Le 3 septembre 2011, Alain Marleix, responsable des élections à l'Union pour un mouvement populaire (UMP), a déclaré à propos de Jean-Vincent Placé, candidat d'Europe Ecologie-les Verts aux élections sénatoriales le 25 septembre prochain dans l'Essonne : "Dans l’Essonne, notre Coréen national, Jean-Vincent Placé, va avoir chaud aux plumes !" Des propos largement condamnés par la classe politique française, et qui ont légitimement indigné Jean-Vincent Placé. Ce dernier envisage de porter plainte après avoir répondu sur Rue89 : "C'est un scandale absolu, et je suis rarement scandalisé. Aujourd'hui il s'agit de moi, mais demain il dira de Manuel Valls 'notre Espagnol national' ou de Rachida Dati 'notre Marocaine nationale', ou encore de Rama Yade 'notre Sénégalaise nationale'. (...) Le fait d'être coréen n'est bien sûr pas une infamie. Mais tout simplement, je suis français depuis 36 ans et uniquement français". L'Association d'amitié franco-coréenne comprend et partage l'indignation de Jean-Vincent Placé, condamnant fermement la stigmatisation d'une partie de nos concitoyens : comme Jean-Vincent Placé, né en 1968 à Séoul, en Corée du Sud, puis adopté par un couple de Français en 1975, plus de 11.000 Français sont d'origine coréenne et ont toute leur place dans la République française, n'en déplaise à M. Marleix.
Au lendemain de la guerre de Corée (1950-1953), de nombreux enfants coréens, orphelins, ont été adoptés par des couples occidentaux. L'adoption s'est poursuivie ensuite, dans un contexte où la Corée du Sud était encore un pays pauvre : les orphelinats sud-coréens ont continué d'accueillir des enfants, notamment, de familles pauvres ou de mères célibataires, alors que l'interruption volontaire de grossesse reste aujourd'hui très restreinte. On compte aujourd'hui plus de 11.000 Français adoptés d'origine coréenne, dont certains sont devenus des figures publiques. Parmi eux, Jean-Vincent Placé, responsable national d'Europe Ecologie-les Verts et vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, a de fortes chances d'être élu sénateur le 25 septembre 2011.
Dans ce contexte, les propos tenus par Alain Marleix à l'égard de Jean-Vincent Placé sont éminemment choquants. L'élu écologiste a observé : "Qu'est-ce qu'il faut faire pour être français ? Pour certaines personnes, j'ai l'impression qu'avec la gueule que j'ai, je ne serai jamais français (...) J'ai la passion de la France et j'ai un drapeau tricolore dans mon bureau, ce qui m'attire même quelquefois les moqueries de mes camarades écologistes. Je suis extrêmement blessé par ces propos que je trouve inacceptables et honteux".
Parmi les Français d'origine coréenne, certains ont choisi de revendiquer leurs origines, d'autres de considérer qu'ils sont d'abord, sinon exclusivement, français. Une association, Racines coréennes, regroupe notamment des Français d'origine coréenne qui cherchent à retrouver leurs parents biologiques. Ce sont des choix relevant de la vie privée qu'il convient de respecter. Au regard de la loi française, ce sont tous des citoyens français. Au demeurant, le gouvernement sud-coréen ne comptabilise pas aujourd'hui les Coréens adoptés par des couples étrangers parmi l'ensemble des Coréens vivant à l'étranger, même si aujourd'hui ils sont souvent considérés comme de possibles relais de la culture et de l'influence coréennes.
Face aux propos inacceptables de M. Marleix, la pire des réponses serait l'indifférence, dont se nourrit l'intolérance. Car l'histoire multiplie les exemples de stigmatisations fondées sur les origines, indignes de la démocratie et des valeurs républicaines : il y a 70 ans, un président américain ne choisissait-il pas d'enfermer dans des camps ses citoyens d'origine japonaise et coréenne ?
Au-delà de Jean-Vincent Placé, ce sont deux catégories de citoyens français qui sont visées : tous ceux qui sont d'apparence asiatique - et qui, du reste, ont été les oubliés de la promotion de représentants des minorités visibles par les gouvernements successifs de Nicolas Sarkozy - ainsi que les Français adoptés nés dans un autre pays qui la France, dont la citoyenneté française serait donc douteuse aux yeux de M. Marleix et de ses acolytes.
Mais plus largement ce sont toutes celles et tous ceux qui, en France, peuvent également être attachés à un autre pays que la France qui seraient aussi suspectés d'être les représentants d'un prétendu parti de l'étranger. Pour notre part, membres de l'Association d'amitié franco-coréenne, nous sommes fiers d'aimer le peuple coréen et de contribuer, à la mesure de nos forces, à renforcer la solidarité et l'amitié franco-coréennes. Telle est notre conception des valeurs humanistes, qui sont au creuset de la citoyenneté et des principes républicains.
Sources : AAFC, Le Nouvel Observateur, Le Point. Photo Europe 1.
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