Du 13 au 17 février 2012, Nathalie Péchalat, avec Fabian Bourzat, a participé pour la troisième fois au Prix international Paektusan, qui réunit chaque année à Pyongyang les plus grands noms du patinage artistique mondial. Après ses participations au Prix Paektusan en 2009 et en 2011, elle a livré au quotidien sportif L'Equipe ses impressions sur ses séjours en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Nous reproduisons ci-après des extraits de son entretien, publié le 23 février 2012 dans un article intitulé "De l'autre côté de la glace", qui rendent compte de la popularité croissante du patinage en Corée du Nord - où le titre de sportif de l'année 2011 a d'ailleurs été décerné à un jeune patineur, Yun Jin-il.
Comme l'observe d'emblée Nathalie Péchalat, en RPD de Corée, "le patinage est l'un des sports les plus appréciés avec le football, le tennis de table et le Taekwon-Do. Faire des galas permet de promouvoir notre sport, d'intéresser le public". D'ailleurs, lors du deuxième des trois galas organisés pour l'édition 2012 du Prix Paektusan, l'entrée était libre.
Au-delà des aspects politiques, sur lesquels l'interview de Nathalie Péchalat, à qui il serait absurde de faire le reproche de ne pas être une spécialiste de relations internationales, n'apprendra que peu de choses au lecteur un peu informé - d'autant plus qu'elle commet un certain nombre d'erreurs factuelles (par exemple, contrairement à ce qu'elle affirme, des Américains obtiennent régulièrement des visas pour la Corée du Nord, même si la politique de la RPD de Corée en ce domaine connaît des fluctuations importantes suivant les années ; la kimjongilia est un bégonia, et non un coquelicot ; des Nord-Coréens fréquentent eux aussi les pizzérias qui ont ouvert récemment à Pyongyang) - il est intéressant de noter les changements que relève, sur un ton très direct, la championne d'Europe de danse sur glace, depuis sa première visite dans le pays il y a trois ans : "Nous adorons noter les changements apparents : le nombre de voitures, l'apparition des feux tricolores, l'agrandissement de l'aéroport ou l'évolution de la musique - on est passé des chants nord-coréens à des remix des classiques américains version flûte de pan - ou des programmes de télévision. Cette année, de nouveaux bâtiments sont sortis de terre à vitesse grand V. On nous a expliqué que les Coréens avaient redoublé d'efforts lorsque leur leader était mort le 17 décembre, pour lui faire honneur". De fait, ces observations recoupent celles des autres visiteurs étrangers ayant récemment visité la Corée du Nord, qui témoignent tous d'un boom de la construction et d'une croissance économique réelle, ainsi que d'évolutions sociales dont la culture est le reflet - qu'il s'agisse de la musique et des programmes de télévision (que cite Nathalie Péchalat), ou de la littérature.
Se félicitant de la qualité de l'accueil - un souci constant des Coréens, qu'ils soient du Nord ou du Sud de la péninsule, vis-à-vis des étrangers - Nathalie Péchalat ajoute que "cette année, nous avons même un interprète qui parle français : Madame Ri" (dont le nom a été transcrit par erreur "Li", comme au Sud, par L'Equipe). Soulignant la curiosité des Coréens pour la culture occidentale, elle note que l'un des guides a souhaité qu'elle lui apporte, la prochaine fois, "des romans d'amour", concluant : "ça m'a fait sourire parce qu'ils paraissent tous très solides, toujours sous contrôle, mais finalement ils sont comme nous tous !". Réputés être le plus latin des peuples d'Asie, les Coréens sont, de fait, très sentimentaux.
Les patineurs français sont devenus une tête d'affiche du gala, qui réunit un plateau très relevé : "Cette année, avec Fabian, nous avons l'honneur d'être dessinés sur l'affiche du gala, organisé lors du festival annuel Paektusan. On s'est reconnu grâce aux costumes et à la posture. Comme toujours, le plateau est très relevé, avec notamment Evgueni Plushenko (champion olympique 2006, triple champion du monde, sept fois champion d'Europe), le couple chinois champion olympique Shen Xue - Zhao Hongbo, la championne d'Europe finlandaise Laura Lepisto ou les anciens danseurs bulgares Albena Denkova et Maxime Staviski".
