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25 décembre 2009 5 25 /12 /décembre /2009 23:50

Du 10 au 15 décembre 2009, une délégation américaine était en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) pour y rencontrer des scientifiques et responsables nord-coréens afin de « discuter et identifier les opportunités futures pour des activités de recherche en collaboration dans des domaines d'intérêt mutuel ». Les membres de la délégation, parmi lesquels d'éminents chercheurs, ont été visiblement impressionnés par le talent des jeunes scientifiques nord-coréens, loin de l'image d'un pays reclus et arriéré souvent donnée par les grands médias occidentaux, notamment en France.


La délégation américaine qui s'est rendue du 10 au 15 décembre à Pyongyang à l'invitation de l'Académie nord-coréenne des sciences, était composée de six membres d'un consortium créé en mai 2007 pour favoriser la collaboration scientifique entre les Etats-Unis et la RPDC. Ce consortium regroupe actuellement quatre organisations et institutions américaines : la Fondation américaine pour la recherche et le développement civil (CRDF) dont l'objectif est d'encourager la collaboration scientifique et technique internationale ; l'Association américaine pour l'avancée de la science (AAAS), la plus ancienne fédération d'organisations scientifiques - fondée en 1848 - qui édite notamment la célèbre revue Science Magazine ; l'Université de Syracuse, un centre de recherche de premier plan aux Etats-Unis ; et la Korea Society qui s'attache à promouvoir une plus grande connaissance et compréhension entre les peuples américain et coréen.


Cette visite a eu lieu immédiatement après le déplacement effectué à Pyongyang par l'envoyé spécial américain Stephen Bosworth qui a décrit comme « très utiles » ses entretiens visant à reprendre les négociations sur le programme nucléaire nord-coréen.


En visitant des universités, des laboratoires et des hôpitaux de Pyongyang, la délégation américaine voulait « rencontrer des scientifiques ainsi que des responsables d'universités et en charge de la politique scientifique pour explorer les opportunités pratiques d'échanges et de collaboration [entres les Etats-Unis et la RPDC]. » A l'issue de cette visite, Américains et Nord-Coréens ont rédigé un projet d'accord de coopération dans le domaine de la médecine, de la biologie, de l'énergie et de l'ingénierie, entre autres. Compte tenu de l'histoire, faite de méfiance réciproque, des relations entre les Etats-Unis et la RPDC, des différences de systèmes des deux pays et de la nécessité de respecter leurs lois respectives, ce projet d'accord a encore besoin d'être discuté par les universités américaines et les gouvernements pour entrer en application.


La délégation était conduite par le président de l'AAAS, Peter Agre, prix Nobel de chimie 2003 et directeur de l'Institut Johns Hopkins de recherche sur le paludisme. A l'Université des sciences de RPDC, le professeur Agre a fait un exposé sur les recherches qui lui ont valu le prix Nobel. De leur côté, les scientifiques nord-coréens ont présenté aux visiteurs américains leur propres travaux dans des domaines aussi variés que la théorie des réseaux, la biodiversité, les énergies renouvelables et même la modélisation mathématique du cours des marchés boursiers mondiaux. Cette présentation – en anglais - a visiblement impressionné les membres de la délégation américaine, Peter Agre déclarant même à ses hôtes « attendre avec impatience le jour pas si lointain où un Coréen figurera sur la liste des prix Nobel scientifiques ».


Malgré les difficultés rencontrées par la RPDC, les scientifiques de ce pays ont des atouts qui font souvent défaut à leurs homologues occidentaux - une vaste réserve de jeunes talents et leur passion pour la science - a reconnu pour sa part Stuart Thorson, professeur de science politique à l'Ecole Maxwell d'administration publique de l'Université de Syracuse, interrogé à son retour de Pyongyang.

 

Lui et la délégation américaine dont il faisait partie ont été particulièrement intéressés par la manière avec laquelle le gouvernement nord-coréen encourage les jeunes talents scientifiques à un moment où de moins en moins d'étudiants choisissent cette voie dans le monde.


