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25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 21:37

Les 18 et 19 janvier 2023, des raids policiers ont visé les locaux de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais, KCTU) et du Syndicat coréen de la santé et des travailleurs médicaux. Alors que la liberté syndicale n'a été consacrée en République de Corée (Corée du Sud) que tardivement, la KCTU n'ayant été autorisée qu'après l'entrée de la Corée du Sud à l'OCDE en 1997, les atteintes à la liberté syndicale restent trop nombreuses, tout particulièrement lorsque les conservateurs sont au pouvoir à Séoul : à l'AAFC, nous avions déjà dénoncé un raid policier au siège de la KCTU en novembre 2015, alors que le président de la KCTU Han Sang-gyun était arrêté en décembre 2015 pour "sédition" (sic). Nous avions aussi relayé en 2014 l'appel d'Amnesty international à la libération de Kim Jeong-woo. Toujours solidaires du combat des syndicalistes coréens pour la justice sociale et la liberté, nous reproduisons ci-après, traduit de l'anglais, un article publié par la Confédération syndicale internationale (CSI), à laquelle est affiliée la KCTU, sur les raids policiers des 18 et 19 janvier 2023.

Photo KCTU

Photo KCTU

Corée du Sud : les raids du Gouvernement contre les syndicats sont des attaques contre la démocratie

La CSI condamne les raids contre les locaux de syndicats coréens par les services de renseignement comme une attaque ouverte contre la démocratie et le mouvement du travail.

Les bureaux de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et du Syndicat coréen de la santé et des travailleurs médicaux (KHMU) ont été ciblés par l'agence de renseignement sud-coréenne tôt dans la journée du 18 janvier. Selon les comptes rendus des médias, les raids se sont poursuivis le 19 janvier alors que la police ciblait les syndicats de la construction affiliés à la KCTU et à la Fédération des syndicats coréens (KFTU) [Note de la traduction : la KFTU est le plus ancien syndicat coréen, autorisé antérieurement à la KCTU, de tradition réformiste].

Dans une déclaration, la KHMU a dit que les forces gouvernementales avaient fouillé ses bureaux pendant plusieurs heures malgré son intention de coopérer : "Nous condamnons fermement la suppression du mouvement du travail par la sécurité publique. Nous allons combattre fermement contre cela... Nous ne cèderons jamais à la campagne de sécurité publique ciblée du Gouvernement".

Le secrétaire général adjoint de la CSI, Owen Tudor, a dénoncé les raids : "Nous soutenons fermement le mouvement du travail coréen face à cette agression ouverte et cette intimidation du Gouvernement.

C'est une attaque honteuse contre les syndicats et, en tant que telle, une attaque contre la démocratie en Corée du Sud. En tant que membre de l'OIT, le gouvernement coréen a le devoir de respecter les normes de l'OIT sur la liberté d'association. Cela implique de respecter les droits humains et les droits syndicaux et garantir que les syndicats puissent fonctionner à l'abri de la peur et de la persécution.

Les syndicats en Corée du Sud peuvent être fiers de leur histoire de lutte pour la justice sociale et de leurs victoires pour les travailleurs. Je sais qu'ils ne seront pas réduits au silence, qu'ils continueront leur travail malgré les intimidations, et qu'ils peuvent compter sur le soutien et la solidarité de toute la CSI.
"

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement coréen réprime les syndicats. En 2021, le président de la KCTU avait été arrêté et en décembre les policiers avaient tenté de mener un raid contre les locaux syndicaux pour briser une grève des camionneurs.

Traduction de l'anglais de l'article publié le 20 janvier 2023 sur le site de la CSI : 

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27 décembre 2022 2 27 /12 /décembre /2022 12:53

Disparu le 25 décembre 2022, Cho Se-hui était né le 20 août 1942 à Gapyeong, dans la province de Gyeonggi. L'un des auteurs coréens les plus lus, il a été traduit et publié en France par Actes Sud.  Son oeuvre la plus connue, La petite balle lancée par un Nain, relève du genre littéraire du soseol yeonjak, recueil de nouvelles indépendantes écrites à la fin des années 1970 et qui décrivent l'envers du miracle économique (dont témoigne également le suicide en 1970 de Jeon Tae-il) sud-coréen en s'inscrivant dans une veine réaliste. Il a reçu en 1979 le prix Dong-in pour La petite balle lancée par un Nain, racontant la vie du nain Kim Puli et de sa famille, qui exercent des métiers précaires les usant physiquement et mentalement, et expulsés du fait de la reconstruction du quartier où ils vivent à Séoul.  Interrogé par le journaliste du Monde Philippe Pons en 1995, il soulignait le rôle social de l'écrivain en préférant se définir comme un  témoin engagé dans la peinture des souffrances sociales : « Vous voulez écrire un article sur un romancier mais je ne me suis jamais considéré comme un écrivain. C'est la souffrance qu'inflige cette société qui me pousse à écrire, à témoigner : une responsabilité de citoyen en quelque sorte. » Nous reproduisons ci-après un extrait de son roman Le Nain, publié en septembre 1995 par Le Monde diplomatique.

