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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 00:07

Dans un contexte de tensions accrues dans la péninsule coréenne après l'essai nucléaire nord-coréen du 25 mai 2009, quels sont les risques réels de conflit en Corée ? La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) souligne qu'elle renforce ses capacités dissuasives face à l'attitude hostile des Etats-Unis. Pour leur part, les Etats-Unis affirment qu'ils assumeront la défense de leur allié sud-coréen. Si aucune partie ne prétend donc s'inscrire dans une démarche offensive, il n'est pas exclu que, dans l'escalade actuelle où chaque Etat cherche à renforcer ses positions en vue de négociations à venir, des accrochages puissent se produire, et dégénérer. A ce stade, quelle est donc la probabilité d'une (seconde) guerre de Corée ? Nous allons examiner successivement plusieurs scénarios.

Une offensive terrestre de grande envergure
Le scénario d'une attaque terrestre, après le franchissement de la DMZ, reprendrait le schéma de la guerre de Corée (1950-1953). Mais le contexte a radicalement changé : lors de la partition de la Corée après la libération de l'occupation japonaise, les franchissements de la ligne de séparation Nord-Sud ont été fréquents, conduisant à de nombreux accrochages, jusqu'à dégénérer en un conflit ouvert en juin 1950. Le président sud-coréen Syngman Rhee avait alors multiplié les déclarations guerrières, et l'hypothèse d'une guerre était crédible. Actuellement, toutes les forces en présence soulignent qu'elles entendent d'abord se défendre... d'une éventuelle agression. Personne ne semble rechercher un conflit ouvert.

La stratégie américaine de changement de régime passe d'ailleurs plus par des sanctions économiques visant à l'effondrement de la Corée du Nord, que par une guerre coûteuse en vies américaines. Une autre règle de géopolitique tend à vouloir que, plus une zone concentre des armements conventionnels nombreux (comme c'est le cas aujourd'hui de part et d'autre de la DMZ), plus les risques de conflit sont paradoxalement faibles, compte tenu des dommages irréparables d'un affrontement.

Des bombardements américains en Corée du Nord
Dans les années 1990, l'idée d'un bombardement américain de la centrale nucléaire nord-coréenne de Yongbyon avait été avancée, notamment dans les cercles néo-conservateurs. De fait, des attaques aériennes prétendument ciblées ont déjà été expérimentées par Washington par le passé dans d'autres pays du monde, comme la Libye. Ce scénario apparaît aujourd'hui improbable, du moins dans le cas de la Corée du Nord : les tirs de missile de courte portée lors de l'essai nucléaire du 25 mai 2009 montrent que Pyongyang entend prévenir toute attaque de son territoire, qui supposerait une violation de son espace aérien à laquelle les Nord-Coréens réagiraient immédiatement.

Des commandos à Pyongyang ?
L'idée que des commandos puissent se rendre en Corée du Nord, par exemple pour
libérer les deux journalistes américaines récemment condamnées à douze ans de prison pour espionnage, est plus crédible dans le cadre de la lutte contre un acteur non-étatique (comme une guérilla), que dans la guerre faite à un Etat. Si, par le passé, tant le Nord que le Sud ont accusé l'autre partie d'envoyer des commandos de l'autre côté de la DMZ, l'insuccès de telles opérations rend leur probabilité assez faible. S'agissant des journalistes américaines récemment condamnées, des actions de médiation se poursuivent.

Des accrochages en mer de l'ouest
Faute d'entente sur ce point, l'accord d'armistice de 1953 n'incluait pas la ligne de délimitation nord (northern limitary line, NLL, illustration www.globalsecurity.org) dans la mer de l'Ouest entre les deux Corée, laquelle a été définie unilatéralement par les troupes onusiennes sous commandement américain en août 1953. La plupart des îles ont été incluses dans le périmètre sud-coréen, réduisant considérablement l'accès maritime du port de Haeju, au sud-ouest de la Corée du Nord. Depuis 1999, la Corée du Nord a réaffirmé que la délimitation entre les espaces maritimes nord et sud-coréen se situait, selon elle, plus au Sud.

Des accrochages meurtriers ont eu lieu en juin 1999 et en juin 2002, au moment de la saison de la pêche au crabe. Cette année, Pyongyang a à nouveau défini - mais plus au Sud - la zone dans laquelle la Corée du Nord entend intervenir pour la pêche, conduisant les Américains et les Sud-Coréens à accuser Pyongyang, comme en 1999 et en 2002, d'intrusion dans les eaux sud-coréennes,
le 4 juin dernier. Il n'y a toutefois pas eu d'accrochage. La récente déclaration de la Corée du Nord qu'elle ne se considère plus liée par l'accord d'armistice de 1953, après la condamnation de son essai nucléaire, a aussi été interprétée, à Séoul, comme le signe de possibles nouveaux affrontements dans cette zone territorialement disputée, où la Corée du Sud a envoyé des navires en renfort. 

L'arraisonnement de navires nord-coréens
En rejoignant l'initiative américaine de sécurité contre la prolifération des armes de destruction massive (PSI), Séoul a rendu possible d'arraisonner et de fouiller des navires nord-coréens jugés suspects, non seulement dans les eaux territoriales sud-coréennes, mais aussi dans les eaux internationales. Pour Pyongyang, ce serait un acte de guerre.

Un initiative sud-coréenne entraînerait probablement une riposte du navire nord-coréen ainsi visé, d'autant plus - comme nous l'avons vu avec la NLL - que la zone de délimitation des espaces maritimes est contestée.

En conclusion, le contraste entre les réactions, plus mesurées, des Sud-Coréens et celles d'une partie de l'opinion publique en Europe et en Amérique du Nord dans la crise actuelle, peut s'expliquer par une meilleure appréciation des risques de conflit : l'intérêt de toutes les parties est d'éviter une guerre dont les conséquences seraient dramatiques pour les Coréens. Dans le contexte actuel, les risques d'un affrontement limité existent cependant, et le climat de tension ne permet pas d'exclure le principe d'une escalade dans cette hypothèse.
 

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