Ce qui interpelle le public ordinaire spectateur de la crise nucléaire en Corée c'est le refus permanent des Etats-Unis - qui se présentent comme le bastion de la défense de la paix dans le monde - de signer un traité de paix avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), traité de nature à réduire les tensions dans la péninsule coréenne.
La RPDC a déclaré à de multiples reprises qu'un traité de paix est une des conditions requises pour qu'elle rejoigne les pourparlers à six pays (deux Corée, Etats-Unis, Chine, Russie, Japon) consacrés à son programme nucléaire, la RPDC s'étant retirée de ces négociations en avril 2009.
Pyongyang soutient que la question nucléaire est fondamentalement due à l'absence de traité de paix après la guerre de Corée (1950-1953), dont les combats ont pris fin grâce à un simple armistice, laissant les deux camps face à face et « techniquement » en état de guerre.
« En apparence, c'est une décision très facile à prendre », déclare John Feffer co-directeur de Foreign Policy in Focus, groupe de réflexion basé à Washington, interrogé par le quotidien sud-coréen de langue anglaise Korea Times. Cela semble aussi être une proposition de simple bon sens.
Certains observateurs affirment que l'absence de traité de paix est due aux négociateurs américains qui verraient un tel traité comme une « récompense » accordée à une Corée du Nord accusée de mal se conduire. Mais, selon John Feffer, une analyse plus approfondie de la situation révèle que c'est bien la situation politique intérieure des Etats-Unis qui leur interdit de négocier et signer un traité de paix avec la RPDC.
« La loi américaine dispose qu'un traité de paix doit recueillir les deux tiers des voix au Sénat. Le problème est qu'un certain nombre de sénateurs, surtout républicains, ne veulent pas signer un traité de paix avec la Corée du Nord. Ces considérations d'ordre intérieur doivent être prises en compte », déclare Feffer, ajoutant même qu'il s'agit de la « véritable raison » pour laquelle l'administration américaine est peu disposée à conclure un traité de paix en Corée.
En conséquence, la Corée du Nord devrait d'abord s'adresser à l'opinion publique américaine, les membres du Congrès des Etats-Unis étant des élus appelés à servir les intérêts de leur circonscription.
La tâche s'annonce difficile car, dans un sondage effectué en 2009 par l'institut américain Rasmussen, les électeurs américains considéraient la Corée du Nord comme un des pays faisant peser la plus grande menace sur la sécurité nationale des Etats-Unis. Un sondage effectué en février 2010 par l'institut Gallup montre que cette opinion n'a pas évolué. Pour le public américain, la Corée du Nord figure toujours, avec l'Iran, au premier rang des pays représentant « une menace critique pour les intérêts vitaux des Etats-Unis ».
D'après ces enquêtes, la Corée du Nord reste donc perçue de manière négative par le public américain. Or, c'est l'opinion du public américain, pas celle de l'administration américaine, qui déterminera si un traité de paix doit être signé ou non avec la RPDC.
Il se peut qu'en demandant la signature d'un traité de paix, Pyongyang néglige ce facteur. La RPDC négocie avec les envoyés de l'administration américaine chargés du dossier nucléaire, mais derrière eux se trouvent les parlementaires américains, et derrière eux se trouve encore le grand public, lequel influence les négociations en dernier ressort.
« Aux Etats-Unis, les gens ont tendance à considérer un traité de paix avec la Corée du Nord comme une sorte de concession, observe Feffer. C'est pourquoi il est si difficile de faire avancer cette question au niveau national. »
En vertu de cette analyse, pour qu'un traité de paix ait des chances d'aboutir en Corée, la RPDC devrait pratiquer un genre de « diplomatie publique » et engager une offensive de charme destinée à gagner les coeurs et les esprits du peuple américain.
Source : Korea Times (article du 4 mars 2010).
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