Disparition de Cho Se-hui, un géant de la littérature coréenne

Bien que nous travaillions dans la même usine, nous ne nous rencontrions jamais. Tous les ouvriers travaillaient de façon isolée. Les dirigeants vérifiaient et prenaient note de la qualité et de la quantité de production de chacun. Ils nous disaient de manger en dix minutes et d’utiliser les vingt minutes restantes à taper dans un ballon. Nous allions sur un petit terrain pour frapper comme des sourds dans une balle. Sans pouvoir nous mêler vraiment les uns aux autres, nous n’arrivions qu’à suer un bon coup. Nous travaillions sans répit. L’usine ne faisait que nous demander. Nous travaillions jusqu’à la nuit dans une atmosphère épaisse et un bruit assourdissant. Bien sûr, nous ne mourions pas sur place, mais la combinaison des conditions de travail sordides, de la quantité de sueur dépensée et du dérisoire de notre paie mettait nos nerfs à vif.  En conséquence, ceux d’entre nous qui étaient encore jeunes voyaient leur croissance retardée. Les intérêts de la société étaient toujours contraires aux nôtres. Le président parlait sans cesse de « dépression ». Lui et ses hommes utilisaient cette « dépression » pour mettre en place leur exploitation. Le reste du temps, il parlait des grandes richesses qu’eux et nous, les ouvriers, allions créer en travaillant dur. Le genre d’espoirs dont il parlait n’avait aucun sens pour nous. À la place de ces espoirs, nous aurions espéré des navets séchés bien assaisonnés sur la table de la cantine. Rien ne changeait. Tout empirait. Au lieu de deux promotions par an, qui étaient la règle, nous n’en avions plus qu’une. La prime de nuit a été considérablement baissée. Ils ont licencié quelques ouvriers. Le travail des autres a été alourdi d’autant et les heures allongées. Le jour de paie en particulier, nous faisions attention à ce que nous disions. Il n’était pas possible de se faire confiance les uns les autres. Ceux qui se plaignaient des conditions injustes étaient chassés tranquillement. Mais par ailleurs la dimension de l’usine croissait. Ils ont installé des rotatives, des plieuses automatiques et des presses offset. Le patron a déclaré que la société faisait face à une crise. Il disait que si nous perdions la compétition contre nos concurrents, il faudrait fermer les portes. C’était cela que nous craignions le plus. Le patron et ses hommes le savaient.

Source : 

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 19:33

Le 21 novembre 2018, à l'appel de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais : KCTU) les travailleurs se sont mis en grève générale et des rassemblements ont réuni des dizaines de milliers de participants à Séoul et dans 13 autres villes sud-coréennes. Si le motif initial de la mobilisation était la tenue par le Président Moon Jae-in de son engagement de ratifier les conventions de l'OIT, ce sont les menaces sur ses autres promesses - de réduction du temps du travail et d'augmentation du salaire minimal - qui ont constitué le ferment de la mobilisation. 

Rassemblement le 21 novembre 2018 à l'appel de la KCTU

Rassemblement le 21 novembre 2018 à l'appel de la KCTU

Le récent changement de ministre chargé de l'Economie, ainsi que de conseiller présidentiel chargé de ces questions, n'en finit pas de soulever des interrogations au sein de l'opinion sud-coréenne. Le Président Moon Jae-in est-il en train de se rallier à la doxa néolibérale, et d'observer un tournant dans sa politique économique et sociale ? 

Le 5 novembre 2018, le Président Moon Jae-in annonçait, lors d'une rencontre avec les représentants des cinq principaux partis politiques, son accord pour élargir la durée annuelle de la période de "flexibilité" (aujourd'hui limitée à trois mois) qui permet de moduler la durée hebdomadaire de travail pour ajuster la production à la demande sans embauches supplémentaires. Le patronat a tout particulièrement recours à ce dispositif dans les secteurs où la demande obéit à de fortes variations saisonnières (par exemple, la production de climatiseurs) ou est corrélée au lancement de nouveaux produits (comme pour les téléphones portables). Une telle mesure tend à vider de son contenu les décisions prises sur la limitation de la durée hebdomadaire du travail à 52 heures - qui ne sont d'ailleurs pas entièrement entrées en vigueur, compte tenu d'un délai mis en place pour l'application des sanctions. L'allongement de 3 à 6 mois de la durée annuelle de la flexibilité entraînerait, pour un ouvrier payé 10 000 won par heure (soit environ 7,8 euros), une perte de salaire estimée entre 7 % (par la centrale syndicale KFTU) et 18 % (par la KCTU). Les organisations syndicales rappellent que la durée du travail en République de Corée est la deuxième plus longue parmi les Etats membres de l'OCDE (après le Mexique), et est responsable de morts au travail par surmenage.

La diminution du temps de travail était l'un des points-phares du programme économique du Président Moon Jae-in lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle ; la mesure devait selon lui entraîner la création d'un demi-million d'emplois.

Le 21 novembre 2018, la KCTU a aussi rappelé le Président Moon à une de ses promesses : porter le salaire minimum horaire de 7 730 won (soit 5,9 euros) à 10 000 won (soit 7,8 euros) en deux ans et demi. Or la hausse déjà réalisée de 16 % a soulevé une levée de boucliers des milieux patronaux soutenus par la droite.

Le Président Moon Jae-in a répondu à la journée d'action du 21 novembre 2018 en appelant à la recherche du "consensus", lors de la mise en place le 22 novembre 2018 d'un Conseil économique, social et de l'emploi (CESE), qui correspond à l'élargissement d'une ancienne commission tripartite (syndicats, patronat, Gouvernement) à d'autres composantes sociales, avec une meilleure représentation des jeunes, des femmes travailleuses, des PME et des travailleurs indépendants, et en s'engageant à ce que le Gouvernement ne joue qu'un rôle d'arbitrage.

La KCTU a boycotté la séance inaugurale du CESE, traduisant le divorce grandissant entre le Président de la République (démocrate, centriste) et la gauche.

Sources : 

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2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 21:22

Le 27 février 2018, la commission du travail et de l'environnement de la République de Corée (Corée du Sud) a réduit la durée maximale hebdomadaire de travail de 68 heures à 52 heures, dans le cadre d'un accord entre la majorité progressiste et l'opposition conservatrice. Les discussions ont notamment porté sur le taux de majoration des heures supplémentaires, alors que la durée annuelle de travail en Corée du Sud est l'une des plus élevée parmi les pays industrialisés membres de l'OCDE (en 2016, 2 069 heures par an, contre 1 763 heures en moyenne dans l'OCDE). 

