleurs produits pour les "femmes de réconfort" les 10, 11 et 13 octobre 2018, ont exprimé leur volonté qu'advienne une ère de paix et de prospérité, ouvrant la voie vers la réunification.
Pour l'Occidental, à qui la Corée évoque au mieux un pays lointain situé quelque part très à l'Est sur le continent eurasiatique, parler de division nationale est une question abstraite - mis à part pour les Allemands, qui ont eu, eux, à souffrir de la partition de leur pays pendant plus de quatre décennies. Mais l'histoire du peuple coréen depuis 1945 est modelée par cette séparation subie, produit d'une guerre froide qui n'a jamais pris fin sur le sol de la péninsule, à laquelle le spectaculaire rapprochement inter-coréen en cours ouvre l'espoir de mettre un terme - par l'action des Coréens eux-mêmes, sans ingérence extérieure.
La troupe artistique sud-coréenne a exprimé sa volonté et son espoir d'une ère nouvelle, vers une réunification symbole d'une explosion de couleurs - et de joie, joie de retrouver ses proches et une unité nationale plus que millénaire. Il est fréquent de figurer les deux parties divisées de la Corée sous des traits masculins et féminins : ici, Bae Dallae et Lee Jung-hun ont représenté la séparation puis l'union des corps, tout au long d'une performance impliquant une participation du public qui agitait les drapeaux de la Corée unifiée (la carte en bleu de la péninsule frappée sur fond blanc) et lançait des avions en papier multicolores vers les deux danseurs. Car la réunification et le dialogue inter-coréens seront bien l'expression d'une volonté collective, mobilisant l'élan de toute une nation.
A l'issue de la spectacle donné le 14 octobre 2018, Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne, a souligné que celui-ci coïncidait avec la venue en Europe du Président Moon Jae-in, qui cherche en France - auprès du Président Emmanuel Macron, rencontré le 15 octobre - un soutien effectif à sa politique de rapprochement et de dialogue Nord-Sud, pour écarter définitivement les risques de guerre dans une péninsule dévastée par le feu des armes il y a 65 ans.
A cette fin, les organisateurs ont convié les participants à signer une pétition pour la paix en Corée et son corollaire immédiat : la levée des sanctions qui frappent les populations nord-coréennes et sont aujourd'hui en déphasage avec l'engagement de la Corée du Nord sur la voie de sa dénucléarisation.
Du 4 au 13 septembre 2018, une délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a visité la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), à l'invitation du Comité coréen pour les relations culturelles avec les pays étrangers, dans le contexte de la célébration du 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, proclamée le 9 septembre 1948. Pour l'organisation de leur visite, les participants remercient tout particulièrement Mme Jong Un-a, secrétaire générale de l'Association d'amitié Corée-France. Alors que ce déplacement prenait place dans un contexte diplomatique nouveau, marqué par l'amorce d'un dialogue direct américano - nord-coréen au plus haut niveau et avant un nouveau sommet inter-coréen à Pyongyang, du 18 au 20 septembre 2018, l'AAFC a interrogé Benoît Quennedey et Patrick Kuentzmann, respectivement président et secrétaire général de l'AAFC, qui faisaient partie de la délégation de l'AAFC.
AAFC - Les commémorations ont compris notamment une parade civile et militaire, une nouvelle représentation des jeux de gymnastique de masse, et une parade aux flambeaux. Que doit-on retenir de ces cérémonies, sur la forme et sur le fond ?
Benoît Quennedey - Les représentations de gymnastique de masse sont devenues l'une des expressions de l'identité de la République populaire démocratique de Corée, en constituant le plus grand spectacle vivant au monde - même s'il a également des équivalents dans d'autres pays, notamment en Asie de l'Est. La longue préparation des spectacles de masse, pendant plusieurs mois, avec la participation de nombreux citoyens de la ville de Pyongyang, est l'expression de la primauté du collectif sur l'individu dans la société fortement empreinte de tradition confucéenne, qui se réclame aujourd'hui du socialisme, qu'est la Corée du Nord. La parade militaire n'est pas, en revanche, propre à la RPD de Corée : la France a aussi son défilé du 14 juillet, le jour de la fête nationale, pour ne citer que notre pays... Cette année, les exercices de voltige des avions militaires avaient gagné en précision et en dextérité, alors qu'il s'agit d'appareils peu adaptés à ce type de prouesses - comme un signal des capacités de défense aérienne du pays, qui subit des menaces militaires d'abord aériennes. Enfin, la parade aux flambeaux et surtout le spectacle de gymnastique de masse ont encore fait progresser la République populaire démocratique de Corée dans une maîtrise totale de ce type de spectacle à nul autre pareil au monde... Toujours sur la forme, j'observe que les apparitions publiques du Président Kim Jong-un auxquelles nous avons assisté ont été moins nombreuses qu'en 2012 (seulement deux : lors de la parade civile et militaire et pour l'inauguration du spectacle de gymnastique de masse), et que cette année il ne s'est pas exprimé publiquement. Il ne s'agit pas à mon sens d'un retrait, mais de la volonté de rappeler que l'exercice du pouvoir en RPD de Corée repose sur un collectif. Je laisse toutefois le soin à Patrick Kuentzmann, "vétéran" de l'AAFC quant au nombre de visites effectuées depuis 2005 (personnellement, je me rendais à Pyongyang pour la huitième fois depuis 2005), de détailler les évolutions sur le fond de ces manifestations officielles, qui ont dominé la couverture médiatique des cérémonies en dehors de la Corée - notamment de la part des différents médias français présents (TF1, France Télévisions, Le Monde, Europe 1...).
Quelques tableaux du spectacle de gymnastique de masse "Le Glorieux pays" (photos : KCNA)
Patrick Kuentzmann - C'était ma dixième visite (depuis 2005) en République populaire démocratique de Corée. Les manifestations officielles étaient, comme d'habitude en RPD de Corée, parfaitement organisées. En revanche, le message transmis à l'occasion de ces manifestations était nouveau, et peut même être considéré comme un message de paix adressé au monde, et aux Etats-Unis en particulier. D'abord, la parade militaire du 9 septembre ne présentait aucun missile, de courte, moyenne ou longue portée, et faisait la part belle aux armements défensifs, surtout anti-aériens. Le message était donc clair : la RPD de Corée, si elle reste bien décidée à se défendre, veut avancer dans ses négociations avec les Etats-Unis sur ses programmes nucléaire et balistique. Le défilé civil qui a immédiatement suivi le défilé militaire était particulièrement imposant, mettant l'accent sur le développement économique, avec la participation de tous les corps sociaux et professionnels du pays : femmes, étudiants, infirmiers, sportifs, scientifiques, etc. Là encore, aucune allusion au nucléaire, fût-il civil, ou même à la conquête spatiale, alors que la RPD de Corée se montrait jusque là très fière des progrès accomplis dans ce domaine. Mais la présentation d'une fusée spatiale aurait pu être mal interprétée, et les Coréens ont donc préféré s'abstenir. On peut voir dans cette prudence un signe supplémentaire de la bonne volonté des Coréens dans leurs négociations en cours avec les Etats-Unis, et espérer que ces derniers fassent preuve d'autant de sagesse. Il n'y a eu aucune allusion non plus aux programmes nucléaire et spatial dans le spectacle de gymnastique de masse, intitulé "Le Glorieux pays", où les différents tableaux ont mis l'accent sur le développement économique, mais aussi sur la coopération internationale et sur le dialogue intercoréen. Un des tableaux présentait même le film de la rencontre du 27 avril 2018 entre le dirigeant Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in, déclenchant les applaudissements du public présent dans le stade du Premier-Mai. Quelque chose de proprement inédit, inenvisageable il y a encore quelques mois. Le ressenti face à tous ces éléments est que l'évolution positive des relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, d'une part, entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, d'autre part, est quelque chose de profond pouvant aboutir à un apaisement durable dans cette région du monde.
Parade militaire et civile du 9 septembre 2018 à Pyongyang (photos : KCNA)
AAFC - La délégation de l'AAFC a aussi participé à des rencontres internationales avec les associations d'amitié avec la Corée. Quel message a plus particulièrement délivré l'AAFC lors de ces manifestations ?
PK - Les manifestations à l'occasion des grands anniversaires de la RPD de Corée sont aussi l'occasion de réunir les associations d'amitié avec la Corée venues du monde entier. Cette année, une réunion était plus particulièrement consacrée aux échanges d'expérience des différentes associations. Dans son exposé, le président de l'Association d'amitié franco-coréenne a fait part des actions récentes de l'association dans divers domaines (voir exposé ci-dessous). Le message principal qu'on peut en retenir est que l'amitié avec la RPD de Corée, et la Corée en général, passe par un soutien au dialogue intercoréen, impliquant lui-même de soutenir le mouvement pro-réunification, au Nord comme au Sud, en étant, entre autres, solidaire avec les militants réprimés au nom de l'anachronique (plus que jamais) loi sud-coréenne dite de sécurité nationale. Envisager la question coréenne dans sa globalité est une la ligne constante de l'Association d'amitié franco-coréenne.
