Dans un rapport publié le 15 juillet 2010, Amnesty International a dressé un tableau très sombre du système de santé en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), qui tranche nettement avec celui dressé dans un autre rapport, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), suite au déplacement en Corée du Nord, en avril, de Mme Margaret Chan, directeur général de l'OMS. L'AAFC, dont des délégations ont pu visiter des établissements de santé en Corée du Nord lors de plusieurs de ses déplacements, fait le point.
Dans son rapport sur l'état de santé en Corée du Nord, Amnesty International s'alarme : des interventions chirurgicales sans anesthésie, une pénurie de médicaments mettant à mal le principe de gratuité du système de santé, une recrudescence des maladies chroniques, un manque de désinfectants, la circulation de médicaments frelatés, souvent originaires de Chine...
Lors de sa visite en RPD de Corée, Mme Margaret Chan, directeur général de l'OMS, avait dressé un bilan apparemment tout autre du système de santé nord-coréen, en relevant un taux élevé d'immunisation, un réseau efficace de maternités et de services pédiatriques, le traitement avec succès de la tuberculose et la réduction du nombre de cas de malaria. Les autorités nord-coréennes ont mis en place un encadrement médical important, le réseau primaire de santé comportant un médecin pour 130 familles.
Alors, qui croire ? Les experts de l'OMS soulignent les biais méthodologiques de l'enquête d'Amnesty International : "le rapport d'Amnesty International n'est pas scientifique. Il est basé sur quelques témoignages de personnes qui ont quitté la RPDC depuis des années, et il ne fait pas état des améliorations récentes", a déclaré M. Paul Garwood, porte-parole de l'OMS (photo Nations Unies).
Mme Margaret Chan a pu, à la différence des membres d'Amnesty International, se rendre en Corée du Nord, et pas seulement dans sa capitale, Pyongyang. Elle a visité notamment l'hôpital de Ryongsan, dans le comté de Junghwa de la province du Hwanghae du Nord. Par ailleurs, l'OMS dispose d'éléments de comparaison internationale. Alors que l'espérance de vie reste le meilleur indicateur de l'état de santé d'une population, celle-ci s'élève à 69,3 ans en RPD de Corée, soit vingt-cinq ans de plus que les pays les moins bien lotis au monde, en Afrique subsaharienne.
Si Amnesty International a dressé une situation alarmiste du système sanitaire nord-coréen traduisant des maux anciens après les difficultés économiques nées des catastrophes naturelles des années 1990, ceux-ci n'ont pas encore disparu : l'OMS observait la nécessité de moderniser les équipements et d'améliorer l'accès aux médicaments, tandis que la situation alimentaire précaire se traduit, notamment, par la naissance d'enfants souvent en sous-charge pondérale.
Lors de la visite de délégations en RPD de Corée, l'AAFC a pu constater à la fois l'existence d'établissements de haut niveau, comme la maternité de Pyongyang, le recours efficace à la médecine traditionnelle, et les limites nées du manque d'équipements et de médicaments, y compris pour l'approvisionnement électrique. La Corée du Nord utilise au mieux ses ressources, humaines et financières, mais celles-ci restent limitées. Par ailleurs, la désorganisation des marchés suite aux réformes économiques et monétaires engagées fin 2009 a accru les aléas dans l'accès aux médicaments et aux produits alimentaires de base. Enfin, alors que la Corée du Sud dispose de surplus de céréales évalués à 1,4 million de tonnes, le gouvernement Lee Myung-bak préfère manier l'arme alimentaire vis-à-vis de ses compatriotes du Nord. Pour sa part, le Programme alimentaire mondiale n'a obtenu des Etats donateurs que les deux tiers des 500 000 tonnes de céréales promises pour 2010.
Face à ces défis, le gouvernement nord-coréen a privilégié les coopérations de projets, sur le modèle par exemple de la formation en France de médecins nord-coréens par le Secours populaire français. Si elle émet de sérieux bémols sur la méthodologie suivie par Amnesty International dans la conduite de son enquête sur la santé en Corée du Nord, l'AAFC rejoint cette conclusion : la coopération internationale avec les Nord-Coréens, dans le domaine de la santé comme de l'agriculture, doit être déliée de toute considération politique.
Sources : AAFC, Philippe Pons, "Amnesty International s'alarme de l'état sanitaire de la Corée du Nord", in Le Monde, 18 et 19 juillet 2010, p. 6.