Le 20 avril, un vaste rassemblement civil et militaire s'est tenu sur la place Kim Il-sung à Pyongyang, et d'autres manifestations ont eu lieu à travers l'ensemble du pays pour dénoncer "le groupe de Lee Myung-bak", au pouvoir à Séoul. De tels rassemblements pour dénoncer la politique intercoréenne du gouvernement sud-coréen n'avaient plus eu lieu depuis quinze ans, alors que le président sud-coréen Lee Myung-bak a vivement critiqué les manifestations organisées par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) pour le centième anniversaire de la naissance du Président Kim Il-sung. La condamnation par Séoul du lancement du satellite Kwangmyongsong-3, ainsi que l'annonce de nouvelles sanctions unilatérales du gouvernement sud-coréen, ont créé un grave climat de tensions dans la péninsule coréenne.
Dans son premier discours prononcé en public, le 15 avril 2012, le premier secrétaire du Parti du travail de Corée (PTC) Kim Jong-un s'était adressé à ses "frères du Sud" auxquels il avait tendu la main : "le Parti du travail de Corée et le gouvernement de notre République tendront la main à tous ceux qui désirent sincèrement la réunification du pays et souhaitent la paix et la prospérité de la nation et se dépenseront de façon responsable et avec persévérance pour la cause historique de la réunification". Dans ce discours fondateur, prononcé à l'occasion du centième anniversaire de la naissance du Président Kim Il-sung, célébré en RPDC comme le jour du Soleil, aucune critique n'avait été émise à l'encontre du gouvernement conservateur sud-coréen dirigé par Lee Myung-bak.
Mais face à ces signes d'ouverture, le pouvoir sud-coréen a poursuivi sur la voie de la critique de la RPD de Corée, certainement encouragé par son succès inattendu aux élections législatives du 11 avril. En effet, le Parti Saenuri et ses alliés - les ultraconservateurs, en perte de vitesse, du Parti de l'avancement de la liberté, et le Parti de la vision coréenne - bien que légèrement devancés par l'opposition au scrutin de liste national pour l'attribution des 54 sièges pourvus à la proportionnelle (46,7 % des voix, dont 42,8 % pour le Parti Saenuri et 3,2 % pour le Parti de l'avancement de la liberté, contre 48,3 % pour l'opposition, dont 36,5 % pour le Parti démocratique et 10,3 % pour le Parti progressiste unifié), ont remporté une majorité des 246 sièges attribués au scrutin uninominal à un tour. Au total, le bloc conservateur a obtenu 157 sièges (dont 152 sièges pour le Parti Saenuri et 5 sièges pour le Parti de l'avancement de la liberté, qui en dépassant de peu le seuil de 3 % pour remporter des sièges au scrutin proportionnel a obtenu sur le fil deux sièges), conservant une courte majorité de 7 sièges. Le Parti démocratique (libéral) a remporté 127 sièges, tandis que le Parti de la Corée créative a disparu du Parlement (0,4 % des voix à la proportionnelle). A gauche, le Parti progressiste unifié a progressé avec 13 sièges, devançant très largement le Nouveau parti progressiste (1,1 %, plus aucun siège). Les 3 sièges restants ont été remportés, au scrutin majoritaire, par des candidats indépendants.
Dans ce contexte, les rassemblements qui se sont tenus en RPD de Corée contre les conservateurs au pouvoir à Séoul, après les manifestations du 15 avril, expriment un mécontentement contre des réactions et des commentaires qui se sont exprimés au Sud à l'occasion des commémorations d'anniversaire, ainsi que des critiques exprimées par les conservateurs lors du lancement du satellite nord-coréen Kwangmyongsong-3.