Préparation de l'intervention de Benoît Quennedey, président de l'AAFC, avant la réunion des associations d'amitié le 11 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)
BQ - Soutenir par des déclarations la paix et la réunification en Corée est nécessaire, mais pas suffisant : la particularité de l'AAFC, du moins parmi les associations d'amitié basées en Europe, est d'être structurée dans les régions françaises, de prendre toute notre place dans des manifestations qui ont rassemblé à Paris jusqu'à 800 personnes (pour obtenir le départ de la présidente conservatrice sud-coréenne Park Geun-hye), et de ne jamais négliger l'importance de promouvoir la connaissance de la langue et de la culture coréennes - y compris dans les coopérations que nous avons initiées, en particulier dans le domaines universitaire (architecture, mathématiques fondamentales...). Nous avons aussi participé à la mise en place, à Paris, du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), pour lutter contre la répression politique et favoriser la pleine démocratisation de la République de Corée. Outre la présentation des activités de l'AAFC que j'ai été amenée à faire à Pyongyang, je relève que, lors d'une marche pour la paix, la banderole de l'AAFC était la première du cortège après celle du cortège de tête (ne mentionnant aucune association en particulier). J'y vois le signe d'une reconnaissance, par nos homologues coréens, du rôle joué par l'Association d'amitié franco-coréenne dans le mouvement de solidarité internationale.
Délégation de l'AAFC participant à la marche internationale pour la paix, la prospérité et la réunification de la Corée le 11 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)
AAFC - La délégation de l'AAFC a eu un entretien avec M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France et vice-président du Comité coréen de solidarité avec les peuples du monde. Quels sujets ont été abordés lors de cette rencontre ?
PK - Le président de l'Association d'amitié Corée-France a exprimé à nouveau ses remerciements pour tout ce qu'a fait l'Association d'amitié franco-coréenne depuis près de 50 ans. Il est notamment revenu sur la conférence organisée à Paris en juin 2017, un événement qui a apparemment marqué nos amis coréens. A cet égard, il est significatif que le Comité des relations culturelles avec les pays étrangers, qui chapeaute toutes les associations d'amitié entre la RPD de Corée et les autres pays, ait prévu une réunion consacrée aux échanges d'expérience entre associations d'amitié, puisque l'échange d'expérience était précisément un des points figurant dans la déclaration finale de la conférence de Paris. Et puisque l'Association d'amitié fêtera son cinquantième anniversaire en octobre 2019, nous avons convenu de la venue en France d'une délégation de notre association homologue coréenne pour participer à la célébration de ce cinquantenaire.
BQ - Lors de la rencontre avec M. So Ho-won, j'ai aussi souligné la diversité professionnelle et d'origine géographique des membres qui composaient la délégation de l'AAFC présente lors des cérémonies, ainsi que les visites régulières en RPD de Corée d'autres membres de l'AAFC : dans le cadre d'un accueil universitaire de plusieurs mois ce printemps, au sein d'une délégation spécialisée dans le tennis de table en juillet 2018 et, quelques jours après le retour en France de la délégation, à l'occasion du Festival international du film de Pyongyang (PIFF). Chacune de ces participations est l'occasion de promouvoir concrètement les coopérations franco-coréennes. L'occasion a aussi été donnée de parler des activités futures de l'AAFC, dont effectivement l'accueil d'une délégation du Comité coréen des relations culturelles avec les pays étrangers en France (idéalement, à Paris et dans l'un des comités régionaux de l'AAFC) dans un peu plus d'un an, et qui pourra aussi être l'occasion d'une nouvelle conférence internationale sur la Corée, après celle de juin 2017 que nous avions organisée à Paris.
M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France, et Mme Jong Un-a, secrétaire générale de l'Association d'amitié Corée France, le 5 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)
AAFC - Le programme de visites de la délégation comportait aussi, à sa demande, des rencontres plus spécifiques - avec l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang (PUA), le ministère de la Sécurité de la construction et l'usine de panneaux solaires de Pyongyang. Comment l'AAFC a-t-elle pu, dans ces différents domaines, faire progresser la coopération franco-coréenne ? On retient aussi que la défense de l'environnement et la sécurité des travailleurs ne sont pas seulement des slogans...
BQ - Des rencontres avec la PUA ont lieu à l'occasion de chacune des visites de délégations de l'AAFC en RPD de Corée depuis avril 2012 : outre des donations de matériel scientifique (tandis que des demandes ont été à nouveau formulées par nos interlocuteurs dans d'autres domaines, comme l'architecture paysagère), il s'agit de connaître les attentes des Coréens pour les mettre en contact avec des homologues français. Une délégation européenne pluridisciplinaire de spécialistes de la Corée, composée notamment d'architectes et d'urbanistes, s'est ainsi rendue en RPD de Corée à l'automne 2013, et cette coopération se poursuit depuis cette date (accueil d'universitaires nord-coréens en France et français en Corée du Nord).
Un des membres de la délégation étant chef d'entreprise dans le secteur du BTP, nous avons souhaité savoir quelle était la politique nord-coréenne en matière de sécurité des travailleurs : nous avons ainsi pu avoir une discussion ouverte sur les causes et les conséquences du dramatique effondrement d'un immeuble dans le quartier de Pyongchon, à Pyongyang, en 2014 : était en cause la mauvaise qualité de matériaux de construction (en l'occurrence, du ciment), d'origine chinoise et qui n'avait pas été vérifiée par les organismes compétents du ministère... Le fait que la sécurité de la construction soit désormais un ministère à part entière depuis 1996 atteste d'une préoccupation réelle, même si nos interlocuteurs sont conscients des progrès qui restent à accomplir : ils ont été désireux de disposer des normes françaises en la matière. Enfin, les préoccupations environnementales sont apparues très présentes : l'objectif est de parvenir à une autosuffisance en énergie des bâtiments à hauteur de 50 %.
Rencontre des membres de la délégation de l'AAFC avec les professeurs de l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang le 5 septembre 2018 (photo : AAFC)
La défense de l'environnement a été encore plus marquée lors de la visite de l'usine de panneaux solaires de Mokran Kwangmyong, à Pyongyang, que nous avions spécifiquement demandée : aujourd'hui, environ 50 % des panneaux solaires du pays proviennent d'une production propre, à l'usine de Pyongyang, créée en 2011 et toujours en cours d'agrandissement, ainsi que dans trois autres usines (situées, pour l'une d'entre elles, à Nampo, et pour deux autres dans la province du Hwanghae du Sud). Il n'y a rien d'exceptionnel qu'un pays sous embargo (y compris énergétique) développe ses propres capacités d'énergie ; ce qui est plus original est que l'essor des énergies renouvelables constitue une priorité pour le développement du pays, affirmée au plus haut niveau de l'Etat, et qui repose tant sur des capacités d'innovation que sur l'accumulation primitive de capitaux permettant une diversification des activités (l'usine de Mokran Kwangmyong était initialement spécialisée dans la production de DVD, où elle se positionne d'ailleurs en leader sur le marché nord-coréen, tout en développant par ailleurs une recherche dans le secteur de l'éolien).
Usine de panneaux solaires de la compagnie Mokran Kwangmyong à Pyongyang le 12 septembre 2018 (photo : AAFC)
AAFC - La délégation française a aussi fait une donation à la Foire internationale du livre scientifique et technique...
PK - A l'occasion de la Foire internationale du livre scientifique et technique, qui avait lieu au complexe des sciences et techniques de Pyongyang, l'Association d'amitié franco-coréenne a donné des livres, sous format papier et électronique, exposés sur le stand des associations d'amitié. Des éditeurs étrangers, surtout russes et chinois (Chine continentale et Taïwan), étaient aussi présents. Il faut noter que trois gouvernements étrangers disposaient de leur propre stand pour y exposer des livres sur leur pays : le Nigéria, le Laos et la Roumanie. La Roumanie était donc la digne représentante de la culture latine, la France, qui a ouvert en 2011 un bureau dévolu aux affaires humanitaires et culturelles à Pyongyang, n'ayant pas jugé utile d'exposer à la Foire du livre. Cet investissement (minime) n'aurait pourtant pas été de trop, alors que l'apprentissage du français est en perte de vitesse et que des perspectives nouvelles se dessinent dans cette partie du monde. A moins que les autorités françaises considèrent que la culture française est un produit de luxe entrant dans le champ des sanctions internationales décrétées par la "communauté internationale" à l'encontre de la Corée du Nord.
Inauguration de la Foire internationale du livre scientifique et technique au Complexe des sciences et techniques de Pyongyang le 10 septembre 2018 (photos : AAFC)
AAFC - Le programme du déplacement comporte aussi des visites permettant de disposer d'un aperçu sur la vie économique et sociale : école normale de Pyongyang, institut d'ophtalmologie, usine textile Kim Jong-suk... Où en est la Corée du Nord ?
