Selon les données publiées le 12 juillet 2013 par la Banque centrale de Corée (du Sud), et traduisant les estimations (partiales) de l'agence de renseignement sud-coréenne, l'économie de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) aurait progressé de 1,3 % en 2012. A l'exception de l'année 2008, il s'agit de la meilleure performance économique enregistrée par la Corée du Nord sous un gouvernement conservateur à Séoul, ce qui témoigne de l'accélération du développement économique de la RPDC malgré le maintien de l'embargo et le durcissement des sanctions internationales.
En l'absence de données officielles nord-coréennes, les statistiques sur l'économie de la RPD de Corée publiées par la Banque centrale sud-coréenne sont souvent utilisées comme références par les experts de ce pays, avec un manque désarmant de sens critique. Basées sur des rapports d'experts confidentiels, celles-ci sont en effet revisitées par les services de renseignement sud-coréens et donc largement dépendantes de la politique nord-coréenne du gouvernement sud-coréen et de ses objectifs. Sous les présidences démocrates à Séoul (1998-2008) l'économie nord-coréenne avait enregistré une croissance quasi-continue assez proche du consensus des experts étrangers ayant pu visiter le pays (environ 3 % de croissance en moyenne par an, d'autres estimations tendant à réhausser encore ce taux), alors que a contrario les taux de croissance économique se seraient subitement effondrés - jusqu'à devenir négatifs pendant plusieurs années consécutives - après le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul. Soucieuse d'accréditer sa thèse d'un effondrement de l'économie nord-coréenne, qui sert son objectif de désengagement vis-à-vis du Nord (pourquoi favoriser les échanges intercoréens si la pérennité de la RPD de Corée est en cause ?), la droite sud-coréenne et son appareil de renseignement cherchent en effet à donner une image économique de la RPD de Corée conforme à leurs souhaits, en s'évertuant ainsi à influencer - souvent avec succès - les médias étrangers.
Dans ce contexte, il est intéressant d'observer que, selon les statistiques publiées le 12 juillet 2013 par la Banque centrale de Corée (du Sud), l'économie nord-coréenne aurait enregistré en 2012 sa plus forte croissance économique (+ 1,3 %) depuis 2008 et le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul, en hausse par rapport à l'estimation des mêmes sources gouvernementales sud-coréennes pour 2011 (+ 0,8 %). Par ailleurs, ces estimations ont été publiées mi-juillet, soit seulement un mois plus tard que lorsque les démocrates gouvernaient à Séoul. Ce changement de calendrier pourrait être le signe de redressements moins importants que les années passées des données brutes - toujours confidentielles - par les services secrets sud-coréens, alors que la nouvelle présidente conservatrice Park Geun-hye entend infléchir la ligne d'intransigeance à l'égard du Nord de son prédécesseur Lee Myung-bak.
En tout état de cause, ces estimations témoignent d'une accélération de la reprise économique en RPDC, après l'effondrement des années 1990, et des limites de la politique économique de sanctions à l'encontre de la Corée du Nord, ce que l'agence Bloomberg a résumé dans le titre de sa dépêche : "la Corée du Nord défie son isolement avec la croissance économique la plus rapide depuis 2008".
Si l'on fait l'hypothèse que les services secrets sud-coréens révisent à la baisse de manière uniforme la croissance économique nord-coréenne, les données sectorielles publiées par la Banque de Corée permettent d'établir une hiérarchie des secteurs économiques à l'expansion la plus rapide. L'agriculture et la pêche auraient enregistré une progression nettement supérieure à la moyenne (+ 3,9 %), imputée à une utilisation accrue des engrais pour la production de céréales. L'élevage porcin et de volailles aurait crû de 12,3 % sur un an. Favorisée par la croissance des industries agro-alimentaires et de cigarettes, la hausse est aussi très supérieure à la moyenne pour l'industrie légère (4,7 %), dont le développement est l'une des priorités affichées des autorités nord-coréennes depuis plusieurs années. Pour l'ensemble de la production minière, le taux de croissance aurait été inférieur à la moyenne nationale (0,8 %), mais la production de charbon aurait crû au même rythme que le reste de l'économie (1,2 %). La construction aurait reculé de 0,8 %, enregistrant le contre-coup logique du boom de la construction en 2011, dans la préparation du centenaire de la naissance du Président Kim Il-sung, célébré en avril 2012 : les étudiants et les fonctionnaires avaient notamment été mobilisés pour l'effort de construction, avant que les premiers ne rejoignent à nouveau les universités à la rentrée scolaire 2012 (laquelle, au Nord de la péninsule, a lieu au printemps).
Plus fiables que les taux de croissance économique, car se fondant sur des statistiques douanières pouvant être plus aisément vérifiées et recoupées par des sources accessibles aux chercheurs, les données relatives au commerce extérieur en 2012 montrent une progression de 9 % sur un an, pour s'établir à 8,8 milliards de dollars (y compris 1,97 milliard de dollars de commerce intercoréen, en hausse de 15 % sur un an). Pour l'année 2013, le commerce intercoréen devrait toutefois nettement baisser suite à la suspension depuis avril des activités de la zone industrielle de Kaesong, qui représente aujourd'hui la quasi-totalité des échanges intercoréens - sans que la réunion Nord-Sud du 10 juillet dernier n'ait permis la reprise attendue de la production, avant une nouvelle réunion à ce sujet programmée le 15 juillet.
Ces données commerciales ne correspondent cependant qu'à des estimations, le commerce extérieur nord-coréen étant traditionnellement sous-évalué par les sources publiques sud-coréennes par rapport à d'autres sources occidentales et chinoises.
Sources : AAFC, Bloomberg.