Le 15 novembre 2013, le département politique de la Commission de la défense nationale (CDN) de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a publié un communiqué dans lequel il a mis en garde la présidente sud-coréenne Park Geun-hye "et son groupe" contre "ses sophismes". De fait, les déclarations faites tant au Nord qu'au Sud de la péninsule indiquent que les relations intercoréennes sont aujourd'hui dans l'impasse.
Plusieurs déclarations publiées dernièrement en RPDC font clairement état de signes de mécontentement, qui pourraient devenir des marques de défiance, des autorités nord-coréennes vis-à-vis de la nouvelle présidente sud-coréenne, élue en décembre 2012 : si les termes employés restent encore un cran en-dessous de ceux utilisés à l'égard de son prédécesseur Lee Myung-bak (qui, moins de quatre mois après son élection, était qualifié de "traître" et de "sycophante"), ils témoignent d'une nette dégradation des relations Nord-Sud, après l'embellie qu'avait semblé marquer la réouverture de la zone économique intercoréenne de Kaesong, il y a deux mois.
Dans une déclaration publiée le 15 novembre 2013, le département politique de la Commission de la défense nationale de la RPDC a condamné la mise en cause par Séoul de la ligne politique de la RPDC, consistant à poursuivre simultanément son programme nucléaire d'autodéfense et la construction d'une puissance économique, tout en observant qu'un vrai climat de confiance impliquait que Mme Park Geun-hye respecte les accords Nord-Sud, signés le 15 juin 2000 et le 4 octobre 2007. De fait, une exigence analogue avait été faite à l'égard de son prédécesseur Lee Myung-bak qui, sans dénoncer formellement des accords engageant les deux Etats coréens (et pas seulement leurs gouvernements), les avait vidés de leur contenu. Par ailleurs, les appels réitérés de Mme Park à des changements au Nord de la péninsule sont considérés, par les autorités de la RPDC, comme des ingérences inacceptables dans leur politique intérieure.
Le même jour, l'agence nord-coréenne KCNA a publié trois autres dépêches citant le porte-parole du département politique de la CDN de la RPDC. La présidente sud-coréenne a été accusée d'avoir fait du "démantèlement" des armes nucléaires nord-coréennes l'un des objectifs majeurs lors de ses échanges à l'occasion de son récent voyage en Europe, alors qu'elle-même accueille, au Sud de la péninsule, des armes américaines et a placé son pays sous le "parapluie nucléaire" des Etats-Unis. Son insistance sur la question des droits de l'homme au Nord a également été mise en cause, au moment où les atteintes croissantes à la démocratie sud-coréenne font craindre le retour à la Constitution Yusin (la plus autoritaire qu'ait connue la Corée du Sud), mise en place par son père, le général Park Chung-hee, alors qu'elle-même officiait comme première dame après la mort de sa mère (photo à gauche).
Ce dernier point semble fondamental. Après les premiers échanges intercoréens (en 1972-1973), les discussions Nord-Sud avaient été rompues par le Nord lorsque les autorités de la RPDC avaient observé que le thème - populaire - du rapprochement intercoréen servait à masquer un durcissement du régime sud-coréen, marqué par la promulgation de la Constitution Yusin et l'enlèvement de l'opposant Kim Dae-jung (qui, lui-même, devait ensuite être élu président en 1997). Il n'y a guère de doute que, tant que la Corée du Sud évoluera dans un sens autoritaire, la RPDC ne voudra pas non plus donner une forme de légitimité à de telles évolutions au Sud de la péninsule en favorisant le dialogue intercoréen. Telle était déjà le sens de la suspension, il y a deux mois, de la réunion de familles séparées. Par ailleurs, il faut relever le récent regain d'activisme des services de renseignement sud-coréens à diffuser dans les médias - et d'abord occidentaux, leur première cible - les légendes les plus noires sur la RPDC, dans lesquelles les exécutions pour des motifs futiles sont monnaie courante. Ce choix, délibéré, ne peut que jeter un peu plus d'huile sur le feu, quels que soient les discours de Mme Park Geun-hye selon lesquels elle est prête, à tout moment, à un dialogue intercoréen. Car pour dialoguer, il faut être deux, mais tant ses déclarations sentencieuses à l'égard du Nord que la répression des opposants éloignent toute réelle perspective de discussion.
Source : AAFC, KCNA (notamment, dépêche du 15 novembre 2013).
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