BQ - L'école normale de Pyongyang que nous avons visitée a mis l'accent sur le développement de technique modernes d'apprentissage, tant en ce qui concerne les moyens matériels (avec un recours à l'imagerie 3D) que les méthodes (les futurs enseignants étant placés en position interactive avec les élèves, alors que l'enseignement en Corée est traditionnellement très vertical, les élèves recevant les connaissances des enseignants).
Ecole normale de Pyongyang le 11 septembre 218 (photos : AAFC)
Ce qu'il faut retenir de ces visites est que le pays, en dépit des sanctions (à moins que la production intérieure et l'innovation ne soient stimulées par les sanctions ?), continue son processus de modernisation : c'est patent dans le cas de l'usine de textile Kim Jong-suk, si l'on compare avec la visite qu'y avait effectuée une autre délégation de l'AAFC une dizaine d'années plus tôt (diversification de la production, automatisation accrue, même si le travail s'effectue toujours en deux équipes de huit heures, traduisant le manque continu d'énergie pour un fonctionnement des usines à plein rendement), ainsi que dans la mise en place de nouvelles infrastructures collectives, en particulier dans le secteur prioritaire de la santé (avec la visite, pour la première fois cette année, de l'institut d'ophtalmologie). A cet égard, j'ai obtenu la confirmation que la médecine moderne (dite occidentale) est combinée avec la médecine traditionnelle, si décriée en Occident où le poids du lobby pharmaceutique a contribué au discrédit des médecines dites alternatives.
Usine textile Kim Jong-suk de Pyongyang le 7 septembre 2018 (photos : AAFC)
Supermarché Potonggang de Pyongyang le 7 septembre 2018 (photo : AAFC)
AAFC - Vous avez aussi eu l'occasion sur place de rencontrer la délégation française conduite par Yann Moix et dont faisait partie Gérard Depardieu...
BQ - La première fois que j'ai pu apercevoir la délégation dont faisait partie Gérard Depardieu, une nuée de journalistes et de curieux s'est précipitée sur lui. D'une voix de stentor il a écarté tout ce petit monde - il m'expliquera ensuite qu'un coup de gueule permet d'éloigner les importuns. Je ne parle pas des autres invités - il est d'un abord extrêmement facile et chaleureux, extrêmement curieux de connaître et de comprendre d'autres cultures - mais d'une certaine presse, qui le dézingue systématiquement, et à qui il rend bien le mépris qu'elle lui oppose.
PK - Toutes les délégations étrangères étant logées dans le même hôtel, le Yanggakdo, nous avons effectivement eu l'occasion de rencontrer la délégation conduite par Yann Moix, avec Gérard Depardieu. Prendre son petit-déjeuner, le plus naturellement du monde, avec un des plus grands acteurs français est un moment privilégié et une expérience originale qui ne peut advenir qu'en Corée. Un moment marquant de plus au milieu de toutes les festivités auxquelles nous avons pu assister ! Yann Moix prévoit de réaliser un film sur Depardieu en Corée du Nord - à moins qu'il s'agisse d'un film sur la Corée du Nord visitée par Depardieu -, l'un et l'autre fêtant cette année leur soixante-dixième anniversaire.
AAFC - Enfin, nous avons cru comprendre que le transit par Pékin n'a pas été exempt de complications. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
PK - Il faut ici entrer dans les subtilités du règlement chinois sur l'immigration. Les ressortissants de certains pays, dont la France, peuvent séjourner sans visa à Pékin, à condition d'arriver à l'aéroport international de Pékin et de repartir de ce même aéroport dans les 144 heures vers un pays tiers. On ne peut donc pas bénéficier de cette mesure si on fait la moindre escale en Chine avant d'arriver à Pékin, et il faut alors un visa en bonne et due forme.En 2015, pour avoir mal compris ce point du règlement, certains membres de l'AAFC, qui avaient fait une escale de seulement quelques heures à Kunming pendant leur trajet vers Pékin d'où ils devaient repartir au bout de 48 heures pour Pyongyang, se sont retrouvés, en toute bonne foi, sans titre de séjour valable et ont dû payer une amende au moment de leur départ vers la Corée. On aurait pu en rester là et, d'ailleurs, ces mêmes personnes n'ont eu aucun problème en 2017 pendant leur transit par Pékin. Mais cette année, le service chinois de l'immigration s'est souvenu de l'incident de 2015, et les personnes concernées se sont vu interdire l'entrée en Chine à l'aéroport de Pékin. Elles ont donc été accompagnées jusqu'à l'embarquement du vol pour Pyongyang, mais sans leurs bagages déjà débarqués en Chine. Les bagages ont été livrés plusieurs jours après à Pyongyang, non sans l'intervention - insistante - de la compagnie nord-coréenne Air Koryo auprès des autorités chinoises. Les membres d'autres délégations étrangères venus en Corée en passant par Pékin ont subi le même sort. A quelque chose malheur est bon puisque cette mésaventure a permis de mesurer le dévouement de nos amis coréens, cherchant à régler au plus vite cette affaire. Elle a aussi été l'occasion d'une séance mémorable de shopping à Pyongyang, au milieu de Coréens amusés, pour reconstituer une partie du contenu des bagages "perdus". Enfin, elle a permis de tester l'efficacité du service consulaire de l'ambassade de République populaire de Chine à Pyongyang, puisque, même pour un transit de quelques heures à Pékin, il a fallu y effectuer les démarches pour demander un visa chinois afin d'éviter de connaître le même genre d'ennui au retour.
AAFC - Merci Patrick Kuentzmann et Benoît Quennedey.
Quartier Ryomyong de Pyongyang (rénové en 2017), le 12 septembre 2018 (photo : AAFC)
Programme de la délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne en République populaire démocratique de Corée du 4 au 13 septembre 2018
Mardi 4 septembre 2018
Arrivée en Corée
Mercredi 5 septembre 2018
10h : rencontre avec M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France
11h : rencontre avec le ministère de la Sécurité de la construction
14h30 : visite du Musée de la victoire dans la guerre de libération de la patrie
16h30 : visite du métro
18h30 : rencontre avec les professeurs de l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang
Jeudi 6 septembre 2018
8h : départ pour Kaesong
10h30 : visite de Panmunjom, dans la zone démilitarisée
12h30 : déjeuner traditionnel coréen
14h : visite du Musée de Koryo
16h : retour à Pyongyang
Vendredi 7 septembre 2018
9h30 : visite du Musée de la révolution coréenne
11h : visite de l'usine textile Kim Jong-suk
14h30 : visite du quartier sportif de la rue Chongchun
16h : visite du centre de tir Meari
17h30 : visite du supermarché Potonggang
Samedi 8 septembre 2018
8h : grand monument de Mansudae
9h : réunion internationale des participants aux cérémonies du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée
11h : visite de Mangyongdae, maison natale du Président Kim Il-sung
15h : visite du Musée national des cadeaux
18h30 : banquet pour les participants aux cérémonies du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée
20h : concert
Dimanche 9 septembre 2018
9h : défilé militaire et parade civile
20h : spectacle de gymnastique de masse
Lundi 10 septembre 2018
Deux programmes alternatifs le matin pour les membres de la délégation de l'AAFC
10h : Cérémonie d'ouverture de la Foire internationale des livres scientifiques et techniques
ou 9h30 : tour aux idées du Juche
10h30 : arc de triomphe
11h : exposition artistique Wolhyang
14h30 : centre informatique de musique Hana
15h40 : exposition de timbres
20h : défilé aux flambeaux
Mardi 11 septembre 2018
10h : marche internationale pour la paix, la prospérité et la réunification de la Corée
14h30 : école normale de Pyongyang
16h : réunion des associations d'amitié avec la Corée
18h30 : banquet pour les donateurs à la la Foire internationale des livres scientifiques et techniques
Mercredi 12 septembre 2018
9h30 : usine de panneaux solaires de la compagnie Mokran Kwangmyong
15h : hôpital ophtalmologique de Ryukong
16h : exposition de produits artisanaux
19h : visite de la rue Ryomyong et dîner en ville
Jeudi 13 septembre 2018
Départ pour Pékin
Intervention de Benoît Quennedey, président de l'AAFC, lors d'un échange-discussion entre associations d'amitié sur leurs activités (hôtel Yanggakdo, Pyongyang, 11 septembre 2018)
Au nom de l'Association d'amitié franco-coréenne, permettez-moi tout d'abord de remercier le Comité coréen pour les relations culturelles avec les pays étrangers pour accueillir notre délégation, et de féliciter le Maréchal Kim Jong-un pour le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée.