La Corée du Sud réduit le temps de travail

L'accord trouvé au Parlement le 27 février 2018 permet au Président Moon Jae-in d'honorer l'une de ses promesses de campagne : réduire la durée du travail pour laisser plus de temps libre aux salariés, mais aussi engager un processus de partage du temps de travail en augmentant les embauches dans une économie en phase de ralentissement (selon certaines estimations, la mesure créerait entre 600 000 et 700 000 emplois). D'autres effets positifs sont escomptés - comme relancer le taux de natalité, l'un des plus bas au monde (en moyenne, 1,2 enfant par femme), mais en ce domaine d'autres mesures joueront un effet plus décisif (en particulier, la réduction des frais - très élevés - liés à l'éducation, et la mise en place d'un système de protection sociale plus ambitieux dans le cadre d'une politique nataliste). 

Dans le droit actuel, la durée hebdomadaire de travail est de 40 heures, auxquelles peuvent s'ajouter 12 heures supplémentaires et 16 heures de travail le week-end, soit 68 heures. Désormais, les heures de week-end seront incluses dans le total des heures supplémentaires, soit une durée maximale de travail de 52 heures.

Par ailleurs, le jour de la Libération (le 15 août) et la fête nationale de l'Indépendance (le 1er mars) deviennent des jours fériés payés.

La nouvelle réglementation entrera progressivement en vigueur : à compter de juillet 2018 pour les entreprises comptant au moins 300 salariés, de janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 299 salariés et de juillet 2021 pour les entreprises de moins de 50 salariés. Cinq secteurs (contre vingt-six auparavant) pourront déroger à la durée légale : les transports et la santé. 

La réforme a soulevé des critiques, tant à gauche qu'à droite. A gauche, les syndicats demandaient que la majoration des heures supplémentaires soit de 100 %, et non - comme voté - de 50 % pour les 8 premières heures et de 100 % pour les 4 heures suivantes. Le régime actuel de majorations étant plus favorable, il en résultera des baisses de salaires. A droite, il est mis en avant la corrélation de cette mesure avec l'augmentation du salaire minimum de 16,4 % intervenue le 1er janvier 2018 : la hausse du coût du travail et les conséquences de la baisse du temps de travail en termes d'embauche sont dénoncées comme des entraves à la compétitivité des entreprises.

Sources : 

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29 mars 2017 3 29 /03 /mars /2017 13:04

Le gouvernement sud-coréen s’apprête à renflouer une nouvelle fois les chantiers navals Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering à hauteur de 2,4 milliards d’euros. La baisse du prix du pétrole et le ralentissement de l’économie mondiale frappent de plein fouet la construction navale qui fut l’un des fers de lance du développement économique du pays qui s’est imposé dans les années 1990 au second rang mondial après le Japon, avant de le supplanter à son tour puis de perdre sa domination mondiale en étant à son tour détrôné par la Chine. Un nombre important d’emplois sont en jeu dans une crise dont les retentissements sont perceptibles jusqu’en France avec le feuilleton de la reprise des chantiers STX de Saint-Nazaire.

Les chantiers navals de Daewoo sur l’île de Geoje

Les chantiers navals de Daewoo sur l’île de Geoje

L’économie sud-coréenne a connu une croissance impressionnante sous le régime autoritaire du Général Park Chung-hee, Président de la République de 1961 à 1979, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat militaire. Ce dernier a opté pour un développement planifié sous la forme de plans quinquennaux à travers une forte proximité entre le milieu des affaires et le milieu politique.


En 1967, au cœur du deuxième de ces plans, la construction navale a été considérée comme constituant l’un des principaux moteurs de la croissance future.

 

Ainsi, en partant de zéro dans ce secteur, les différents conglomérats, qui bénéficiaient de relations privilégiées avec le pouvoir, se sont lancés avec un remarquable succès dans la construction navale, tel Hyundai qui avec son fondateur Chung Ju-yung deviendra le leader du secteur quelques années plus tard.

 

De nos jours, les trois premiers constructeurs mondiaux sont coréens - Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering, Hyundai Heavy Industries et Samsung Heavy Industries – mais leur suprématie est remise en cause par trois principaux facteurs

 

- la concurrence à bas coût venue de la Chine ;
- le ralentissement de l’économie mondiale ;
- le faible prix du pétrole.

 

Ces trois entreprises ont perdu ensemble 4,9 milliards de dollars en 2015, après des pertes qui s’élevaient déjà à 2,5 milliards de dollars en 2014.

 

Compte tenu de ces dettes considérables (tout particulièrement en ce qui concerne Daewoo), le gouvernement de Séoul n’a eu de cesse de renflouer ces sociétés selon le dicton américain bien connu du « Too big to fail » (« trop important pour tomber »)

 

En effet, les enjeux économiques et sociaux sont colossaux, on parle de 50 000 emplois détruits en cas de faillite du seul Daewoo Shipbuilding sans compter les conséquences qui s’ensuivraient pour les quelque 1 300 sous-traitants.

 

« Les constructeurs navals sud-coréens sont ceux que l’on appelle communément les industries cheminées, qui sont de grande taille, emploient de nombreuses personnes avec des syndicats puissants et doivent beaucoup d’argent aux banques » indique l’économiste Oh Suk-tae. « Le gouvernement sud-coréen ne peut tout simplement pas les laisser couler à cause de leur importance politique, peu importe l’argent que cela coûtera pour les sauver », ajoute-t-il.

 

La situation serait susceptible de s’améliorer selon l’analyste Choi Jae-hyung si les prévisions de hausse du prix du baril de brut au-delà de 60 dollars se réalisaient. Il nous prévient cependant que l’âge d’or de la construction navale coréenne est terminé.

Selon lui, « même si la tendance du marché se retourne, il est difficile d’envisager de revivre les jours glorieux de ce secteur ».

