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5 novembre 2009 4 05 /11 /novembre /2009 21:47

Le 15 octobre 2009, la commissaire européenne au Commerce, Mme Catherine Ashton, et le ministre sud-coréen du Commerce, M. Kim Jong-hoon, ont signé un accord de libre-échange qui, en prévoyant l'abolition des droits de douane sur 97 % des produits échangés dans un délai de vigueur, est le plus important accord de libre-échange depuis la conclusion, en 1994, de l'accord de libre-échange nord-américain (North American Free Trade Agreement, NAFTA) entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Si la Commission européenne estime - de manière optimiste - à 31 milliards d'euros les débouchés nouveaux pour les exportateurs européens et sud-coréens, les syndicats et certaines professions - comme les constructeurs automobiles européens - dénoncent les conséquences selon eux néfastes de cet accord, qui reste encore à être approuvé par le Parlement européen, l'Assemblée nationale coréenne (Gukhoe) et les Parlements des 27 Etats membres de l'Union europénne (UE).

A l'issue de plus de deux ans de négociations, et de huit séries de négociations, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud a été signé à Bruxelles, le 15 octobre 2009, entre Mme Catherine Ashton, commissaire européenne au Commerce,  et M. Kim Jong-hoon, ministre du Commerce de la République de Corée (du Sud) (photo : service audiovisuel de la Commission européenne). La Commission européenne ne cache pas sa satisfaction d'avoir rattrapé les Etats-Unis dans leurs négociations commerciales avec la Corée du Sud : signé en avril 2007, l'accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Corée du Sud n'est toujours pas entré en vigueur, en raison notamment de l'opposition du Congrès américain. Si le nouvel accord doit encore être approuvé par le Parlement européen, l'Assemblée nationale sud-coréenne et les Parlements des 27 Etats membres de l'Union européenne (UE), l'optimisme prévaut : Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat française au Commerce, envisage une entrée en vigueur dès l'été 2010.

Alors que les échanges commerciaux entre l'Union européenne et la Corée du Sud ont atteint 65 milliards d'euros en 2008 (se répartissant entre 39,4 milliards d'euros d'exportations sud-coréennes vers l'UE, et 25,6 milliards d'euros d'exportations européennes vers la Corée du Sud, plaçant ainsi l'UE au deuxième rang des partenaires commerciaux de la Corée du Sud, derrière la Chine), la Commission européenne estime que le nouvel accord, en prévoyant la suppression des droits de douane sur 97 % des produits échangés (ainsi que la levée de barrières dites non tarifaires, correspondant notamment à des normes sanitaires et techniques) dans un délai de cinq ans, génèrera 19 milliards d'euros de débouchés commerciaux nouveaux pour les entreprises européennes, et 12 milliards d'euros d'exportations supplémentaires pour les entreprises sud-coréennes. Ces prévisions sont fondées sur la suppression attendue de 1,6 milliard d'euros de droits de douane sud-coréens et de 1,1 milliard d'euros de droits de douane européens. Ces chiffres ont toutefois été établis au début des négociations, et sont considérés comme particulièrement optimistes par de nombreux experts, d'autant plus qu'ils seront difficilement vérifiables : dans l'évolution des échanges commerciaux entre l'Union européenne et la Corée du Sud, quelle sera la part imputable à l'effet-prix dû exclusivement à la diminution des droits de douane, ou à la levée de barrières non-tarifaires ? Seules les pertes de recettes fiscales sont certaines.

Au moment où la crise internationale vient rappeler les limites des fondamentaux du libre-échangisme (à l'origine, par exemple, de la dépendance économique de nombreux pays du Tiers-Monde anciennement colonisés), l'accord de libre-échange soulève de nombreuses critiques. Alors que la balance commerciale entre la Corée du Sud et l'Union européenne est déjà lourdement déficitaire (- 13,8 milliards d'euros en 2008) au détriment de l'UE, les constructeurs automobile européens - qui forment l'un des principaux secteurs industriels pourvoyeurs d'emplois, et sont aussi l'un des plus sensibles à la conjoncture économique - considèrent qu'ils seront lourdement pénalisés par la suppression annoncée de 10 % des droits de douane sur les voitures coréennes, et de 8 % sur les voitures européennes. A l'appui de leurs analyses, ils observent que, en 2008, l'Union européenne a importé 450.000 voitures sud-coréennes, et exporté seulement 33.000 véhicules (soit seulement 3 % du marché automobile domestique) au pays du Matin calme.

Les menaces ne portent pas seulement sur l'emploi, mais également sur les services publics :
selon la centrale syndicale sud-coréenne KCTU, l'accord de libre-échange va livrer à la concurrence européenne les services publics sud-coréens de l'eau, de l'électricité, du gaz, de la santé et de l'éducation. La KCTU rappelle, par exemple, que la privatisation de l'eau a conduit à une explosion des prix dans de nombreux pays en développement, tout en menaçant la santé et la vie des citoyens : en Philippines, l'accès à l'eau potable est désormais limité à quatre heures par jour, et le manque d'entretien du réseau d'assainissement a entraîné la mort de 300 personnes, victimes du choléra.

Enfin, les services culturels seront davantage soumis à la logique de profit du secteur marchand, en application d'un protocole sur la coopération culturelle pour le moins ambigu.

Si les gouvernements européens espèrent coiffer sur le fil les Etats-Unis dans la ratification de l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud, les critiques attendues de larges pans de l'opinion publique vont compliquer la procédure parlementaire dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne et en Corée du Sud, hypothéquant tout pronostic d'entrée en vigueur de l'accord.

Sources : AAFC, Les Echos (édition du 15 octobre 2009), Europa (édition du 15 octobre 2009), Le Figaro (édition du 16 octobre 2009)

Autres articles sur les relations entre l'Union européenne et la Corée :
-
Sommet Chine - Union européenne : désaccord sur la Corée du Nord (21 mai 2009)
-
La Corée du Nord, test pour une politique étrangère commune de l'UE (1er novembre 2008)
-
Le "non" de la KCTU à l'accord de libre-échange Europe-Corée (28 juin 2008)

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