Les rencontres entre les responsables militaires de la Corée du Sud et des Etats-Unis se sont multipliées au cours du mois d'octobre, des rencontres qui coïncident avec les manœuvres militaires Hoguk dirigées contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Ces manœuvres interviennent alors que des discussions sont en cours en vue d'une reprise des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. La justification principale du programme nucléaire nord-coréen est justement la menace militaire représentée par les forces, y compris nucléaires, amassées en Asie du Nord-Est par les Etats-Unis alors que ces derniers refusent toujours de négocier un traité de paix en Corée.
Le 27 octobre, le chef d’état-major interarmées sud-coréen, Jung Seung-jo, et son homologue américain, Martin Dempsey, se sont entretenus dans le cadre de la 35ème Réunion du comité militaire. Ils ont examiné les « capacités de défense conjointe » de la Corée du Sud et des Etats-Unis face à la RPDC au regard des « provocations militaires nord-coréennes ». Le général américain Dempsey a notamment insisté sur le fait que les Etats-Unis ne réduiraient pas leur présence militaire dans la région de Asie-Pacifique malgré la diminution du budget de la Défense.
Le lendemain, 28 octobre, le ministre de la Défense sud-coréen, Kim Kwan-jin, et le secrétaire à la Défense américain, Leon Panetta, se sont rencontrés à Séoul pour la 43ème Réunion consultative sur la sécurité. La Réunion consultative sur la sécurité est une réunion annuelle entre les chefs de la Défense sud-coréen et américain qui se tient alternativement à Séoul et à Washington. C’est la première réunion de ce genre pour Panetta qui a succédé en juillet à Robert Gates au poste de secrétaire à la Défense des Etats-Unis.
Au cours de la réunion du 28 octobre, les ministres sud-coréen et américain ont convenu d'élaborer un « plan opérationnel conjoint pour contrer les éventuelles provocations locales ». En septembre, le ministère de la Défense sud-coréen avait déclaré que la Corée du Sud et les Etats-Unis ont convenu d’achever un plan opérationnel conjoint d’ici la fin de l’année. Un tel plan opérationnel prévoit une aide américaine au Sud « en cas de nécessité », incluant les forces stationnées en Corée du Sud et également sur d’autres bases américaines de la région Asie-Pacifique.
« A travers ce plan, le ministre et le secrétaire ont réaffirmé la nécessité de développer des capacités de dissuasion militaire de l’alliance de manière plus pratique et concrète et également d’améliorer le niveau de préparation des réponses en cas de provocation nord-coréenne », ont affirmé Kim et Panetta dans leur déclaration commune du 28 octobre. « Le ministre et le secrétaire ont réaffirmé que la continuation de la préparation bilatérale étroite pour divers scénarios ainsi que des exercices conjoints étendus étaient cruciaux pour se préparer adéquatement aux futurs défis sur la péninsule [coréenne]. »
Les deux parties ont également annoncé qu’elles développeraient des « capacités de préparation combinées » sur les îles proches de la Ligne de limite Nord (Northern Limit Line, NLL) en mer de l'Ouest (mer Jaune). Tracée de manière unilatérale par la marine américaine en 1953, la NLL est la frontière maritime de facto en mer de l'Ouest mais est contestée par la RPD de Corée. Le 28 octobre, Kim et Panetta ont néanmoins redit que le Nord devait « accepter la valeur pratique de la NLL et respecter celle-ci ».
Lors de la réunion, Panetta a affirmé que les Etats-Unis restaient engagés pour fournir et renforcer « une dissuasion élargie » pour la Corée du Sud. L’expression « dissuasion élargie » fait référence à une promesse faite par une puissance nucléaire de protéger un allié démuni d’armes atomiques. Selon la déclaration du 28 octobre 2011, les Etats-Unis utiliseront « toute une variété de capacités, incluant le parapluie nucléaire américain, la frappe conventionnelle et les capacités de défense de missile ».
