L'informaticien et chercheur Maurice Nivat est décédé le 21 septembre 2017, à l'âge de 79 ans. Celui qui avait été un des pères - sinon le père - de l'informatique française avait aussi rejoint l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), à la suite des coopérations entre la France et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) que nous avions initiées dans le domaine des mathématiques. Nous saluons sa mémoire, en présentant nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses collègues et ses proches.
Normalien ayant découvert dès 1959 ce qui allait devenir l'informatique à l'Institut Blaise Pascal, membre de l'Académie des sciences à partir de 1983, Maurive Nivat avait apporté une contribution essentielle à l'informatique théorique, au sein de l'IRIA (devenu l'INRIA), des universités Paris VI et Paris VII en travaillant sur la programmation en informatique, aux côtés notamment de Marcel-Paul Schützenberger, son père spirituel, psychiatre et médecin de formation, ayant découvert les mathématiques pour tromper son ennui lors d'une campagne de vaccination de l'OMS en Indonésie. Marcel-Paul Schützenberger avait dirigé la thèse d'Etat en mathématiques de Maurice Nivat, présentée en 1967, consacrée aux transductions des langages mathématiques de Chomsky. Toujours avec Marcel-Paul Schützenberger, il avait été à l'origine de l'Association européenne d'informatique théorique (acronyme anglais : EATCS).
Maurice Nivat avait ainsi créé en 1975 et co-dirigé jusqu'en 1985 le laboratoire d'Informatique Théorique et de Programmation des universités Paris VII et VI. Egalement fondateur de la revue Theoretical Computer Science (TCS) et des Ecoles de printemps d'informatique théorique, il avait milité pour que l'informatique constitue une science à part entière.
Il racontait ainsi comment il avait commencé la théorie de la programmation :
Il nous a fallu environ dix ans, entre 1960 et 1970, pour comprendre ce qu'étaient les langages de programmation, apprendre à les compiler, les traduire. Cela peut paraître long mais il faut se replacer dans le contexte de l'époque, des machines à calculer programmées en langage machine - on ne parlait pas encore d'ordinateurs mais de machines (ou « bécanes »), ni d'informatique mais de calcul automatique – , des cartes perforées, où toute erreur de poinçonnage se payait au prix de la vérification de la totalité des cartes.
Dans la période récente, il avait dénoncé les lacunes de l'enseignement et de la recherche en informatique en France :
On nous commente avec emphase les succès d'Ariane ou du TGV... mais les princes qui nous gouvernent ont abandonné l'informatique, pourtant clé de ces succès. Je ne comprends toujours pas pourquoi. Aux États-Unis, l'informatique est l'enjeu du moment, le bouillonnement d'idées y est relayé, financé par les agences fédérales, par les banques... Cette émulation n'existe pas en France : le logiciel n'est pas pris au sérieux, les financements ne sont pas octroyés au bon moment, on finance la création de start-up prometteuses mais ensuite, on ne leur donne pas les moyens de leur développement (...) Les chercheurs en informatique font les frais de l'absence de champ d'application de leurs recherches en France et en Europe, toutes deux dénuées d'industrie informatique, ajoute t-il. C'était criant, en octobre 2007, lors de la première demi-journée consacrée à l'informatique à l'Académie des sciences : nous y avons entendu des exposés brillants mais tellement éloignés de l'informatique réelle, de ce que font les machines.
L'AAFC salue la mémoire d'un humaniste visionnaire, engagé, passionné et passionnant.
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Maurice Nivat : une vision à long terme de la recherche en informatique
Maurice Nivat, un des pères de l'informatique théorique, reste fasciné par les mathématiques et la révolution conceptuelle à laquelle il a participé en élargissant leur champ d'application ...