Récemment, plusieurs médias occidentaux se sont émus que les matchs de la Coupe du monde de football 2010 puissent ne pas faire l'objet d'une retransmission systématique à la télévision nord-coréenne, malgré la qualification de l'équipe nord-coréenne, en n'hésitant pas à parler de "censure". En fait, alors qu'une majorité d'Occidentaux peine à localiser les pays étrangers sur une carte du monde (près d'un jeune Américain sur deux ne sait pas situer l'Inde), les Nord-Coréens en contact avec des Occidentaux - et pas seulement les diplomates - montrent une bonne connaissance de l'actualité internationale, et d'abord (sinon, principalement) de l'actualité politique. Cette situation n'est pas un hasard : elle est le résultat d'une éducation qui met l'accent sur la géographie mondiale, ainsi que d'une couverture de l'actualité internationale à certains égards plus exhaustive que chez nous, où les nouvelles politiques et économiques occupent la place habituellement réservée dans les médias occidentaux aux stars dites "people" et au sport.
On ne trouve pas trace, dans les médias de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), des nombreux articles de la presse française et internationale sur la vie privée et la famille de Nicolas Sarkozy. En revanche, les journaux et les radios traitent non seulement de sujets de fond, comme la crise économique internationale actuelle, mais aussi de questions plus spécifiques.
Cette différence de points de vue n'est pas immédiatement perceptible dans les médias nord-coréens proposant des versions en langues étrangères - comme l'anglais et le français - tels que KCNA ou le site Naenara. En effet, ces médias privilégient l'information sur la RPD de Corée dans leurs versions en langues étrangères, destinées d'abord à un public étranger.
En revanche, les journaux - comme par exemple Le Quotien du travail (Rodong Sinmun), journal du Parti du travail de Corée - et les radios en coréen abordent plus longuement l'actualité internationale que ne le font les médias occidentaux et sud-coréens, ainsi que l'a par exemple constaté à la lecture du Rodong Sinmun un travailleur sud-coréen venu travailler au Nord, M. Oh Yeong-jin, dans son témoignage publié sous forme de bande dessinée (manhwa), édité en France par Flblb, Le visiteur du Sud :
"Parmi les articles qui traitent des relations diplomatiques, il y a une différence de point de vue considérable avec la presse sud-coréenne. On peut trouver des articles sur des pays qui ont des relations diplomatiques avec la Corée du Nord. C'est le cas par exemple de Cuba, de la Lossia (La Russie. Le nom de ce pays s'orthographie différemment au Sud et au Nord), du Kirghizistan, du Portugal, qui ont peu de relations avec la Corée du Sud." (citation extraite du tome 1, p. 201)
Et M. Oh de déclarer, surpris : "Quoi... rien sur le sport ou les stars ?"
L'actualité internationale occupe plus d'un tiers des colonnes du Rodong Sinmun, les premières pages étant traditionnellement consacrées à la RPDC et aux activités de ses dirigeants.
En émettant une réserve (importante) quant à l'appréciation de M. Oh - la plupart des pays du monde entretenant aujourd'hui des relations diplomatiques avec la RPDC, le critère de relations privilégiées avec le Nord ou le Sud de la Corée ne nous semble pas pertinent - nous confirmons ses observations : comparé à la France, à la Corée du Sud ou aux Etats-Unis, les informations sur la politique et l'économie internationale sont nettement plus développées dans les médias nord-coréens, et la différence est encore plus nette pour les pays proches politiquement de la RPD de Corée, comme Cuba.
Au demeurant, les médias dits d'information ne sont pas les seules sources d'accès à l'actualité internationale : retransmise sur une chaîne de télévision ou de radio nord-coréenne, une rencontre internationale de football donne lieu, par exemple, à des développements sur les pays étrangers concernés et leur organisation politique, économique et sociale, ce qu'on a peine à imaginer dans les commentaires télévisés d'un match de football en France.
Cet intérêt pour l'actualité économique et politique internationale provient aussi d'un système éducatif qui met l'accent sur la géographie mondiale, suivant une approche pédagogique classique qui a longtemps été aussi celle des pays occidentaux, mais de manière plus exhaustive : les programmes scolaires et universitaires comportent une connaissance approfondie des pays étrangers, de leur histoire, de leur géographie et de leur culture. Par exemple, la Révolution française et la Commune de Paris sont mieux connues par les étudiants nord-coréens que par leurs homologues britanniques ou allemands.
Si le mode de traitement de l'information diffère nettement en Corée du Nord et dans les pays occidentaux, la plus grande place accordée à l'actualité internationale en RPDC traduit une conception des rapports internationaux qui puise aux sources de l'internationalisme et de l'anti-impérialisme.