Mon propos répondra à une question simple : quel peut être le rôle d'une association d'amitié ? Les exemples que je développerai sont fondés sur l'expérience de l'Association d'amitié franco-coréenne, créée en 1969, mais je tiens également à saluer la diversité et la richesse des actions conduites par les associations d'amitié de par le monde, ici représentées : nous en avions d'ailleurs rendu compte lors d'une conférence internationale pour la paix et la réunification en Corée, organisée par l'AAFC et qui s'était tenue à Paris les 23 et 24 juin 2017, à une date qui coïncidait avec le 40e anniversaire de la fondation du Comité international de liaison pour la paix et la réunification en Corée (CILRECO) en 1977. Guy Dupré, président d'honneur de l'AAFC et secrétaire général du CILRECO, s'est engagé inlassablement depuis plus de quarante ans dans les actions de solidarité internationale avec la Corée, en France et dans le monde : que son dévouement exemplaire soit ici salué à sa juste mesure !
Dès sa fondation, l'AAFC s'est ainsi attachée à faire connaître la réalité de la situation dans la péninsule coréenne en réunissant des personnalités issues d'horizons politiques très divers : communistes, socialistes, gaullistes, chrétiens, radicaux... Nous avons compté dans nos rangs des ambassadeurs de France, comme André Lewin, d'anciens ministres, tels que le gaulliste Louis Terrenoire qui a présidé l'AAFC, et d'anciens parlementaires, comme André Aubry, aujourd'hui président d'honneur de l'AAFC, et Bernard Hugo, vice-président. Aujourd'hui encore, l'AAFC peut s'enorgueillir de compter parmi ses membres des élus en fonctions, des universitaires, des chefs d'entreprise, des étudiants... il s'agit de représenter la société française dans toute sa diversité, pour en sensibiliser les différentes composantes. En 2017 et 2018, nous avons ainsi pu nous exprimer dans de nombreux médias français ou étrangers en France : des chaînes d'information continue françaises et étrangères, des quotidiens nationaux, ou encore des journaux de sensibilité souverainiste. Nous avons ainsi contribué, à notre mesure, à l'inflexion de la position des médias français sur la question coréenne.
Au regard de la profonde méconnaissance en Occident des idées du Juche et de la politique de Songun, l'AAFC a créé en son sein un Comité d'étude des sciences politiques et sociales de la Corée et nos adhérents sont à l'origine de plusieurs articles sur ces questions dans les meilleures revues françaises de sciences politiques.
Au-delà des actions de communication, qui passent par la publication régulière d'articles sur nos différents sites Internet, la publication d'ouvrages et la parution depuis 1972 d'un bulletin trimestriel, nous soulignons aussi la nécessité d'être solidaires du peuple coréen en menant des actions concrètes qui conduisent à une élévation réelle du niveau de vie du peuple coréen, notamment :
- dans le domaine universitaire, nous avons initié des coopérations dans les secteurs de l'architecture ou encore des mathématiques, en contribuant à la venue en Corée d'universitaires français et étrangers ; des sujets plus pointus sont également dans notre champ d'actions, comme la défense de la francophonie et la promotion de l'Espéranto, tout en faisant des donations régulières à la Foire du livre scientifique et technique ;
- au plan culturel, nous avons notamment accueilli en France en février 2015, en collaboration avec l'ONG britannique DULA, une délégation de membres de la Fédération coréenne des personnes handicapées ;
- la solidarité s'exerce par le recueil de dons et le soutien aux populations frappées par les catastrophes naturelles (inondations, sécheresses), en liaison étroite avec des ONG françaises et étrangères implantées en Corée ; nous faisons ainsi nôtre le proverbe coréen selon lequel il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que lui donner du poisson ; c'est pourquoi, en liaison avec des agriculteurs membres de l'association, nous avons fait parvenir des semences diverses en Corée, qui ont permis des expérimentations par les scientifiques coréens pour améliorer les rendements et diversifier la production ;
- s'agissant des échanges économiques, malgré l'embargo et les sanctions, des chefs d'entreprise français sont présents en Corée ou cherchent à s'y implanter ; il est actuellement envisagé de mettre en place un comité économique au sein de l'AAFC pour coordonner les échanges d'expériences et créer une plateforme d'informations.
Mettant ainsi en relation les responsables coréens avec personnalités françaises, l'AAFC est structurée en dehors de Paris en comités régionaux.
Enfin, nous avons initié ou participé à des manifestations pour la paix en Corée, pour refuser la révision de la Constitution japonaise dans un sens militariste, contre les manœuvres militaires américaines, pour la libération des prisonniers politiques sud-coréens, pour défendre les victimes du naufrage du ferry Sewol ou encore obtenir le départ du pouvoir de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. Pour ce faire, nous avons pratiqué l'unité, en particulier avec les différentes composantes des progressistes sud-coréens en France, tout en soutenant les Sud-Coréens de France victimes de la répression du régime Park, au sein notamment d'un Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, fondé à Paris en avril 2017. Des militants de l'AAFC se sont aussi engagés personnellement auprès de Sud-Coréens de France qui ont obtenu le statut de réfugié politique.
Le nouveau contexte international est pour nous riche de promesses, marqué par des progrès diplomatiques sans précédent incarnés par la déclaration de Panmunjom, le 27 avril 2018, entre les Présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in. Mais de nombreux combats restent à mener : levée des sanctions ; mise en place d'un régime de paix permanent autour de la péninsule coréenne ; abrogation de la loi de sécurité nationale en Corée du Sud... Nous savons que nous ne serons qu'une des composantes de ces nouveaux combats, mais nous nous y engagerons résolument, en nous plaçant à l'avant-garde de la solidarité avec le peuple coréen – comme nous nous sommes efforcés de l'être depuis près de cinquante ans.
Le point de vue de l’AAFC dans les médias. Benoît Quennedey dans les journaux télévisés de France 24 le mardi 18 septembre. A 22h un passage sur France 24 en français et à 22h30 sur sa version en anglais, les deux dans une atmosphère très professionnelle et à chaque fois en ouverture du journal télévisé.
A 22h pour illustrer le sujet sur le sommet en cours entre les deux leaders coréens à Pyongyang la journaliste Claire Bonnichon (CB) interroge Benoit Quennedey (BQ)
CB : Pour la première fois en 11 ans un président de la Corée du Sud est à Pyongyang. Au Sud comme au Nord on attend beaucoup de cette rencontre.
BQ : La Corée reprend en main son destin. C’est très important que les Coréens dessinent eux-mêmes leur avenir. Car on a dit que le Nord dépendait de la Chine et le Sud des Etats-Unis. De plus, la première réunion a eu lieu au siège du Comité Central du Parti du travail de Corée ; c’est tout un symbole.
CB : 17 patrons accompagnent le président Moon Jae-in. Que peut-il se passer ?
BQ : Les quatre principales entreprises du Sud sont représentées par leurs dirigeants. Pour le moment les sanctions bloquent encore les échanges économiques potentiels.
CB : C’est pourquoi rien ne débouchera.
BQ : Oui mais dans une perspective de long terme cela permet d’étudier ce qui peut être réalisé. Par exemple il ne faut pas oublier que la Corée du Sud est enclavée comme une île et que le raccordement et le développement des voies ferrées pourraient amener à la possibilité, par exemple, de relier Busan à Marseille.
CB : Les pourparlers entre la RPDC et les Etats-Unis sont au point mort..
BQ : Il n’y a pas de calendrier avec un contenu, pas de système de sécurité collective proposé. Par contre les rapports avec la Chine sont bons et j’étais présent à Pyongyang la semaine dernière quand, devant la foule présente pour fêter le 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, Kim Jong Un a pris, pour la lever avec la sienne, la main du représentant de la Chine Li Zhangshu (un des sept plus hauts dirigeants du Parti communiste chinois). Pyongyang a clairement manifesté, lors des cérémonies, sa volonté d'aller de l'avant sur le chemin de la paix.
A 22h30 changement de plateau et c’est Mark Owen (MO) qui interroge en anglais Benoît Quennedey (BQ).
MO : Voyons-nous des changements à Pyongyang ?
BQ : J’étais présent à Pyongyang pour les la commémoration du 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée. Il y a des changements dont la venue, la première fois en 11 ans, du président sud-coréen.
MO : La grande question c’est la dénucléarisation, mais pour la population ?
BQ : La RPDC est toujours sous le coup de sanctions mais la présence des patrons du Sud montre que ceux-ci prennent en compte la possibilité de levée de ces sanctions.
MO : Réouvrir la zone spéciale de Kaesong, développer les échanges c’est ce que veulent ces grands patrons.
BQ : Oui, le Sud ne prend pas seulement sa part dans le volet diplomatique mais aussi dans le volet économique. Le Sud développe son indépendance par rapport aux Etats-Unis comme d’ailleurs le Nord vis-à-vis de la Chine.
MO : Je ne suis jamais allé en Corée du Nord mais j’espère le faire un jour. Peut-on se déplacer librement ?
