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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 21:38

Si l'essor des sociétés de sécurité privées n'est pas un phénomène propre à la République de Corée (du Sud), il est singulier qu'au pays du Matin calme celles-ci se soient lancées tout particulièrement dans des activités très spéciales : expulser les habitants des quartiers pauvres et briser les grèves. Dotées de moyens qui devraient être réservés aux seules forces de l'ordre publiques, elles s'érigent en véritables milices dont la puissance grandissante fait peser une menace croissante sur les libertés publiques.

 

Le 27 juillet 2012, 200 hommes employés par la société Contactus sont entrés dans l'usine de pièces SJM en grève à Ansan (ci-dessous, fermant l'entrée de l'usine, le 30 juillet dernier; photo Hankyoreh). Ils étaient armés de matraques et dotés de casques et de boucliers en plexiglas, et sont intervenus sous le regard des forces de police qui n'ont pas jugé utile d'intervenir. Qui ne dit mot consent ?

 

SJM_Contactus_Ansan.jpg

 

Les milices privées interviennent fréquemment en Corée du Sud pour briser les grèves, mater les étudiants ou expulser les habitants pauvres de quartiers voués à la démolition. D'ordinaire les médias nationaux sud-coréens, pour la plupart frappés d'un atavisme conservateur les conduisant à condamner systématiquement les syndicats, ne jugent pas utile d'en rendre compte. Mais cette fois le cynisme de Contactus a donné une publicité sans précédent à l'action des milices privées.

 

Car Contactus se vante de disposer de moyens militaires : capacité à mobiliser jusqu'à 3 000 hommes, équipés d'armures, de chiens et de canons à eau anti-émeutes, ainsi que d'hélicoptères sans pilote. Et leurs activités ont fait florès depuis l'entrée en fonctions du Président Lee Myung-bak (Parti Saenuri, conservateur) : les sociétés privées "sont de mieux en mieux organisées. Il est pourtant interdit à des sociétés privées de posséder de tels équipements lourds et de recourir à la violence. Mais sous l'administration Lee Myung-bak, le gouvernement n'applique pas strictement la loi", comme l'explique Park Hui-hyeon, de l'ONG d'avocats Minbyung.

 

Car les liens entre les sociétés de sécurité privées et le pouvoir conservateur sont troubles. Les milices défendent les intérêts des grands groupes, les chaebols, auxquels le Président Lee Myung-bak est ouvertement favorable après s'être fait élire en 2007 sur un programme de soutien à l'économie de marché. Au demeurant, Moon Sung-ho, PDG de Contactus, est membre du parti Saenuri, au pouvoir à Séoul.

 

Après l'affaire SJM, les dirigeants de Contactus ont dû s'expliquer devant une commission parlementaire réunie à l'initiative du Parti démocrate (principal parti d'opposition, centriste), ce qui a conduit à la publication de la liste des clients de Contactus., tandis que la police a dû s'excuser

 

Bien que Contactus ait perdu sa licence en août et que plusieurs de ses cadres fassent l'objet de poursuites judiciaires, tandis que son président a démissionné de ses fonctions le 1er août dernier, des dizaines d'autres sociétés de sécurité privée poursuivent leurs activités et leur travail d'intimidation vis-à-vis des dirigeants syndicaux et des travailleurs en grève. Pour la défense des libertés publiques en Corée du Sud, il importe que le prochain chef de l'Etat qui sera élu à Séoul, en décembre, quelle que soit son appartenance politique, prenne à bras-le-corps un sujet qui jette une ombre sur le système politique et social sud-coréen.

 

Principale source : " 'La privatisation de la violence' se répand en Corée du Sud", article publié dans La Croix le 16 septembre 2012.

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