Après une montée des eaux du fleuve Imjin ayant causé six morts en Corée du Sud, la Corée du Nord a expliqué avoir dû libérer d'urgence les eaux d'un barrage sur le fleuve pour des raisons de sécurité. Le gouvernement sud-coréen a réagi vivement en réclamant des excuses de Pyongyang, qui s'est engagé, pour l'avenir, à informer plus amplement Séoul. Dix jours après cet incident tragique, l'AAFC a souhaité apporter des éléments d'analyse complémentaires, qui pointent également les responsabilités des autorités sud-coréennes dans la gestion de la crise, et appelle à mettre en oeuvre un accord de coopération intercoréenne pour que de tels drames ne se reproduisent plus.
C'est un événement tragique, qui pourrait avoir aussi de graves conséquences sur les relations intercoréennes dans un contexte pourtant porté à la détente : six Sud-Coréens sont morts après une montée des eaux du fleuve Imjin le 6 septembre dernier, en raison de la libération de 40 millions de tonnes d'eau à un barrage situé au Nord de la péninsule. Le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a expliqué avoir dû procéder ainsi pour des raisons de sécurité, compte tenu de la montée des eaux en amont du barrage : les autorités de la République de Corée (du Sud) n'ont pas été satisfaites de ces déclarations, exigeant des excuses et menaçant de saisir les tribunaux internationaux pour violation du droit coutumier. La presse, largement acquise au gouvernement conservateur de Lee Myung-bak, a abondé en son sens, en parlant d' "arme de l'eau" et en suggérant ainsi une volonté intentionnelle de Pyongyang. De même, il a été abondamment souligné que des soldats nord-coréens avaient quitté la zone peu auparavant. Cette présentation, partielle et partiale, omet toutefois les responsabilités que porte également le gouvernement sud-coréen.
Tout d'abord, la thèse d'une volonté intentionnelle de la Corée du Nord n'est pas crédible : elle ne tient compte ni des gestes récents de détente accomplis par Pyongyang, ni d'une réaction différente à celle observée par le passé dans de précédents situations similaires. Lors des lâchers d'eau qui ont eu lieu presque chaque année depuis 2001 dans la région de Paju-Yeoncheon, Pyongyang n'a pas informé Séoul : manifestement soucieux de ne pas dégrader les relations intercoréennes, le gouvernement nord-coréen a fourni cette fois-ci des explications dans des délais rapides et s'est engagé, pour l'avenir, à prévenir préalablement Séoul. Enfin, l'évacuation par la Corée du Nord de ses ressortissants de la zone concernée, située à proximité de la DMZ - en l'occurrence, des militaires - est une réaction normale de gestion de ses ressortissants par un Etat en cas de crise.
Certes, Pyongyang ne s'est pas soucié des possibles conséquences sur des civils sud-coréens en dehors de son territoire, mais ceux-ci n'auraient pas dû être présents aux abords du fleuve Imjin au moment du lâcher des eaux. Que faisaient les victimes, des campeurs, dans une zone à risque, de surcroît la plus militarisée au monde ? Pourquoi les systèmes d'alerte en cas de crise n'ont-ils pas fonctionné à Séoul ? Comme le reconnaît la chaîne de télévision et de radio sud-coréenne KBS, "il ne faut pas oublier non plus la responsabilité des autorités sud-coréennes qui n’ont pas su réagir rapidement au moment de l’accident". Les autorités de Séoul ont d'ailleurs reconnu implicitement n'être pas préparées à de telles situations, en annonçant l'accélération des travaux de construction d'autres barrages sur le fleuve Imjin.
Si le gouvernement sud-coréen a été en mesure d'observer - probablement par satellite - l'évacuation de ses soldats par Pyongyang dans les zones concernées, il avait également les moyens de suivre la montée des eaux en temps réel, pour parer à la tragédie qui a eu lieu. Enfin, si Pyongyang n'a pas voulu donner plus de détails sur les raisons qui l'ont conduit à lever un barrage, une enquête sud-coréenne est en cours. Alors que ses résultats n'ont pas encore été rendus publics, le gouvernement sud-coréen, soucieux de rejeter la faute sur Pyongyang, n'a pas remis en cause les raisons invoquées par le Nord. Cette (non-)réaction est le meilleur indice que Séoul dispose certainement d'informations sur la montée des eaux en d'autres points du fleuve Imjin, ayant conduit la Corée du Nord à la réaction d'urgence de libérer les eaux du fleuve.
L'AAFC regrette profondément la perte de vies humaines. Notre conviction est que de tels drames ne doivent pas se reproduire : il est temps de mettre en oeuvre un accord sur la prévention des crues du fleuve Imjin, conclu en 2003 lors de la cinquième rencontre du comité de promotion de la coopération économique intercoréenne, et qui prévoit des études conjointes et des systèmes de prévention. L'annonce par le gouvernement nord-coréen qu'il informera Séoul, à l'avenir, des prochaines levées d'eau sur ses barrages, est un premier pas en ce sens. Pour sa part, le gouvernement sud-coréen, confronté à la colère de l'opinion publique, doit tenir compte des intérêts du peuple coréen, et non chercher à éluder ses responsabilités en mettant en cause la Corée du Nord.
Sources : AAFC, AP, KBS (y compris photo), Le Monde
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