Suite au naufrage du Cheonan, corvette de 1 200 tonnes de la Marine sud-coréenne, en mer de l'Ouest de la Corée le 26 mars 2010, une commission internationale composée d’experts américains, sud-coréens, australiens, canadiens et suédois a conclu le 20 mai 2010 qu'un sous-marin nord-coréen a torpillé ce navire. La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a nié toute implication dans cet incident, mais le président sud-coréen Lee Myung-bak a annoncé le 24 mai une série de mesures de rétorsion - suspension totale des échanges et du commerce intercoréens, interdiction pour les navires nord-coréens de naviguer dans les eaux territoriales sud-coréennes, saisine du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les conséquences possibles (ou espérées par certains) des « preuves » avancées contre la RPDC dans l'affaire du Cheonan se précisent et font d'abord le jeu des forces les plus conservatrices et les plus hostiles à la RPDC, aux Etats-Unis et en Corée du Sud : nouvelles sanctions de la « communauté internationale » à l'encontre de la RPDC; pas de reprise des pourparlers à six pays sur le programme nucléaire nord-coréen; pas de négociations entre les Etats-Unis et la RPDC en vue de remplacer de l'accord d'armistice de 1953 par un véritable traité de paix; gel des échanges inter-coréens et répression accrue contre le mouvement pro-réunification en Corée du Sud. En outre, le transfert de Washington à Séoul du contrôle opérationnel des forces armées sud-coréennes en temps de guerre, prévu en 2012, pourrait être reporté, alors que le Premier ministre japonais Hatoyama a, lui, renié son engagement électoral de déplacer une base militaire américaine hors d'Okinawa. Le 24 mai 2010, S.E. Son Mu-sin, Délégué général de la RPD de Corée en France, a bien voulu livrer aux rédacteurs du site Internet de l'AAFC son appréciation sur la situation créée par le naufrage du Cheonan et les accusations portées à l'encontre de la RPDC.
Un montage politique avec trois motifs
D'emblée, le Délégué général de la RPDC a jugé peu étonnants les résultats de l'enquête commission internationale emmenée par la Corée du Sud et les Etats-Unis sur le naufrage du Cheonan. En effet, la RPDC ayant été pointée du doigt dès le 26 mars, ces résultats étaient connus d'avance, d'autant que les responsables de l'enquête sont les mêmes qui, selon le Délégué général de la RPDC en France, sont responsables de l'incident du Cheonan.
Tout cela constitue un montage politique sud-coréen qui aurait trois raisons.
Premièrement, le gouvernement conservateur de Lee Myung-bak se trouve actuellement dans une impasse politique. L'annonce des résultats de l'enquête sur le naufrage du Cheonan à la veille des élections locales prévues le 2 juin en Corée du Sud permet donc au pouvoir en place à Séoul de manipuler à son avantage les résultats du scrutin.
Deuxièmement, du fait de la politique envers la RPDC menée par Lee Myung-bak depuis son arrivée au pouvoir en février 2008, les relations entre le Nord et le Sud sont actuellement bloquées et tous les acquis du rapprochement intercoréen opéré depuis la Déclaration conjointe Nord-Sud du 15 juin 2000 ont été détruits. Lee Myung-bak ne veut pas assumer les conséquences de sa politique. L'incident du Cheonan lui fournit un prétexte.
Troisièmement, les autorités sud coréennes veulent entraver le processus d'édification d'une grande nation puissante et prospère à l'horizon 2012, dans lequel est actuellement engagée la République populaire démocratique de Corée, y compris avec le soutien d'autres forces extérieures hostiles à la RPDC.
Une nouvelle phase de guerre
Face à la politique hostile des autorités sud-coréennes, le Délégué général de la RPDC en France a tenu à rappeler la position de son pays
D'abord, le Comité de la défense nationale de la RPD de Corée a annoncé dès le 20 mai et les résultats de l'enquête sur le naufrage du Cheonan de la commission internationale emmenée par les Etats-Unis et la Corée du Sud, sa volonté d'envoyer en Corée du Sud un groupe de vérification afin d'examiner sur place les preuves matérielles. Les autorités sud-coréennes ont jusqu'à présent refusé une telle inspection. Celle-ci est pourtant conforme à l'Accord de base intercoréen de 1991, lequel stipule que, en cas d'incident entre les deux Corée, une équipe d'inspection conjointe doit être constituée.
Ensuite, en cas de « châtiment », « représailles » ou « sanctions » susceptibles de porter atteinte aux intérêts nationaux de la République populaire démocratique de Corée, le Comité de la défense nationale a déclaré que l’armée et le peuple coréens répondront immédiatement en prenant diverses mesures bien plus énergiques, y compris en engageant une guerre totale.
le Comité de la défense nationale a en outre déclaré que, les autorités sud-coréennes ayant publiquement envisagé une « action résolue », la RPDC considérera comme une provocation de ces « fanatiques » le moindre incident dans ses eaux territoriales, dans son espace aérien et sur le territoire de la République, et y ripostera par des « coups physiques puissants et impitoyable », et par des « représailles illimitées ».
Enfin, par la voix de son Comité pour la réunification pacifique de la Corée, la RPDC a considéré le 21 mai 2010 que, s'agissant désormais d'une nouvelle phase de guerre, les questions relatives aux relations intercoréennes seront gérées en fonction de cette situation.
