Dans un discours prononcé le 14 août 2009, à l'occasion du 64eme anniversaire de la Libération de la Corée, le président sud-coréen Lee Myung-bak a proposé un dialogue « à haut niveau » entre la Corée du Sud et la Corée du Nord afin de trouver les moyens d'une co-prospérité pour les deux pays. Le président Lee a aussi déclaré que Séoul souhaite convaincre la « communauté internationale » d'aider le Nord si celui-ci abandonne son programme nucléaire.
La RPDC a peu de chances de répondre positivement à cette proposition qui ne fait que reprendre le plan « Vision 3.000 ». Avec le plan « Vision 3.000 », Lee Myung-bak et son très controversé ministre de la Réunification, Hyun In-taek, entendent porter le revenu nord-coréen par habitant à 3.000 dollars en dix ans en échange de la dénucléarisation de la RPDC. Pour la RPDC, ce plan constitue une ingérence insupportable dans ses affaires intérieures, en contravention avec l’esprit des déclarations inter-coréennes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007.
Pour Cheong Seong-chang, directeur des études inter-coréennes à l'Institut Sejong de Séoul cité par l'agence sud-coréenne Yonhap, « il y a une grande continuité dans la politique suivie [par Lee Myung-bak] car sa proposition de dialogue est toujours soumise à la condition que la Corée du Nord renonce d'abord à ses ambitions nucléaires ». Mais, affirme Cheong, « la position fondamentale de la Corée du Nord est de ne pas abandonner ses armes nucléaires tant que les relations entre le Nord et les Etats-Unis ne sont pas normalisées et tant que les Etats-Unis font peser la moindre menace militaire. »
Le président Lee Myung-bak sait donc pertinemment qu'une reprise d'un dialogue « à haut niveau » entre les deux Corée est impossible au regard des conditions actuelles marquées par
- le refus des Etats-Unis de s'engager dans tout dialogue direct avec la RPDC, notamment dans des négociations visant à remplacer l'armistice de 1953 par un véritable traité de paix entre les deux pays,
- le refus de la Corée du Sud d'appliquer les accord inter-coréens du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007.
Négocier un véritable traité de paix dans la péninsule coréenne et mettre en œuvre les accords déjà signés constitueraient – c'est un comble – des propositions authentiquement nouvelles. C'est pourtant par là qu'il faut commencer si on veut résoudre les problèmes de sécurité dans la péninsule coréenne.
Dans son discours du 14 août, Lee Myung-bak a assorti sa reformulation du plan « Vision 3.000 » d'une autre proposition de discussion sur la réduction des armes conventionnelles.
« Comment pouvons-nous parler de réconciliation et de coopération lorsque nous sommes en alerte, avec des millions d'armes pointées l'un sur l'autre? » s'est interrogé le président sud-coréen.
Il est permis de douter de la sincérité de Lee Myung-bak car cette sortie empreinte de pacifisme a eu lieu à quelques heures seulement du début des exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Ulchi Freedom Guardian. Prévus pour durer du 17 au 27 août 2009, ces exercices annuels sont destinés à améliorer l'interopérabilité des forces sud-coréennes et américaines. Environ 56.000 soldats sud-coréens et 10.000 soldats américains doivent y prendre part.
En outre, les exercices Ulchi Freedom Guardian interviennent alors que la RPDC a récemment accompli des gestes de bonne volonté en direction des Etats-Unis en graciant deux journalistes américaines, et en direction de la Corée du Sud en libérant un employé de la société Hyudai Asan.
Dans ce contexte, la RPDC n'a pas tardé à exprimer son mécontentement.
Le porte-parole de la mission de l'Armée populaire de Corée (APC) à Panmunjom, dans la zone démilitarisée séparant les deux Corée, a ainsi déclaré qu'« à travers cet exercice de guerre nucléaire, les maîtres américains et leur serviteurs cherchent ouvertement l'escalade des sanctions et de la pression à l'encontre de la RPDC. » Le porte-parole de l'APC a ajouté que, « si [les Etats-Unis] renforcent les 'sanctions' et poussent la 'confrontation' à un stade extrême, la RPDC réagira par une réplique implacable et une guerre totale pour la justice. »
Au delà de la rhétorique, il est avéré que le Département de la Défense des Etats-Unis envisage sérieusement, au moins depuis 2003, des actions préventives contre la Corée du Nord. L'hebdomadaire américain U.S. News & World Report révélait ainsi en juillet 2003 qu'un plan opérationnel avait été élaboré contre la Corée du Nord à la demande du secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld. [1] Le OPLAN 5030 prévoit notamment des vols de surveillance à la limite de l'espace aérien nord-coréen et des exercices militaires pour mettre les forces armées nord-coréennes « sous pression ». Le OPLAN 5030 prévoit aussi explicitement de poursuivre « une série d’opérations tactiques ne figurant pas habituellement dans les plans de guerre, comme désorganiser les circuits financiers et semer la désinformation.» En l'occurrence, le changement d'administration aux Etats-Unis semble n'avoir rien changé.
Il y a un an, en réaction aux exercices Ulchi Freedom Guardian d'août 2008, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères avait déclaré que « la RPDC augmentera sa force de dissuasion de toutes les manières aussi longtemps que les Etats-Unis et leurs partisans continueront de la menacer militairement. Elle appréciera toutes les questions en donnant d'abord la priorité à la sécurité du pays et prendra les mesures pratiques correspondantes. »
La RPDC avait alors remis en service sa centrale nucléaire de Yongbyon avant de procéder, le 25 mai 2009, à son second essai nucléaire.
[1] Bruce B. Auster et Kevin Whitelaw, « Upping the Ante for Kim Jong Il : Pentagon Plan 5030, a new blueprint for facing down North Korea », U.S. News & World Report, 21 juillet 2003.
Sources : AAFC, AFP, Korea Times, Yonhap - Photos : Reuters
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