 

Daewoo Shipbuilding, Hyundai Heavy et Samsung Heavy devraient réduire leurs effectifs de 16 000 personnes en 2018.

 

Pour limiter les conséquences au niveau de l’emploi et participer au regain de compétitivité de l’entreprise, les salariés de Daewoo Shipbuilding ont accepté de diminuer leurs salaires : « La direction nous a récemment informé d’une baisse de 10% des salaires, et nous avons conscience que cette demande est raisonnable » a déclaré le principal syndicat de l’entreprise. « Nous voulons qu’il soit établi que le syndicat souhaite discuter avec la direction pour arriver à un compromis satisfaisant », dit-il, proposant la mise en place d’un conseil composé de quatre parties : les syndicats, la direction, le gouvernement et les créanciers.

 

La création de ce conseil afin de partager le fardeau est selon le syndicat la seule alternative existante si jamais les créanciers décidaient d’exécuter leurs projets sans le consentement des travailleurs.« Nous savons que le fait de verser continuellement l’argent des contribuables dans Daewoo Shipbuilding est l’objet de critiques et nous les trouvons légitimes. Cependant, un nombre considérable de travailleurs a déjà quitté l’entreprise et ceux qui restent ont vu leurs salaires ainsi que leurs conditions de travail se détériorer », avance-t-il.

Evolution des commandes (à gauche) et évolution des prix (à droite).Evolution des commandes (à gauche) et évolution des prix (à droite).

Evolution des commandes (à gauche) et évolution des prix (à droite).

La Corée du Sud semble devoir se trouver un nouveau modèle, les recettes qui ont fait ses éblouissants succès économiques ne fonctionnant plus aussi bien que par le passé. Les différents conglomérats, jadis tout puissants, sont sous le feu des critiques pour leurs échecs commerciaux et leur collusion avec les élites politiques du pays. La présidente Park Geun-hye, qui représentait pour certains un retour à l’ordre ancien de son père, est maintenant destituée et sous la menace d’une mise en examen imminente.

Ce qui était accepté par le peuple par nécessité de sortir de la pauvreté dans les années du régime militaire est désormais considéré comme intolérable dans une société qui revendique une nouvelle façon de vivre sa modernité.

 

Sources :

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14 février 2017 2 14 /02 /février /2017 13:07

Le 30 janvier 2017, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) et le Pôle de renaissance communiste en France (PRCF) ont coorganisé une conférence à Grenoble, sur le thème "Mouvement social en Corée du Sud, agressions impérialistes contre la Corée du Nord". Nous publions ci-après un compte rendu de cette conférence et deux vidéos présentant les interventions des conférenciers, publiées sur le compte Youtube du PRCF.

Présentation par Jin Yong-ha, responsable du Comité des Travailleurs du Parti Démocratique et Populaire (Corée du Sud)

1-Contexte historique

La situation en Corée est très mal connue en France. Pour connaître la situation en Corée, il faut connaître son histoire. La Corée est un petit pays entouré de grandes puissances qui a dû sans cesse lutter pour conserver son indépendance. La politique isolationniste poursuivie jusqu'en 1910 a empêché l'industrialisation du pays et l'a rendu vulnérable à l'invasion japonaise.
L'occupation japonaise se poursuivit de 1910 à 1945 avec pour objectif l'anéantissement de la culture coréenne et de sa langue. Lorsque les Américains occupèrent ensuite le sud de la péninsule, ils donnèrent à la Corée du Sud une apparence d'indépendance tout en mettant à la tête de l'Etat sud-coréen les anciens dirigeants de la collaboration avec les Japonais.
Cela conduisit à une révolte très forte des Coréens du sud et à la formation du Comité national des travailleurs de Corée. Ce syndicat appela à la grève générale puis fut dissout par l'Etat sud-coréen pour être remplacé par des syndicats jaunes.
Une dictature militaire perdura des années 1960 jusqu'à la fin des années 1980.

Un événement important fut l'immolation par le feu du jeune travailleur Jon Tae-Il en 1970 qui marqua le mouvement de résistance à  la dictature. En juillet-septembre 1987, une série de grèves eut pour revendication la création d'un syndicat démocratique. Celle-ci fut effective avec la création de la Confédération Générale des Syndicats (KCTU) en 1995.
De ce syndicat naquit le Parti Progressiste unifié en 2000. Il y a en Corée moins de distance entre parti et syndicat démocratique qu'en France.

2-Actualité

Le mandat du président sud-coréen  est de 5 ans. La présidence actuelle Park Geun-hye est la prolongation de la présidence réactionnaire précédente avec Lee Myung-bak.
La présidence de Lee Myung-bak fut entachée entre autres par le lancement du projet d'aménagement des quatre fleuves à  la fois inutile et dangereux pour l'environnement. 2009 fut une année d'importantes répressions contre les travailleurs avec l'interdiction du syndicat des fonctionnaires alors que le droit de se syndiquer est reconnu par la Constitution sud-coréenne.
La présidence Park Geun-hye a commencé en décembre 2012 suite à des fraudes électorales massives.
En décembre 2014, le Parti progressiste unifié fut interdit suite à l'affirmation mensongère selon laquelle il aurait préparé un coup d'Etat avec le soutien de la Corée du Nord. Ceci montre le caractère fascisant de la présidence Park Geun-hye. Il y eut également le scandale du naufrage du Sewol avec 300 enfants morts en avril 2014, scandale qui ne fut jamais éclairci. Des mesures de répression furent prises contre les parents des victimes et les militants pour la vérité sur le naufrage, avec des arrestations et gardes à  vue arbitraires de plusieurs jours.
En 2013, le siège de la KCTU fut perquisitionné et son dirigeant arrêté et condamné à  7 ans de prison ferme. L'Organisation internationale du travail émit des protestations. Les demandes de création de syndicats de fonctionnaires furent rejetées et le syndicat des enseignants interdit.
Il faut savoir que la Corée du Sud a 10 millions de travailleurs précaires et trois millions de chômeurs pour 50 millions d'habitant et n'a pas de système complet de sécurité sociale. Participer aux luttes sociales et syndicales en Corée du Sud mène très souvent en prison.
La répression est particulièrement forte dans les grandes entreprises comme Samsung et Hyundai, dont le poids économique est écrasant. A Hyundai, il y a deux fois pus de travailleurs précaires que de travailleurs permanents.
A Samsung, les syndicats sont interdits. Il y a eu récemment une tournée européenne des syndicalistes (illégaux) de Samsung. Un problème grave est notamment l'exposition des travailleurs à  des substances toxiques qui ont causé au moins 80 leucémies mortelles.
A cela s'ajoutent d'autres problèmes comme ceux de la dette étudiante.
En conclusion, la résistance est forte au sein du peuple de Corée du Sud, et porteuse d'espoir pour l'avenir.