« Un domaine qui nous a beaucoup impressionnés a été la façon de repérer les jeunes talents scientifiques », a déclaré le professeur Thorson. « [La Corée du Sud et les Etats-Unis] doivent relever un grand défi en encourageant les jeunes, en particulier les filles, à se diriger vers les sciences. Tout le monde veut faire de l'argent », a regretté Stuart Thorson. En Corée du Nord, le gouvernement envoie des hauts scientifiques dans les provinces pour repérer et encourager les jeunes enfants qui « n'ont pas de bons résultats aux tests mais montrent une curiosité pour les sciences », a-t-il noté.


KCUT_15092009-3.JPGL'Université de Syracuse a entamé en 2001 une collaboration avec l'Université technologique Kim Chaek (KCUT) de Pyongyang dans le domaine du traitement de l'information, seule collaboration universitaire en cours entre les Etats-Unis et la RPDC. L'université américaine a invité des experts nord-coréens et a aidé à construire la première bibliothèque numérique de Corée du Nord dans l'enceinte de la KCUT. Pour gérer cette bibliothèque, elle a fourni des logiciels libres (open source) mais ni les ordinateurs ni d'autres équipements qu'il est interdit de livrer à la RPDC en application des règles sur le contrôle des exportations américaines.

Stuart Thorson a qualifié de « très moderne » cette bibliothèque construite sur cinq étages et comportant douze salles équipées d'ordinateurs, pouvant accueillir 370 personnes.


KISU 15092008« [Les Nord-Coréens] en semblent très satisfaits. En fait, ils sont en train d'en construire deux supplémentaires. C'est un bon signe », a déclaré le professeur Thorson faisant référence aux bibliothèques numériques sur le point d'ouvrir à l'Université Kim Il-sung et à la nouvelle Université de science et de technologie de Pyongyang.


Stuart Thorson a écarté l'idée qu'un projet d'échange entre les Etats-Unis et la RPDC puisse constituer une simple aide unilatérale.


« Je sais qu'il est parfois difficile que les gens s'en rendent compte », a dit Thorson. « Mais le fait qu'ils disposent de moins d'outils sophistiqués les a amenés à développer certaines approches théoriques intéressantes. [...] Mon sentiment est qu'ils se sont plus orientés vers les mathématiques. En conséquence, ils sont très bons en théorie abstraite. Je pense donc qu'il s'agit, pour nous, d'un échange. Ce n'est pas un transfert dans une seule direction. Nous ne faisons pas de l'aide humanitaire. »


Le professeur Thorson espère qu'une « diplomatie de la science » permettra une meilleure compréhension entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.

« Il y a eu beaucoup de malentendus sur l'autre pays, beaucoup de stéréotypes décrivant l'autre pays comme le mal », a déclaré Stuart Thorson. « La coopération scientifique rend difficile ce genre de choses, entre autres [...] Ce sont des gens, et ils ne sont pas maléfiques. »


Plusieurs personnalités et institutions scientifiques américaines de renom n'hésitent donc pas à s'engager en faveur d'une plus grande coopération entre les Etats-Unis et la RPDC « dans des domaines d'intérêt mutuel », avec l'aval des autorités américaines et malgré les différends opposant les deux pays. L'Association d'amitié franco-coréenne regrette que la France emprunte un tout autre chemin, surtout après les déclarations du ministre Bernard Kouchner se félicitant, le 22 décembre dernier devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, que le gouvernement français travaille « mollement » (ce terme ne figure pas dans le compte rendu écrit de l'audition du ministre) à l'établissement d'un bureau de coopération humanitaire à Pyongyang. La création d'une telle structure a pourtant été proposée par Jack Lang, émissaire du président de la République française en Corée du Nord. C'est en outre un pas modeste qui ne signifie pas une prochaine reconnaissance diplomatique de la RPDC par la France, ce que déplore l'AAFC. Au vu de ce que peuvent accomplir les Etats-Unis et la RPDC - deux pays réputés ennemis -, l'Association d'amitié franco-coréenne appelle, une fois de plus, les autorités françaises à mettre fin à une politique préjudiciable aux intérêts français et à lever tous les obstacles à la coopération entre la France et la RPDC, y compris dans les domaines scientifique et universitaire. En plus de préserver les intérêts de la France en Asie du Nord-Est, une telle coopération bénéficiera aux deux pays et peuples et ne pourra, au final, que servir la paix mondiale.

Sources :
AAAS, AFP, CRDF, JoongAng Ilbo, Yonhap

Photos : AAFC (septembre 2008)

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