Déjà, le commandant du secteur du front central - c'est à dire la zone « démilitarisée » (DMZ) séparant le Nord et le Sud - de l’Armée populaire de Corée a déclaré ouvertement le 24 mai que si la Corée du Sud installe des moyens de propagande pour la guerre psychologique dans la DMZ, les forces nord-coréennes tireront sur les hauts-parleurs de ces installations afin de les détruire.
Le précédent irakien
Si des pays tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France sont du côté de la Corée du Sud et opposés à la RPDC dans l'affaire du Cheonan, le Délégué général de la RPD de Corée en France a rappelé que la position des Etats-Unis a été fluctuante après l'incident du 26 mars. Les responsables américains ont commencé par dire que la Corée du Nord n'avait pas coulé le Cheonan, avant d'affirmer le contraire.
La reprise des pourparlers à six pays (deux Corée, Etats-Unis, Chine, Russie, Japon) sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne s'annonçait bien suite à la visite effectué en RPDC en décembre 2009 par Stephen Bosworth, représentant américain aux pourparlers. Une rencontre entre les Etats-Unis et la RPDC était même prévue à New York
Néanmoins, les conservateurs américains ont fini par convaincre l'administration Obama de refuser le dialogue et les négociations au nom d'une « patience stratégique » vis-à-vis de la RPDC. Le soutien américain finalement apporté au montage sud-coréen dans l'affaire du Cheonan en fait partie.
Le Délégué général de la RPD de Corée en France a ensuite établi un parallèle entre les preuves avancées contre la RPDC dans l'affaire du Cheonan, et la présentation, en février 2003, de fausses preuves sur les armes de destruction massives irakiennes par le secrétaire d'Etat américain Colin Powell devant le Conseil de sécurité des Nations Unies pour justifier une intervention militaire des Etats-Unis. A l'époque, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, avait réagi vivement en contestant les arguments américains.
D'autant que l'élément de torpille repêché sur le lieu du naufrage du Cheonan et avancé comme preuve contre la RPDC est très suspect et ressemble davantage à un accessoire de théâtre exhibé pour l'occasion.
D’après les commentaires des Sud-Coréens eux-mêmes, sur cet élément de torpille, l'inscription censée être d'origine nord-coréenne est bien visible et ne correspond pas à l'état général de l'objet présenté. D'autre part, selon les conclusions de la commission d'enquête menée par les Etats-Unis et la Corée du Sud, l'explosion aurait eu lieu à plusieurs mètres du Cheonan et aurait été assez puissante pour briser en deux un navire de 1.200 tonnes par un « jet de bulle ». Mais alors que penser du morceau de torpille présenté, assez important et en relativement bon état?
Tous ces points pourraient être examinés par l'équipe d'inspection que la RPDC propose d'envoyer en Corée du Sud, mais cette dernière refuse qu'une telle enquête soit menée.
Le Sud a plus à perdre que le Nord
Interrogé sur les conséquences des nouvelles sanctions économiques envisagées par la Corée du Sud, le représentant nord-coréen en France a déclaré que la RPDC n'attend aucun bénéfice de la part de la Corée du Sud dans le cadre des relations intercoréennes, alors que la Corée du Sud aura à subir des pertes importantes si ces relations se détériorent. Au Sud, les achats massifs de dollars, qui pèsent sur la valeur du won, sont une des conséquences des nouvelles tensions dans la péninsule, relevées par le Délégué général.
En RPDC, la construction d'un pays puissant et prospère à l'horizon 2012 se poursuit en comptant sur les propres forces du pays. Parmi les réalisations relevées par le Délégué général : la RPDC est désormais capable de produire de l'acier en utilisant son propre charbon sans fumée, au lieu d'importer du coke d'autres pays ; la production de vinalon, fibre synthétique obtenue à partir du calcaire et de l'anthracite, a repris ; la RPDC a pallié l'arrêt des importations d'engrais sud-coréens suite à l'arrivée au pouvoir de Lee Myung-bak au Sud, en produisant de plus en plus ses propres engrais. Le problème le plus important en RPDC étant l'énergie électrique, une grande centrale hydraulique est en construction à Huichon et le pays, qui maîtrise l'enrichissement de l'uranium, envisage de s'équiper de réacteurs nucléaires à eau légère. La RPDC a donc beaucoup de potentialités et ses adversaires auraient tort de la sous-estimer.
En conclusion : la RPDC en a vu d'autres
En conclusion, le Délégué général de la RPD de Corée en France a noté que les tensions créées par les accusations à l'encontre de la RPDC suite au naufrage du Cheonan ressemblent à d'autres situations rencontrées par le passé : quand la Marine nord-coréenne avait capturé le Pueblo, un navire-espion américain, en 1968 ; quand l'aviation nord-coréenne avait abattu un avion-espion américain EC-121 en 1969 ; quand soldats américains et nord-coréens s'étaient battus à mort au sein même de la DMZ (« Incident de la hache ») en 1976 ; quand le président américain Bill Clinton avait menacé de bombarder la centrale nucléaire nord-coréenne de Yongbyon en 1993... A chaque fois, la RPDC a répondu aux menaces de façon ferme et, même si elle ne disposait pas de l'arme nucléaire, l'affrontement a été évité. Aujourd'hui, la situation est différente.
L'Association d'amitié franco-coréenne tient à remercier S.E. Son Mu-sin, Délégué général de la RPD de Corée en France, et M. Jon Hyong-jong, conseiller auprès de la Délégation générale de la RPDC.
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