BQ : J’y suis allé huit fois depuis 2005. Le programme des visites est discuté en commun. Il faut sortir de la capitale pour avoir une image plus complète du pays. C’est clair qu’est en cours une ouverture au monde extérieur et que le pays est beaucoup plus ouvert qu’il y deux décennies.
Le mardi 11 septembre 2018, l’Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a organisé, à l'initiative de Pierre Beltante, la visite d’une ferme maraîchère et de menthe poivrée, pour la délégation générale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en France. S.E. M. Kim Yong-Il, délégué général, et le premier conseiller M. Jong Chang-gwon ont participé à cette visite, avec en perspective l’idée d’un partage de connaissances dans le cadre d’un woofing dans des fermes biologiques. Madame Catherine Bosc-Biern, directrice de l’établissement « L’Herbier de Milly » à tout d’abord présenté un petit historique de la menthe poivrée de Milly et de l’entreprise familiale. L'AAFC tient à la remercier pour sa disponibilité et la qualité de son accueil.
Présentation de la menthe poivrée
Milly-la-Forêt, au sud de l’Essonne est connu depuis des siècles par la culture des simples et plantes médicinales. La Chapelle Saint Blaise des Simples atteste que des soins ont été apportés aux lépreux avec les plantes au XVe siècle.
Au XIXe siècle, près d’une centaine de familles vit de la culture de la menthe poivrée, de la Mélisse, Bourrache, Belladone… mais à partir des années 1930, les cultures se développent à l’étranger à moindre coût, les prix s’effondrent et les cultivateurs herboristes disparaissent les uns après les autres. Une seule famille perpétue aujourd’hui la culture de la menthe poivrée, introduite en France en 1900 par un autre cultivateur Armand Darbonne, la Mitcham ou « Menthe noire » qui deviendra la fameuse menthe poivrée, un hybride de menthe verte et de menthe noire. L’usine Darbonne, située à l'entrée de Milly-la-Forêt, est désormais une multinationale et produit principalement des herbes aromatiques pour la cuisine qu’elle vend dans l’industrie agroalimentaire (Ducros, Gym par exemple) ou sous sa propre marque Darégal El Taste. Elle ne produit plus de menthe poivrée.
Les propriétés de la menthe poivrée
Catherine Bosc Biern explique que la menthe poivrée a une action très importante sur la sphère digestive. Elle stimule la sécrétion des sucs digestifs et de la bile et décontracte les muscles intestinaux. Elle lutte aussi contre la paresse intestinale, ce qui la rend utile dans les cas de constipation ou de colites, comme dans les diarrhées. Fortement antispasmodique, elle soulage les douleurs d'estomac, les ballonnements, et les nausées. Elle aide aussi à se débarrasser des migraines d'origine digestive. La menthe agit aussi contre le mal des transports, en infusion froide, pastille ou encore huile essentielle. Enfin, la menthe poivrée n’empêche pas de dormir en raison de son faible taux de menthone. Elle reste toutefois contre-indiquée à forte dose pour des femmes enceintes ou des jeunes enfants et naturellement en cas de traitement homéopathique.
L'huile essentielle en application externe est aussi très intéressante, puisqu'elle est antibactérienne et antalgique par son effet rafraîchissant. Ainsi, on peut l'appliquer diluée dans un peu d'huile végétale (par exemple, mettre 5 gouttes d'huiles essentielles pour 30 ml d'huile végétale, type amande douce) sur les douleurs musculaires et sur les crampes. Elle va détendre le muscle.
Le stockage de la menthe
La dernière famille de producteurs
La famille Bosc-Bierne reste l’héritière en quelque sorte d’une tradition multiséculaire qui se perpétue d’une manière toujours artisanale et naturellement en culture biologique. L’exploitation est constituée de plusieurs lieux exploités par Catherine et son frère Alain.
- des champs de menthe poivrée, de mélisse ; - des champs de culture maraîchère ou de serres de pleine terre : salade, poireaux, choux de 6 variétés différentes, courgettes, rhubarbe, courges, bettes, tomates de 5 variétés, betterave, fenouil, haricots verts, concombre, raisins de table, et naturellement d’herbes aromatiques courantes ; - une ferme comprenant les aires de séchage, de stockage, de préparation ; - un séchoir centenaire (le séchoir du Père Jules) ; - une distillerie pour la production d’huiles essentielles.
L’exploitation compte deux salariés permanents ainsi que des vacataires en fonction des récoltes et plantations ainsi que deux autres vacataires pour la vente en boutique « l’Herbier de Milly ». Cette boutique vend la production (légumes, herbes, huiles) qui sont également vendus dans des réseaux de l'Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP).
D’autres produits biologiques sont en vente dans la boutique. Pour ces derniers, les employés apportent des conseils selon les demandes.
La visite de la délégation coréenne s'est déroulée en plusieurs endroits, les visiteurs ayant découvert une partie de la Forêt de Fontainebleau en se rendant à Arbonne-la-Forêt pour les champs et serres, ainsi que le village d’Oncy-sur-Ecole où se trouve la ferme familiale, qui a récemment fait l’objet d’une émission avec Gérard Depardieu sur France 3. A l’issue de cette visite, Catherine a offerts quelques produits de menthe poivrée et il a été envisagé que cette rencontre puisse se prolonger dans le cadre d'un projet de woofing.
Test de thym pour huile
Le séchoir historique du Père Jules
Visite de la serre aux raisins (Chasselat de Fontainebleau)
Le 29 août 2018, le comité national de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) s'est réuni à Paris, en présence de Jef Bossuyt (association d'amitié Belgique-Corée). Cette réunion s'est tenue alors que le contexte international autour de la péninsule coréenne est marqué par une divergence entre les politiques américaine (caractérisée par un raidissement de l'administration Trump, le président américain ayant tout dernièrement décidé d'annuler la quatrième visite à Pyongyang du secrétaire d'Etat Mike Pompeo) et sud-coréenne – la reprise des échanges Nord-Sud étant marquée par la reprise des réunions de familles séparées, l'annonce d'un nouveau sommet inter-coréen à Pyongyang (d'ici fin septembre 2018) et l'organisation d'événements conjoints dans les domaines culturel et sportif. Pour sa part, le comité national de l'AAFC a mis l'accent sur les perspectives de coopération franco-coréenne, à la veille du déplacement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) d'une délégation de l'AAFC, du 4 au 13 septembre 2018, dans le contexte de la commémoration du 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, le 9 septembre 1948.
En ouverture des travaux du comité national, Benoît Quennedey, président de l'AAFC, a rappelé les activités récentes de l'AAFC : l'accent a été mis sur la signature d'un traité de paix dans la péninsule coréenne et la nécessaire instauration d'un régime de sécurité collective qui prévienne l'escalade mortifère des tensions et des sanctions - en particulier lors de la conférence-débat du 17 juillet 2018, co-organisée avec le Forum coréen international, et le débat ayant suivi la projection du film JSA le 16 juillet 2018 à la Filmothèque du Quartier Latin, à Paris. Le succès de cette dernière initiative ouvre la perspective d'organiser plus régulièrement des projections de films coréens. Alors qu'au cours de la dernière année l'AAFC a été sollicitée à plusieurs dizaines de reprises dans différents médias (France 24, RT France, CNews,Le Huffington Post...), l'intérêt pour l'AAFC, seule association active en France promouvant les actions de coopération concrètes avec l'ensemble de la Corée, se manifeste dans la progression continue de son nombre de membres : sur huit mois, fin août 2018, le nombre annuel d'adhérents à jour de cotisation atteint 94 % du total réalisé sur l'ensemble de l'année 2017.
Le président du comité Bretagne de l'AAFC, Djimadoum Ley-Ngardigal, a mentionné la participation de membres du comité régional aux récents matchs de la coupe du monde féminine U20 en Bretagne, où les Nord-Coréennes, championnes du monde sortantes, ont été éliminées par les Françaises, ainsi qu'à la projection en avant-première du film JSA àRennes. De fait, l'équipe française de promotion du film a sollicité l'AAFC et pu compter sur le relais de ses adhérents et sympathisants, en Ile-de-France et en région, pour faire connaître une oeuvre sud-coréenne majeure, tardivement sortie en salles en France (18 ans après sa sortie en Corée...), mais qui rend toujours compte avec acuité de la question de la division de la péninsule.
Egalement membre du bureau du Comité espéranto de l'AAFC, Nathalie Kesler a mentionné que, après la visite en Corée du Nord et à Dandong (à la frontière sino-coréenne) d'une délégation du comité thématique de l'AAFC en avril 2017, les échanges sino-coréens avaient repris dans le domaine de l'espéranto, à l'initiative des espérantistes du club chinois de Dandong et de guides nord-coréens espérantistes.