La partie la plus intéressante de l'interview de Nathalie Péchalat est son témoignage sur l'investissement des Nord-Coréens dans le patinage artistique, alors que les patineurs les plus talentueux, comme Ri Song-chol, champion national à de nombreuses reprises, ont participé aux Jeux olympiques.
Tout d'abord, la patineuse française observe que "lors des répétitions, nous devons faire un changement de partenaires avec le couple de danseurs nord-coréens" - le Prix Paektusan étant une occasion rêvée pour les Nord-Coréens de se frotter aux meilleurs patineurs mondiaux. Nathalie Péchalat estime que, malgré leur travail, les patineurs nord-coréens sont cependant handicapés par un style traditionnel et un certain handicap financier : "Les patineurs nord-coréens ne sont pas dans les mêmes vestiaires que nous, mais on se croise dans les couloirs. Ils sont très contents d'avoir de la visite, sont souriants, assistent à tous nos entraînements. Nous aussi nous regardons ce qu'ils font. On sent qu'ils travaillent beaucoup, mais leur patinage n'est pas vraiment au goût du jour. Comme leur équipement : leurs patins et leurs costumes sont d'une autre époque. Ils doivent sûrement se passer leur matériel d'une génération à l'autre car leurs patins sont très abîmés". De fait, nous pouvons observer que l'embargo occidental sur les produits dits de luxe - même les balles de golf sont interdites d'exportation à Pyongyang ! - handicape grandement le développement du sport de haut niveau, aux équipements coûteux, en RPD de Corée.
Enfin, Nathalie Péchalat souligne les échanges touchants avec les Nord-Coréens, et leur demande très forte d'une coopération avec la France, dans des entretiens d'une proximité qu'elle n'avait, elle, pas connue lors de ses précédents séjours : "A la fin du dernier gala, nous avons fait une longue séance photo dans le couloir, avec tous les patineurs locaux. Un moment très sympa et très touchant (...). Pour conclure notre séjour, nous sommes conviés à un petit dîner où pour la première fois Coréens du Nord et Français sont mêlés. Nous sommes assis avec les danseurs sur glace et leurs entraîneurs. Ils veulent connaître notre avis sur leur prestation, nous demandent des conseils, nous questionnent sur des aspects techniques. Beaucoup plus ouverts que les années précédentes, ils nous disent combien ils aimeraient que l'on organise un stage, chez eux bien sûr, pour qu'ils puissent apprendre des étrangers. Et nous racontent aussi comment ils s'entraînent, aux frais du gouvernement, dès leur plus jeune âge".
L'Association d'amitié franco-coréen (AAFC) ne peut que former elle aussi le voeu que la France réponde aux multiples demandes de coopération des Nord-Coréens dans les domaines du sport et de la culture, par son gouvernement (qui a ouvert un bureau de coopération à Pyongyang en octobre dernier), ou par ses fédérations sportives professionnelles. L'AAFC est prête à apporter son expertise technique et à mettre à disposition ses réseaux de contacts franco - nord-coréens, à toutes celles et tous ceux qui auraient des projets de coopération, en patinage artistique ou dans d'autres disciplines.
Pour finir, nous nous permettons d'apporter une correction à la conclusion de l'entretien publié dans L'Equipe : les matériels promis aux patineurs par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, qui avait assisté à une représentation le 4 décembre 2011, leur ont bien été donnés, comme l'a rapporté l'agence KCNA. En Corée du Nord, toute l'éducation est publique et gratuite - y compris la formation sportive de haut niveau, dont les équipements sont également fournis par l'Etat, à la hauteur bien évidemment des ressources disponibles.
Sources : AAFC, L'Equipe, KCNA (pour les photos, dépêche du 17 février 2012)