En République de Corée (du Sud), les partis ont désormais leurs regards tournés vers les élections locales (régionales et municipales) qui auront lieu dans moins de 100 jours, le 4 juin 2014. Alors que l'ancien candidat indépendant à l'élection présidentielle, Ahn Cheol-soo, a créé sa propre formation politique - le Parti pour une nouvelle vision politique - l'opposition démocrate apparaît affaiblie face aux conservateurs qui ont su imposer leurs thèmes dans le débat politique.
Selon Lee Taek-soo, directeur du principal institut de sondage indépendant des partis politiques (Real Meter), le Parti Saenuri (conservateur) de la Présidente Park Geun-hye aborde en relative position de force les élections locales du 4 juin prochain. S'agissant des 17 élections régionales, le Parti Saenuri est favori des sondages dans 9 provinces ou villes-provinces (nettement à Daegu, dans le Gyeongsang du Nord et du Sud, à Busan, Ulsan, Daejeon et Sejong, avec une avance plus étroite dans la province de Gyeonggi et l'île de Jeju) ; le Parti démocrate, principal parti d'opposition (centre-gauche), dispose d'une nette avance à Séoul et dans la province de Gangwon, et est légèrement en tête à Incheon et dans les provinces du Nord et du Sud Chungcheong, à Gwangju, et dans le Jeolla du Sud. Le Parti pour une nouvelle vision politique (PNVP) d'Ahn Cheol-soo l'emporterait dans la province du Jeolla du Nord. A Séoul, les démocrates sont favoris pour conserver la mairie.
Alors que Ahn Cheol-soo s'était finalement retiré de la course à l'élection présidentielle de 2012, sa décision récente de lancer une nouvelle formation politique, le PNVP, si elle attire des déçus de l'ensemble des partis traditionnels, a toutefois tendance à affaiblir d'abord l'opposition démocrate qui ne semble pas en mesure, à ce jour, de rééditer son succès des élections locales de 2010. Le scrutin majoritaire à un tour, en vigueur en Corée du Sud, a des effets potentiellement dévastateurs sur l'opposition. La popularité du PNVP apparaît ainsi proche de celle du Parti démocrate, selon Real Meter.
Plusieurs facteurs sont de nature à expliquer la contre-performance attendue des démocrates. Face à une présidente qui continue de bénéficier d'un taux de popularité élevé (55 à 57 %), les démocrates conduits par Kim Han-gil ont choisi d'éviter la confrontation avec le pouvoir. Alors que des voix nombreuses s'étaient élevées contre les conditions d'élection de Mme Park Geun-hye, avec l'appui massif des services de renseignement sud-coréens, Kim Han-gil s'est contenté de demander des excuses de Mme Park. Quand le député d'opposition de gauche Lee Seok-ki a été condamné à 12 ans de prison à l'issue d'un procès très contesté, le Parti démocrate a affirmé qu'il respecterait le verdict, malgré les doutes qu'il a exprimés sur la procédure judiciaire. C'est pourquoi le PNVP apparaît, pour de nombreux Sud-Coréens, comme plus à même que l'opposition démocrate de renouveler le système politique.
Ne disposant que d'une majorité étroite au Parlement, Mme Park Geun-hye a aussi eu l'intelligence tactique de composer avec l'opposition démocrate, parvenant ainsi à imposer ses thèmes dans le débat politique. En particulier, le Parti démocrate a révisé son approche des relations Nord-Sud suivant une ligne plus critique du Nord, en rupture avec la politique du "rayon de soleil" conduite par les anciens présidents démocrates Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun.
Alors que le chef de l'Etat sortant n'est pas autorisé à se représenter immédiatement en Corée du Sud, ne doit-on pas s'attendre à la réédition d'un scénario ancien des conservateurs, consistant à diviser - voire à rallier - une partie de l'opposition, pour rester au pouvoir ? C'est ce qui avait conduit la junte militaire à soutenir, en 1992, l'ancien opposant rallié Kim Young-sam, premier président civil élu depuis 1960, face à Kim Dae-jung. Mais rien ne garantit, à ce stade, que la base démocrate pourrait accepter un remake du film présidentiel de 1992. Le Parti démocrate pourrait aussi choisir de se doter de dirigeants plus combatifs, davantage convaincus qu'il est dans le rôle de l'opposition, comme dans tout système démocratique arrivé à maturité, de faire entendre une voix critique face à la majorité.
Sources : AAFC, Hankyoreh (dont photo).
Mise à jour du 2 mars 2013 : le 2 mars 2013, Kim Han-gil, qui dirige le Parti démocrate, et Ahn Cheol-soo, président du comité de gestion central du Parti pour une nouvelle vision politique, ont annoncé un accord en vue de créer une seule formation politique (source : Yonhap). Cette nouvelle modifie radicalement le paysage politique en vue des élections locales du 4 juin prochain et de l'élection présidentielle de 2017, en renforçant les chances de l'opposition de remporter ces scrutins et en éloignant la possibilité d'un scénario comparable à celui de 1992, ayant vue certains opposants rallier la majorité conservatrice. L'AAFC reviendra sur les évolutions de la politique sud-coréenne dans ses prochaines éditions.
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