Dans un communiqué publié le 19 avril intitulé "Le gouvernement sud-coréen accusé de désacraliser les événements du Jour du Soleil", le gouvernement de la RPD de Corée, les partis politiques et les organisations sociales ont dénoncé une apparition publique du "traître Lee Myung-bak" pendant les festivités, dénonçant le coût selon lui exorbitant des cérémonies, dont les sommes n'auraient pas été consacrées à l'approvisionnement alimentaire. Selon le communiqué nord-coréen, il s'agit d'une insulte et d'une provocation visant le système social, le peuple et la direction de la RPDC.
Le 20 avril, un rassemblement s'est tenu sur la place Kim Il-sung à Pyongyang, appelant à chasser du pouvoir le groupe Lee Myung-bak. Une déclaration du commandement suprême de l'Armée populaire de Corée, lue par Yom Myong-su, a dénoncé les conservateurs sud-coréens pour avoir "blessé la dignité de la direction suprême de la RPDC", en faisant allusion à des rassemblements où le portrait des dirigeants avait été brûlé. Dans la culture asiatique de tradition confucéenne, fortement imprégnée du respect de l'autorité, de telles actions sont effectivement considérées comme une atteinte intolérable aux symboles de la nation et de l'Etat. Les manifestations de rue dès 2008 en Corée du Sud contre le président Lee Myung-bak, en le dépeignant (déjà) sous les traits déshumanisés d'un rat, avaient largement circulé et justifié une répression de l'opposition au nom de la loi de sécurité nationale. Lors du rassemblement du 20 avril à Pyongyang, d'autres intervenants ont représenté, respectivement, les syndicats, les travailleurs agricoles et les mouvements de jeunesse.
En réponse à des questions posées par l'agence nord-coréenne KCNA, le 21 avril, un porte-parole du Comité pour la réunification pacifique de la Corée a dénoncé "l'hystérie guerrière" du groupe Lee Myung-bak, alors que Séoul a affirmé que de nouveaux missiles pouvaient atteindre n'importe quel point du territoire nord-coréen, et qu'il a réactivé le souvenir du Cheonan - du nom d'un navire sud-coréen ayant fait naufrage il y a deux ans, sans que l'implication du Nord dans cet incident n'ait pu être démontrée, malgré les allégations du pouvoir sud-coréen. Toujours le 21 avril, l'attitude de confrontation des conservateurs sud-coréens a été vivement dénoncée par un porte-parole du Comité central du Front démocratique pour la réunification de la Corée.
D'autres rassemblements appelant à "balayer le groupe Lee Myung-bak" ont eu lieu en dehors de la capitale, le 22 avril, à l'appel des syndicats à Kaesong, ainsi que dans les provinces du Nord Pyongan et de Kangwon. Les observations du "traître Lee Myung-bak" ayant gravement "porté atteinte au commandement suprême de la RPD de Corée et à son système social" ont fait l'objet, le 23 avril, d'un bulletin d'information du secrétariat du Comité pour la réunification pacifique de la Corée.
Les déclarations et les manifestations qui se succèdent depuis le 19 avril en RPD de Corée sont peu banales par leur intensité et leur ampleur. Alors que les conservateurs se sont maintenus au pouvoir le 11 avril en faisant notamment souffler "le vent du Nord", après avoir déconstruit les politiques de rapprochement intercoréen patiemment élaborées sous les mandats des président démocrates Kim Dae-jung (1998-2003) et Roh Moo-hyun (2003-2008), un des enjeux du scrutin présidentiel sud-coréen du 19 décembre sera le retour, ou non, à une politique de dialogue intercoréen. Dès le 18 avril, le ministre de la Réunification Yu Woo-ik a annoncé que les échanges sportifs, artistiques et religieux entre les deux Corée seraient remis en cause par le lancement du satellite nord-coréen ayant eu lieu le 13 avril dernier. Pour l'AAFC, une telle position, consistant à subordonner les projets de la société civile sud-coréenne aux objectifs de politique intercoréenne des conservateurs au pouvoir à Séoul, tend gravement à méconnaître les principes de liberté d'association et d'opinion, fondements d'une société démocratique.
Source principale : KCNA.
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