Dans un article du Monde en date du 24 avril 2013, la journaliste Rafaele Rivais pose la question de manière ouverte : « faut-il revoir la liste noire européenne des compagnies aériennes ? » En effet, selon les sources qu’elle cite, il apparaîtrait que la fameuse « blacklist » soit dévoyée par des intérêts « économico-diplomatiques »… S'il n'a pas vocation à livrer des nouvelles inédites, cet article a le mérite de mettre en lumière un phénomène qui touche de près la péninsule coréenne : les sanctions économiques et diplomatiques prises contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). L’Association d'amitié franco-coréenne est en pointe dans le combat contre les sanctions économiques, essentiellement occidentales, qui étranglent l’économie nord-coréenne et qui touchent d'abord, sinon exclusivement, les populations. Si cette thématique n’est, hélas ! pas nouvelle, il est intéressant de se pencher sur un aspect « indirect » de ces pressions économiques : la mise au ban par les institutions européennes compétentes de la compagnie nationale nord-coréenne, Air Koryo.
Théoriquement uniquement basée sur des critères de sécurité, cette liste relève évidemment avant tout, comme l'observe le pilote Gérard Arnoux, d'un tri politique : à cet égard, il est significatif qu'y figurent la plupart des compagnies aériennes nationales enregistrées dans des pays traditionnellement réticents aux pressions occidentales. Certains de ces pays, comme la République démocratique du Congo, voient l’intégralité de leurs compagnies placées sur la liste. D’autres, comme le Venezuela, l’Iran ou la RPD de Corée, sont théoriquement autorisés à certifier leurs compagnies aériennes mais certains de leurs aéronefs sont interdits de vol. Ces précautions sont bien entendu compréhensibles dans la mesure où elles peuvent être justifiées pour des raisons de sécurité, mais force est de constater que jamais au cours de son histoire Air Koryo n’a connu d’incident mortel, alors que d’autres compagnies (dont Air France) ont a leur passif plusieurs drames et atterrissent chaque jour sur les aéroports européens. Par ailleurs, il s’avère que la flotte de la compagnie aérienne nord-coréenne partage plusieurs modèles d’avions (essentiellement des aéronefs russes) avec des compagnies allemandes et même américaines (c’est le cas respectivement de l’Iliouchine II-76 et du Tupolev Tu-204). Enfin, pour couronner le tout, il s’avère que la maîtrise du transport aérien en Corée du Nord n’a rien à envier aux pays européens : sur un territoire deux fois plus petit que celui de la France, la RPDC compte la plus grande concentration d’aéroports au monde, notamment pour des usages militaires.
Il fait peu de doutes que la mise au ban d’Air Koryo en Europe est motivée avant tout par des raisons idéologiques, certains pays – occidentaux, mais pas seulement - voyant d’un mauvais œil l’existence même de la RPDC et souhaitant se disparition via un étranglement économique, beaucoup moins médiatique qu’une déclaration de guerre ouverte mais redoutablement efficace. La question du transport aérien est une question fondamentale pour le développement économique. Dans ce contexte, il est incohérent de reprocher à la RPDC un isolement voulu, alors que les mesures d'embargo de la communauté internationale l'ostracisent ouvertement. L’AAFC ne peut ainsi qu'abonder dans le sens de Raphaele Rivais, mais tout en estimant indispensable de tirer les conclusions qui s'imposent : il est urgent que la liste noire européenne devienne une liste ayant pour principal critère la sécurité, et non le parrainage politique des puissances européennes.
Sources : Air Journal, Le Monde, Wikipédia