Présentation sur la Corée du Nord et l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) par Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération

La Corée du Nord est l'objet de tous les fantasmes. Toute personne portant un autre regard que celui des médias dominants sur la Corée du Nord sera facilement qualifiée de "suppôt du régime". L'image négative la Corée du Nord en Occident est largement fabriquée par les services secrets sud-coréens et américains, alors que les Etats-Unis stationnent près de 30 000 soldats dans la péninsule coréenne. Ceci s'explique notamment par son système économique capitaliste, sa position géostratégique entourée de grandes puissances et ses capacités technologiques puisque la Corée du Nord est un des quelque 10 pays au monde capables de lancer un satellite dans l'espace.

Les Nord-Coréens ne prétendent pas être un modèle. La culture politique locale est très marquée par le confucianisme. Il s'agit d'une adaptation locale des démocraties populaires.

L'Association d'amitié franco-coréenne considère le dialogue avec la Corée du Nord nécessaire comme avec tout pays différent du nôtre. Dès sa fondation en 1969, l'AAFC ne comporta pas que des communistes mais aussi des socialistes, des gaullistes de gauche ou encore des chrétiens progressistes.

Le destin des deux Corée est lié malgré la division. Comme l'a montré la succession d'une phase de démocratisation de la Corée du Sud en 1998-2008 et de dialogue avec le Nord, suivie d'une phase autoritaire et de fermeture du dialogue avec la Corée du Nord, le combat social en Corée du Sud et le combat pour la paix et la réunification en Corée sont liés.

L'AAFC n'a pas pour but défendre en bloc un gouvernement qui ne prétend pas exporter son modèle, mais de donner des clés pour mieux comprendre la situation en Corée. La situation française est particulière puisqu'il s'agit du seul pays européen avec l'Estonie qui n'a pas établi de relations diplomatiques complètes avec la République populaire démocratique de Corée. L'AAFC ne s'intéresse pas seulement au Nord mais aussi au Sud de la péninsule, d'où sa contribution à la fondation du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud.

La question est souvent posée de savoir si la Corée du Nord est un pays socialiste. Le socialisme est un concept qui prend dans la réalité des formes diverses. On retrouve en Corée du Nord les caractéristiques essentielles du socialisme développé dans les démocraties populaires, avec notamment la propriété collective des grands moyens de productions, le système de santé et d'éducation gratuits, les logements à  prix modiques. Cependant, la Corée du Nord ne se reconnaît plus dans le marxisme-léninisme mais dans une idéologie qui lui est propre, les idées du Juche

La Corée du Nord a été fondée par des résistants à l'occupation japonaise, et la menace impérialiste permanente l'a amenée à maintenir une certaine opacité des mécanismes décisionnels au sommet de l'exécutif comme il est d'usage dans tous les réseaux de résistance. On notera cependant que le pouvoir à la base est exercé par les cellules du Parti du travail de Corée, qui fait remonter ses décisions, informations et opinions en haut de la pyramide.

Lors des années 1990, la Corée du Nord a perdu subitement la plupart de ses partenariats commerciaux. De plus la perte d'accès au pétrole soviétique à des conditions préférentielles cumulé avec de graves inondations ont considérablement mis à mal l'agriculture nord-coréenne jusqu'alors assez fortement mécanisée. Cette situation a conduit à un certain nombre de réformes marquées par la légalisation et la généralisation des marchés de surplus agricoles, la monétarisation de l'économie et une autonomisation de gestion des entreprises.

Le programme nucléaire nord-coréen prend son origine dans son manque de confiance dans ses alliés qui s'avèrera ensuite justifié dans les années 1990. Les dirigeants nord-coréens furent d'avis que seule la dissuasion nucléaire pouvait protéger leur pays d'une invasion des Etats-Unis, et furent confortés dans cette opinion par l'invasion de l'Irak, de l'Afghanistan, de la Libye... La Corée du Nord se voit ainsi, non sans raisons, comme un Etat guérilla en permanence menacé.

 

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22 décembre 2016 4 22 /12 /décembre /2016 21:02

Du 2 au 18 décembre 2016, des ouvriers sud-coréens du groupe Samsung et des membres de leurs familles ont visité l'Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, Suisse) pour dénoncer les conditions de travail au sein du conglomérat. Le 14 décembre 2016, ils ont donné une conférence à Grenoble, à l'initiative du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD) et de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), avec le soutien du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) et du Comité internationaliste pour la solidarité de classe (CISC) qui remercient chaleureusement les organisateurs de cette rencontre - la CGT Métallurgie Isère, l'Union Locale CGT Grenoble, les salariés Ecopla et Fakir - pour l'audience importante de cette conférence suite à l'invitation qu'ils ont donnée aux travailleurs de Samsung. Nous publierons ci-après le compte rendu de cette conférence, qui reprend en partie un article déjà publié sur le site du CILD.
 