Au nom de l'Association d'amitié Belgique-Corée, Jef Bossuyt a présenté les résultats des déplacements de délégations de l'association dans le nord et le sud de la péninsule en 2018. Un voyage pour la paix, ouvert aux adhérents intéressés de l'AAFC, sera organisé en Corée du Sud et en Corée du Nord en mai 2019, un festival de la paix étant prévu à Séoul le 1er mai 2019.
Comme la réunion du Comité national coïncidait avec le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, les participants ont ensuite eu l'honneur de recevoir M. Jong Chang-gwon, conseiller à la délégation générale de la RPD de Corée en France, qui a engagé une discussion avec les présents et pris note de demandes spécifiques pour des coopérations franco-coréennes, notamment dans le domaine culturel.
Secrétaire général de l'AAFC, Patrick Kuentzmann a rappelé que la Corée, contrairement à la France, a été placée à la libération sous un régime d'administration militaire directe au sud de la péninsule, où les anciens collaborateurs des Japonais ont gardé la haute main sur l'administration et l'économie. Figure éminente de la résistance à l'occupation japonaise, le Président Kim Il-sung a initié avec toutes les composantes de la résistance, un processus ayant conduit à la fondation de la RPD de Corée à Pyongyang, proclamée par des délégués originaires de l'ensemble de la péninsule coréenne, après les élections séparées s'étant tenues dans la seule moitié sud de la Corée en mai 1948.
S'exprimant au nom des associations d'amitié belge, haïtienne, néerlandaise et irlandaise, Jef Bossuyt a salué l'exemple donné par le peuple coréen, après la Seconde guerre mondiale, pour les autres peuples du monde en lutte pour leur libération et leur émancipation. Il a ainsi souligné que la création de la RPD de Corée a constitué une étape marquante dans les luttes pour l'indépendance des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.
Clôturant les interventions, M. Jong Chang-gwon a remercié les participants à cette réunion de fait internationale organisée à l'occasion de l'anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée. Il a souligné que l'histoire de la RPD de Corée se confondait avec celle du peuple coréen pour la dignité et la souveraineté depuis les combats de la guérilla anti-japonaise menés par le Président Kim Il-sung et jusqu'à l'époque actuelle, sous la conduite du Président Kim Jong-un. En ce qui concerne la situation extrêmement complexe de la péninsule coréenne en 1945, il a rappelé que le débarquement des troupes américaines était postérieur à la capitulation japonaise, et que celles-ci avaient ensuite favoris la division de la Corée, dont la réunification reste ainsi toujours une des tâches prioritaires du peuple coréen.
Annexe : allocution de Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC
Monsieur l'Ambassadeur,
Chers amis coréens,
Chers membres de l'Association d'amitié franco-coréenne,
Nous sommes réunis pour célébrer le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, le 9 septembre 1948.
Un regard extérieur pourrait s'étonner qu'une association française accorde tant d'importance à la fête nationale d'un pays que les gros médias de masse s'attachent si souvent à décrier, par paresse, par facilité ou par volonté de nuire, parfois tout en même temps. Mais ce bruit médiatique ne peut impressionner que les gens de peu de culture et de mémoire.
Or, les membres de l'Association d'amitié franco-coréenne ont une culture et une mémoire historiques qui leur commandent de célébrer dignement l'anniversaire de la République populaire démocratique de Corée.
Nous nous souvenons en effet du contexte dans lequel a été divisée la Corée en 1945 et de la nature du régime mis en place en Corée du Sud entre 1945 et 1948, au lendemain de la libération de la colonisation japonaise. Et nous n'ignorons pas non plus la voie suivie jusqu'à aujourd'hui par la République populaire démocratique de Corée pour la défense de la paix en Corée, en Asie et dans le monde.
Débarquant en Corée du Sud le 8 septembre 1945, soit trois semaines après la capitulation japonaise, les troupes américaines y établirent un régime d'occupation militaire : l'United States Armed Military Governement in Korea (USAMGIK). Il convient de noter - et cela rapproche un peu plus Français et Coréens attachés à l'indépendance de leur pays - que les Etats-Unis envisageaient un tel régime pour la France au lendemain de la libération, l'Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT). Il fallu tout le poids du général De Gaulle pour épargner ce traitement à la France. Il manqua malheureusement un De Gaulle à la Corée du Sud.
En Corée du Sud, le gouvernement militaire américain s'appuya sur les anciens collaborateurs avec l'occupant japonais, lesquels se virent confier de hautes fonctions dans la nouvelle administration. En même temps, en Corée du Nord, les comités populaires, créés spontanément dans toute la Corée dès la libération, étaient issus des rangs de la résistance contre la colonisation japonaise. Présente en Corée du Nord, l'Union soviétique laissa l'administration à ces comités.
Un accord signé à Moscou en décembre 1945 par l'URSS et les Etats-Unis prévoyait un régime d'administration de la Corée pendant une durée maximum de cinq ans, des garanties d'indépendance de la Corée et l'établissement d'un gouvernement provisoire. Mais, alors que les Soviétiques insistaient sur la mise en place d'un gouvernement coréen indépendant, les Américains voulaient maintenir une administration internationale de la Corée par quatre pays (Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne et République de Chine),
L'homme mis à la tête de la Corée du Sud par les Américains, Syngman Rhee, mit donc l'accent sur l'administration de la Corée par les puissances étrangères, et appela à la formation d'un gouvernement dans la seule Corée du Sud, décision qui divisa la droite nationaliste coréenne car elle entérinerait la partition de la péninsule coréenne.
Dans le même temps, les partis de gauche demandaient des réformes économiques en Corée du Sud, s'inspirant de l'exemple du Nord : en mars 1946, réforme agraire redistribuant les terres à 70 % des paysans ; en juin 1946, abaissement de la durée quotidienne de travail à huit heures ; en juillet 1946, loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes ; nationalisation de 90 % des entreprises... Face à ces revendications, une répression féroce se mit en place en Corée du Sud.
Quant à la question d'une Corée unie et indépendante, elle était désormais dans les mains de l'Organisation des Nations unies, alors dominée par les pays d'Europe occidentale et d'Amérique latine favorables aux Etats-Unis. En 1948, ces Nations unies décidèrent l'organisation d'élections séparées dans la seule moitié Sud.
La contestation la plus vive eut lieu dans l'île de Jeju en avril 1948 : les manifestants s'opposèrent aux élections séparées et demandèrent le départ des troupes américaines. La répression causa 80.000 morts.
L'assemblée sud-coréenne, élue le 10 mai 1948 à l'issue d'un scrutin boycotté par la majorité des partis et s'étant tenu dans la seule partie du Sud (à l'exception de Jeju), porta Syngman Rhee à la présidence de la République. La République de Corée était née.
Opposés à ce processus de division de la péninsule coréenne, des nationalistes de droite, au premier rang desquels Kim Ku, abandonnèrent Syngman Rhee, en exigeant des élections dans toute la Corée. En avril 1948, les opposants à la tenue d'élections séparées au Sud, dont les nationalistes Kim Ku et Kim Kyu-sik, se réunirent à Pyongyang, à l'invitation du dirigeant du Comité populaire de Corée du Nord Kim Il-sung. Leur programme commun comportait le départ des troupes américaines et soviétiques, l'établissement d'un gouvernement provisoire et d'une assemblée pour toute la Corée, ainsi que l'invalidation des élections prévues en Corée du Sud.
A propos de cette grande union nationale, transcendant les différences idéologiques, le Président Kim Il-sung écrira dans ses mémoires :
« Il est possible de s’unir avec toutes les couches sociales en mettant au premier plan la grande cause de la libération nationale. Voilà mon attitude en la matière. C’est en partant de cette position, après la Libération, que nous avons collaboré avec M. Kim Ku qui avait lutté jusque-là, toute sa vie, contre le communisme et qu’aujourd’hui nous en appelons à la raison de tous les Coréens pour réaliser l’union nationale. L’union nationale mènera à l’isolement des forces étrangères et des traîtres à la patrie. »
Prenant acte de l'établissement d'un gouvernement séparé en Corée du Sud, les dirigeants du Nord organisèrent des élections le 25 août 1948, en secret dans la partie Sud. L'Assemblée populaire suprême ainsi élue proclama la République populaire démocratique de Corée le 9 septembre 1948.
A la fin de l'année 1948, Kim Ku appela à nouveau au retrait des troupes américaines et soviétiques, ainsi qu'à la reprise des discussions Nord-Sud. En mars 1949, des députés sud-coréens demandèrent encore à l'ONU le départ des troupes étrangères. Syngman Rhee répondit en instaurant la loi de sécurité nationale, toujours en vigueur en Corée du Sud, et interdisant tout contact avec le Nord. Dans la vague d'exécutions et d'arrestations qui suivit, Kim Ku, alors âgé de 72 ans, ancien président du gouvernement provisoire de la République de Corée pendant l'occupation japonaise, fut lui-même assassiné en juin 1949 par la police secrère sud-coréenne.
