Il y a quarante-et-un ans, le 4 juillet 1972, la déclaration conjointe Nord-Sud fut rendue publique simultanément à Séoul et à Pyongyang. Même si les échanges alors engagés entre les deux Corée prirent fin dès 1973, il s'agissait du premier accord intercoréen, qui définissait les principes d'un dialogue entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et la République de Corée (du Sud), moins de vingt ans après l'armistice ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée. Alors que les deux Etats aspiraient jusqu'alors à représenter l'ensemble de la péninsule coréenne, la déclaration du 4 juillet a reconnu la séparation de facto et défini les principes qui, aujourd'hui encore, doivent guider le principe d'une réunification future, au-delà des différences de systèmes politiques et économiques.
6 août 1971. A l'occasion d'une manifestation organisée à Pyongyang en l'honneur de son hôte Norodom Sihanouk, le Président Kim Il-sung fait part de son intention de rencontrer, à tout moment, les représentants de l'ensemble des partis et des organisations sociales du Sud de la Corée. Quelques mois plus tôt, l'Assemblée populaire suprême de la RPD de Corée avait déjà soumis au Sud une déclaration en huit points.
Les représentants du gouvernement sud-coréen répondirent favorablement à cette demande, dans un contexte international et intérieur complexe pour les autorités de Séoul. La situation diplomatique était marquée par la détente, le rapprochement sino-américain puis, en mai 1972, un sommet entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. Au plan intérieur, le 27 avril 1971, le général Park Chung-hee avait remporté difficilement l'élection présidentielle qui où il s'était opposé à Kim Dae-jung (avec un score de 53,2 % contre 45,3 % à son principal adversaire, selon les résultats officiels contestés par l'opposition)
Les négociations intercoréennes s'engagèrent d'abord, à partir du 20 septembre 1971, entre les Croix-Rouge des deux Etats, à sept reprises et alternativement au Nord et au Sud, puis en mai-juin 1972 au niveau politique. Lee Hu-rak, directeur des services de renseignement sud-coréens, dirigeait la délégation du Sud. Kim Yong-ju, chef du département de l'organisation du Comité central du Parti du travail de Corée, puis Pak Song-chol, deuxième vice-Premier ministre de la RPD de Corée, conduisirent les négociations pour le Nord (ci-contre, Lee Hu-rak, à gauche, et Pak Song-chol, à droite).
La déclaration rendue publique le 4 juillet 1972 énonçait trois principes fondamentaux pour le dialogue et les échanges intercoréens :
- tout d'abord, la réunification de la Corée en toute indépendance, sans ingérence extérieure ;
- ensuite, la réunification par la voie pacifique, en excluant tout recours à la force des armes ;
- enfin, "promouvoir une grande union nationale en transcendant les différences d'idéologie, d'idéal et de régime".
Les deux parties s'engageaient aussi "à ne pas se critiquer ou se calomnier réciproquement", ainsi qu'à prévenir les incidents militaires fortuits en créant un climat de confiance mutuel.
Le 4 novembre 1972, le Comité de coordination Nord-Sud se réunit pour la première fois. Il devait tenir trois réunions. Des désaccords apparurent sur la composition des sous-comités chargés des questions politiques, diplomatiques et militaires.
Par ailleurs, le durcissement politique au Sud semblait faire du dialogue intercoréen un prétexte au renforcement du régime autoritaire du général Park Chung-hee, qui en octobre 1972 faisait promulguer la Constitution Yusin, puis fit enlever à Tokyo Kim Dae-jung, son adversaire de l'élection présidentielle de 1971. Cette action avait été entreprise par le chef de la délégation sud-coréenne. Les autorités nord-coréennes blâmèrent également la déclaration spéciale du général Park Chung-hee, publiée le 23 juin 1973. Ce texte, en prônant l'adhésion simultanée des deux Corée à l'ONU, était accusée de perpétuer la division. Le même jour, un rassemblement de masse se tint à Pyongyang, préconisant de diminuer les tensions et d'instituer une assemblée commune au Nord et au Sud et l'institution d'une confédération, la République confédérale de Koryo, qui adhèrerait aux Nations Unies.
Pour sa part, le Sud désapprouva le Nord de vouloir d'abord résoudre les questions politiques, retenant une approche gradualiste, et Park Chung-hee accusa le Nord de cherche avant tout à obtenir le retrait des troupes américaines du Sud de la péninsule.
En août 1973, le premier dialogue intercoréen était rompu. Il avait cependant jeté les bases des premiers échanges Nord-Sud et défini les principes (indépendance, réunion pacifique, grande union nationale) qui, aujourd'hui encore, guident les échanges Nord-Sud.
Sources :
- Robert Charvin et Guillaume Dujardin, La Corée vers la réunification, L'Harmattan, Paris, 2009, pp. 118-121.
- Kim Chang-ho et Kang Kun-jo, Histoire générale de la Corée, tome III, éditions en langues étrangères, Pyongyang, 1996, pp. 272-274 ;
- Koo Young-nok, Corée : vers la réunification ?, Syllepse, 2002, pp. 24-29.