Pour la deuxième fois après une interruption de six ans, la République de Corée (du Sud) a décidé d'installer et d'illuminer un immense arbre de Noël, haut de 29 mètres, surmonté d'une croix chrétienne, sur une colline située à proximité de la DMZ. La portée de cette provocation savamment calculée doit être replacée dans le contexte de la lutte contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) engagée par l'extrême-droite religieuse sud-coréenne, à l'origine du sapin de la discorde.
Vue d'Occident, où la symbolique des arbres de Noël a beaucoup perdu de sa puissance, l'affaire pourrait prêter à sourire. Mais dans le contexte de la division de la péninsule coréenne, toujours techniquement en état de guerre depuis l'armistice ayant mis fin à la guerre de Corée en 1953, le symbole est loin d'être innocent. En choisissant d'ériger une tour de métal haute de 29 mètres en forme de sapin, garnie de lampions, et surmontée d'une croix à proximité immédiate de la DMZ, le gouvernement sud-coréen fait coup double : il nargue le Nord et fait plaisir aux groupes religieux les plus extrémistes, les mêmes qui sont engagés sur d'autres fronts dans une guerre psychologique contre la RPDC.
Le gouvernement nord-coréen a réagi très vivement, déclarant sur le site Uriminzokkiri : "Les va-t-en-guerre ennemis (...) devraient être conscients qu'ils seront tenus entièrement responsables de toute conséquence imprévisible que pourrait entraîner leur entreprise".
Pour ceux qui ont visité la DMZ, cette histoire peut rappeler celle des porte-drapeaux, toujours plus hauts, installés par le Nord et le Sud de part et d'autre de la DMZ, dans une compétition où le Sud avait fini par renoncer à l'emporter. Mais les soldats américains et sud-coréens qui font visiter la DMZ ne manquent jamais de moquer la hampe de la RPDC plus haute : mais si l'enjeu est à ce point dérisoire, pourquoi alors avoir choisi d'ériger un sapin de Noël métallique de 29 mètres, sur l'une des plus hautes collines situées à proximité de la RPDC ?
Enfin, tout étranger à Séoul ne peut qu'être frappé de la concurrence entre croix lumineuses, en haut de bâtiments toujours plus hauts, qui illuminent la capitale sud-coréenne la nuit. Le sapin de Noël de la DMZ relève de la même volonté : en imposer à tous, en faisant de la tour métallique largement visible au Nord un symbole religieux assumé.
Car le gouvernement sud-coréen veut plaire aux groupes religieux extrémistes protestants sud-coréens, qui sont un des soutiens indéfectibles du Grand parti national, au pouvoir à Séoul. Certaines de ces églises sont engagées dans une guerre psychologique bien tangible, à la frontière sino-coréenne : récupérer les Nord-Coréens présents en Chine, leur inculquer la foi chrétienne à coup de cours accélérés de catéchisme pendant de longues heures chaque jour, et enfin les inviter à propager leurs idées en RPD de Corée. Avec sa croix juchée au sommet, l'immense sapin de Noël relève du même esprit de croisade, en étant situé à seulement trois kilomètres du Nord et à portée de tirs des soldats nord-coréens.
Lorsque, en 2004, les deux gouvernements coréens avaient décidé d'arrêter les exercices de propagande, les sapins de Noël du Sud avaient cessé d'être dressés le long de la DMZ, de même que les hauts-parleurs s'étaient tus. En autorisant hier l'envoi de propagande par ballon le long de la DMZ, en relançant aujourd'hui la polémique du sapin de Noël (dont la mise en place avait déjà repris l'an dernier, en 2010), le gouvernement sud-coréen viole en connaissance de cause l'accord de 2004 - tout en comptant sur l'ignorance de la situation coréenne par les médias occidentaux pour qu'ils reproduisent les argumentaires du gouvernement et de l'armée de Corée du Sud.
Sources : AAFC, 24 heures, Urinminzokkiri. Photo Big Browser.
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