Comme son prédécesseur conservateur Lee Myung-bak en 2008, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a choisi de se rendre aux Etats-Unis, du 6 au 10 mai 2013, pour le premier voyage à l'étranger de son mandat. En affichant une même fermeté vis-à-vis de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) lors de leur rencontre au sommet le 7 mai, les deux dirigeants ont éloigné toute perspective à court terme de reprise du dialogue dans la péninsule coréenne, tout en entraînant une vive réaction de la RPDC qui a dénoncé la visite de Mme Park aux Etats-Unis comme un "prélude à la guerre".
Le ton se veut martial et intransigeant : lors de sa rencontre au sommet avec son homologue sud-coréenne Park Geun-hye le 7 mai 2013, le président américain Barack Obama a affirmé que "l'époque où la Corée du Nord pouvait créer une crise et arracher des concessions est révolue", tout en ajoutant que "l'engagement des Etats-Unis envers la sécurité de la Corée du Sud ne faiblira jamais".
Cette lecture très américaine des choses occulte bien sûr le rôle joué par Washington dans la montée des tensions, à commencer par la poursuite des exercices conjoints américano - sud-coréens au moment même de la visite aux Etats-Unis de la présidente Park Geun-hye, et dont Pyongyang a averti qu'ils conduiraient à des représailles immédiates si "un seul obus" tombait dans ses eaux territoriales. Mais ne doit-on pas aussi considérer les déclarations du numéro un américain comme relevant d'une escalade exclusivement verbale, à défaut de vouloir - ou pouvoir - entreprendre quelque action militaire concrète vis-à-vis de la RPD de Corée ?
En tout état de cause, les observateurs qui escomptaient un geste d'ouverture à l'occasion de la visite aux Etats-Unis de Mme Park Geun-hye en ont été pour leurs frais. Le 10 mai, le Comité (nord-coréen) pour la réunification de la patrie a déclaré, en réponse à une question de l'agence KCNA de la RPD de Corée, que cette visite marque "un prélude à la guerre", en accroissant les tensions et risques de conflit dans la région. Le porte-parole du comité a réitéré la position selon laquelle la RPD de Corée n'abandonnerait pas ses armes nucléaires, tout en précisant que Pyongyang continuait d'observer Mme Park Geun-hye, entrée en fonctions il y a deux mois et demi. Par comparaison, en 2008 son prédécesseur Lee Myung-bak avait été vivement mis en cause par la RPD de Corée à peine plus d'un mois seulement après son investiture.
Le temps ne semble toutefois pas jouer en faveur d'une reprise du dialogue. Les conditions mises par la RPD de Corée - à savoir une levée des sanctions - sont perçues comme inacceptables par Washington et son allié sud-coréen, car elles impliqueraient que le Conseil de sécurité se déjuge. Mais il n'est pas davantage crédible que la RPD de Corée se soumette aux injonctions américano - sud-coréennes de faire un premier geste : Pyongyang n'a jamais agi sous une pression extérieure sans obtenir de contreparties réelles. Plus que jamais, tout progrès sur la voie du dialogue ne peut qu'être subordonné à des concessions de chacune des parties. L'objectif immédiat, au moins pour les Sud et les Nord-Coréens, devrait être une reprise des échanges intercoréens dans la zone de Kaesong.
Dans ce contexte, une initiative pourrait-elle venir d'une tierce partie ? Le 7 mai, la Banque de Chine a annoncé suspendre ses échanges et fermer ses comptes avec la Banque du commerce extérieur de la RPD de Corée, isolant un peu plus la Corée du Nord des circuits financiers internationaux. Si la Banque de Chine est publique, les autorités chinoises ne se sont pas opposées à cette décision, intervenue par ailleurs après d'intenses négociations diplomatiques entre la Chine, les Etats-Unis et la République de Corée (du Sud). S'il n'est pas nouveau que la Chine s'oppose à la détention d'armes nucléaires par la RPD de Corée et que, comme après les deux premiers essais nucléaires nord-coréens, elle interrompe ses livraisons de pétrole et de nourriture à son voisin du Nord-Est, il est inhabituel que Pékin semble suivre la ligne d'isolement de la Corée du Nord préconisée par Washington. L'expérience montre pourtant que les politiques d'embargo et poliorcétiques, imposées par les Etats les plus puissants aux Etats moins puissants, n'ont jamais fait plier les seconds aux desiderata des premiers. Enfin, la Chine encourrait le risque d'entamer son crédit vis-à-vis de ses alliés dans le monde si elle apparaissait satisfaire les intérêts américains. Plus probable qu'un revirement diplomatique, un infléchissement des positions de Pékin ne pourra s'apprécier que sur le moyen terme, au regard des décisions que prendront à présent les autorités chinoises.
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