Les 15 et 16 mai 2009 s'est réuni à Paris le Tribunal international d'opinion pour les victimes vietnamiennes de l'agence orange (dioxine). A l'issue de 15 heures de déposition, le tribunal a jugé le gouvernement américain et les firmes américaines responsables d'un écocide, qui a touché d'abord les populations et l'environnement du Vietnam. Parmi les victimes figurent également des Sud-Coréens, aussi venus témoigner à Paris : à ce titre, l'AAFC est solidaire des Coréens qui luttent pour la reconnaissance, par les Etats-Unis et les entreprises américaines, de leur exposition à un produit extrêmement dangereux pour la santé humaine.
Entre 1961 et 1971, plus de 72 millions de litres d'herbicide contenant de la dioxine (plus connue sous le nom d'agent orange) ont été déversés sur 2 millions d'hectares de forêts et de rizières, représentant un dixième du territoire vietnamien. Cet écocide a eu des conséquences dramatiques sur la santé d'au moins 3 millions de Vietnamiens, victimes de maladies et de malformations, ainsi que sur l'environnement du pays : en effet, la dioxine reste dans l'environnement pendant des décennies en continuant, aujourd'hui encore, à affecter les fruits et les légumes cultivés dans les sols contaminés durant la guerre.
Afin de soutenir les victimes de l'agent orange, et en l'absence de tout dédommagement aux Vietnamiens par le gouvernement et les entreprises américaines (Monsanto, Dow Chemical, Pharmacia Cop...), un tribunal d'opinion internationale (photo Bellaciao) a été constitué, formé de sept juges internationaux. Il s'est réuni à Paris les 15 et 16 mai 2009 à l'initiative de l'Association internationale des juristes démocrates et l'association française Droit et Solidarité, sous la présidence de Jintendra Sharma, juge de la Cour suprême de Delhi, en Inde, assisté des juges Juan Guzman (Chili), Claudia Morcom (Etats-Unis), Marjorie Cohn (Etats-Unis), Gavril Iosif Chiuzbaian (Roumanie, ancien ministre de la justice), Adda Bekkarouch (Algérie) et Shoji Umeda (Japon). Le rapport de mission a été déposé par le Français Maître Bourdon. Les avocats des plaignants étaient Jeanne Mirer (Etats-Unis) et Roland Weyl (France).
La nocivité de l'agent orange, connue des autorités américaines dans une étude de 1965, est telle que le président Roosevelt en avait interdit l'utilisation par l'armée américaine pendant la Seconde guerre mondiale.
A l'issue de 15 heures de déposition par 27 victimes, veuves de victimes, témoins et experts, originaires du Vietnam, des Etats-Unis et de Corée du Sud, le tribunal d'opinion a rendu son verdict le 18 mai, en considérant que l'utilisation de la dioxine était un crime de guerre (non conforme à la loi internationale d'usage et à la convention de La Haye de 1907) et un crime contre l'humanité (ayant frappé des victimes civiles), en se référant aux principes VI-b et VI-c de Nuremberg. En conséquence, le tribunal a reconnu coupable le gouvernement des Etats-Unis, et les fabricants d'agent orange coupables de complicité, en les appelant à dédommager les victimes et leurs familles, ainsi qu'à réparer les lourds dommages causés à l'environnement, notamment la décontamination des zones situées près des anciennes bases militaires. Pour évaluer le montant des compensations, le tribunal d'opinion a recommandé l'établissement d'une Commission Agent Orange, en précisant que pouvait être pris comme guide, pour le calcul des dédommagements, le montant de l'indemnisation versée chaque année par le gouvernement des Etats-Unis aux vétérans américains de la guerre du Vietnam (soit 1,52 milliard de dollars).
Des anciens soldats coréens prennent toute leur place dans ce combat pour la justice, alors que la Corée du Sud a fourni le plus important contingent de soldats aux côtés des troupes américaines pendant le conflit. Par ailleurs, eux-mêmes et leurs familles ont également été les victimes de l'épandage massif de dioxine. A cet égard, un accord conclu en 1984 et ayant prévu une compensation de 240 millions de dollars, est discriminatoire, en n'indemnisant que des anciens soldats occidentaux (australiens, néo-zélandais, canadiens et américains), à l'exclusion non seulement les Vietnamiens, mais aussi des contingents d'autres pays ayant combattu au Vietnam, au premier rang desquels la Corée du Sud.
L'Association des Vétérans Coréens Handicapés par l'Agent Orange (Korean Disabled Veterans' Association for Agent Orange) lutte pour une juste indemnisation des victimes coréennes. Un succès historique a été remporté en janvier 2006 par 20.000 plaignants sud-coréens devant les tribunaux de leur pays, dans leur procès contre les fabricants de l'agent orange. Mais les entreprises incriminées ont fait appel de ce jugement. 32 vétérans, dont certains en fauteuil roulant, ont ainsi manifesté devant le siège des Nations-Unies le 24 août 2006 (photo Vietnam Agent Orange Relief and Responsability Campaign), en appelant notamment l'attention de la Commission des Nations-Unies pour les droits de l'homme. Les chances de succès final sont en effet très minces sans une forte mobilisation internationale, les tribunaux américains ayant jusqu'à présent toujours rejeté les demandes en indemnisation des victimes de l'agent orange. Les Vietnamiens habitant dans les régions touchées sont pourtant confrontés à des risques accrus de cécité, de diabète, de cancers des poumons et de la prostate, et présentent aussi un plus grand nombre de malformations congénitales. Ces symptômes se retrouvent parmi les anciens soldats américains et sud-coréens ayant combattu au Vietnam et leurs familles.
La Coalition des Associations de combattants coréens victimes de l'Agent orange a fondé une section au Vietnam en mars 2007, présidée par Seo Cheol-jae (photo Vietnam Agent Orange Relief and Responsability Campaign). Dans l’invitation à la cérémonie de création de cette section , à laquelle était présent l’ambassadeur de la République de Corée (du Sud) au Vietnam, il a été déclaré que « pour toutes les tristesses et les souffrances en commun, nous sommes unis comme des compagnons de voyage au-delà de toutes les frontières ». Aux victimes coréennes de la guerre du Vietnam s’ajoutent aussi les soldats sud-coréens qui, en 1968-1969, ont manipulé et déversé de la dioxine au sud de la zone démilitarisée (DMZ).
L'AAFC s'associe pleinement aux associations membres du collectif Vietnam Dioxine qui ont soutenu le procès conduit par le tribunal d'opinion international de Paris, en appelant également à une juste indemnisation des victimes coréennes. A cet égard, elle rappelle sa ferme opposition à l'utilisation de toutes les armes de destruction massive, qu'elles soient chimiques, bactériologiques ou nucléaires.
Sources : Centre de recherche sur la mondialisation, site Bellaciao, Vietnam Agent Orange Relief and Responsability Campaign
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