La division de la Corée, contre la volonté des Coréens et par le jeu des grandes puissances, portait en germe le conflit fratricide à venir, et qui perdure aujourd'hui faute d'un véritable traité de paix en Corée. Nous devons donc être reconnaissants à la Corée du Nord d'avoir été, dès avant sa constitution en tant qu'Etat, à la pointe du combat contre la division et donc pour la paix.
Une chanson nord-coréenne dit : « Nous aimons la paix mais nous ne mendierons pas pour l'avoir ».
Cela fait écho à ce qu'écrivait Paul Vaillant-Couturier en 1936 dans son rapport au comité central du Parti communiste français pour la convocation des « Etats généraux de l’intelligence française » : « L’intelligence défend la paix. L’intelligence a horreur de la guerre, parce qu’elle est la destruction des valeurs, en même temps que des choses. » Et, plus loin, il ajoutait : « Tout désarmement unilatéral serait une duperie. »
Félicitons la République populaire démocratique de Corée à l'occasion de son 70e anniversaire, et félicitons nous d'être les amis d'un des peuples parmi les plus intelligents du monde !
En septembre 2018, Pyongyang organisera sa onzième foire internationale du livre scientifique et technique. Comme l'an passé pour la dixième édition de cette foire, Olivier Bouchard, membre du bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a réuni de la documentation technique - consistant en plusieurs dizaines d'ouvrages en français et en anglais, sous format électronique, qui seront remis cette année par la délégation de l'AAFC qui visitera la péninsule coréenne du 4 au 13 septembre 2018, à l'occasion du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), le 9 septembre 1948.
Formulaire de candidature à la Foire internationale du livre scientifique et technique de Pyongyang
A plusieurs reprises, l'AAFC a fait des dons de livres aux étudiants, aux professeurs et auc chercheurs de la RPD de Corée : en 2012, ce sont plus de 500 ouvrages qui avaient été offerts par l'association. Ces actions répondent à une double priorité pour l'AAFC au titre de ses actions de coopération : soutenir la francophonie, favoriser la coopération technique.
Pour l'édition 2018 de la foire internationale du livre scientifique et technique de Pyongyang, l'accent a été porté sur de la documentation promouvant l'agriculture, notamment l'agriculture biologique, en incluant des publications de pays d'Afrique francophone. En effet, alors que les populations nord-coréennes sont toujours soumises à un aléa climatique pour un retour du pays à l'autosuffisance alimentaire, la diversification des productions et des techniques apparaît primordiale pour relever le défi alimentaire.
Du 20 au 22 août 2018 puis du 24 au 26 août, des centaines de membres de familles coréennes séparées de part et d'autre du trente-huitième parallèle se retrouvent dans les monts Kumgang, au nord de la péninsule. La déclaration de Panmunjom, signée lors du sommet inter-coréen du 27 avril 2018 entre les présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in, avait prévu ces nouvelles rencontres - riches en émotions - entre des parents et des enfants, des frères et des sœurs, ou entre des cousins sans aucune possibilité de communiquer ou d'échanger entre eux depuis plus de 65 ans. Les autorités sud-coréennes envisagent la possibilité d'organiser ces rencontres sur une base régulière, alors que beaucoup des personnes qui s'étaient inscrites pour revoir une dernière fois leurs proches sont hélas aujourd'hui décédées. Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a été invité aux journaux télévisés de France 24, le 20 août 2018, pour évoquer ces réunions, sur la chaîne francophone (à 20h) puis sur la chaîne anglophone (20h30). Nous rendons compte ci-après de son entretien sur le canal francophone de la chaîne internationale.
Lee Keum-som (Sud, 92 ans) retrouve son fils Ri Sang-chol (Nord, 71 ans)
Le journaliste Mathieu Cavada (MC) commence l'entretien en demandant si cette séparation des familles est un traumatisme profond.
Benoît Quennedey (BQ) : C’est la 20e rencontre depuis le début des années 2000 et la première depuis octobre 2015. Pendant près de sept décennies ces familles ont été complètement séparées, aucun moyen de communication n’étant possible entre leurs membres
MC : Combien de personnes sont séparées ?
BQ : Au sud on comptait plus de 100 000 personnes concernées par la séparation ayant demandé à revoir un membre direct de leur famille dans le cadre des réunions de familles séparées, mais si l'on inclut toutes les familles ayant un proche direct de l'autre côté de la zone démilitarisée (parents/enfants, frères/sœurs) cela représente au bas mot des millions de personnes, sans parler évidemment des relations amicales ou des voisins. L’absence totale de communications amène à des surprises, ainsi une femme pasteur sud-coréenne vivant en France a découvert que sa sœur, vivant au Nord, était l'équivalent chez nous d’Edith Piaf.
MC : Il n’y a pas beaucoup d’intimité dans ces retrouvailles, tout se passe devant des caméras.
BQ : Il y a aussi, pendants ces retrouvailles de deux fois trois jours, des moments de rencontre dans des salons ou des chambres d'hôtel de façon plus intime et sans la présence des caméras. Auparavant il s'agissait plutôt de rencontres entre frères et sœurs et entre parents et enfants, maintenant c'est souvent entre cousins. Bien sûr que c’est un choc de se retrouver ainsi et cela même peut être douloureux. Il faut aussi éviter d’aborder des sujets polémiques tels que la politique.
MC : Est-ce qu’ils reconnaissent leurs proches ?
BQ : La presse rapporte le cas d’une mère de 92 ans séparée de son enfant qui avait 5 ans… En plus de cette difficulté il y a les distances physiques, ou encore vestimentaires, créées par la division du pays. Par contre les mots restent les mêmes avec quelques anglicismes au Sud et russismes au Nord, nonobstant le sentiment d’avoir conservé la pureté de la langue au Nord.
MC : Cette rencontre n’est-elle pas pour Kim Jong-un un moyen de faire diversion alors que la dénucléarisation n’avance pas ?
BQ : Le processus de dénucléarisation est un processus de longue durée, où tant les Etats-Unis que la Corée du Nord attendent des gestes de l'autre partie. Ces rencontres entre familles séparées marquent déjà la force du rapprochement en cours Nord-Sud et sont vécues par les deux parties divisées de la Corée comme un processus d'abord humanitaire.
A l'issue d'une rencontre entre délégations nord et sud-coréennes de haut niveau le 13 août 2018 dans la zone démilitarisée, les deux parties ont convenu - dans un communiqué de presse conjoint - de l'organisation d'un troisième sommet inter-coréen à Pyongyang (après ceux de juin 2000 et d'octobre 2007) d'ici fin septembre 2018 - à une date plus précise restant donc à confirmer publiquement. Après les deux rencontres au sommet entre les Présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in les 27 avril et 26 mai 2018, il s'agit de la mise en oeuvre d'un des engagements pris dans le cadre de la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018 (laquelle ne parlait toutefois d'une visite du président sud-coréen à Pyongyang qu' "à l'automne", sans davantage de précisions), témoignant de la reprise concrète des échanges Nord-Sud - qui s'est d'ores et déjà concrétisée par la participation commune à des événements sportifs et culturels (dans les prochains jours, les athlètes des deux parties de la Corée défileront ensemble aux Jeux asiatiques et formeront des équipes communes dans plusieurs disciplines) et la reprise attendue, fin août, des réunions de familles séparées de part et d'autre du trente-huitième parallèle.
Poignée de mains entre les chefs des deux délégations : pour le Nord (à gauche), Ri Son-gwon, Président du Comité pour la réunification pacifique du pays ; pour le Sud (à droite), Cho Myoung-gyon, ministre de la Réunification
Est-ce le début d'un processus d'institutionnalisation de rencontres au sommet régulières entre le Nord et le Sud ? Le Président Moon Jae-in en avait émis le souhait, et de fait - alors qu'il n'est encore qu'au début de son mandat présidentiel de cinq ans, commencé il y a quinze mois - il aura rencontré plus souvent le dirigeant suprême nord-coréen, le Président Kim Jong-un (trois fois en six mois) que tous ses prédécesseurs, sur une durée pourtant beaucoup plus longue (deux rencontres en près de 70 ans). En relations internationales, des réunions régulières (comme les sommets du G7/G8) permettent en effet d'aborder au plus haut niveau des sujets d'intérêt commun, d'arrêter des priorités et de prendre des décisions communes.
