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11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 13:35

Le 5 août 2009, l'ancien président américain Bill Clinton était revenu de République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) avec les deux journalistes américaines Laura Ling et Euna Lee, condamnées à douze ans de travaux forcés après leur entrée illégale en Corée du Nord, avant d'être graciées par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il. Leur témoignage était attendu : il a pris plus d'un mois, le temps de négocier (chèrement) les droits avec les médias susceptibles d'être intéressés. C'est le Los Angeles Times qui a finalement obtenu l'exclusivité, au prix fort, pour un témoignage qui témoigne surtout de la naïveté de journalistes qui se veulent grands reporters, tout en ayant mis en péril la vie des personnes qu'elles prétendaient aider. Mais elles ont touché leur obole. Le salaire de l'insouciance.

Il est des reportages dont le prix est indécent, surtout quand il joue avec la vie d'êtres humains. Celui des journalistes américaines Laura Ling et Euna Lee (ici après leur libération), entrées illégalement en Corée du Nord puis graciées par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, relève tristement de cette catégorie.

L'exclusivité vendue au Los Angeles Times n'apprend rien sur la Corée du Nord. Leurs conditions de détention ? Condamnées aux travaux forcés, mais retenues dans des maisons pour invités et donc jamais envoyées en prison, elles avaient déjà tout dit, dès leur libération : il y avait des cailloux dans leur riz. La vie quotidienne en Corée du Nord ? Rien non plus car, nous disent-elles, elles n'auraient passé qu' "une minute" en Corée du Nord. Une minute qu'elles disent devoir regretter toute leur vie. En effet, elles déclarent avoir été poursuivies de l'autre côté du fleuve gelé qui marque la frontière sino-coréenne, ramenées de force en Corée du Nord par les garde-frontières coréens... Un récit touchant qui, malheureusement, ne cadre pas avec la version des autorités chinoises, selon lesquelles les deux journalistes auraient bien été arrêtées en Corée du Nord.

Alors, qui croire ? De fait, non seulement le témoignage de Laura Ling et Euna Lee ne nous apprend rien, mais il masque un certain nombre d'insouciances, si l'on se réfère, cette fois, à ce que nous disent les personnes qu'elles ont rencontrées en Chine.

Elles recherchaient des témoignages de réfugiés économiques nord-coréens en Chine. Le sujet n'est pas nouveau, ni propre à la Corée du Nord : comme dans d'autres parties du monde, les difficultés économiques (en Corée, après 1994) ont conduit des Coréens à aller en Chine, rechercher de la nourriture ou des médicaments, avant que beaucoup ne rentrent dans les années 2000. De nombreuses Nord-Coréennes ont été mariées de force à des Chinois, ou sont tombées dans des réseaux de prostitution. Des ONG, souvent proches des églises protestantes, ont été à la rencontre des Nord-Coréens en Chine, non sans pratiquer une évangélisation accélérée fondée sur un enseignement de la Bible plusieurs heures par jour. En cas de capture par la police chinoise, le rapatriement en Corée du Nord donne lieu à des sanctions plus ou moins sévères, selon les motifs du départ, que celui-ci est temporaire ou définitif, et des contacts pris ou non avec les pasteurs prosélytes sud-coréens. Les témoignages des Nord-Coréens passés définitivement en Chine sont souvent accueillis avec prudence en Corée du Sud, compte tenu de la pratique consistant à monnayer les reportages d'autant plus cher qu'ils sont plus terribles. 

Dans ce contexte, Laura Ling et Euna Lee prétendent avoir effacé la liste de leurs contacts, ainsi que les images de leurs caméras, dès leur arrestation. Comment alors expliquer la fermeture le surlendemain par la police chinoise d'orphelinats clandestins sino-coréens appartenant à une église protestante sud-coréenne, ainsi que la perquisition de la maison du pasteur gérant ces orphelinats ? Ce dernier, expulsé de Chine, raconte : "J'avais fait de mon mieux pour aider ces journalistes venus me voir quelques jours plus tôt (...). Je leur avais demandé de ne pas filmer les enfants. Je ne savais pas qu'elles l'avaient fait tout de même (...) C'est grâce à ces vidéos (les vidéos des journalistes confisquées par les Nord-Coréens), ainsi qu'aux notes et aux listes de contacts des deux journalistes et du réalisateur (qui, avec le guide, avait réussi à échapper aux soldats nord-coréens mais a été arrêté en Chine), que les orphelinats ont été découverts."

Quant au guide sino-coréen qui les a amenées à franchir la frontière - alors qu'elles avaient été mises en garde par leurs contacts protestants sud-coréens contre une telle initiative qui n'aurait, de surcroît, rien apporté de plus à leur reportage - il est soupçonné d'avoir été un informateur des Nord-Coréens. A supposer que cette hypothèse soit vraie, elle ne serait qu'un témoignage supplémentaire de la naïveté de Laura Ling et Euna Lee. Par leur insouciance, celles-ci n'ont gagné qu'à mettre en danger la vie d'autrui, quand la décence - à défaut de leur bonne foi, mise en doute - aurait commandé d'éviter la publication d'un témoignage accablant... pour la profession de journaliste.

Source : AAFC,
Le Monde (Philippe Pons, "Deux héroïnes très contestées")

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