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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 23:03

Le compositeur sud-coréen Ryu Jae-joon (photo ci-dessous) a refusé de se voir remettre le prix que lui avait décerné l'Association commémorative Nanpa, en observant que celle-ci honore la mémoire d'un musicien coréen, Hong Nan-pa, ayant collaboré avec le Japon pendant la colonisation de la péninsule par l'empire nippon (1910-1945). Cette décision mérite d'être saluée, alors que des héritiers des collaborateurs avec le Japon, qui détiennent aujourd'hui les leviers du pouvoir économique et politique en l'absence d'épuration à la libération, freinent le nécessaire travail de mémoire sur cette période douloureuse de l'histoire coréenne.

 

Il n'y aura pas de récipiendaire des 46èmes récompenses musicales Nanpa, après le refus du lauréat, le compositeur Ryu Jae-joon, de se voir décerner le prix puis, à sa suite, la décision analogue de la soprano Im Seon-ae.

Cette décision a choqué certains conservateurs, qui ont dénoncé une "politisation" de l'art. Il est intéressant de constater que les mêmes poursuivent de leurs foudres tout ce qui s'apparenterait, selon eux, à une compromission avec l'art de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord)... Manifestement, l'ouverture d'esprit qu'ils prônent est à géométrie variable.

Les récompenses sont décernées par une association nommée en mémoire du compositeur coréen Hong Nan-pa, connu notamment pour Bongseonhwa, une dénonciation des souffrances du peuple coréen au cours de son histoire. Hong Nan-pa a pris une part active à la lutte antijaponaise quand il était étudiant aux Etats-Unis.

Mais, au plan politique, il y a deux Hong Nan-pa. L'auteur, né en 1898 et décédé en 1941, avait retourné sa veste à la fin de sa vie, après avoir été arrêté par la police japonaise.  En 2009, le Comité présidentiel pour l'inspection des collaborations avec l'impérialisme japonais l'a qualifié de "collaborateur pro-japonais et anti-national", après qu'eut été révélée son implication au sein de la Mobilisation générale pour la ligue d'esprit national, groupe très actif dans la collaboration avec le Japon et à l'origine de chansons pro-japonaises comme Le matin de l'espoir et Le chant du soldat partant combattre.

Plus connu à l'étranger que dans son propre pays, Ryu Jae-joon a travaillé au conservatoire de Cracovie avec le maestro Krzysztof Penderecki et est l'auteur, entre autres, de Sinfonia da Requiem et d'un Concerto pour violon. Sans doute cette ouverture internationale lui a-t-elle permis de prendre conscience de la chape de plomb qui pèse sur la lecture de l'histoire en Corée du Sud, où par exemple les symboles nazis ont pignon sur rue, le plus souvent par ignorance politique, quand les ouvrages de Karl Marx restent interdits.

Ryu Jae-joon a d'abord déploré l'instrumentalisation des activités de collaboration par certains groupes à des fins personnelles, en soulignant le rôle social de l'artiste, alors que des figures éminentes du monde artistique ont, elles, choisi, de combattre pour la liberté, au péril de leur vie. Il y a bien, comme l'a conclu Ryu, un échec dans le regard de la Corée du Sud sur sa propre histoire : quel pays indépendant au monde honorerait quelqu'un qui a été un traître à sa patrie ?

Sources : AAFC, Hankyoreh (dont photo).
 

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