Grand succès de la conférence du Syndicat Général de Samsung à Grenoble
Le 14 décembre 2016, les syndicalistes sud-coréens du Syndicat Général de Samsung en tournée en Europe sont passés par Grenoble pour y donner une conférence.

Grâce à l'appui de la CGT métallurgie Isère, ils ont pu s'exprimer juste avant la réunion "Alu Debout" organisée en coopération avec Fakir en soutien aux salariés d'Ecopla. Ceci a permis de faire connaître leur combat auprès de plusieurs centaines de personnes. Ce fut également l'occasion d'établir des contacts avec des syndicalistes du bassin grenoblois, qui abrite une importante industrie de la microélectronique.

Les syndicalistes ont d'abord commencé par entonner leur chant de combat pendant la manifestation puis chacun d'entre eux a exprimé son vécu et la situation générale des travailleurs de Samsung et des sous-traitants de Samsung.

Ils ont rappelé que Samsung représente un quart du PIB de la Corée du Sud. Cette situation particulièrement aiguë de concentration capitalistique donne aux propriétaires de Samsung une influence démesurée dans la politique de la Corée du Sud, ainsi surnommée "République de Samsung". Ils usent de leur influence pour une politique antisalariée particulièrement féroce: interdiction du Syndicat Général de Samsung, seul syndicat réellement combatif, salaires bas, conditions de travail malsaines, conditions dures envers les sous-traitants. Il est important que les conditions de travail à Samsung soient enfin connues à l'étranger pour mettre fin à ces faits inacceptables.

Kim Sung-hwan est intervenu en tant que Président du Syndicat général des travailleurs de Samsung, syndicat illégal. Alors qu’il travaillait auprès d’un sous-traitant de Samsung, Kim Sung-hwan a créé en 1996 un syndicat indépendant, ce qui a entraîné la rupture de son contrat de travail puis une condamnation à trois ans de prison, de 2005 à 2007, suite à une plainte pour diffamation déposée par la firme. Depuis octobre 2012, Kim et ses camarades manifestent tous les mercredi devant le siège de Samsung pour exiger le respect du droit constitutionnel de s’organiser en syndicat et, plus généralement, la défense des droits des travailleurs.

Jung Ae-jung a perdu son mari à l'âge de 31 ans suite à une exposition à des produits toxiques dans le cadre de son travail qui a entraîné une leucémie. Elle a également fait une fausse couche à cause de son travail.

Kim Ji-sook avait commencé à travailler pour le compte de Samsung avec sa sœur en installant un poste de fabrication à domicile. Il s'agissait pour elle de payer les soins à sa mère malade, sachant qu'il n'existe pas de couverture sociale généralisée en Corée du Sud. Malheureusement, l'exposition à des produits toxiques avec du nickel l'a rendue malade, atteinte de leucémie, ainsi que sa sœur. Si elle a pu survivre à sa leucémie, ce n'est pas le cas de sa sœur, qui en est morte, suivie peu après par sa mère tuée par le chagrin. Lorsqu'elle protesta devant l'entreprise, elle fut frappée et blessée par le personnel de sécurité.

Au total, 223 salariés ou anciens salariés du groupe sont atteints de leucémie, et 76 d’entre eux en sont morts. Pourtant, le groupe Samsung s’obstine à reconnaître le moins possible de leucémies comme des maladies professionnelles dont il est responsable. Le profit ne connaît pas la morale mais uniquement le rapport de force.

Choi Sung-chul était un ancien patron de PME sous-traitante de Samsung et avait trois usines, deux en Corée du Sud et une en Chine. Samsung donne des sommes importantes aux partis politiques et à leurs membres. Choi Sung-chul obéissait ainsi aux requêtes impérieuses du groupe Samsung en faisant des dons hors de tout lien contractuel. Cependant, les exigences devenant de plus en plus intolérables, il refusa un jour de donner. Cela conduisit Samsung à mettre fin à tous ses contrats et à mettre son entreprise en faillite : il a tout perdu. Cet exemple montre le haut niveau de concentration du capital en Corée du Sud, qui conduit à l'affaiblissement des PME au profit des monopoles, en particulier de Samsung.

Pour faire taire ses opposants, Samsung lance des procès, achète le silence des médias sud-coréens, met sur écoute et organise des filatures. C’est contre ce système politique et économique corrompu, dont Samsung est le symbole le plus flamboyant, que des millions de Coréens se sont soulevés ces dernières semaines, jusqu’à obtenir le vote par le Parlement d’une motion de destitution de la Présidente Park Geun-hye. Mais ce n’est qu’un début, pour l’avènement d’une réelle démocratie politique et sociale en République de Corée, et qui exige plus que jamais la solidarité internationale avec les militants politiques et syndicaux en lutte.

Nous pouvons nous aussi en France aider les Coréens dans leur lutte en faisant connaître le plus largement possible les pratiques intolérables du groupe Samsung.


Regarder toutes les photos du voyage en Europe sur le site Internet du Syndicat général du groupe Samsung (cliquer sur le jour correspondant)
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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 19:18

Le lundi 26 septembre 2016, à l'appel du syndicat des métallurgistes KMWU, les travailleurs des entreprises automobiles de Hyundai ont stoppé toute leur activité sur les sites d'Ulsan, Jeonju et Asan après l'échec des négociations salariales. De nouvelles actions étaient d'ores et déjà prévues par le syndicat KMWU à l'issue de la journée du 26 septembre, avec des débrayages de six heures par jour. Il s'agit de la première "grève totale" chez le groupe sud-coréen depuis 12 ans, après plusieurs débrayages conduits depuis juillet 2016. Menées à leur terme, ces actions seraient à l'origine de la perte de 114.000 véhicules pour une valeur de près de 2 milliards d'euros - ayant d'ores et déjà contraint le groupe automobile à réviser à la baisse ses objectifs de production pour 2016.

