Les 18 et 19 mai 2012, s'est tenue à Camp David, aux Etats-Unis, la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de huit des plus grandes puissances économiques du monde (G8) : l'Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et la Russie. A ce sommet, participait notamment le Président de la République française François Hollande élu le 6 mai. La déclaration adoptée à l'issue de la réunion du G8 a condamné le lancement d'une fusée effectué le 13 avril par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et a appelé la RPDC à respecter ses obligations internationales et à abandonner tous ses programmes nucléaires et de missiles balistiques de manière complète, vérifiable et irréversible. Tout en apportant une réponse cinglante à cette déclaration, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la RPDC a réaffirmé le droit de Pyongyang à conduire un programme spatial à des fins pacifiques, tout en disant que la RPDC n'a pas l'intention de conduire d'essai nucléaire dans l'immédiat.
Interrogé le 22 mai 2012 par l'agence de presse nord-coréenne KCNA, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la RPDC a fermement rejeté la déclaration adoptée le 19 mai 2012 à l'issue de la réunion du G8 :
« Nous dénonçons résolument et rejetons totalement la déclaration du sommet tenu récemment aux Etats-Unis, laquelle a mentionné de manière déraisonnable la RPDC au sujet du lancement de son satellite à des fins pacifiques et de sa force de dissuasion nucléaire pour l'autodéfense.
Il est absolument intolérable que la provocation politique irréfléchie du G8 qui viole la souveraineté sacrée de la RPDC se soit ancrée dans cette mauvaise habitude de soutenir la politique hostile des Etats-Unis vis-à-vis de la RPDC, au mépris de la justice et de la vérité.
Nous allons courageusement contrecarrer toutes les obstructions des forces hostiles en continuant à exercer légitimement notre droit souverain de lancer des satellites afin de satisfaire les besoins indispensables qu'exige l'édification d'une puissance économique.
Nous avons eu accès à la dissuasion nucléaire pour l'autodéfense à cause de la politique hostile des Etats-Unis visant à étouffer la RPDC par la force et nous allons l'étendre et la renforcer sans relâche aussi longtemps que cette politique hostile continuera.
Il existe toujours le moyen de régler la question nucléaire dans la péninsule coréenne de manière pacifique à travers le dialogue et les négociations, mais il sera toujours impossible d'emprunter cette voie tant que les Etats-Unis ne renonceront pas en pratique à leur politique hostile vis-à-vis de la RPDC.
Il y a plusieurs semaines, nous avons informé le côté américain que nous nous cantonnons à des actions concrètes même si nous ne sommes plus tenus de respecter l'accord du 29 février entre la RPDC et les Etats-Unis, en prenant en compte les inquiétudes exprimées par les Etats-Unis, en vue de garantir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne, nécessaires pour pouvoir concentrer tous les efforts sur le développement pacifique.
Depuis le début, nous n'avons jamais considéré une mesure militaire telle qu'un essai nuclaire car nous avions prévu de lancer un satellite scientifique et technique avec des intentions pacifiques.
Il y a un proverbe qui dit "celui qui vit mal, la peur le suit". Les Etats-Unis qui ont mené une action illégale telle que faire mention de la RPDC au sujet de son lancement d'un satellite à des fins pacifiques parlent maintenant d'un "essai nucléaire" dans le but de pousser à la confrontation.
Si les Etats-Unis persistent dans leurs actions visant à accroître les sanctions et les pressions sur nous malgré nos efforts épris de paix, il ne nous restera pas d'autre choix que de prendre des contre-mesures d'autodéfense. »
Dans sa déclaration du 22 mai 2012, le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée entend ainsi résoudre les différends dans la péninsule coréenne par la voie du dialogue, mais elle n'abandonnera pas sa force de dissuasion nucléaire tant que les Etats-Unis et leurs alliés maintiendront une politique hostile à son égard. Cette déclaration du ministère des Affaires étrangères nord-coréen a été publiée en réaction à la déclaration, trois jours plus tôt, des dirigeants du G8, qui ont fait part de leur « préoccupation » face aux « provocations » nord-coréennes. Les Etats membres du G8 ont ainsi condamné le lancement d'un satellite d'observation par la RPD de Corée le 13 avril dernier (ce lancement a échoué), tout en mettant Pyongyang en garde contre un nouvel essai nucléaire que des médias annoncent comme imminent depuis des semaines, sur la base de photos satellitaires rendues publiques par les services de renseignement américains. Ce n'est pas la première fois que les services secrets américains, profitant de leur position privilégiée d'information sur la Corée du Nord, tentent de peser sur la diplomatie des Etats-Unis par médias interposés.
Or l'hypothèse d'un nouvel essai nucléaire a du plomb dans l'aile. Tout en réaffirmant son droit à une utilisation de l'espace à des fins pacifiques pour devenir une puissance économique, et en annonçant le lancement d'autres satellites artificiels, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a déclaré ne pas envisager de mesure militaire telle qu'un essai nucléaire. La RPD de Corée a ainsi condamné comme le signe d'une politique hostile à son encontre les accusations formulées par les Etats-Unis et d'autres puissances, selon lesquelles la RPDC s'apprêterait à procéder à un troisième essai nucléaire après ceux d'octobre 2006 et mai 2009. La déclaration a dissocié clairement les recherches spatiales et le programme nucléaire militaire nord-coréen - destiné à prévenir toute attaque par une puissance étrangère et à sanctuariser le territoire national, suivant une approche rappelant la doctrine française de dissuasion.
Selon Pyongyang, en parlant d'essai nucléaire nord-coréen, les Etats-Unis s'inscrivent dans une logique de confrontation. Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a déclaré être ouvert au dialogue et aux négociations pour résoudre la question nucléaire et créer un climat de détente en Corée, à condition que les Etats-Unis abandonnent par des actes concrets leur politique hostile. Dans sa conclusion, la déclaration nord-coréenne a précisé que, a contrario, si les Etats-Unis persistent dans une logique de pressions et de sanctions, il n'y aura pas d'autre option pour la RPD de Corée que de prendre des contre-mesures visant à assurer sa propre défense. Les termes n'en sont pas précisés, mais il pourrait alors être envisagé soit un nouvel essai nucléaire, soit un test de missile balistique intercontinental.
L'Association d'amitié franco-coréenne a toujours déploré la politique de sanctions comme ne pouvant qu'engendrer un cycle d'escalade des tensions, ce qui n'est pas dans l'intérêt de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne. En renonçant dans l'immédiat à tout nouvel essai nucléaire, Pyongyang lance une offre de dialogue. Alors que la déclaration du ministère nord-coréen des Affaires étrangères fait état d'une telle proposition formulée auprès des Américains il y a plusieurs semaines, le choix de Pyongyang d'en rendre compte publiquement indique que la déclaration du G8 n'a pas été à la hauteur de ses attentes ; en l'absence de geste américain, la Corée du Nord indique aussi publiquement qu'elle envisage de répondre par des « contre-mesures » .
Jusqu'à présent, la politique de confrontation prônée par les néoconservateurs américains n'a produit aucun des résultats escomptés par ces derniers. Ce constat donne toute sa place à la résolution de la question nucléaire par la voie du dialogue et des négociations, dont le succès à long terme exige toutefois de renouer des relations de confiance entre les différentes parties, ce qui exige des concessions réciproques.
Sources :
KCNA, "Declaration of G8 Summit Pulling up DPRK over Satellite Launch Refuted", 22 mai 2012
Xinhua, « Pyongyang nie vouloir mener des essais nucléaires » , 22 mai 2012
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