A sept jours des élections législatives japonaises qui devraient voir le succès du Parti démocrate du Japon (PDJ, opposition centriste), Yukio Hatoyama, président du PDJ, a déclaré sur le chaîne Fuji TV qu'il était favorable au "dialogue et à la coopération" avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), dans un contexte marqué par le réchauffement des relations de Pyongyang avec Washington et Séoul. Cette position tranche avec celle de son prédécesseur à la tête du PDJ, et surtout avec l'intransigeance du Premier ministre sortant, Taro Aso (Parti libéral-démocrate, conservateur).
Alors que les rencontres de Bill Clinton et de Mme Hyun Jeong-eun, présidente de Hyundai, avec Kim Jong-il, président de la Commission de la défense nationale de la RPD de Corée, augurent d'une reprise du dialogue à la fois entre les Etats-Unis et les deux Corée, le Japon ne pouvait pas rester à l'écart des évolutions diplomatiques en Extrême-Orient, au risque sinon d'être marginalisé.
C'est ce qu'a compris Yukio Hatoyama, président du Parti démocrate du Japon (PDJ, opposition centriste), en déclarant sur la chaîne Fuji TV, le 23 août 2009, qu'il encouragerait "le dialogue et la coopération" avec la Corée du Nord, si sa formation remportait les élections législatives du 30 août, comme le lui prédisent les sondages. Yukio Hatoyama a observé que "même le président Obama a commencé à rechercher le dialogue et la coopération". Prudent sur un sujet extrêmement sensible au sein de l'opinion publique japonaise (qui perçoit négativement la Corée du Nord à une majorité écrasante de 90 %), il n'a toutefois pas exclu la fermeté en cas d'échec du dialogue : "dans la poursuite du dialogue et de la coopération, si la Corée du Nord ne nous écoute pas, nous envisagerons l'adoption de mesures sévères".
Malgré ces nuances importantes, selon des formules qui rappellent celles des démocrates américains avant l'élection de Barack Obama, la position prise par Yukio Hatoyama tranche singulièrement avec celle de son prédécesseur à la tête du PDJ, Ichiro Ozawa, contraint de démissionner en mai dernier suite à un scandale de corruption. Partisan de la fermeté et des sanctions vis-à-vis de Pyongyang, ce dernier avait prôné le rapprochement avec le président sud-coréen Lee Myung-bak, dans une opposition commune à la Corée du Nord. D'importants débats internes au PDJ sont en effet à prévoir, ce parti n'étant pas une formation homogène. Couvrant un large spectre politique, de la droite au centre-gauche, le PDJ est issu du rassemblement de dissidents du Parti libéral-démocrate (PLD, conservateur), au pouvoir àTokyo pratiquement sans interruption depuis 1945, de diverses autres formations minoritaires de droite, et de la majorité de l'ex-Parti socialiste, qui avait été le relais de la RPDC pour les discussions, infructueuses, entre Tokyo et Pyongyang en vue de l'établissement de relations diplomatiques, au début des années 1990.
Pour sa part, Yukio Hatoyama, né le 2 février 1947, est l'héritier d'une riche dynastie politique issue des rangs du PLD, parfois comparée aux Kennedy : son père, Iichirō Hatoyama, a été ministre des Affaires étrangères (1976-1977), son grand-père, Ichirō Hatoyama, a été Premier ministreà plusieurs reprises entre 1954 et 1956, notamment pendant la guerre de Corée, son arrière-grand-père, l'ancien samouraï Kazuo Hatoyama, a présidé la Chambre des représentants de 1896 à 1897. Enfin, le frère de Yukio Hatoyama, Kunio Hatoyama (à droite sur la photo, avec son frère Yukio au centre et leur grand-père, l'ancien Premier ministre Ichirō Hatoyama), a détenu plusieurs portefeuilles ministériels, mais dans des gouvernements PLD, entre 2007 et 2009.
Distancé dans les sondages, le Premier ministre sortant Taro Aso a fait de l'hostilité à la Corée du Nord, présentée comme une "menace", l'un de ses chevaux de bataille au cours de sa campagne. Alors que le Japon, qui a colonisé la Corée entre 1910 et 1945, a procédé à une exploitation économique et humaine de la péninsule au profit de l'empire nippon, en recourant en particulier à la prostitution forcée des "femmes de réconfort", notamment coréennes, les médias japonais publient régulièrement des reportages sur les enlèvements de ressortissants japonais par des agents nord-coréens dans les années 1970 et 1980.
Bien qu'issu du courant nationaliste du PLD, le Premier ministre Jun'ichirō Koizumi, au pouvoir entre 2001 et 2006, avait recherché une normalisation des relations diplomatiques avec Pyongyang, notamment lors de deux voyages en RPD de Corée, en septembre 2002 et mai 2004. Aux "profonds regrets" exprimés par Jun'ichirō Koizumi sur l'attitude japonaise pendant l'occupation de la Corée avaient répondu les "excuses" du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il pour les enlèvements de ressortissants japonais, avec des garanties que de tels événements ne se reproduiraient pas et que les responsables de ces actes avaient été punis. Si cinq ressortissants japonais enlevés survivants avaient ainsi été autorisés à retourner au Japon, les familles des autres personnes disparues, décédées depuis selon Pyongyang, n'avaient pas été convaincues par les arguments nord-coréens. Elles avaient relancé une campagne médiatique à ce sujet, régulièrement épaulées par les Premier ministres conservateurs japonais successifs, confrontés à des taux d'impopularité records. Les essais nucléaires nord-coréens d'octobre 2006 et mai 2009 ont ainsi justifié le régime de sanctions contre la RPDC le plus sévère au monde, ayant notamment visé la minorité nord-coréenne du Japon.
Avec les Etats-Unis et la France, le Japon reste l'un des derniers pays au monde à ne pas avoir établi de relations diplomatiques complètes avec la République populaire démocratique de Corée.
Sources : AAFC, Bloomberg, wikipédia, Hong Nack-nim, "Japanese - North Korean Relation Under the Koizumi Government", in Young Whan-kihl et Hong Nack-nim (sous la direction de), North Korea. The Politics of Regime Survival, East Gates Book, New York, 2006, pp. 161-182.
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