Le 2 mai 2013, Fairfax Media a révélé comment les services secrets sud-coréens menaient des opérations d'infiltration des milieux gouvernementaux australiens pour peser sur les négociations commerciales entre les deux pays. Si l'espionnage économique de la Corée du Sud est un aspect moins spectaculaire et moins connu que le renseignement sur la Corée du Nord et les opérations de déstabilisation des militants de gauche sud-coréens, tant dans la péninsule qu'à l'étranger, il n'en constitue pas moins un pan de plus en plus important de l'activité des pléthoriques services de renseignement sud-coréens, qui ont conservé de la période du régime militaire des modes d'action particulièrement agressifs, comparés à ceux de leurs homologues occidentaux.
Entre alliés, on lave son linge sale en famille, et loin des médias : c'est en ce sens qu'il faut interpréter la déclaration de Bob Carr, ministre des Affaires étrangères australien (photo à gauche, source), selon laquelle la "solidité" des relations australo - sud-coréennes ne serait pas affectée, après la révélation par Fairfax Media des opérations d'infiltration des milieux gouvernementaux par les services sud-coréens pour peser sur les négociations commerciales bilatérales.
Selon Bon Carr, "les relations avec la République de Corée [du Sud] sont si fortes, si solides, que cela n'aura pas d'effet", tout en déclarant refuser de confirmer ou d'infirmer le rapport de Fairfax Media en s'en tenant à ce qui est, selon lui, la pratique habituelle du gouvernement australien en matière de renseignement.
Mais le fait est que le principal protagoniste de l'affaire, le Docteur Yeon Kim, a dû démissionner de l'administration australienne, alors qu'il était un des experts en matière de commerce agricole. En 2010, il avait contacté un agent de renseignement sud-coréen sous couverture diplomatique, officiellement enregistré comme officier de liaison par l'administration australienne. Le Docteur Kim était le principal auteur d'une étude ABARES sur le marché du boeuf en Corée du Sud, et il avait participé fin 2009 au troisième tour des négociations de libre échange entre l'Australie et le Pays du matin calme.
En octobre 2010, Yeon Kim avait été interrogé par les services secrets australiens de l'Organisation de sécurité et d'information australienne (Australian Security Intelligence Organisation, ASIO). Mais ce n'est qu'à l'issue d'une longue enquête que, onze mois plus tard, le directeur général de l'ASIO David Irvine (photo ci-dessous, source) avait déclaré publiquement la découverte par ses services des contacts du Docteur Kim avec des agents de renseignement sud-coréens successifs, attestant ainsi d'une relation suivie. Il a fallu attendre ensuite encore un an et demi pour que cette affaire d'Etat ait le retentissement qu'elle mérite dans les médias australiens et internationaux, au regard de la gravité des faits qui pourraient n'être pas isolés quant à la politique d'espionnage et d'infiltration de la Corée du Sud en matière économique, ainsi que le rôle joué par des résidents sud-coréens à l'étranger ou d'origine coréenne.
Soucieuse d'étouffer l'affaire, l'ASIO dit avoir évité de procéder - du moins dans l'immédiat - aux expulsions d'agents sud-coréens incriminés dans ces "activités inappropriées" (selon les termes de Fairfax), ni même d'en révéler l'identité. Au regard des pratiques habituelles en la matière, il n'est cependant guère douteux que les peu discrets espions sud-coréens trempés dans l'affaire Yeon Kim devront quitter l'Australie, certainement de manière étalée dans le temps pour essayer d'empêcher des rapprochements par les médias entre ces départs et le scandale d'espionnage. Pour les agents de renseignement sous couverture diplomatique, les délais habituels de changement de poste pourront servir à dissimuler la vraie nature de leurs activités. Pour les autres - officiellement journalistes, commerciaux ou encore agents de voyage - il faudra que les services sud-coréens négocient avec l'administration australienne, ou fassent preuve de plus d'imagination que d'ordinaire.
Principale source : agence AAP.
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