Trois jours de cinéma coréen à Barjac, dans le Gard, à l'occasion des 11èmes rencontres hivernales les 25, 26 et 27 janvier 2013 : un évènement rare à souligner, dont le mérite revient à la commission culturelle de la municipalité dirigée par Edouard Chaulet. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) revient sur cette manifestation, qu'elle avait annoncée dans son édition du 18 janvier 2013, et à laquelle a participé son vice-président Robert Charvin, dans le compte rendu ci-dessous qu'il nous a fait parvenir.
Sept films dont un de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), avec un débat animé par Jean-Michel Bovy, conseiller municipal, Tiyan Wong et Robert Charvin, au nom de l'Association d’amitié franco-coréenne. Ont été projetés La servante de Kim Ki-young, Bonbon à la menthe de Lee Chang-dong, puis un bijou, finement ciselé, Jiburo de Lee Jung-hyang, qui mériterait une large audience, particulièrement dans la jeunesse : un petit citadin passe ses vacances chez sa grand-mère, paysanne pauvre, qui réussit à « re-civiliser » ce garçon de Séoul, intoxiqué de coca et de jeux vidéos. Au fil des images, avec une économie de moyen absolue, l’enfant standardisé redevient coréen.
Les organisateurs ont aussi choisi La jeune bouquetière de Pak Hak et Choe Ik-kyu, film venu de Pyongyang et réalisé en 1972. Depuis, le temps s’est écoulé et le cinéma nord coréen a évolué durant les années 2000. On assiste à quelques scènes de l’oppression japonaise sur la Corée qui a duré un demi-siècle et que l’Occident ignore. On y pleure beaucoup : mais, peut être, les peuples qui savent encore pleurer ont de l’avenir !
L’ivresse de l’argent de Im Sang-soo, dénonce avec efficacité la corruption régnant en Corée du Sud et la difficulté qu’a tout subordonné à échapper à l’emprise de ces nouveaux riches qui bénéficient de la complicité des pouvoirs publics, des Américains et mettent la Corée du Sud en coupe réglée.
Les deux chefs-d’œuvre où s’affirme la culture coréenne riche et délicate, sont Printemps, été, automne, hiver.. et printemps de Kim Ki-duk et Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-taek. Ces deux films offrent une photographie exceptionnelle, de multiples scènes où s’expriment les valeurs du confucianisme, mêlées à des interrogations très contemporaines. Dans une pagode au bord d’un lac, un bonze et son disciple traversent les étapes de la vie et des saisons, avec leurs succès et leurs échecs. Sisyphe est ici coréen : il faut « monter », avec effort, toujours plus haut.
Ivre de femmes et de peinture fait le récit d’un peintre coréen célèbre, Oh-won, du XIX° siècle, mais soulève aussi les problèmes de la création, de l’engagement de l’artiste mêlé à l’Histoire, qu’il le veuille ou non. Ces deux grands films sont révélateurs d’une civilisation que l’Occident néglige par inculture et suffisance. Ils réconcilient avec un cinéma qui n’a plus rien à voir avec les stocks d’images commerciales dont nous sommes abreuvés ! Ils démontrent qu’on peut parler d’aujourd’hui sans se détacher de l’Histoire, qu’il y a une étonnante modernité dans le passé, et que le monde bouge plus qu’il ne change.