Le 20 septembre 2013, le Musée d'art du comté de Los Angeles (acronyme anglais : LACMA) a annoncé qu'il restituerait à la République de Corée (Corée du Sud) un sceau royal, ayant appartenu à la reine Munjeong, volé par des soldats américains pendant la guerre de Corée en 1950 (photo à gauche : l'un des sceaux royaux de la dynastie Choseon, avec sa boîte, exposé en 2012 par le Musée national du Palais royal). Cette décision peu commune est le fruit notamment d'une mobilisation conduite par le député An Min-suk (Parti démocrate, centre-gauche), qui se trouvait alors à Los Angeles, et à qui les responsables du LACMA ont annoncé la restitution.
1950-1953 : les soldats américains dépêchés en Corée pendant la guerre, à l'appel du Gouvernement du Sud, n'ont souvent qu'une bien piètre opinion de la population coréenne. Dans ce contexte, on ne s'étonnera pas que, à l'instar de n'importe quelle armée d'occupation, certains aient choisi de s'enrichir par le vol d'un pays que, selon la version officielle de leur gouvernement, ils sont venus secourir. C'est ainsi que 47 sceaux royaux de la dernière dynastie royale coréenne, la dynastie Choseon (1392-1910), ont été dérobés.
Certaines de ces pièces de collection exceptionnelles sont ensuite réapparues sur le marché de l'art. En 2000, le Musée d'art du comté de Los Angeles (LACMA) a acquis, lors d'une vente aux enchères, le sceau de la reine Munjeong (1501-1565), troisième épouse du onzième roi de la dynastie Choseon.
Cette réapparition publique a ensuite permis le lancement d'une campagne, au Sud de la Corée, pour la restitution de ce trésor royal. Une campagne de pétition a été conduite, menée notamment par le député démocrate An Min-suk et le moine bouddhiste Hyemin. La pétition a été ainsi rédigée :
« Le sceau de la reine Munjeong, qui est en possession du LACMA, est clairement un objet volé qui ne peut pas faire l'objet de transactions privées. Le sceau a été bien préservé en Corée jusqu'à la guerre de Corée. Il a été volé par des soldats américains pendant la guerre, en 1950, et a été sorti illégalement du pays. Après le vol, le gouvernement coréen a notifié à son homologue américain que 47 sceaux royaux avaient été volés par les troupes américaines et il a rendu public cet incident dans les médias américains, notamment le Baltimore Sun. Récemment, nous avons lu attentivement les rapports du Département d'Etat américain pour découvrir que, selon l'enquête du Département d'Etat, les sceaux royaux ont été reconnus comme des objets volés. C'est pourquoi nous plaidons pour le retour du sceau en Corée dans le cadre de l'amitié américano-coréenne. Hye Moon, représentant de l'Association pour la restitution des biens culturels ».
Alors que les responsables du LACMA auraient pu faire état de leur bonne foi lors de l'acquisition du sceau, ils ont reconnu qu'ils s'agissaient d'un vol et se sont engagés à le restituer. Fred Goldstein, vice-président en charge de l’administration du musée, a confirmé le 20 septembre 2013, lors d’une rencontre à Los Angeles avec la délégation coréenne dont faisait partie le député An Min-suk, que « le sceau est illégalement sorti du territoire coréen et il est normal qu’il soit restitué ». Dans un communiqué, le LACMA a précisé qu'il avait pris cette décision après avoir conduit sa propre enquête et réuni des preuves objectives. S'agissant des modalités de la restitution, envisagée dans un délai de deux mois, Fred Goldstein a déclaré qu'il se rapprocherait des représentants du gouvernement sud-coréen. Une copie du sceau doit être présentée dans les collections publiques du musée américain.
Une telle décision doit d'autant plus être saluée qu'elle est peu banale, les conservateurs de musées occidentaux faisant valoir que rendre les trophées de guerre aux pays qui ont été victimes de conflits ou de la colonisation viderait les collections publiques et privées. Pays ayant rattrapé économiquement et en matière d'innovation les Etats les plus puissants au monde, la Corée est particulièrement attachée à la restitution des biens culturels qui lui ont été volés pendant la période d'ingérence des puissances étrangères à partir de la fin du XIXème siècle, puis pendant la colonisation japonaise et la guerre de Corée. La restitution d'archives royales pillées par la France, lors de l'expédition coloniale en Corée de 1866, a d'ailleurs été décidée par le Président Nicolas Sarkozy en novembre 2010, et a permis de lever l'un des obstacles à l'approfondissement des relations franco - sud-coréennes, même si la forme choisie (le prêt à long terme) n'est pas entièrement satisfaisante pour la partie coréenne.
Une requête avait été adressée par le parquet sud-coréen aux autorités américaines, dont il est attendu qu'elles concluent également dans le sens de la sortie illégale de la péninsule d'une pièce du patrimoine coréen.
La reine Munjeong était la troisième femme du roi Jungjong, onzième souverain de la dynastie Choseon, qui a régné de 1506 à 1544. La reine Munjeong a exercé la régence pendant la minorité de son fils Myeongjong (né en 1534 et décédé en 1567), après le court règne (1544-1545) du roi Injong. injong avait succédé à Jungjong, et son demi-frère Myeongjong était monté sur le trône après sa disparition. Munjeong a gardé le pouvoir jusqu'à son décès en 1565. Elle a favorisé le bouddhisme en Corée et est également connue pour avoir ordonné la restitution de familles de roturiers de terres confisqués par la noblesse.
Coulé en bronze et doré, le sceau est orné de l'emblème d'une tortue. Côté face figure selon une formulation respectueuse le nom de la reine : « Sungryeol Daewang Daebi Jibo (Trésor de la reine du grand roi sacré) ». Les dimensions sont de 6,98 x 15,24 x 15,24 cm. Comme le précise le site du LACMA (photo ci-dessous), le sceau avait une valeur de reconnaissance sociale et d'identification en Asie de l'Est et pouvait comporter une formule poétique. La tortue est symbole de longévité dans la culture coréenne.
Sur les 366 sceaux royaux de la dynastie Choseon, 47 auraient été volés pendant la guerre de Corée et le sceau de la reine Munjeong est le cinquième à avoir été localisé, les quatre autres sceaux retrouvés ayant d'ores et déjà été restitués. Il reste donc 42 autres sceaux à retrouver, dont un certain nombre sont certainement détenues par des personnes privées, qu'il s'agisse ou non de collectionneurs. L'affaire des sceaux de la dynastie Choseon est donc encore loin d'être close...
Sources : AAFC, archives du LACMA (page consultée le 28 septembre 2013, dont photo en bas d'article), pétition pour la restitution du sceau de la reine Munjeong, Yonhap (dont photo en haut d'article).
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