Si l'Association d'amitié franco-coréenne se démarque presque toujours très nettement des analyses de Sébastien Falletti du Figaro, elle partage les principales conclusions de ce dernier dans un article mis en ligne le 12 décembre 2012, après le succès de la mise sur orbite du satellite Kwangmyonsong-3 : dans "Le coup d'éclat spatial de Kim Jong-un", Sébastien Falletti, qui cite longuement l'universitaire sud-coréen Paek Woo-yil, montre que ce lancement ne constitue pas seulement un succès technologique la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), mais qu'il lui apporte également un nouvel atout dans son jeu diplomatique face aux Etats-Unis.
Le compliment mérite d'autant plus d'être cité qu'il vient d'un journaliste particulièrement critique à l'égard de la RPD de Corée : dans un article mis en ligne sur le site du quotidien Le Figaro, le soir même de la mise sur orbite réussie du satellite Kwangmyongsong-3, Sébastien Falletti observe : "Kim Jong-un a gagné ses galons. Moins d'un an après son accession au pouvoir suprême, le jeune leader de la Corée du Nord a remporté le premier grand succès de son règne. En plaçant en orbite un objet dans l'espace, comme l'a admis Washington, le Royaume ermite a rejoint de fait le club très fermé des puissances spatiales." Toujours selon ce dernier, il s'agit d' "un exploit technologique historique" pour la RPDC. Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne ajoute qu'il apporte la preuve du peu d'efficacité de la politique de sanctions toujours accrues vis-à-vis de la RPDC suivie par les Etats-Unis et leurs alliés. Malgré un embargo sévère sur les technologies militaires et spatiales, la Corée du Nord est parvenue, sur la base de technologies qui lui sont propres, à devenir l'une des rares puissances spatiales de la planète - après avoir déjà accédé au rang de puissance militaire nucléaire en 2006.
De même qu'en 1957 les Soviétiques avaient précédé les Américains dans le lancement du premier satellite artificiel terrestre, les Nord-Coréens ont devancé la Corée du Sud dans la course à l'espace ; pour Sébastien Falletti, il s'agit d' "une véritable gifle pour la riche Corée du Sud rivale, championne du high-tech mais dont la tentative de mise sur orbite d'un satellite a une nouvelle fois échoué le mois dernier" - alors même qu'elle n'est soumise à aucun embargo technologique occidental. Et tout comme les Américains craignaient dès 1957 la signification du Spoutnik en termes militaires et de possible atteinte du territoire des Etats-Unis, la nervosité est aujourd'hui perceptible à Washington : selon Sébastien Falletti, "le succès du tir complique la donne pour l'administration américaine puisqu'elle permet à Pyongyang de faire un grand bond en avant dans sa quête d'un missile intercontinental capable de menacer directement le territoire américain". La position diplomatique de la RPD de Corée vis-à-vis des Etats-Unis s'en trouve ainsi renforcée, en créant un nouvel équilibre des forces. Selon le Sud-Coréen Paek Woo-yil, de l'Université Sungkyunkwan, "la fusée a pour objectif de mettre d'entrée la pression sur le prochain secrétaire d'Etat américain. Et éventuellement de négocier en position de force" car "la réalité, c'est que les Etats-Unis ne peuvent rien faire. Ils ne vont pas bombarder Pyongyang ! Et la Chine ne punira pas son allié".
Réuni le jour même du lancement à l'initiative, notamment, des Etats-Unis, le Conseil de sécurité des Nations-Unies (CSNU) a certes condamné le lancement qu'il estime être une violation de ses résolutions 1718 et 1874, mais aucune mesure contraignante n'a été prise et les discussions se poursuivent sur ce sujet entre les membres permanents du CSNU - alors que la Chine appelle, comme à l'accoutumée, à un apaisement des tensions après avoir simplement exprimé ses regrets sur la situation actuelle.
Confrontés à l'impasse de la politique de sanctions, ne pouvant ni ne souhaitant s'engager dans un conflit ouvert avec une puissance militaire nord-coréenne autrement supérieure à celle de la Libye ou de la Syrie, les Etats-Unis vont-ils faire preuve de réalisme et retourner à la table des négociations ? C'est l'une des options sur la table, alors que par le passé leurs condamnations de ce qu'ils appelaient - déjà - des "provocations" nord-coréennes avaient pu les conduire, en coulisses, à reprendre langue avec Pyongyang. En effet, l'essai nucléaire nord-coréen d'octobre 2006 avait débouché sur l'accord de Pékin, en février 2007, relatif à la dénucléarisation de la péninsule, dans le cadre des pourparlers à six. Aujourd'hui, les sujets bilatéraux entre Pyongyang et Washington ne manquent pas, depuis la négociation d'un traité de paix qui mettrait fin à la guerre de Corée et remplacerait l'accord d'armistice de 1953, jusqu'à l'établissement de relations diplomatiques bilatérales, l'apport de garanties à la Corée du Nord quant à sa sécurité ou encore la reprise des livraisons d'énergie (fioul, ou nucléaire civil) ou de nourriture, interrompues depuis des années.
Sources : AAFC, KCNA (dont photos), Le Figaro.
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