Par la voix de son organe officiel Minju Joson, le gouvernement de la RPDC a dénoncé les rencontres militaires américano-sud-coréennes des 27 et 28 octobre comme « destinées à accroître le danger de guerre dans la péninsule coréenne », notant que « les va-t-en-guerre sud-coréens organisent des manœuvres de guerre contre la RPDC, prévues pour coïncider avec ces discussions militaires. »
En effet, du 27 octobre au 4 novembre 2011 ont eu lieu à travers toute la Corée du Sud les exercices militaires annuels Hoguk, engageant 140 000 soldats sud-coréens et américains, sur terre, dans les airs et sur les mers. Chaque année, les exercices Hoguk de novembre s'ajoutent aux exercices Key Resolve/Foal Eagle qui ont lieu en mars et aux exercices Ulji Freedom Guardian du mois d'août.
En particulier, le « commandement de la défense des îles du nord-ouest » de l'armée sud-coréenne, créé en juin 2011, a organisé le 28 octobre un exercice de grande envergure impliquant des milliers de soldats de l’armée de terre, de la marine, du corps des Marines et de l’armée de l’air, avec le soutien de canons automoteurs K-9, d'avions de chasse KF-16 et d'hélicoptères AH-1S Cobra.
Cet exercice a été mené sur l’île de Baengnyeong, à proximité immédiate de la NLL. C'est près de l'île de Baengnyeong que la corvette sud-coréenne Cheonan a fait naufrage le 26 mars 2010. Ce naufrage a été imputé à une torpille nord-coréenne par une enquête « internationale » menée en fait par les autorités américaines et sud-coréennes. La RPDC nie toute implication dans le naufrage du Cheonan et les conclusions de l'enquête américano-sud-coréenne sont réfutées, entre autres, par des scientifiques, un membre sud-coréen de la commission d'enquête officielle, et par les experts de la marine russe qui ont pu examiner les « preuves ».
Le Comité pour la réunification pacifique de la patrie, organisme de la RPDC en charge des relations Nord-Sud, a qualifié les exercices Hoguk de « guerre préliminaire très dangereuse en vue de l’invasion de la RPDC car pouvant déboucher sur une guerre réelle à tout instant compte tenu de l'ampleur et de la nature des forces armées impliquées et de leur intensité ».
Le comité a ajouté : « Leurs activités frénétiques de confrontation et de guerre contre la RPDC ne fera qu’accélérer leur propre destruction. Les autorités sud-coréennes doivent mettre un terme de suite à ces actions militaires imprudentes pour éviter les conséquences catastrophiques que pourrait entraîner leur plan de provoquer une guerre. »
Il convient de rappeler que dans le cadre des précédents exercices Hoguk, le 23 novembre 2010, l'armée sud-coréenne avait procédé à des tirs d'artillerie à partir de l'île de Yeonpyeong, en mer de l'Ouest, en direction des eaux territoriales nord-coréennes. La riposte de l'artillerie nord-coréenne avait fait quatre morts sur l'île de Yeonpyeong.
A l'heure où les discussions ont repris entre la RPDC et les Etats-Unis, laissant entrevoir une prochaine reprise des pourparlers à six (deux Corée, Etats-Unis, Chine, Russie, Japon) sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, on espérait que de telles provocations appartenaient au passé. Elles ne font qu'aggraver les tensions et justifier un peu plus l'acquisition d'une force de dissuasion nucléaire par la RPDC
Il y a pourtant mieux à faire qu'élaborer des plans opérationnels et multiplier les exercices militaires d'ampleur. Pour éviter de nouveaux accrochages meurtriers en mer de l'Ouest et, au-delà, assurer une paix permanente dans la péninsule coréenne, l'Association d'amitié franco-coréenne estime plus que jamais nécessaire la conclusion d'un traité de paix en Corée afin de remplacer l'accord d'armistice de 1953 et mettre un terme définitif à la Guerre de Corée.
Sources :
AAFC
"CPRK Hits Anti-DPRK War Exercises", KCNA, 29 octobre 2011
"US and S. Korean Military Provocation Moves Flailed", KCNA, 30 octobre 2011
« Réunion des chefs d'état-major interarmées sud-coréen et américain », Yonhap, 27 octobre 2011
« Exercice militaire de grande envergure en mer Jaune », Yonhap, 28 octobre 2011
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