Les salariés de Hyundai en "grève totale"

Les positions étaient bloquées à l'issue de la 26e séance de négociations salariales : alors que la direction de l'entreprise proposait une hausse moyenne mensuelle de 58.000 won (soit 46 euros), une augmentation des bonus et le transfert à chaque salarié de 10 actions, la KMWU exigeait une hausse au moins équivalente à celle de 2015, soit 85.000 won (ou 68 euros).

Si la direction de Hyundai, tout en se déclarant "déçue" par les actions entreprises, affirme ne pas vouloir rompre le dialogue, le gouvernement est à l'origine d'une répression antisyndicale accrue (avec la condamnation à de la prison ferme de Han Sang-gyun, dirigeant de la centrale KCTU à laquelle est affiliée la KMWU) dans un contexte de forte mobilisation sociale - notamment contre les projets de déréglementation libérale du marché du travail, à l'origine de la défaite des conservateurs au pouvoir lors des élections législatives d'avril 2016. Dans ce contexte, une mise en cause des syndicats a été formulée par Joo Hyung-hwan, ministre du Commerce, suivant une pratique très coréenne d'ingérence du gouvernement dans la vie sociale des entreprises :

 
 

Les exportations coréennes ont beaucoup souffert récemment du fait du ralentissement de l'économie globale. Les débrayages du syndicat de Hyundai Motor ne vont qu'aggraver ces difficultés.

Cinquième producteur mondial d'automobiles, la Corée du Sud a été dépassée par l'Inde pour les six premiers mois de l'année 2016 et est menacée par le Mexique, dont la production augmente aussi rapidement.

Forts d'une tradition de lutte sociale, les salariés de Hyundai ont un salaire moyen mensuel de 2.200 euros (contre 1.700 euros en moyenne en Corée du Sud, où la situation des travailleurs des PME-PMI est beaucoup plus difficile sur un marché du travail caractérisé par un fort dualisme).

Sources :

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 22:46

Le 19 décembre 2015, une nouvelle manifestation à Séoul a rassemblé des milliers de participants - à l'appel notamment du syndicat KCTU, dont l'arrestation du président Han Sang-gyun, à la veille de cette nouvelle journée d'action, pour le grief de "sédition" (inusité depuis  1986, à l'époque du régime militaire à Séoul) témoigne d'un nouveau tour de vis dans la répression antisyndicale en cours à Séoul. Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est solidaire des militants qui luttent pour la démocratie politique et syndicale en Corée du Sud.

Nouveau rassemblement pro-démocratie à Séoul, pour faire entendre la voix de la liberté et de la justice

Si les motifs des précédentes manifestations n'avaient pas suffi - refus de l'imprimatur gouvernemental sur les futurs livres scolaires d'histoire, condamnation de la répression antisyndicale - l'arrestation pour "sédition" du président de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais, KCTU) Han Sang-gyun aurait suffi à galvaniser les participants pour la troisième journée d'action depuis celle du 14 novembre 2015, qui avait réuni un nombre record de manifestants - ce qui avait entraîné un raid policier sans précédent dans les locaux de la KCTU. Visiblement, après le Parti progressiste unifié banni il y a un an, la très autoritaire Park Geun-hye semble décidée à interdire à présent la KCTU.

A l'annonce de l'arrestation de son principal dirigeant, la KCTU a d'ailleurs publié, le 18 décembre 2015, un communiqué où elle a dénoncé les manoeuvres en cours visant in fine à l'interdire :

 

La police essaie de présenter toute la KCTU comme une organisation violente et illégale, afin retirer comme des voleurs les fondements de notre existence légale.

Par dérision, les organisateurs ont appelé la manifestation du 19 décembre "fête de la sédition" - un délit passible de dix ans de prison. Ils ont également déclarer espérer le prompt rétablissement de Baek Nam-gi, leader paysan toujours entre la vie et la mort après les affrontements lors de la manifestation du 14 novembre : si des échauffourées ont bien eu lieu, le sort de Baek nam-gi suffit à rappeler qui disposait de la capacité de tuer, entre les forces de l'ordre et les manifestants.

Plus sensibles que leurs confrères européens à l'évolution de la situation politique en Corée du Sud, les journalistes américains s'alarment de la dérive autoritaire en cours au Sud de la Corée, en rappelant que Park Geun-hye est la fille du général Park Chung-hee dont le régime avait assassiné des milliers d'opposants.

Soulignant que les conservateurs au pouvoir à Séoul n'aiment pas les divergences d'opinion ("distate for dissent"), l'agence Associated Press souligne que la répression antisyndicale s'inscrit dans le cadre plus général d'un recul de la liberté d'opinion :

Des poursuites ont été engagées ces derniers mois, pour crime de diffamation, à l'encontre de journalistes et de militants qui ont publiquement critiqué Park [Geun-hye].

De fait, au milieu des tambours et des cornes de brume, les participants ont appelé une nouvelle fois, le 19 décembre, à la démission de la chef de l'Etat.

Alors que les élections législatives se tiendront en Corée du Sud au printemps prochain, la volonté de faire taire l'opposition la plus déterminée témoigne de la volonté des autorités sud-coréennes de tout faire pour conserver un pouvoir gagné, en 2012, sur fond de manipulation de l'opinion, sinon des votes.

