Le 29 juin 2013, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a organisé une réunion publique salles Pierre Nicole, à Paris, pour rappeler l'urgence d'un traité de paix dans la péninsule coréenne, soixante ans après la fin des combats ayant causé des millions de morts mais qui se sont soldés par un simple accord d'armistice, et non par un traité de paix. Revenant sur l'épisode douloureux de notre histoire contemporaine qu'a été la guerre de Corée, à travers des témoignages et un film documentaire, les participants ont débattu des moyens de parvenir à une paix durable dans la péninsule coréenne, pour que plus jamais la guerre ne se déchaîne dans cette partie du monde.
1953-2013 : soixante ans après la fin des combats de la guerre de Corée, celle-ci est en France un conflit oublié, enfoui dans le passé de la guerre froide. Pourtant, sur le sol de la péninsule coréenne, la division nationale reste une plaie béante qui rappelle que, là-bas, la guerre froide n'a jamais pris fin, et qu'aucun traité de paix n'a jamais été signé. Des affrontements sporadiques meurtriers ont continué d'opposer Coréens du Nord et du Sud, soulignant la nécessité de garanties de sécurité, d'une dénucléarisation de toute la péninsule coréenne et d'un retrait des troupes américaines du Sud du pays. Tel est le sens de la pétition internationale pour un traité de paix que continue de relayer l'AAFC en France, et qu'elle a signée et fait signer lors d'une manifestation qu'elle a organisée en France le 29 juin 2013.
Accueillis par des photos d'Alain Noguès, cofondateur de l'agence Sygma, prises lors de ses voyages au Nord de la péninsule et diffusées sur grand écran qui leur rappelaient le souvenir vivant du conflit dans la péninsule, les participants ont tout d'abord pris part à un déjeuner-buffet franco-coréen, dont l'organisation incombait largement à S.E. Yun Yong-il, délégué général de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en France, ambassadeur auprès de l'Unesco, ses collaborateurs et leurs familles, présents tout au long de la journée, et que l'AAFC souhaite remercier pour leur participation à cet événement. Des livres sur la Corée et des objets étaient proposés à la vente sur le stand de l'AAFC.
Un film documentaire de la RPD de Corée a ensuite été diffusé, rappelant les origines du conflit et le rôle des forces armées américaines, dans une guerre ayant causé 3 millions de morts, civils comme militaires, mais n'ayant jamais pris fin en l'absence de traité de paix soixante ans après la fin des combats. Au nom de l'AAFC, Guy Dupré, vice-président délégué, a rappelé que les manifestations contre la guerre en Corée avaient marqué les militants progressistes, en France et dans le monde, et notamment les fondateurs de l'Association d'amitié franco-coréenne en 1969. Il a souligné combien les causes de la paix et de la réunification avaient été intimement liées dans les combats menés par l'AAFC depuis plus de quarante ans.Remerciant les militants de l'AAFC pour leur solidarité constante avec le combat du peuple coréen pour la paix, S.E. Yun Yong-il a rappelé que les forces de l'Armée populaire de Corée avaient tenu tête avec succès à la première puissance militaire du monde, jusqu'à la victoire sous la conduite du Président Kim Il-sung.
Plusieurs orateurs sont ensuite intervenus pour témoigner de leur vécu de la guerre et expliquer les enjeux du conflit. Procédant à l'aide d'un vidéo-projecteur, Maurice Cukierman, membre du bureau de l'AAFC, a replacé dans son contexte la toile militante de Picasso Massacre en Corée, peinte en 1951 dans un style expressionniste et cubiste, qui dans des tons gris souligne les malheurs de la guerre en dénonçant l'intervention des forces des Nations Unies sous commandement américain. Peter Burchett a souligné que la notion d'opération de police, niant le principe même d'un conflit, avait été forgé à l'occasion de la guerre. Enfin, Guy Dupré a rappelant sa participation aux manifestations contre la guerre de Corée en France, manifestations soutenues par le Mouvement de la paix et le Parti communiste français dont la répression violente s'est soldée par des morts. Dans un message qu'elle a lu au nom du Pôle de renaissance communiste en France (PRCF), Madeleine Dupont a exprimé sa solidarité avec les partisans de la paix dans la péninsule, contre l'impérialisme américain.
Cofondateur de l'Association internationale des juristes démocrates, Roland Weyl, qui ne pouvait être présent, a fait parvenir un message où il a souligné la nécessité d'un règlement pacifique de la question coréenne et d'un retrait des troupes américaines, tout en observant que, du point de vue juridique, les troupes des Nations Unies n'ayant pas vocation à participer à une guerre elles ne pouvaient pas signer un traité de paix. De fait, leur intervention a marqué la première violation de la charte des Nations Unies.
Un débat s'est ensuivi sur la mémoire de ce conflit en France et les moyens les plus appropriés pour faire de la Corée une zone de paix. A cet égard, une campagne pour la paix a le mérite de resituer l'action dans un cadre politique. Les causes de la division, engendrées par des élections séparées organisées au Sud et boycottées par la majorité de l'opposition, méritent également d'être mieux connues, tout comme l'interprétation du conflit : le régime autoritaire alors au pouvoir à Séoul ne pouvait aucunement être assimilé à une démocratie libérale à l'occidentale, son manque de soutien populaire ayant joué un rôle dans l'avancée initiale des troupes du Nord qui, sans le débarquement des troupes alliées à Pusan, auraient réunifié la péninsule. Enfin, l'utilisation des armes chimiques - à l'origine des manifestations contre le commandant en chef, le général américain Ridgway ("Ridgway la peste") - montre la cruauté d'un conflit qui, par son utilisation massive du napalm, préfigurait déjà les moyens qu'emploieraient les Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam.
Dans ce cadre, le choix de la RPD de Corée de se doter de l'arme nucléaire à des fins défensives, tout en réaffirmant sa position de principe en faveur d'un péninsule dénucléarisée dans sa totalité, Nord comme Sud, a nourri le début d'une autre discussion, mais qui sera l'objet de futurs débats.
Photos : Alain Noguès