Lors des graves affrontements intercoréens qui avaient malheureusement causé au moins quatre morts (côté sud-coréen, en l'absence de bilan côté nord-coréen) le 23 novembre 2010, les médias français avaient fait peu de cas du point de vue nord-coréen, voire même du contexte d'exercices militaires sud-coréens dans une zone contestée par chacun des Etats coréens. Seule (ou presque) l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) avait présenté les points de vue des deux parties, en expliquant les dangers d'une situation qui fait peser des risques d'une nouvelle guerre en Corée. L'AAFC réaffirme sa position constante en faveur d'un traité de paix en Corée. Depuis, les lignes semblent avoir bougé, la presse française apportant des analyses moins unilatérales. Car les faits sont clairs : d'un côté, la Corée du Nord affiche en effet de la prudence - tout en se déclarant prête à une "guerre sacrée" si Séoul veut aller au conflit, Pyongyang a jugé inutile de réagir à de nouvelles manoeuvres sud-coréennes dans le même secteur de Yeonpyeong et aurait accepté, selon le gouverneur américain Bill Richardson au même moment en visite privée à Pyongyang, le retour des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ; de l'autre côté, la Corée du Sud a choisi l'escalade, en engageant à nouveau des exercices à Yeonpyeong puis, quelques jours après, le 23 décembre, de nouvelles manoeuvres militaires à tirs réels, combinant ses forces terrestres et aériennes. Revue de presse.
Dans un article intitulé "Escalade verbale après les nouvelles manoeuvres de Séoul", Le Monde expose formellement les points de vue des deux parties. Dans sa présentation des faits, il souligne la coïncidence entre les exercices du 23 décembre et les affrontements intercoréens un mois plus tôt jour pour jour à Yeonpyeong, ainsi que l'ampleur inédite des manoeuvres sud-coréennes : "Ces exercices ont lieu un mois jour après jour après les tirs d'obus nord-coréens sur l'île sud-coréenne de Yonpyong" ; "Les manœuvres terrestres sud-coréennes ont eu lieu dans la région de Pocheon, entre Séoul et la zone démilitarisée séparant les deux Corées. Elles ont mobilisé bien plus de matériel et de personnel qu'habituellement. Ces exercices à tirs réels, les plus importants de l'année, ont débuté à 14 h 30 heure locale (6 h 30, heure française). Ils ont impliqué pendant moins d'une heure, selon l'armée, 800 soldats, 30 chars, sept hélicoptères, six avions de combat, des missiles antichar et des lanceurs de roquette".
La présentation du Monde est proche de celle du Nouvel Observateur, qui titre également sur l'escalade de la tension, tout en étant moins précis sur les manoeuvres sud-coréennes. Un précédent article ("Le gouverneur américain Bill Richardson en Corée du Nord, nouveaux exercices armés au Sud") faisait le parallèle entre la visite de Bill Richardon, citant longuement ce partisan du dialogue et de la paix ("A chaque fois que les Nord-Coréens me contactent c'est qu'ils veulent faire passer un message", a expliqué M. Richardson), et les exercices armés alors imminents du Sud. La position de la Corée du Nord en faveur du dialogue et de la reprise des pourparlers à six avait également été rappelée dans cet article : La Corée du Nord "soutient toutes les propositions de dialogue y compris les discussions à six, guidée par la volonté d'éviter une guerre et d'aboutir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne mais elle ne les quémandera jamais", a déclaré un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères cité par l'agence officielle nord-coréenne KCNA.
Pour sa part, Le Figaro ne voit de "provocation" que du côté du Nord, tout en parlant simplement de "démonstration de force" du Sud - évitant ainsi le mot "manoeuvre" et reprenant longuement l'idée d'une "riposte" sud-coréenne, soit très exactement la terminologie et l'analyse des militaires et du gouvernement sud-coréens.
Le titre de l'article de Libération ("Corées : nouvelles manoeuvres de Séoul, menace de guerre de Pyongyang") souligne le risque de guerre que font peser les "nouvelles manoeuvres" de Séoul, l'adjectif "nouvelles" évoquant d'emblée les exercices militaires à répétitions de la Corée du Sud. L'article cite les responsables du Nord et du Sud et rappelle la visite de Bill Richardson (opportunément oubliée dans l'article du Figaro). Il souligne aussi le point de vue de certains analystes, que ne permettent pourtant pas de corroborer les actuelles déclarations de Pyongyang, selon lesquels le Nord pourrait répliquer par des frappes après janvier, une visite du président chinois aux Etats-Unis étant prévue le 19 janvier prochain.
Dans un court article factuel, Le Point avait souligné la retenue de Pyongyang, titrant : "La Corée du Nord préfère ne pas réagir à la "provocation" du Sud".
Au sein de la presse gratuite, le quotidien Metro, a titré, le 22 décembre (c'est-à-dire avant les déclarations de Pyongyang sur une "guerre sacrée"), sur les "manoeuvres" du Sud ("Corées : Séoul entame de nouvelles manoeuvres militaires"). L'article souligne le contraste entre la Corée du Sud (qui n'hésite plus à se faire menaçante, parlant de "sévères représailles si le Nord se risque à un autre acte provocateur") et la Corée du Nord, qui "avait pourtant montré quelques signes d'apaisement" après les exercices à Yeonpyeong.
Quelques exceptions toutefois dans la présentation par la presse des récents développements dans la crise intercoréenne : la première page de la rubrique "Monde/Actualité" du site de L'Express ne juge pas opportun de mentionner les manoeuvres sud-coréennes, tout en maintenant un lien vers les articles au vitriol contre la RPDC rédigés au lendemain du 23 novembre. Il est vrai que L'Express a choisi depuis longtemps son camp : son spécialiste - ou supposé tel - de la Corée du Nord, Marc Epstein, est un des critiques les plus virulents de la RPD de Corée dans la presse française, rendant donc inutile toute présentation de l'ensemble des points de vue en présence.
Photo AFP.