Le charismatique joueur de football nord-coréen Jong Tae-se, très célèbre pour ses larmes émues lors du match Corée du Nord – Brésil de la Coupe du monde de 2010, revient jouer en Asie après plusieurs années passées dans le club de Cologne, en Allemagne. Devenant l’un des attaquants du club de Suwon, non loin de Séoul, Jong Tae-se se place non seulement comme étant un footballeur indispensable pour le club sud-coréen, mais aussi et surtout comme l’une des pièces qui, espérons-le, favorisera le dialogue entre les deux Corée, rompu depuis le retour des conservateurs au pouvoir en Corée du Sud en 2008. A l'occasion de son arrivée dans le club de Suwon, Jong Tae-se (à gauche, à son arrivée à l'aéroport d'Incheon-Séoul) a d'ailleurs exprimé son souhait d'être un "ambassadeur" des échanges sportifs intercoréens.
Né à Nagoya au Japon en 1984 d'un père sud-coréen et d'une mère nord-coréenne, Jong Tae-se incarne la situation des nombreux Coréens du Japon, résidents permanents dans l'archipel mais de nationalité coréenne : les Zainichi (« ceux qui restent » en japonais). Ces émigrants et descendants d’émigrants se sont installés (de gré ou de force) au Japon à la suite de la colonisation, de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Corée. Selon la campagne de recensement de la population menée par l’occupant américain au Japon en 1945, il y avait alors 2,4 millions de Coréens vivant dans l’archipel.
La question de la nationalité de ces Zainichi a longtemps posé un problème de droit, puisque suivant le traité de San Francisco de 1952, les Coréens du Japon n'ont pas d'identité nationale japonaise et se voient dans l’obligation de faire un choix : retourner en Corée ou rester au Japon tout en gardant une identité coréenne. Jong Tae-se est dans cette dernière situation. Elevé dans une école de l’Association générale des Coréens résidents du Japon (Chongryon) selon les principes du Juche, c’est en toute logique que le jeune footballeur, alors meilleur espoir du Kawasaki Frontale, choisit de défendre les couleurs du la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), notamment lors du championnat d’Asie de l’Est en 2008 et pendant la Coupe du monde de 2010. Ses chaudes larmes émeuvent alors la planète qui découvre le profond attachement de ce Coréen du Japon à la « mère Patrie ». Ayant permis un but inattendu contre la très puissante équipe brésilienne, il se fait remarquer et décroche un contrat avec le FC Bochum puis avec Cologne. C’est en décembre 2012 que l’ironie de l’histoire se dévoile : Jong Tae-se devient le quatrième joueur de football de la RPDC à aller jouer en Corée du Sud (et ce grâce à une certaine tradition footballistique en Corée du Nord dont la sélection nationale s’est hissée en quarts de finale lors de la coupe du monde de 1966) et devient l’un des espoirs de la réconciliation coréenne.
Dans le domaine de la diplomatie, il n’est pas rare que, dans des cas de dialogue politique difficile, il soit préférable d’ouvrir d’autres points de contacts (on parle de Track II Diplomacy ou de Paradiplomatie), et le sport fait partie d’entre eux (souvenons-nous de la fameuse « diplomatie du Ping-pong » entre les Américains et les Chinois qui ont préparé le terrain à la visite historique de Nixon à Pékin en 1972, d'ailleurs reprise par les Coréens au début des années 1990). Jong Tae-se ayant tout du diplomate (il ne parle pas moins de cinq langues !), espérons que non seulement il rapportera beaucoup de victoires pour Suwon (comme l’a fait avant lui son compatriote An Yong-hak) et pour son pays, mais aussi qu’il constituera un facteur d’apaisement des relations intercoréennes en vue de la réunification.
Sources : AAFC, AFP (dont photo), Francefootball, wikipédia, Youtube (trailer du film Games of Their Lives).