Le troisième sommet inter-coréen à Pyongyang devrait ainsi être d'abord l'occasion de préciser la feuille de route des échanges inter-coréens, telle que définie lors de la déclaration de Panmunjom le 27 avril 2018. La partie Nord a manifesté des attentes face à ce qu'elle perçoit comme des atermoiements du Sud - en particulier dans le domaine économique, où la reprise des échanges - notamment le redémarrage de la zone économique de Kaesong - est entravée par les sanctions internationales prises à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée. En effet, si les autorités sud-coréennes ont envisagé la possibilité d'une levée partielle des sanctions, elles s'en tiennent à une position solidaire de celle de Washington, qui affirme qu'il n'y aura de levée des sanctions qu'à l'issue du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord. Pour leur part, les autorités nord-coréennes ont dénoncé les "méthodes de gangster" des Américains, en estimant que leurs gestes de bonne volonté dans le domaine nucléaire et balistique (y compris le rapatriement de restes de soldats américains morts en Corée) n'ont pas été payés de retour. Selon Pyongyang, les Etats-Unis doivent à leur tour préciser les garanties de sécurité qu'ils entendent apporter et s'engager dans une levée au moins partielle des sanctions - les plus sévères jamais mises en place dans le cadre des Nations unies. Pour cela, eu égard notamment à la proximité entre les services secrets sud-coréens et américains (qui sont des canaux privilégiés du dialogue autour de la péninsule coréenne), la Corée du Sud pourrait transmettre des messages aux Américains pour faire réussir le processus engagé lors du sommet de Singapour entre les Présidents Donald Trump et Kim Jong-un.
Dans ce contexte, et en attendant que soit précisé le contenu des discussions inter-coréennes qui seront à l'ordre du jour du sommet de septembre 2018, le troisième sommet Nord-Sud à Pyongyang apparaît comme l'une des étapes dans les multiples rencontres diplomatiques entre les acteurs principaux dans la péninsule coréenne (les deux Etats coréens, les Etats-Unis, la Chine et la Russie).
Ces différents points ont par ailleurs été abordés par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne, à l'antenne de RT France, dans le journal télévisé de 21h du 13 août 2018.
Le 17 juillet 2018, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) et le Forum coréen international ont co-organisé une conférence-débat à Paris à la veille du 65e anniversaire de la signature de l'accord d'armistice de 1953 qui a mis fin aux combats de la guerre de Corée (mais pas à la guerre elle-même). dans un contexte nouveau marqué notamment par les sommets intercoréens des 27 avril et 26 mai 2018 à Panmunjom et le sommet Etats-Unis-Corée du Nord du 12 juin 2018 à Singapour. Trois mois et demi après la conférence organisée à la Bourse du travail de Paris, le 29 mars 2018, entre l'AAFC, l'association Droit Solidarité (membre de l'Association internationale des juristes démocrates), le Mouvement de la Paix et l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC), l'urgence est de favoriser la paix, la dénucléarisation et un système de sécurité collective en Corée.
Stephen Cho, animateur du Forum coréen international, et Benoît Quennedey, président de l'AAFC
En ouverture de la conférence, Benoît Quennedey, président de l'AAFC, a rappelé que cette manifestation s'inscrivait dans les activités traditionnelles de l'Association à l'occasion du mois de solidarité avec le peuple coréen, entre le 25 juin (date du déclenchement de la guerre de Corée en 1950) et le 27 juillet (date de la signature de l'accord d'armistice en 1953). Puis il a donné la parole à Stephen Cho, animateur du Forum coréen international.
Stephen Cho a établi le lien entre l'histoire récente de la péninsule coréenne et les développements récents de l'actualité. Il a rendu hommage à Roland Weyl, qui était assis au premier rang des participants, sur la nécessité de faire respecter le droit international, bafoué lors de la guerre de Corée qui a été une opération de police diligentée par les Etats-Unis, et d'établir un système de paix plus qu'un traité de paix lui-même - le conflit en Corée n'ayant pas été formellement une guerre. Les termes "régime de paix" figurent d'ailleurs explicitement dans la déclaration signée à Singapour le 12 juin 2018 entre les présidents Donald Trump et Kim jong-un.
Il a souligné que le conflit militaire entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'était déplacé sur le terrain diplomatique, en observant que les conditions de ce changement avaient été préparées dès la fin de l'année 2017 par des échanges directs entre Américains et Nord-Coréens. La situation actuelle présente de nombreux points communs avec de précédents cycles de tensions et de négociations, notamment la période 1993-1994, avec cette différence majeure qu'en 2017-2018 le gouvernement sud-coréen du démocrate Moon Jae-in avait joué un rôle de relai et de facilitateur. Cependant, si les Nord-Coréens ont multiplié les gestes de bonne volonté (depuis la destruction du site d'essais nucléaires de Punggye-ri jusqu'à la suspension de leurs tirs de missiles balistiques et d'essais nucléaires), les Américains ont été beaucoup plus réticents à s'engager - n'ayant concédé, et tardivement, que la suspension de leurs manoeuvres militaires au large de la Corée, tandis que les "faucon" (John Bolton en tête) s'agitent pour faire échouer le processus de dialogue en rajoutant de nouvelles exigences. C'est pourquoi les autorités nord-coréennes ont pu dénoncer les "méthodes de gangster" de Washington lors de la dernière visite à Pyongyang de Mike Pompeo, après le sommet de Singapour, faute d'engagement concret des Etats-Unis quant aux garanties de sécurité qu'ils apporteraient à Pyongyang en contrepartie de sa dénucléarisation.
Dans ce contexte, Stephen Cho a souligné le rôle dévolu aux militants progressistes sud-coréens, et plus largement aux forces progressistes concernant la situation en Corée : garantir la souveraineté du peuple coréen, qui passe par le retrait des bases américaines de Corée, lutter contre le capitalisme prévaricateur des conglomérats (les chaebols), et poursuivre la lutte pour les libertés démocratiques et les droits sociaux - les mesures réformistes accordées par le gouvernement sud-coréen étant le fruit des luttes de tout le peuple coréen (y compris les capitalistes nationaux) pour contenir la force du mouvement progressiste, qui constitue une force révolutionnaire.
Le 16 juillet 2018, la Filmothèque du Quartier Latin - qui avait déjà proposé en novembre 2008 une des plus importantes rétrospectives du cinéma (sud-)coréen en France - a organisé une projection-débat de JSA de Park Chan-wook, suivie d'un débat animé par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne. Le premier long métrage qui a véritablement fait connaître Park Chan-wook - sorti en salles en Corée en 2000 - a dû attendre juin 2018 pour être projeté en salle dans notre pays (hormis des projections plus ponctuelles dans le cadre de festivals). Un chef d'oeuvre à découvrir ou à redécouvrir.
En réalisant JSA - récit d'une improbable fraternisation entre soldats sud et nord-coréens le long de la zone démilitarisée (mais qui se terminera par un affrontement mortel, qui servira de trame au thriller qui caractérise toute la première partie du film) - Park Chan-wook a opéré un tournant dans la représentation des Nord-Coréens dans le cinéma sud-coréen : ayant fait le choix de s'intéresser aux hommes et non aux systèmes politiques, il a humanisé les traits des Nord-Coréens, qui se démarquent (enfin) des brutes épaisses, assommées par l'idéologie, que l'on retrouve dans tant d'autres films sud-coréens de l'époque (ou antérieurs) consacrés aux relations Nord-Sud. Il est vrai également que l'élection du Sud-Coréen Kim Dae-jung à la présidence de la République en Corée du Sud, en 1998, a permis d'engager un rapprochement Nord-Sud qui a desserré l'étau de la censure, héritée de l'époque de la junte militaire. Park Chan-wook reconnaît lui-même qu'il n'aurait pas pu tourner ce film, qui a connu un immense succès en salles en Corée du Sud, dix ans plus tôt.
Les héritages de Quentin Taratino et du film noir américain sont très prégnants dans ce long métrage palpitant, qui brosse avec subtilité les portraits de personnages complexes, loin des héros positifs qui peuplent la création artistique - commune à l'ensemble de la Corée - où l'artiste se doit avant tout d'être pédagogue et éducateur. Non que le film soit exempt d'un message que l'on considèrera comme politique (d'ailleurs, les seuls véritables héros, si l'on veut en trouver, sont un sergent nord-coréen et une Suissesse d'origine coréenne qui découvre qu'elle est la fille d'un général nord-coréen, ce qui est en soi une révolution conceptuelle), mais Park Chan-wook s'est intéressé à la beauté de la fraternisation entre Coréens du Nord et du Sud, dans une ode à la réconciliation et à la réunification qui résonnait fortement, après le premier sommet intercoréen du 15 juin 2000, et qui a - à ce titre - marqué des générations de Sud-Coréens dans leurs représentations des "frères ennemis" du Nord. A cet égard, le réalisme est servi par une série de références historiques exactes.
Le débat qui a suivi la projection a aussi mis en avant d'autres traits originaux du film : une représentation de la femme émancipée sous les traits de l'inspectrice suisse, un message homosexuel peu évident à nos yeux mais qui a soulevé l'intérêt de la critique française en 2018, et plus nettement une critique de l'institution militaire sud-coréenne au moment où la fin annoncée de la criminalisation des objecteurs de conscience en Corée du Sud rappelle que le service militaire reste un instrument privilégié du bourrage de crâne anti-Corée du Nord dans la très conservatrice société sud-coréenne.