Sources :

Lire également, sur le blog de l'AAFC :

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 18:17

Une semaine après les manifestations d'envergure exceptionnelle du 14 novembre 2015, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a décidé de frapper vite et fort, comme elle l'avait menacé avant même que ne commence la journée d'action : le siège de la Confédération coréenne des syndicats (Korean Confederation of Trade Unions, KCTU), principal organisateur des manifestations du 14 novembre, a été la cible d'un raid policier sans précédent depuis sa fondation en 1995, sous la présidence de Kim Young-sam - qui était devenu en 1993 le premier président civil de la République de Corée (Corée du Sud) depuis plus de trente ans, et vient par ailleurs de décéder. Le raid policier a duré six heures : 700 agents de police ont pénétré à l'intérieur du siège de la KCTU pour saisir documents et matériels informatiques, quand 1.840 de leurs collègues étaient positionnés autour du bâtiment. Leur but ? Trouver les preuves d'une implication de la KCTU dans les incidents violents qui ont émaillé - comme trop souvent, hélas, en Corée du Sud - les manifestations du 14 novembre. La répression policière a causé quelque 30 blessés dans les rangs des manifestants (dont l'un est toujours entre la vie et la mort) - sur le sort desquels les médias conservateurs et pro-gouvernementaux sud-coréens éviteront soigneusement de faire allusion dans leurs comptes rendus d'une des plus spectaculaires descentes de police contre une organisation forte de centaines de milliers de membres, et ayant toujours agi dans la légalité.

Raid policier sans précédent au siège du syndicat KCTU

La descente de police opérée ce week-end en Corée du Sud a un air de déjà vu : de même, le principal parti de gauche, le Parti progressiste unifié (PPU), avait fait l'objet d'un raid des forces de l'ordre avant d'être interdit et ses députés déchus de leur mandat, sur la base de preuves fabriquées et d'un amalgame effectué à dessein entre l'action d'une partie de ses membres et l'ensemble de l'organisation.

Car Mme Park Geun-hye a besoin de preuves si elle veut détruire la KCTU, comme elle a fait auparavant interdire le PPU par une décision de la Cour constitutionnelle qui a été une farce juridique : les forces de l'ordre n'ont trouvé qu'un talkie-walkie et un casque au siège de la KCTU ? C'est bien maigre pour prouver qu'il s'agit d'une organisation poursuivant des objectifs insurrectionnels... Qu'à cela ne tienne : il suffit de rajouter dans la liste des documents saisis des haches, des marteaux et des cordes. Les dirigeants de la KCTU auront beau affirmer que lorsqu'ils organisent des rassemblements à la campagne ils ont besoin de haches pour couper du bois, et que les marteaux servent à briser la glace, l'essentiel est ailleurs : en communiquant opportunément sur la liste des objets saisis (ce qui, par ailleurs, n'est absolument pas l'usage), le gouvernement sud-coréen cherche à distiller l'idée que la KCTU, fondée il y a 20 ans, serait subitement devenue une organisation violente, dont la répression s'impose.

Car s'il est exact que des échauffourées ont eu lieu avec les forces de l'ordre sud-coréennes, ces dernières ne sont pas spécialement réputées pour leur faiblesse - le syndicaliste paysan toujours dans le coma suffirait à nous le rappeler... Voix fidèles du gouvernement conservateur, les médias de droite ou à capitaux publics ne manquent pas de souligner à satiété que certains manifestants avaient, le 14 novembre, des barres de fer et que des véhicules de police ont été détruits. Des véhicles de police dont ils se gardent de rappeler qu'ils étaient utilisés, au nombre de 700, comme éléments de barrage, dans une stratégie d'aiguisement des tensions savamment organisée par le pouvoir sud-coréen... Et que les barres de fer deviennent des haches dans l'imaginaire répressif de la droite sud-coréenne est une incohérence qui n'effleure pas davantage les partisans de Mme Park.

Dans leur offensive policière et juridique contre la KCTU, les autorités sud-coréennes cherchent aussi toujours à faire arrêter le leader de la centrale syndicale, Han Sang-gyun, qu'elles avaient déjà tenté de faire enlever à l'occasion des manifestations du 14 novembre lors d'une piteuse opération menée par des policiers en civil. Son crime ? Avoir activement permis l'organisation, ce 1er mai, des plus importantes manifestations jamais vues en Corée du Sud pour une fête du travail - lors desquelles des affrontements ont eu lieu entre la police et les manifestants. Au nom du principe de culpabilité par association (si un membre de la KCTU a agi en dehors du cadre légal pacifique, toute la KCTU est responsable), déjà utilisé pour interdire un syndicat enseignant trop critique vis-à-vis du pouvoir (le syndicat a été dissous car certains de ses membres n'étaient plus enseignants), Han Sang-gyun a écopé d'un mandat d'arrêt. Depuis, il se cacherait dans un temple bouddhiste de l'ordre Jogye.

Et si les disques durs saisis au siège de la KCTU ne disent rien ? C'est qu'ils auront été purgés, forcément, ont déjà prévenu par avance les autorités sud-coréennes : le même artifice avait déjà été utilisé en juillet pour emprisonner le militant des droits de l'homme Park Rae-gun ("si nous n'avons trouvé aucunes preuves à son domicile, c'est qu'il les a détruites"), placé depuis en liberté conditionnelle après le versement d'une caution. Des preuves ? Vous êtes coupable. Pas de preuves ? Vous êtes aussi coupable. L'argument est imparable.

A l'approche des élections législatives du printemps 2016 le pouvoir sud-coréen a besoin de criminaliser ses opposants, hier le PPU, aujourd'hui la KCTU - avant de chercher à impliquer les démocrates dans les combats du PPU et de la KCTU, en pratiquant l'amalgame. Avant, demain, de frapper cette même opposition libérale ? Si un tel scénario se produisait, il serait la réplique de ce qu'a ourdi le père de l'actuelle chef de l'Etat, le général Park Chung-hee, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat militaire, en 1961, avec le soutien au moins tacite des Etats-Unis. Son régime était devenu de plus en plus autoritaire jusqu'à ce qu'il soit assassiné en 1979 par son chef des services de renseignement, dans des conditions qui n'ont jamais été élucidées. 

Face aux menaces grandissantes qui pèsent sur les libertés politiques et syndicales en Corée du Sud, la vigilance et la solidarité avec les démocrates s'imposent : demain comme hier, l'AAFC répondra toujours présente dans le combat pour la démocratie en Corée du Sud.

Source :

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