Au printemps 2012, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) avait adressé une lettre aux dix candidats à l'élection présidentielle afin de connaître leur position sur l'établissement de relations diplomatiques complètes entre la République française et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et sur les initiatives à prendre par la France pour favoriser la conclusion d'un traité de paix en Corée. Seul Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) avait alors répondu. De son côté, Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès) faisait parvenir une réponse d'attente. Le 19 mai 2013, l'AAFC a reçu par courrier électronique la réponse actualisée et détaillée de M. Cheminade, reproduite ci-après.
« Déclaration de Jacques Cheminade, ancien candidat à la présidence de la République
Les principes permettant de parvenir à une paix réelle dans la péninsule coréenne sont les suivants :
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le respect de la souveraineté nationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans arrières pensées dominatrices ;
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la réunification voulue par tous les Coréens et qui doit se réaliser par des voies pacifiques ;
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le retrait de toutes les forces étrangères et l’abandon de toute forme de provocation militaire ;
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la mise en place également progressive d’institutions communes, afin de parvenir à un développement économique mutuel et à une économie elle-même progressivement indépendante. La construction de la paix ne pourra se faire que dans cette dynamique de développement mutuel.
Dans ce contexte ainsi défini, les orientations suivantes sont nécessaires :
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compte tenu que l’accord de Panmunjom du 27 juillet 1953 fut un accord d’armistice signé entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Chine d’une part, et le Commandant en chef du commandement de l’ONU, d’autre part, la RDPC est en droit, au nom de la Charte des Nations Unies, de demander la protection de l’ONU contre tout recours à la force ou à la menace de la force. Ainsi, en droit international, les manœuvres et les bases américaines, ainsi que leur déploiement de forces aériennes ou navales, constituent des opérations de police qui sont illégales. L’arrêt des manoeuvres militaires américano-sud coréennes est bien entendu un préalable à toute négociation ;
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le désir exprimé par les autorités nord-coréennes de parvenir à un traité de paix avec les Etats-Unis est par ailleurs légitime et dans l’intérêt des peuples américain et coréen. Il doit consister en une confirmation des garanties en faveur d’une réunification de la République de Corée et de la RPDC, avec pour Etats co-garants participant aux négociations la Chine et éventuellement le Japon. Il ne s’agit pas d’un enfermement dans une logique bilatérale, mais d’une volonté d’extension et de clarification des garanties ;
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la suite de Panmunjom est la négociation pour la réunification, car il n’y a pas deux peuples coréens. Il appartient au peuple coréen de le dire sans ingérence extérieure d’aucune sorte, comme il appartient à ses deux représentations étatiques actuelles de négocier leur réunification, sans qu’une tierce partie participe à ces négociations ;
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les deux parties doivent sortir de l’état de belligérance larvée par une culture de la paix fondée sur la civilisation plurimillénaire commune et le respect que tous les Coréens attachent aux valeurs familiales.
Des précédents existent, qui doivent servir de références historiques, notamment :
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la déclaration commune des délégations de la République de Corée et de la RDPC du 4 juillet 1972, qui détermine les trois principes permettant la réunification : un processus accompli en toute indépendance, sans ingérence étrangère, effectué par la voie pacifique et en vue d'une "grande union nationale" réalisée par delà les différences des deux régimes ;
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la déclaration commune du 15 juin 2000, signée par les deux chefs d’Etat d’alors, qui exclut une nouvelle fois toute ingérence étrangère, et prend en considération les points communs du projet nordiste de "confédération" et du projet sudiste de "communauté". Les deux chefs d’Etat s’y engagent dans les domaines économique, social, culturel, sportif et environnemental pour promouvoir la collaboration et les échanges en vue "d’approfondir la confiance mutuelle". Ils décident d’échanger des visiteurs et d’engager un dialogue intergouvernemental. L’on dispose ainsi d’un cadre pour mettre en place des institutions communes. Certaines compétences, pouvant progressivement s’élargir, pourront ainsi être mises en commun dans un esprit de coexistence pacifique et de co-développement ;
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la reconnaissance des Etats-Unis, par la déclaration conjointe du 19 septembre 2005, de la nécessité de l’indépendance énergétique de la RPDC. La déclaration dispose en effet que "toutes les parties respectent le droit de la RDPC à l’usage de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques". La promesse de fournir un réacteur à eau légère, elle, n’a jamais été tenue ;
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l’accord intercoréen du 4 octobre 2007 constitue en principe un système de paix permanent par l’organisation d’échanges réguliers entre des responsables de haut niveau de la défense des deux Etats.
La France, qui a pour principes de reconnaître le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de respecter leur souveraineté nationale et de créer entre eux les conditions de la détente, de l’entente et de la coopération, doit changer de politique pour réaffirmer sa fidélité à ces principes :
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nous devons reconnaître officiellement l’existence de la RPDC, qui est membre de l’ONU et que la grande majorité des pays a reconnue. Nos groupes d’amitié de l’Assemblée nationale et du Sénat doivent mettre leur poids dans la balance ;
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nous devons jouer un rôle aussi déterminant que possible dans les négociations, en établissant des relations diplomatiques normales et symétriques avec la République de Corée et la RPDC. Le bon exemple est celui des négociations sur la paix au Vietnam : jamais les accords dits de l’avenue Kléber n’auraient pu se préparer et aboutir si le Vietnam du Nord n’avait pas eu de Délégation générale à Paris, comme celui du Sud y disposait d’une Ambassade ;
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nous devons offrir à la RPDC l’aide alimentaire et l’assistance à la production agricole selon les besoins éventuels qu’elle exprimera et dans la mesure de nos propres moyens ;
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nous devons en même temps offrir notre coopération au développement du nucléaire civil et du secteur aérospatial à la Corée réunifiée, sans nous opposer comme nous le faisons actuellement au développement technologique de la RPDC dans ces domaines ;
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c’est dire que nous devons intervenir auprès de nos alliés actuels pour qu’ils adoptent une démarche politique à la fois plus réaliste et plus respectueuse des souverainetés nationales.
Je suis personnellement convaincu qu’un tel changement ne sera possible que si nous sortons de la logique actuelle de mondialisation financière et de guerre de tous contre tous pour parvenir à un développement économique mutuel et à un respect de nos divers apports culturels pour définir un vouloir vivre en commun dans le monde.
La paix et la réunification en Corée doivent être vues comme un signe et un repère fondamental de ce combat pacifique. »
L'Association d'amitié franco-coréenne remercie Jacques Cheminade pour sa réponse très complète. L'AAFC partage très largement ses positions concernant la nécessité d'un traité de paix en Corée et la voie à suivre pour parvenir à une réunification de la Corée, par les efforts des Coréens eux-mêmes, dans le respect de leur indépendance et de leur souveraineté nationale. Avancer en ce sens suppose également, comme le rappelle le président de Solidarité et Progrès, l'établissement de relations diplomatiques complètes entre la France et la RPD de Corée. En revanche, l'Association d'amitié franco-coréenne ne juge ni possible ni souhaitable que le Japon, ancienne puissance colonisatrice, soit co-garant d'un dispositif de paix et de sécurité en Asie du Nord-Est si ce dispositif doit favoriser une réunification ultérieure de la péninsule coréenne.
L'Association d'amitié franco-coréenne continuera de publier les contributions que voudront bien lui adresser les responsables politiques français.
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